Vintage Barbarian

Les Chroniques de Conan par Roy Thomas et John Buscema

AUTEUR : TORNADO

VO : Marvel

VF : Panini

Cet article portera sur les trois premiers tomes de la collection initiée par Panini Comics, intitulée Les Chroniques de Conan. Il s’agit d’une intégrale de la série Marvel Savage Sword Of Conan.

Cette série, débutée au début des années 70, est la grande sœur de la série Conan Le Barbare.

Les deux séries furent toutes deux dirigées par le scénariste Roy Thomas jusque dans les années 80. Savage Sword Of Conan vit de nombreux dessinateurs se bousculer au générique. Mais l’un d’eux se démarqua plus que les autres : John Buscema.

De vieilles couvertures, bien connues des vieux lecteurs VF…

De vieilles couvertures, bien connues des vieux lecteurs VF…©Lug

Non !  C’est ce que répond Stan Lee à Roy Thomas, en 1969, alors que ce dernier propose au grand manitou de la Marvel d’adapter Conan Le Barbare en une série de comics. Il rêve d’une création éloignée des super-héros habituels de la « Maison des idées », plus adulte, plus réaliste.

Effectivement, Stan Lee ne voit pas d’un bon œil la publication d’un personnage à ce point différent des super-héros maison, comme Spiderman ou les 4 Fantastiques. Il faudra attendre le lancement d’une ligne de comics pour adultes avant que Thomas obtienne le feu vert…

Des couvertures qui nous aurons peut-être davantage fait rêver que le contenu !!!

Des couvertures qui nous aurons peut-être davantage fait rêver que le contenu !!!©Lug

Ainsi, à force d’obstination, Roy Thomas obtient gain de cause en 1970 et c’est tout de suite un succès total. Le scénariste emmène avec lui dans son aventure un jeune dessinateur « So british », le grand Barry Windsor Smith, qui fait alors ses débuts dans le métier… La série Conan le Barbare devient ainsi la première du genre en bande-dessinée. Les scénarios collent à l’esprit des romans et en adaptent certains extraits. Le dessin est aujourd’hui forcément connoté old-school mais demeure léger et dynamique malgré le poids des années.

Certes, ces premiers épisodes ne sont pas exceptionnels. Le syndrome super-héros colle à la peau de bête de notre héros et les récits sont bavards, naïfs, les dialogues sont ampoulés, avec cette fâcheuse tendance des personnages à commenter à voix haute tout ce qu’ils font. En revanche il n’y a aucune bulle de pensée, ce qui épargne l’ensemble d’une tonalité trop infantile. Et puis, d’épisode en épisode, ça s’améliore de manière croissante. Les histoires deviennent plus intéressantes et l’esprit de plus en plus adulte et barbare, avec quelques pointes de cruauté et d’érotisme ! Et ce n’est pas pour rien si Conan finit par jeter son casque, tel un vieil oripeau, vestige obsolète des costumes de super-héros…

Avec le temps, Roy Thomas finira par gagner son pari et offrira au personnage créé par Robert E. Howard un second souffle, rejoignant le panthéon des auteurs ayant apporté au mythe du Barbare ses lettres de noblesse. A partir de 1974, une seconde série, intitulée Savage Sword Of Conan et dessinée essentiellement par John Buscema, sera mise en chantier et l’ensemble sera couronné de succès jusque dans les années 80…

Les débuts de notre héros dans le monde des comics, sous la houlette du grand Barry Windsor Smith !

Les débuts de notre héros dans le monde des comics, sous la houlette du grand Barry Windsor Smith ! ©Marvel Comics

Plusieurs séries dédiées au personnage écumeront ainsi les années 70 et 80, toutes écrites par Roy Thomas. Le scénariste et les dessinateurs qui l’accompagnent développent l’univers visuel du barbare en s’adjoignant les couvertures de Boris Vallejo, lui-même très inspiré des illustrations de Frank Frazetta, ce dernier ayant popularisé la figure de Conan dans les années 60.

Le travail de l’équipe est dans la droite lignée d’Howard et Frazetta. Le « comic-code » les oblige à édulcorer un peu cet univers puissamment violent et érotique mais ils parviennent tout de même, relativement, notamment à travers la série Savage Sword Of Conan, à imposer la dimension iconique et sans concessions de « l’âge Hyborien ». Certains dessinateurs, John Buscema en tête, réussissent à saisir l’ambiance des écrits d’Howard. Le Conan de Buscema est une montagne de muscles aux yeux de braise et à l’allure sauvage. L’atmosphère poisseuse et vénéneuse des écrits d’Howard est bien retranscrite, sans oublier sa dimension érotique. Soit un monde cruel et angoissant, glauque et viscéral.

Les magnifiques couvertures de Boris Valejo, dans la droite ligne de Frank Frazetta !

Les magnifiques couvertures de Boris Valejo, dans la droite ligne de Frank Frazetta ! ©Marvel Comics

Il faut avoir le goût des « oldies », ou du « vintage », comme on dit aujourd’hui, pour apprécier ces créations. A noter, d’ailleurs, que cette collection des « Chroniques » donne la part-belle au noir et blanc, pour un résultat mille fois plus beau que les versions publiées jadis par Lug et colorisées avec les pieds !

Bien qu’ils accusent le poids de l’âge et paraissent un peu surannés, il faut reconnaître à ces épisodes un superbe travail de reconstitution mythologique. C’est à travers ces séries que les lecteurs se sont définitivement fait une idée visuelle de la mythologie Hyborienne et de l’heroic fantasy barbare destinée aux adolescents et aux adultes. Tous les archétypes du genre ont été entérinés dans les pages de ces comics légendaires. On peut dire de Roy Thomas et de ses collaborateurs qu’ils ont véritablement creusé les sillons de l’heroic fantasy en bande-dessinée.

Le superbe noir et blanc, enfin retrouvé…

Le superbe noir et blanc, enfin retrouvé… ©Marvel Comics

Il faut préciser par ailleurs que la fantasy selon Howard est encore bien différente de celle d’un Seigneur Des Anneaux. Il n’y a ni dragons, ni elfes, ni Seigneurs des ténèbres dans le monde de Conan. Mais des tribus et des peuplades guerrières plus ou moins civilisées. La magie est bien présente, mais opère davantage dans le monde du surnaturel : morts vivants et goules côtoient quelques reptiles géants et des créatures quasi-abstraites, bien plus proches de la « Dark Fantasy » à la Lovecraft (ami intime d’Howard…) que d’une iconographie à la Donjons et Dragons.

Comparé aux comics de super-héros de l’époque, les séries liées à Conan diffèrent radicalement. Elles sont bien plus violentes. Les personnages s’expriment clairement, dans un langage médiéval poussif mais sans avoir recours aux bulles de pensées, ils ne se présentent pas eux-mêmes à la troisième personne et ne commentent pas leurs moindres faits et gestes. Et surtout, ils tuent ! Têtes tranchées, personnages brûlés vifs, sang qui gicle et sabres transperçant les corps abondent, notamment dans la série Savage Sword of Conan, la plus adulte de toutes.

Violence, bruit et fureur pour Conan et ses lecteurs !

Violence, bruit et fureur pour Conan et ses lecteurs ! ©Marvel Comics

Afin d’adapter au mieux les nouvelles desquelles il s’inspire, Roy Thomas a tendance à les paraphraser en plaçant de nombreux encarts de texte un peu partout dans les vignettes. On a du coup l’impression de revenir à une sorte de version « archaïque » de la bande dessinée, telle qu’elle paraissait dans les Tarzan que le dessinateur Burn Hogarth adaptait dans les années 40. Celui-ci se contentait de mettre le texte d’E. R. Burroughs sur ses dessins, sans aucune bulle de dialogue ! Le travail de Roy Thomas peut parfois rappeler cette période, pour un résultat tout de même beaucoup plus fun.

Le plus grand plaisir que procurent ces volumes, outre leurs très belles couvertures cartonnées, réside dans les dessins eux-mêmes. Ces superbes planches en noir et blanc et en grand format vous tendent les bras !

Le scénariste Roy Thomas pris en flagrant-délit de bavardage…

Le scénariste Roy Thomas pris en flagrant-délit de bavardage… ©Marvel Comics

Tome 1 – 1971-1974 :

Contrairement aux autres, le premier tome de la collection Les Chroniques de Conan ne regroupe pas seulement les épisodes de la série Savage Sword of Conan. On y trouve d’autres récits introductifs au monde de Conan mais aussi les cinq premiers épisodes de la série Savage Tales. Cette série était destinée au lancement de certains concepts. Le concept d’une adaptation dédiée au personnage de Conan s’étant révélé concluant, celui-ci quitta donc les Savage Tales au bout de cinq épisodes pour obtenir sa propre série.

On se retrouve pour le coup avec deux bijoux graphiques : La Nuit des Géants du Gel et Les Clous Rouges, dessinés et encrés par le talentueux Barry W. Smith qui, comme précisé plus haut, inaugura la naissance du personnage dans le monde des comics.

Une version en noir et blanc du célèbre "Les Clous Rouges", dessiné par Barry Windsor-Smith !

Une version en noir et blanc du célèbre « Les Clous Rouges », dessiné par Barry Windsor-Smith ! ©Marvel Comics

Je souligne l’importance de l’encrage, car il est très important dans cette collection en noir et blanc. Pour en être convaincu, il suffit de comparer tous les épisodes dessinés par John Buscema. Celui encré par Alfredo Alcala, grand maître du noir et blanc gothique en bandes dessinées, se hisse très largement au dessus du lot.

D’autres épisodes, notamment celui dessiné par Neal Adams mais encré par Gil Kane, doivent ajouter une « semi-colorisation » au lavis pour tirer leur épingle du jeu. Mention spéciale à l’épisode entièrement illustré par Tony De Zuniza, somptueux, mais risque de tirer la gueule à la vision des immondes planches de Walt Simonson… Pour le reste, on peut encore admirer les planches très « comics » de ces bons vieux Jim Starlin et Al Milgrom !

Tome 2 – 1975 :

1975 est encore l’époque où la série se cherche, car plus tard elle ne proposera que de longs récits adaptant fidèlement les nouvelles originales de Robert E. Howard. Paradoxalement, c’est certainement à cette époque qu’elle est la meilleure. Roy Thomas se permet d’expérimenter toutes les formules et livre des épisodes très intéressants, tantôt en adaptant les récits d’autres écrivains, comme Lin Carter, tantôt en prenant des libertés avec l’œuvre d’Howard. Pour l’anecdote, c’est Roy Thomas qui a amené le personnage de Red Sonja dans l’univers de Conan, car à l’origine, il s’agissait d’un personnage secondaire, une femme mystérieuse apparaissant dans une unique nouvelle, The Shadow of the Vulture, dont l’action se situe dans l’Europe du XVIe siècle.

Parmi les neuf récits qui composent cette année 1975, les plus originaux sont également les plus courts. Ma préférence va à l’épisode entièrement dessiné par Alex Nino (Le peuple de l’ombre : People of the Dark – Savage Sword of Conan #6). Il s’agit d’une histoire onirique qui mêle temps présent et passé en faisant coïncider le parcours de Conan avec celui d’un écossais rendu fou d’amour par une femme, éprise d’un autre. L’occasion de pointer les réminiscences mythologiques du monde de Conan de façon très particulière, le tout magnifié par les planches expressionnistes d’Alex Nino.

Peut-être le sommet de la série: Le magnifique épisode onirique dessiné par Alex Nino!

Peut-être le sommet de la série: Le magnifique épisode onirique dessiné par Alex Nino ! ©Marvel Comics

Il y a également Chant de Mort de Conan le Cimmérien (Death Song of Conan the Cimmerian – Savage Sword of Conan #8), qui adapte un poème de Lin Carter en dix pages, mises en images par Jess Jodloman, dont les planches sont laissées à l’état de crayonnés. Au rayon des classiques, Les Ombres Sous la Lune (Iron Shadows in the Moon – Savage Sword of Conan #4) et La Citadelle au Cœur du Temps (The Citadel at the center of time – Savage Sword of Conan #7) sortent du lot, notamment grâce au talent combiné de John Buscema et Alfredo Alcala, les dessins du premier se trouvant sublimés par l’encrage du second, tous deux maîtres de leur art.

La Citadelle au Cœur du Temps est en outre le récit le plus ouvertement « Fantasy », plein de magie et de créatures fantastiques. Pour les amoureux du film Conan le barbare avec Schwarzenegger, l’épisode Naîtra une Sorcière (A Witch Shall be Born – Savage Sword of Conan #5) fera son effet, puisque c’est celui où Conan se fait crucifier sur « l’arbre de la mort »… Dans l’ensemble, la qualité est fluctuante (notons que Sonny Trindad, Tim Conrad, Jess Jodloman, Gil Kane et Pablo Marcos relaient ce bon vieux John Buscema aux crayons !), mais 1975 se hisse dans le haut du panier des meilleures adaptations issues du run de Roy Thomas.

Tome 3 – 1976 :

1976 est l’année où le dessinateur John Buscema devient le dessinateur attitré de la série. Certains de ses collègues le relaient encore, parfois, mais il dessine tout de même la plupart des épisodes. Tous les épisodes réunis ici sont inégaux mais dans l’ensemble de très bonne qualité. Les récits courts, tels qu’on pouvait encore en lire l’année précédente, ont disparu. Roy Thomas se dévoue de plus en plus à l’œuvre de Robert E. Howard et s’attelle à la tâche d’en livrer des versions de plus en plus fidèles.

Côté graphisme, cette collection est toujours aussi réjouissante puisqu’elle permet d’admirer le travail des dessinateurs dans un magnifique noir et blanc, le tout en grand format imprimé sur un papier de très bonne qualité. Même si la plus-part des histoires sont dessinées par Buscema, elles possèdent un rendu graphique fluctuant selon l’encreur qui les finalise. Celles qui sont encrées par le grand Alfredo Alcala sont de loin les plus belles. Par ailleurs, l’épisode Les Hantises de Castel Pourpre (The Haunters of Castel Crimson – Savage Sword of Conan #12), dessiné par Buscema et encré par Alcala, est probablement le meilleur de ce recueil. Un grand moment de « Dark Fantasy » qui retranscrit parfaitement l’esprit glauque et poisseux des écrits de Howard !

Dark Fantasy !

Dark Fantasy ! ©Marvel Comics

La collection va continuer encore sur de nombreux tomes. D’autant qu’à partir de l’année 1978, Panini Comics commence par couper chaque année en deux tomes. Roy Thomas fera ses adieux à la série en 1981 (moment que j’ai choisi pour arrêter la dite collection après douze tomes de bons et loyaux services). Mais la série va perdurer encore un moment après son départ.

Bref, un pur bonheur vintage, daté et naïf mais pas infantile, graphiquement splendide, et peuplé de créatures mythiques tout au long d’une séries d’épisodes qui ne le sont pas moins.
En réalité, le seul véritable problème de cette collection vient surtout de la traduction catastrophique de Geneviève Coulomb… Malgré tout, elle n’arrivera pas à entacher une compilation vintage aussi fabuleuse ! Par Crom !!!

C’était quand même moins bien en couleur !

C’était quand même moins bien en couleur ! ©Marvel Comics

41 comments

  • JP Nguyen  

    Les rééditions de « Savage Sword » par Panini sont en effet de beaux bouquins, avec le contenu éditorial de l’époque en prime. Certains volumes sont hélas épuisés et se négocient à des prix prohibitifs.
    Pour ma part, il y a quelques années, pour des raisons d’argent et de place, je n’en ai acheté qu’un seul : celui de 1977. En partie par « coquetterie », car c’est mon année de naissance et aussi parce qu’il était 100% Buscema. Le bouquin s’ouvre sur la très longue aventure « Les hommes du cercle noir » et se referme sur « La Tour éléphante ». Deux sommets du duo Buscema/Alcala. C’est mon combo préféré mais d’autres esthètes pensent différemment, l’ami Phil C avait relancé le « débat » le mois dernier sur son blog :
    http://philcordier.blogspot.fr/2015/02/conan-big-john-et-des-encreurs.html

  • Présence  

    Un très bel article, avec une introduction magistrale qui fonctionne à la fois comme un historique, et comme une définition de la nature des aventures de Conan dans le magazine « Savage sword », en mettant en lumière les codes narratifs qui font la spécificité de ses aventures.

    Merci d’avoir rendu hommage à Alfredo Alcala, un encreur d’une qualité et d’une personnalité incroyable. Même si sa patte est immédiatement reconnaissable, il n’écrase pas forcément les compositions du dessinateur, il les complète (par opposition à quelqu’un comme Vince Coletta.

    J’ai la bizarre impression que tu as inclus Jim Starlin à mon attention (comment ça, je ramène tout à moi ?).

    J’ai acheté le premier recueils en VO publié par Dark Horse, il ne me reste plus qu’à le lire.

    • Yuandazhukun  

      Merci Tornado ! Je n’ai aucun de ces recueils édités par Panini, que de vieilles éditions que je n’ai pas feuilleté depuis bien longtemps….mais effectivement ça rappelle de jolis souvenirs (aaahhh Buscema !)

  • Nicolas  

    Un très bel article, merci Tornado, ça fait de bien de se replonger dansd le passé des comics. John Buscema en pleine maturité, capable de pousser son talent à fond dans autre chose que des histoires de super-héros.

    Ls albums de Paninaze sont beaux, mais je préfere la verion originale de Dark Horse : des albums de 500 pages en noir et blanc egalement, mais reprenant les couvertures de Buscema. Superbes !

  • Bruce lit  

    Quelle richesse cet article ! Je me rappelle aussi des teasers de lug au dos des revues kiosque de l’époque mais je n’ai jamais, JAMAIS lu de Conan de ma vie ! Ce que tu dis sur la maturité de ces comics de l’époque et de sa violence m’a beaucoup intéressé.
    Sinon, Tornado m’a dit de vous dire qu’il est au ski ce We, il ne pourra pas vous répondre dans l’immédiat. Laissez votre message après le bip. BIIIIIP…..

  • PierreN  

    La crucifixion de Conan me rappele celle de Logan dans un des meilleurs épisodes de Silvestri sur les X-Men.

  • SCARCE- Xavier Lancel  

    Je ne sais pas si Panini a inclus les pin up des Savage Sword of Conan dans ses collections , mais elles sont dans les « Essential » Dark Horse de SwoC et elles sont trés intéressantes .

  • Manticore  

    Ah, zut! « …un essai historique pas spécialement SEXY. »

  • Manticore  

    Oui, mais ça, c’était la pratique avec Thomas et ceux à qui il laissait écrire Conan: Marvel avait acquis les droits d’Howard et utilisait tout ce qui passait pour le transformer en histoire de Conan, à de rares exceptions près, comme « The Valley of the Worm », d’ailleurs adaptée en comics couleur. Je pense que Niño a reçu pour instruction de dessiner Conan dans le rôle principal. Et comme Howard a pas suffi, ça a été le tour de nouvelles de Carter ou de John Jakes, après. C’était quand même pas le même niveau.

    Pour la Dark fantasy, moi je suis le modèle britannique qui appelle ainsi l’horreur surnaturelle, actuelle ou pas. Mais de l’heroic fantasy plutôt sombre, je citerais Fritz Leiber (attention, Leiber ne manque pas d’humour, même dans le sombre) et le Kane de Karl Edward Wagner. Wagner était un spécialiste de Howard, mais il a créé Kane avant de découvrir Conan. Autrement, tout à trac, ça ne me vient pas en tête, je vais y réfléchir. Pas John Jakes et Lin Carter, en tous cas. C’est assez terne et inspiré autant par Burroughs que par Howard, un mélange pas toujours convaincant.

  • Manticore  

    Ce n’est pas tant l’emploi de l’adjectif « infantile » qui m’ennuie, même s’il témoigne du manque de recul vis-à-vis des super-héros. J’ai du mal à imaginer un propos véritablement adulte à base de types et de filles qui s’habillent de tenues extravagantes pour combattre le Mal à coups de poing dans la gueule. C’est comme d’employer le terme « adulte » pour des bédés d’animaux anthropomorphiques. Ça n’exclut pas d’aborder des sujets « adultes » en passant, mais le contenu lui-même ne l’est pas, ce qui n’est pas en soi-même un critère qualitatif.

    Et dire que le Conan des magazines était une bande dessinée plus « adulte » que les comics de super-héros… Oui, d’un point de vue relatif, c’est indéniable. Mais c’est *très* relatif. Les super-héros s’adressaient à un public d’enfants et de jeunes adolescents; Conan des magazines s’adressaient juste à de plus grands adolescents. Mais le propos restait assez immature. Il ne suffit pas de montrer qqs fesses et de tuer des gens pour qu’un propos devienne adulte. Le Conan des magazines est un fantasme de virilité, la vision simpliste de Sprague de Camp et Carter, pour qui la fantasy est un pays loin des soucis de la feuille d’impôts, où toutes les femmes sont belles et les héros règlent leurs problèmes à coups d’épées. Question contenu, on en reste là. Les comics de super-héros de l’époque étaient autrement plus critiques du monde et de leur support.

    • Tornado  

      Je suis assez d’accord dans l’ensemble.

      Néanmoins, les comics de super-héros des années 40 à 80 restent de la lecture pour les enfants à la base. Ils leur sont destinés. Cela n’empêche pas d’y dissimuler des critiques sur le monde effectivement. Encore qu’il ne faille pas exagérer : J’ai lu les fameux comics sensés critiquer le monde, comme ceux de Steve Englehart avec Captain America, ou encore les X-men de Stan Lee et la parabole du droit à la différence, et ça ne vole pas très haut non plus…

      Lorsque je lis des livres, des Bds, ou n’importe quoi d’autre, j’essaie toujours d’en observer le fond et la forme. Après tout ce temps passé à lire, je me suis fait la réflexion suivante : Une histoire peut être creuse dans le fond, mais très réussie si la forme est réalisée avec du talent. C’est la fameuse maxime qui veut qu’il n’y ait que très peu d’histoires à raconter, mais une infinité de manières de le faire.
      En revanche, je trouve que l’inverse ne fonctionne pas : S’il y a du fond mais que la forme est mauvaise, ça reste une mauvaise histoire.

      Une autre réflexion : La BD, et notamment les comics de super-héros et d’Heroic Fantasy, c’est du divertissement avant tout. Il ne faut pas trop chercher à les intellectualiser toutes les deux minutes, ce serait un peu ridicule tellement ce n’est pas le sujet. En revanche, je veux voir si ça s’adresse à un lecteur comme moi : Si c’est dialogué et raconté de manière à se mettre au niveau d’un enfant de six ans, je ne me sens pas concerné (et c’est là que j’ai tendance à « lâcher » le terme d’Infantile). En revanche, si c’est dialogué et raconté de manière à se mettre au niveau d’un adulte, ou même d’un grand ado, là je me sens davantage concerné.

      Conclusion : J’apprécie une lecture de ce genre lorsqu’elle est bien foutue, et qu’elle s’adresse à des adultes, voire à des ados pas trop jeunes.
      L’idéal c’est lorsque la chose est racontée de manière universelle, comme avec Asterix ou Lucky Luke, par exemple. Hélas, à l’époque, les comics ne font pas dans l’universel, ils sont soit destinés aux enfants, soit aux adultes.
      C’est comme ça : Si je lis du Stan Lee et quasiment tous les comics de super-slips old-school, j’ai l’impression d’être pris pour un neuneu parce que c’est raconté et dialogué de manière infantile. Et même quand il y a une critique sociale planquée derrière le comics-code.

      « Savage Sword of Conan » me correspond bien. C’est un peu bourrin puisque c’est du Conan et c’est un barbare. Normal, non ? Mais ça s’adresse à des grandes personnes dans la manière dont c’est raconté.
      Alors je suis d’accord pour dire que, dans le fond, ça ne vole pas plus haut que les comics de super-héros. Mais je ne suis pas d’accord sur le principe que les comics de super-héros étaient des trucs d’intellos, ça c’est du délire. Et que c’était autant pour les adultes que du Conan.

      • Marti  

        La parabole raciale derrière les X-Men de Stan Lee et le fameux « Xavier = Martin Luther King / Magneto = Malcolm X » qu’on lit souvent est un peu surfaite, à la base il s’agissait surtout pour Lee de trouver un moyen de donner des pouvoirs sans trop se casser la tête. Je ne nie pas que très vite les X-Men vont devenir « craints et haïs », Bolivar Trask et les Sentinelles arrivant vers le #15, mais ce n’est pas du tout ce qui motive Stan Lee lorsqu’il crée les X-Men, le premier message derrière le titre étant plutôt la crainte du risque atomique, d’ailleurs Xavier et Beast doivent leurs pouvoirs à la base du fait de leurs parents respectifs travaillant dans des centrales nucléaires, Sunfire lui de ses aïeux présents à Hiroshima un funeste jour de l’été 1845… Il n’y a qu’à voir comment le militaire remercie les X-Men à la fin du 1er épisode de leur série en leur disant qu’il comprend qu’ils veuillent garder leur identité secrète ou à quel point leurs ennemis peuvent très bien ne pas être des mutants (ce qui est régulièrement le cas, ils croisent la route de pas mal de surhumains non-mutants et d’aliens) pour voir que le thème sera surtout développé par la suite.

        Mais je m’égare du vrai thème de ce superbe article, merci et non-merci, maintenant que je sais que les tomes 2 et 3 vont (ont été ?) réédités je vais vouloir craquer et me les procurer, moi qui n’ait que le premier reçu il y a des années lors de sa sortie pour mon anniversaire… Je trouve ça tout de même dommage que Panini ne réédite pas aussi la série Conan the Barbarian (problème de droits ?). Les deux séries étaient-elles liées, ou se passait-elle plus ou moins dans leur propre continuité ?

        Pour rebondir sur ce que dit Manticore à propos de Lin Carter et L. Sprague de Camp, la différence entre leur style et celui d’Howard m’a bien sauté aux yeux la même année où j’ai eu le tome 1 des Chroniques de Conan justement ; j’avais acquis également le premier volume des aventures de Conan par Howard de la magnifique édition de Bragelonne et ait acheté Conan le Boucanier de Carter et SdC chez un bouquiniste, la différence de style en général comme de caractérisation de Conan entre les deux était flagrante. Conan le Boucanier n’était pas une lecture désagréable pour autant, j’étais amusé par ce Conan plus roublard, notamment dans une scène où il profite d’une captivité dorée en lançant des clins d’oeil à sa compagne d’infortune/love interest de l’histoire.

        • Tornado  

          Les Chroniques de Conan : Oui, les tomes 2 et 3 ont été réédités. Mais pas d’autres (1971/74 ou 1977 par exemple). Il semble que Panini réédite certains tomes de temps en temps. Mieux vaut être patient plutôt que de débourser une fortune.

          Conan le barbare : La série (la première Marvel, donc), n’a été rééditée en album que sur 4 tomes par Soleil (intégrale Barry W Smith). Tout est épuisé.
          Panini pourrait très bien la rééditer dans sa collection « les intégrales » (comme Spiderman). Mais pour l’instant ils ne semblent pas motivés. Peut-être attendent-ils d’avoir terminé la publication de « Savage Sword of Conan », d’abord ?

          Sinon, ces deux séries étaient indépendantes. L’une était destinée à un public jeune (Conan le barbare). L’autre à un public adulte (Savage Sword of Conan). C’était souvent les mêmes histoires, mais racontées et illustrées différemment, dans deux continuités différentes.

          • Marti  

            OK, merci pour ces précisions ! Si Marvel s’amusait déjà à adapter deux fois de suite les mêmes histoires, on doit être au moins à trois versions pour certaines avec les séries Dark Horse.

            Et la série King Conan des 80’s, elle était située dans le futur de l’un des deux titres ?

  • Jyrille  

    Je ne connais rien de tout ça mais l’article est superbe (je plussoie Présence) et donne envie de tenter. A priori, c’est difficile à trouver de toute façon. Sait-on jamais…

  • Tornado  

    @Marti : Oui. Je ne l’ai pas lue. Mais « King Conan » semble en effet raconter la vieillesse du personnage, qui a des enfants et qui repart à l’aventure après des années à vieillir sur son trône…

  • Présence  

    En suivant les adaptations de RE Howard réalisées par Dark Horse, j’ai l’impression qu’il existe 4 récits d’Howard ayant trait à Conan en tant que monarque.

    – The hour of the dragon / L’heure dragon
    – The scarlet citadel / La citadelle écarlate (terminé par Lyon Sprague de Camp et Lin Carter)
    – The conqueror / Le conquérant (terminé par Lyon Sprague de Camp)
    – The phoenix on the sword / Le phénix sur l’épée

  • Présence  

    Merci pour ces précisions, car je ne suis pas expert en Conan et je m’y perd un peu.

  • Tornado  

    Si « Le Phénix sur l’épée » est une histoire de Kull, alors, où va-t-on !!! 😀 😉

  • Pierre B  

    Bonsoir, je souhaite depuis longtemps me procurer cette collection des « chroniques de conan » que j’avais découverte en médiathèque, malheureusement certains tomes sont épuisés et trouvables uniquement à des prix élevés.. comme le tome 4 de cette collection (1977) à 650 euros sur un site…

    Le tome 1 (71/74), est difficilement trouvable à prix normal, alors j’ai été voir sur le site Panini où le tome n’y est plus, par contre il y a un autre tome (70/74) qui reprend la même image de couverture que le (71/74), savez vous si il s’agit du même tome, une réédition ?
    Car en regardant les descriptifs du premier tome paru (71/74) sur un site, il est indiqué qu’il y a 400 pages (pouvez vous confirmer ?) par contre sur le 70/74 Panini met qu’il fait 288 pages.

    Enfin, je sais que dans cette édition, il n’y a pas les histoires avec Red Sonja en personnage principal, mais il me semble qu’elle apparaît quand même aux cotés de conan dans certaines histoires ?

    Merci

  • Tornado  

    Le tome 1 (71/74) et le tome (70/74) sont bel et bien le même tome. Panini avait changé la date pour la réédition, car il y a un court épisode réalisé par BW Smith qui est issu de la première série.
    Il n’y a que 288 pages, ça c’est sûr. Et dans les deux cas.

    Il y a effectivement une réédition, à l’intérieur, de l’épisode « Clous rouges » réalisé par BWS qui met en scène Red Sonja auprès de Conan. C’est la version NB de l’épisode publié en couleur dans le tome 4 des éditions Soleil intitulé « Conan Intégrale volume 4 »

    Pour davantage de détails, je peux vous aiguiller vers mon commentaire Amazon :
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