Sociorama – Encaisser ! par Marlène Benquet & Anne Simon
PRESENCE
VF : Casterman (collection Sociorama)
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Il s’agit d’une bande dessinée en noir & blanc de 160 pages, initialement parue en 2016. Elle a été réalisée par Anne Simon, une illustratrice de livres pour la jeunesse et dessinatrice de bandes dessinées : par exemple Le journal de Miss Pétoche, Où sont passés les princes charmants ?, Einstein. Pour cet ouvrage, elle a adapté une enquête sociologique de Marlène Benquet Encaisser !, mais aussi une partie de Les damnées de la caisse : Enquête sur une grève dans un hypermarché.
Sabrina est mère de 2 enfants, responsable de cette cellule monoparentale, détentrice d’une licence de philosophie. Pour pouvoir élever ses 2 enfants, elle prend un emploi de caissière dans la chaîne de supermarchés Batax. Elle est reçue par madame Vaquin, chef de caisse. Le soir elle lit le dépliant présentant l’historique de la société pendant que son fils fait ses devoirs, et elle découvre la belle vision de l’entrepreneur Luis Mounier, ainsi que l’historique de la chaîne Batax s’inscrivant dans l’Histoire économique et de celle des droits de la femme. Son fils se moque d’elle parce qu’elle a encore des devoirs.
Elle se présente le lendemain à 09h00 pour sa période d’essai. Elle est prise en charge par Christine qui la confie à Nadine pour lui apprendre le métier pendant sa première tranche horaire de travail. Il faut scanner les achats, gérer les problèmes (prix incohérent avec l’affichage, réclamation des clients), prendre sa pause au moment imposé, vérifier qu’il n’y a pas d’articles dissimulés dans le fond d’une poussette, et proposer la carte de fidélité, systématiquement, avec le sourire.
En 2016, Lisa Mandel a lancé la collection Sociorama chez Casterman, en partenariat avec la sociologue Yasmine Bouagga. Le principe de cette collection est d’adapter en bande dessinée des recherches de sociologues. Il ne s’agit pas d’une adaptation littérale de l’ouvrage, ou de vignettes servant à l’illustrer, mais d’une histoire originale permettant d’exposer les éléments de recherche. En ce qui concerne le présent ouvrage, l’auteure a choisi de mettre en scène une femme (Sabrina) faisant ses débuts en tant que caissière. Il y a donc bien une trame narrative dans laquelle elle effectue ses premières fois (gestion des pauses pour aller faire pipi, rencontre avec la déléguée syndicale, problème de transport au vu des horaires tardifs, etc.) qui se prêtent régulièrement à des observations sociologiques sur ce milieu professionnel.
De prime abord, les dessins d’Anne Simon présentent une apparence enfantine, avec des traits mal assurés, des formes pas très précises, des têtes un peu plus grosses que la normale pour attirer l’attention sur les émotions, des proportions bien respectées pour le reste, une apparence sans volonté de séduction ou de dramatisation. Néanmoins, le lecteur constate rapidement qu’Anne Sion utilise de nombreux dispositifs propres à la bande dessinée pour raconter son histoire. Les personnages sont différenciés, et si leur apparence peut être exagérée ou très simplifiée, ils sont tous particuliers. Les expressions peuvent être elles aussi accentuées, et les visages simplifiés (par exemple un simple point pour les yeux), mais leur état d’esprit apparaît clairement au lecteur et ils se conduisent en adulte. La narration se compose à plus de 90% de dialogues, et pourtant elle reste intéressante visuellement. L’artiste sait inclure des détails sur les vêtements, sur les lieux leur agencement, leur mobilier.
Anne Simon utilise également différentes formes de mise en page. Il s’agit d’un ouvrage plus petit qu’une bande dessinée traditionnelle, 16cm * 19cm. Les pages sont souvent structurées sur la base de cases sans bordure, mais en fonction de la nature des séquences, Simon peut intégrer des bordures, faire varier le nombre de cases par page, utiliser un fond noir pour la page (pour les séquences de rêves par exemple). De nombreuses cases sont focalisées sur les personnages en plan taille. Mais là aussi, il peut y avoir des gros plans, ou à l’opposé des vues d’ensemble d’un magasin, d’un supermarché, de l’arrivée des semi-remorques de livraison. Finalement même pour un lecteur peu sensible à ce type de dessin (ou même rétif), la narration visuelle recèle une richesse telle qu’elle rend le récit visuellement intéressant.
Anne Simon a donc l’ambition de transcrire un ouvrage de sociologie, lui-même issu d’une thèse en une histoire. Pour ce faire, elle met en scène le personnage de Sabrina, jeune femme ayant fait des études, arrivant dans une entreprise possédant son histoire. Pour évoquer, cette dernière, elle réalise un fac-similé du livret d’accueil des nouvelles caissières (15 pages, idée aussi efficace que visuelle). Puis le lecteur est amené à suivre la première journée à la caisse de Sabrina, sous le tutorat de Nadine, à voir une discussion entre Julie (une étudiante) et ses copines, et même à suivre monsieur Martin (directeur des ressources humaines France) pendant une trentaine de pages, jusqu’à une action de grève en fin d’ouvrage. Pour un lecteur ne s’étant jamais interrogé sur l’emploi de caissière, il ne découvre pas le savoir-faire du métier, mais un milieu professionnel. Cette histoire ne constitue pas un manuel ou un guide du métier, mais un tour d’horizon du contexte social du métier. L’auteure a pris le parti de ne pas s’attarder sur les chiffres, qu’il s’agisse de salaire ou de bénéfices, ou encore de dividendes. La narration reste dans le registre du vécu, avec des détails très concrets, comme la charge mentale de l’hôtesse de caisse chargée des caisses automatiques, ou la température plus basse pour les caisses à proximité des surgelés.
Pour un lecteur s’étant déjà intéressé à cette filière économique, cet ouvrage peut sembler un peu superficiel, une forme d’initiation au milieu. Il passe en revue de nombreuses dimensions : modalités d’intégration dans l’entreprise, formation en tutorat, relation avec le client et image de marque, historique et valeur de l’entreprise, surveillance des employées, relationnel entre employées, morcellement des périodes de travail, horaires en décalé, clients difficiles (un crachat au visage), financiarisation du secteur, place des organisations syndicales, revendications salariales, différences d’enjeu pour les salariés en fonction de leur âge. Lors des pages consacrées à monsieur Martin, il est abordé la politique de groupe, la situation professionnelle de ce salarié, les valeurs promues par le nouveau PDG, à l’opposé de la réalité de la gestion des hôtesses et des hôtes de caisse.
En découvrant le premier passage consacré au DRH, le lecteur constate qu’il n’y a aucune velléité de diabolisation. Les auteures mettent en avant son aisance financière, mais aussi son mode de vie qui le fait rentrer à 22h00 chez lui cette scène fait apparaître qu’il est tout autant prisonnier d’un système que les hôtesses de caisse. Il le subit, et doit en supporter les contraintes qui semblent tout aussi exorbitantes. C’est également l’occasion pour l’artiste de faire à nouveau montre de son savoir-faire, en intégrant une séquence de rêve (il y en a plusieurs) dans laquelle elle montre monsieur Martin pressé comme un citron, dans une belle métaphore visuelle. Chaque séquence onirique apporte une vision du ressenti de l’individu par le biais d’une métaphore intelligente et intelligible.
Marlène Benquet et Anne Simon se tiennent à distance de tout manichéisme, ne diabolisant pas les supérieurs hiérarchiques eux aussi soumis au système, et ne faisant pas des caissières, des personnes parfaites et pures. Sur ce dernier point, les quelques mesquineries évoquées sont représentatives. Cette histoire n’est donc pas un ouvrage universitaire, illustré de tableaux de données, et s’appuyant sur des théories complexes. C’est une bonne découverte d’un milieu de travail particulier, rendu plus riche par la volonté d’inclure de nombreux paramètres. Avec l’accumulation de ces paramètres, le lecteur voit se dessiner une analyse systémique pénétrante. En additionnant 2 ou 3 remarques, il voit apparaître la manière dont la structure de l’hypermarché met en œuvre un outil de surveillance de ses hôtesses de caisse, à la fin de répondre au besoin de présence d’une caissière à chaque instant à chaque caisse ouverte, mais aussi de les contraindre. Alors même que le ton de la narration reste bon enfant, avec quelques blagues de temps à autre, elle montre la présence des caméras et l’usage qui est fait par les cheffes de caisse pour donner des conseils en temps réel aux hôtesses, mais aussi pour les contrôler, et les espionner.
L’historique de l’entreprise permet de se rappeler que le métier de caissière a permis aux femmes d’accéder à des emplois non qualifiés, mais aussi que ces emplois maintiennent les salariés concernés dans une situation économique très précaire, du fait de leurs faibles revenus. L’historique évoque également le travail de construction intelligent qui s’est fait entre patrons et syndicats (FO en l’occurrence), partenariat devenu obsolète du fait de l’évolution du mode de gestion de cette entreprise familiale, vers celui d’un grand groupe. Les 30 dernières pages sont consacrées à un mouvement social de grève, lancé par les caissières, et soutenus par les syndicats un peu contraints de les suivre (reprenant un mouvement de grève en 2008, dans un hypermarché Carrefour à Grand Littoral). Là encore il est possible de ne voir que le récit de cette action. Mais il est aussi possible de voir comment le modèle de représentativité du personnel est lui aussi englué dans un système complexe qui est passé du mode de la prévention au mode urgentiste, et qui n’arrive pas à s’adapter en temps réel aux besoins de celles qu’il représente.
Dans un premier temps, la lecture de cet ouvrage séduit par sa simplicité, à la fois dans la vivacité des dessins, et la clarté du propos. Dans un deuxième temps, le lecteur ressent une forme de manque dans des dessins trop rapides et un propos trop superficiel. Dans un troisième temps, il se rend compte que la narration visuelle donne vie à des séquences de dialogues efficaces, et que la somme des petits détails dresse un portrait concret et une analyse systémique pénétrante.
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Des vies moins ordinaires 2/6
De mémoire, on a jamais vu de super héroïne à la caisse d’un super marché. Pourtant entre les clients pervers, les cadences infernales pour une paie de merde, il y’ aurait de quoi écrire !
Et c’est désormais fait avec « Encaisser ! » par Marlène Benquet & Anne Simon.
Présence a demandé la carte de fidélité !
LA BO du jour : A chaque fois que je pense à un supermarché, je pense au clip hors du commun de Pulp.
Houlah ! Ça m’a l’air parti pour une semaine de trucs très, très domestiques sur la vie de tous les jours…
D’un côté, c’est très intéressant. L’article de Présence est clair sur les qualités de cet album par exemple, et sur la richesse du sujet.
D’un autre côté, je me radicalise en termes de lectures (et de films), dans le sens où je recherche des univers qui me séduisent, avec lesquels je me sens bien. Et le naturalisme, le documentaire, la vie de tous les jours n’en font pas partie. Ils sont proscrits. Je ne fais plus aucun effort en ce sens. A moins d’y être accroché par le truchement du fantastique, de la poésie, du rêve ou de la nostalgie.
Pour ainsi dire, trois choses m’ont intéressé dans ce tour d’horizon sur cette BD : Le titre choisi par Présence qui annonce la couleur, le teaser de Bruce qui lui fait écho en terminant par le fait que Présence à demandé la carte de fidélité, et le joli minois des deux auteures de l’oeuvre en question…
Je te comprends. Moi c’est un peu pareil. La seule BD pour laquelle j’ai fait une exception en ce qui concerne la vie de tous les jours, c’est Sunstone. Mais bon…y’a un petit côté sensuel, le dessin est beau, le message de tolérance aussi, et la mise en forme séduisante.
Là j’avoue que bon…bof.
Le sujet est intéressant cela dit. Mais je crois que ça m’intéresserait davantage de voir carrément un documentaire là dessus plutôt que de lire une BD documentaire.
Encaisser ne ressemble pas à mon quotidien, et Sunstone encore moins. 🙂
Effectivement, ce n’est pas de la BD de divertissement ou d’évasion, et je suis infiniment reconnaissant à Bruce d’avoir donné sa chance à cet article, pour un thème présentant un grand décalage avec le cœur du site.
Étrangement, et avec la réflexionb, je crois que je préfère ce format à un documentaire. C’est un point de vue très personnel, mais j’ai l’impression qu’il est plus difficile de me faire avaler des couleuvres ou de me manipuler émotionnellement quand je maîtrise ma vitesse de lecture, quand je peux revenir en arrière quand bon me semble, que face à une émission de télévision, plus immersive, au cours de laquelle je ne sais pas toujours prendre de recul.
Disons que je suis peut être vieux jeu, mais j’aime mes BD avec un style de dessin qui me plaît et une dose de fantaisie. En un sens, oui, il y en a dans Sunstone. Ce n’est clairement pas mon quotidien non plus et la narration moderne, les couleurs, les séquences fantasmées tirées des écrits de Lisa, la mise en forme imaginative (avec des cordes ou autres éléments qui forment les cases de BD, etc) proposent de la fantaisie.
Là ce n’est juste pas assez séduisant visuellement et trop naturaliste dans l’approche. Avis perso aussi, bien sûr.
Je crâne, mais je pense que 4 ou 5 années en arrière j’aurais été incapable de m’intéresser à une lecture comme Encaisser, et encore moins de l’apprécier, à la fois pour l’apparence des dessins (exactement pour la même raison que toi), à la fois pour la banalité quotidienne du métier évoqué.
@Tornado : ta radicalisation est pardonnée mais du coup ne permettra pas aux Tornado-fans de te retrouver à la une cette semaine, puisque je n’avais rien en réserve te permettant de rentrer dans le thème. Par rapport au récit d’hier qui maîtrisait les codes de la fiction, Encaisser est effectivement très ancré dans le réel dans ce qui peut être trivial. La suite de la publication de la semaine devrait mieux t’agréer.
@Présence : c’est hallucinant cette analyse millimétrée pour un si petit bouquin lu en moins d’une demi heure. Je te rejoins sur tous les points, notamment sur le refus de manichéisme et la fonctionnalité du dessin qui m’a rappelé les dessins de presse.
Pour ma part c’est une oeuvre mi figue, mi raisin. Le volet de la vie en caisse m’a passionné, il y a de la vie, de l’humour, de l’humain. De l’humain et des personnages qui s’effacent dans la partie consacrée à la grève. Même si effectivement le passage lié à la corruption des syndicats m’a fait sourire, je trouve que ça manque de développement pour se terminer un peu en eau de boudin.
Merci en tout cas de cette découverte.
Un si petit bouquin – C’est en lisant ton observation que je me rends compte que cette faible pagination est en fait nourrie par les 2 ouvrages de Marlène Banquet et que cette construction par petites touches tire le meilleur parti possible des recherches réalisées par l’auteure.
C’est vrai que la partie consacrée à la grève réserve une part moins importante aux personnages. La déconvenue relative à l’absence d’avancée sociale à la fin de la grève rappelle qu’il ne s’agit pas vraiment d’une fiction et que le combat pour les acquis sociaux ne se termine pas forcément de manière favorable, malgré l’énergie dépensée, le degré d’investissement des salariées, et, pire encore, la légitimité de leur revendication.
Ta remarque sur les syndicats m’a fait repenser à ma lecture, parce que je n’aurais pas employé le terme de corrompu. Je trouvais que le modèle initiale de fonctionnement avec la direction était plutôt constructif et bénéficiait aux 2 parties, employeurs comme salariés. En y repensant, c’est à nouveau le mode de fonctionnement du syndicat qui est également remis en cause, dépassé par les nouvelles règles du jeu découlant de la financiarisation. Cette façon d’envisager chaque outil de production uniquement sous l’angle financier fait fi de la compétence professionnelle, du savoir-faire métier, pour ne conserver que les chiffres des bilans financiers, et l’utilisation des finances pour alimenter des marchés financiers. Sous cet angle de vue : peu importe la qualité du produit ou du service rendu, peu importe les compétences, peu importe même la nature de la prestation, du centre de production ou des métiers, ce n’est plus qu’un centre de profit déconnecté de la nature de sa filière, du secteur de son secteur d’activités.
Je ne m’attendais pas du tout à la chute de la phrase sur la mesure d’hygiène, et elle a fait éclore une grand sourire.
A l’approche des élections de délégués, j’assiste aussi régulièrement aux grandes manœuvres des syndicats pour attirer les électeurs, et elles n’ont rien à envier à celles des hommes politiques. Du coup, je me demande si je ne vais pas te soumettre un article sur la BD La communication politique, de Terreur Graphique & Christian Delporte, dans la collection de la petite bédéthèque des savoirs. Mouais, pas sûr que ça attire plus de lecteurs…
Mais ça c’est pas grave si ça n’attire pas les foules tous les jours. Je vous soutiens à fond dans cette entreprise de proposer des œuvres obscures, même si je ne suis pas fan de la BD du jour. Moi-même je préfère parler de trucs obscurs. Plus fantaisistes et surréalistes certes, mais obscurs quand même. Tout simplement parce qu’il y a des trucs géniaux peu connus, et si on n’en parle pas, ça restera inconnu. On ne contribue peut être pas à faire connaître ces œuvres dans le monde entier à notre l’échelle mais c’est toujours quelque chose^^
Moi-même quand je cherche un peu des BD à lire, il m’arrive de tomber sur des œuvres intrigantes sur lesquelles je ne trouve aucune critique pour m’éclairer davantage ! Et c’est pénible ! Les articles que j’ai préféré écrire ne sont pas ceux sur Marvel parce qu’au moins j’ai eu l’impression d’apporter quelque chose de nouveau.
Comme toi Matt, je trouve plus utile de commenter une BD ou un comics qui m’a enthousiasmé et que personne n’a commenté, que d’ajouter un n-ième article pas forcément plus pénétrant à la dernière nouveauté à la mode de la semaine.
@Tornado – Au vu du volume de BD que je lis, j’aime introduire un peu de variété de temps à temps, en testant des thèmes qui sortent de ma zone de confort. L’expression relative à la vie de tous les jours m’apparaît paradoxale me concernant. D’un côté, il s’agit bien de mon quotidien parce que je préfère passer aux caisses avec une personne physique, plutôt qu’aux caisses automatiques. De l’autre côté, je n’ai jamais exercé le métier de caissier ou de caissière (ou d’hôte de caisse) et j’ai été conquis par l’intelligence pédagogique avec laquelle les auteures rendent compte d’un système très complexe, sans céder à la facilité du simplisme. La dimension analytique de l’ouvrage m’a semblé très intelligente et assez dense.
Comme Matt, même si la BD du jour ne m’attire pas, j’encourage les copains à écrite sur TOUT ce qu’ils ont envie d’écrire. Et justement, c’est cette pluralité et cette diversité d’avis qui est intéressante. Car alors on perçoit bien ce qui nous donne envie ou pas d’emboiter le pas.
Donc, ce n’est pas parce que le contenu ne m’attire pas que je n’apprécie pas les articles ! 🙂
L’uniformité c’est la mort, la diversité c’est la vie. – Mikhaïl Bakounine (1914-1876, philosophe) -Entièrement de ton avis pour la pluralité et la diversité, même s’il y a aussi des ouvrages passés en revue qui ne m’attirent pas, sans même aller jusqu’à citer le cas de Joy Division. 🙂
Il y a quelques temps, dans une FNAC, les volumes de cette collection étaient exposés. Je dois avouer avoir surtout feuilleté un volume sur les dragueurs modernes, que j’avais trouvé assez peu convaincant.
Je n’avais pas prêté attention à l’auteur de l’article et s’agissant d’un sujet « social », je pensais que c’était le Boss qui était à la plume. Mais le passage décortiquant le dessin m’a remis sur le droit chemin, car il est très caractéristique du style Présencien.
Concernant BD vs Docu-film, il existe un excellent mag, la revue dessinée, qui propose des reportages en BD. J’y ai appris des tas de trucs (le pourquoi de l’adoption massive du Flashball en France, l’arnaque des partenariats public-privé, la méga-grosse arnaque des assurances mondiales contre les catastrophes naturelles…) J’en avais remis un exemplaire à Mister Faivre lors de notre rencontre parisienne (notamment sur l’évolution du Gay-Paris…)
http://www.larevuedessinee.fr/
J’ai lu un autre tome de la collection Sociorama : La fabrique pornographique, de Lisa Mandel, adaptée d’un ouvrage de Mathieu Trachman. Je l’avais trouvé moins abouti que celui-ci
Par contre, j’ai commencé à dévorer les tomes de la petite bédéthèque des savoirs, et c’est un régal. Je pense inonder Bruce de propositions d’articles sur cette collection, tous moins aguichants les uns que les autres.
Ainsi donc c’était ça ! Je n’avais pas identifié le titre de l’ouvrage. Je retiens cette idée de la revue dessinée. En suivant ton lien, j’ai vu que la couverture du numéro avait été réalisée par Lorenzo Mattotti, un auteur de bandes dessinées que j’aime beaucoup et présent sur le site.
J’ai honte : j’avais vu Lisa Mandel faire la pub de son ouvrage sur le porno dans cette collection, mais je n’ai pas cherché à la lire. J’étais passé à côté de celui-ci, or il m’intéresse beaucoup ! Comme toi, Présence, je crois que je préfère de loin lire un reportage bd que de regarder des documentaires, pour les mêmes raisons que toi. Je pense que ton style s’affine de plus en plus et que tes réflexions gagnent encore plus en profondeur, tu arrives à exprimer ce que je ressens ou pense sans moi-même réussir à les expliquer.
J’ai honte : cela fait longtemps que je suis la page de la Revue dessinée sur FB, et je n’ai toujours pas tenté d’en acheter un numéro. Pour la petite bédéthèque des savoirs, je trouve que c’est une collection qui redonne ses lettres de noblesse à l’encyclopédie, sous une forme originale et ludique. Je n’en ai acheté que deux tomes pour le moment, et lu un seul : L’intelligence artificielle par Jean-noël Lafargue que je suis depuis des années grâce à son Dernier blog (qui est super car il parle de sujets qui me touchent, notamment l’utilisation et la représentation de la technologie dans le cinéma – c’est sur ce site que j’avais eu un petit article sur Tomb Raider, vous trouverez le lien dans les commentaires de l’article de ce jeu sur Bruce Lit) et Professeur Moustache, la fille qui tient le blog Tu mourras moins bête (mais tu mourras quand même), qui en est à son troisième tome publié en version papier et qui est devenu un court dessin animé sur Arte, et celui sur le heavy metal, que je n’ai donc pas lu. Mais je suis très tenté d’en acheter plein d’autres tellement tout a l’air intéressant. D’ailleurs un nouveau tome signé Lafargue va sortir, sur Internet cette fois-ci.
Pour le sujet de la bd, j’en suis assez friand car c’est un sujet de discorde récurrent depuis quelques temps avec ma douce et tendre : elle a été caissière et chef de caisse pendant des années, mais trouve révoltant que l’on automatise les caisses. De mon côté, je trouve que c’est un travail dégradant (un ami étudiant m’avait raconté des histoires révoltantes lorsqu’il tenait ce job pendant ses études) qui ne mérite pas d’exister. Comme je suis un idéaliste, je pense que les machines devraient nous remplacer mais pas remplacer notre salaire. Je ne crois plus (je me demande en fait si ça a été un jour le cas) dans la dignité d’avoir un travail. Ce que vous racontez sur la grève ou sur les syndicats ne m’étonne pas. Dans son Last Exit to Brooklyn, qui date des années 60, Hubert Selby Jr raconte dans la plus longue nouvelle (je crois) une grève dans une usine automobile américaine. Il démontre bien que cela n’a aucune conséquence sur la société ou les chiffres, uniquement sur la situation des ouvriers, et jamais à leur avantage. Depuis que le capitalisme est dominant, le travail n’a pas de sens d’être productif ou de servir les gens, uniquement de générer de l’argent. Tous les jours j’ai l’impression de rencontrer des salariés qui ne font rien de vraiment concret, de perdre un temps fou, à croire être utile, à faire ce qu’on leur dit de faire sans jamais rien remettre en cause, c’est une aliénation volontaire.
J’avoue prendre régulièrement les caisses automatiques à l’hypermarché : en général, j’y vais pour quelques courses (pas plus d’un sac) en rentrant du boulot, c’est plus rapide. Mais pas ce soir parce qu’il y avait la queue et parce que j’avais lu ton article. Quelle surprise de voir que le sac que j’ai acheté ce soir (je reviens de vacances, mon coffre est vide…) est illustré par Mattotti ! La vie est vraiment étonnante. J’ai mis les photos sur FB. Et il faudra que je lise cet auteur. Son trait me rappelle celui de Carlos Nine.
Tiens Jyrille, ça me fait penser que la psy que je voyais me disait un truc assez similaire sur cette dignité du travail qui n’est qu’une idée capitaliste dont on nous bourre le crâne dès le plus jeune âge pour générer plus de fric, et que la société avait en fait assez évolué et généré de richesses pour que chacun se trouve un travail à mi-temps tranquille nous permettant davantage de profiter d’autres plaisirs de la vie plutôt que de vivre à un rythme effréné.
Mais dans les faits, ce ne sont pas ces boulots qui sont proposés. Ce sont des trucs aliénants visant à produire encore plus de fric qui enrichissent toujours les mêmes.
C’est mon credo en tout cas sur ce sujet. Pire : les métiers utiles et tournés vers le social (infirmiers, assistants sociaux, policiers, éboueurs, agents de maintenance, jardiniers, pompiers…) ne sont pas valorisés et moins payés. Alors que lorsque tu es un spécialiste d’une niche financière, on te fait des ponts d’or.
Je plussoie malheureusement sur vous, Matt et Cyrille, et mon tacle du discours pro-travail via le Baron Strucker dans FR20 est ma modeste contribution sur le sujet.
Ca me fout bien les boules, les discours des politicards qui invoquent/espèrent le retour de la croissance avec son bienfait ultime : le plein emploi. Mais putain, faut qu’ils arrêtent ! Les entreprises ne sont pas là pour créer de l’emploi, elles sont là pour faire du fric ! Si elles peuvent produire autant ou plus pour moins cher avec moins de gens, elles le font.
Caissière ou automate – La remarque de JP Nguyen permet de rappeler une évidence : l’essence de toute entreprise est de générer un chiffre d’affaires avant toutes choses, y compris avant la nature du produit, et la création d’emplois n’est qu’un sous-produit de l’objectif, avec un objectif de maîtriser la masse salariale, c’est-à-dire qu’elle coûte le moins cher possible.
Sur le principe de l’automatisation (des caisses ou de tout autre emploi peu qualifié), la problématique est que ça supprime des emplois (certes peu attractifs), ça supprime une forme de contact humain (certes pas toujours agréable pour la caissière), et ça crée un emploi encore plus pénible. Visiblement, la personne responsable des caisses automatiques en gère une demi-douzaine, voire une dizaine, avec donc d’autant plus de clients dont l’exigence implicite est que ça aille plus vite, puisque ce sont eux qui font le boulot de la caissière, et donc encore moins de tolérance, sauf qu’ils ne peuvent pas s’en prendre aux machines, donc tout retombe sur la responsable.
Oui là on entre aussi dans le problème suivant : les entreprises n’embauchent plus même quand elles sentent que ça irait mieux avec plus de salariés.
Je prends encore mon cas pour exemple mais on embauche toujours le moins possible d’agents techniques, informaticiens etc…même si tout se pèterait la gueule sans eux. Surement parce que les responsables ne pigent rien à la technique, et que pour eux si ça a fonctionné 10 ans avec 2 personnes, y’a pas de raison qu’il en faille 3, quand bien même viendraient s’ajouter de nouvelles compétences à gérer (téléphonie IP, vidéosurveillance, etc)
En gros il faut faire plus mais avec autant de monde qu’avant.
On entend de partout qu’il y a des manques dans le personnel. Ce n’est donc pas tellement qu’il n’y a plus besoin de personne, mais que les responsables ont calculé qu’il valait mieux presser les gens en place comme des citrons qu’en embaucher davantage parce qu’au final ça coute moins cher.
Donc je pense que l’automatisation supprime certes des emplois, mais qu’elle peut en créer d’autres aussi. Sauf qu’ils évitent bien de le créer. Mais on constate des trucs aberrants parfois. Mon collègue a un ami qui bosse pour une société chargée d’héberger un site marchand dont je tairais le nom (non, c’est pas mamazone) et je peux vous dire que ça fait flipper quand on voit les lacunes de leur infrastructure. Là ou je bosse, on est mieux équipé avec des équipements mieux secourus, et on ne gère pourtant rien de commercial avec aucune donnée confidentielle ni rien.
D’ailleurs récemment 500 comptes de ce site ont été hackés et rendus publics par des types qui s’amusent à faire ça. N’enregistrez jamais votre CB sur les sites en lignes. tapez le numéro à chaque fois, c’est un conseil. Amazon la garde en mémoire ? Supprimez la à chaque fois !
@Jyrille – J’ai offert les 3 tomes de Tu mourras moins bête (mais tu mourras quand même) de Marion Montaigne à ma fille qui les a dévorés, alors qu’elle ne lit pas beaucoup. Et même son grand frère a fini par mettre le nez dedans et les dévorer.
Non, je ne les ai pas lus (pour l’instant). Ma fille m’en montré quelques pages, et j’en ai regardé quelques unes à la FNAC. Il est préférable que je n’empiète pas sur ce territoire qu’elle a fait sien. Je lui emprunterai peut-être d’ici un an ou deux, quand la relation affective avec ses livres (ceux-ci en particulier) aura évolué.
Au fait Bruce : comme Présence, ton histoire de laver les super-slips est super juste et bien drôle, et tout comme toi, quand j’imagine un supermarché, je pense à ce tube de Pulp. Vraiment.
La BD a l’air assez intrigante (à ma connaissance c’est la 1ere fois que la vie d’une caissière fait l’objet d’une mise en dessin !) pour autant je dois avouer un peu bloquer sur le dessin…
Je m’y risquerai cependant si je la trouve dans ma médiathèque.
Ceci dit ce que tu en dis (surtout la fin du recueil) me fait penser au film avec Vincent Lindon « La loi du marché ». Un coté documentaire ultra réaliste d’une noirceur peu commune.
Un autre argument de lecture est cité par Bruce : ça se lit en 30mn, entre autres parce que la simplicité des dessins en permet une lecture immédiate. Merci pour la suggestion cinématographique.
Allez, j’en remets une couche sur l’idéologie du travail, vu qu’on l’évoquait un peu hier :
http://partage-le.com/2016/02/lideologie-du-travail-par-jacques-ellul/
Merci pour le partage. C’est très intéressant.
Mais c’est un coup à se faire traiter de coco une réflexion pareille. On est plus que jamais dans le capitalisme impitoyable.
Article passionnant de bout en bout, merci beaucoup JP Nguyen. Je me souviens avoir bénéficié d’une formation de 2 jours sur les risques psychosociaux dans le contexte professionnel. Le formateur commençait par quelques observations sur le travail (avec la racine étymologique du mot renvoyant aux notions de souffrance et tourment), puis passait 2 vidéos de salariés en situation de souffrance. L’effet était dévastateur car il faisait prendre conscience de sa propre implication dans son travail, avec un éclairage sociologique faisant apparaître qu’il s’agit bel et bien d’une idéologie sous-jacente et généralisée tacitement admise.
J’ai trouvé cet article très éclairant sur ce point de vue, et très pédagogique. Même Voltaire ! pourtant un ardent défenseur des individus contre les abus de pouvoir et un humaniste.
Mais pourquoi j’ai écouté la radio ? Pourquoi ?
Je suis tout énervé maintenant.
Je viens d’entendre les réactions d’employeurs face à la proposition de permettre aux démissionnaires de toucher le chômage dans la limite d’une fois tous les 5 ans.
Et quelles ont été ces réactions ?
« Ah ben voilà, comme ça les jeunes qui n’ont pas envie de travailler et veulent juste toucher le chomage pourront partir comme ils veulent. C’est déjà pas facile de trouver un salarié alors si en plus il peut partir comme il veut, ou va-t-on ? »
Mais je rêve !!
C’est incroyable comme ça devient normal de penser qu’on doit être enchainé à un employeur et comme ça ne vient pas à l’esprit que cette réforme peut être une porte de sortie à des gens en souffrance dans un boulot où ils subissent du harcèlement moral, etc. Non, bien sûr, c’est forcément une technique pour être un feignant. Évidemment.
Combien de gens refusent justement des offres, se montrent exigeants parce qu’ils craignent de ne plus pouvoir ensuite quitter sans emmerdes un truc qui ne leur semble pas approprié ? Il faudrait compter sur le fait que l’employeur sera toujours ok pour une rupture conventionnelle ?
Combien font des burn out ou se suicident parce qu’ils ont peur à la fois de ne rien trouver d’autre mais aussi de ne rien toucher comme pognon s’ils démissionnent ?
Et le pire c’est que ces gens continuaient de regretter que les contrôles de Pole emploi ne soient pas plus sévères envers ceux qui refusent trop d’offres. Ils sont conscient des offres de merde qui sont proposées ? Des travaux abrutissants aux salaires de misère ?
Une offre décente pour Pole emploi c’est « salaire pas plus bas que 20% du précédent salaire ». C’est tout. ça peut vouloir dire horaires de merde, conditions stressantes, boulot d’usine, déplacements perpétuels qui supprime toute vie de famille…du moment que c’est pas payé beaucoup moins cher que le précédent job (qui était peut être déjà mal payé au passage).
Et bien sûr pas un seul salarié interrogé sur la proposition de loi, hein. Juste les employeurs.
Cette idée reçue que tous les chômeurs sont des branleurs ça devient presque du racisme.
Judiciairement on est pourtant innocent avant d’être reconnu coupable. Quand on est chômeur on est coupable et on doit sans arrêt apporter des preuves de notre innocence. Et l’innocence est relative d’ailleurs. Si tu n’acceptes pas un boulot de sous-merde, tu es coupable.
Bon désolé de polluer le sujet mais je suis agacé, voilà, c’est malin.
La chasse aux chômeurs est inadmissible. Pour faire du social depuis 20 ans, je n’ai que rarement rencontré des personnes qui se complaiaisent dans le statut le plus stigmatisé de la société. Quand tu rencontres quelqu’un, tu dis hello je suis Mr bidule et je SUIS coiffeur, caissier, etc. Le travail te définit socialement. Ne plus en avoir, c’est perdre cette légitimité.
Ce qui coûte cher aux français, ce n’est pas le système social qui, ça a été prouvé, a protégé notre peuple des effets de la crise, mais le formidable dilapide d’argent public, la corruption des élites, et surtout l’évasion fiscale qui nous conduisent à ce paradoxe : plus tu paies d’impots et moins tu as de crèches, d’écoles, d’hôpitaux ou de prison….
J’ai rencontré des fraudeurs CAF dans le cadre de mon travail. Et je peux vous dire que la plupart du temps ils banquent….
C’est tout à fait dans le thème de l’article, et encore plus dans celui indiqué par JP Nguyen. Il est toujours plus facile de pointer du doigt un groupe de personnes et de les stigmatiser, ralliant ainsi tous les autres contre eux, pour masquer un problème lié au système, par exemples l’évasion fiscale (comme le dit Bruce), ou le fait que plus le nombre de chômeurs augmente, plus le nombre d’individus qui paient des impôts et des taxes diminuent.
Où le fait que tous les profs sont des faignants, parce qu’ils ont beaucoup de jours de congés. Et que c’est à cause de ça que l’EN est un échec…
Bon j’imagine bien qu’il doit y en avoir des chômeurs qui profitent du système…mais comme je le dis, faire une telle généralité c’est guère mieux que le racisme et ses généralités sur les étrangers !
Et puis c’est quoi cette façon de considérer son personnel ? Que ce sont des branleurs qu’il faut retenir dans la boite au moyen d’une loi qui les empêche de partir. Personne ne pose les bonnes questions à ces types. Pourquoi auraient-ils envie de se tirer s’ils aiment leur boulot et sont bien traités ? N’est-ce pas parce que justement ils sont traités comme de la merde ? Ou alors si vraiment c’est juste qu’ils n’ont pas envie de bosser là, pourquoi vouloir les retenir ? Visiblement ça ne leur plait pas et ils ne feront pas du bon boulot.