Focus : V Pour vendetta, comics + film
Article de : TORNADO
1ère publication le 12/04/16- MAJ le 01/09/19
Cet focus a pour objectif de mettre en parallèle le comic-book originel réalisé par Alan Moore & David Lloyd et son adaptation cinématographique. L’idée première était de ne parler que du film, mais il s’est avéré qu’il était impossible de ne pas revenir sur la bande-dessinée, tant elle ne peut être occultée dans la perspective d’un tel processus comparatif.
Cet article est ainsi complémentaire de celui de Cyrille M dont le contenu était déjà roboratif, et qu’il est bien entendu conseillé de relire au préalable…
1) Le comic-book
Commencé en 1982, achevé en 1990, V Pour Vendetta est l’un des premiers chefs d’œuvre du grand Alan Moore.
Néanmoins, dans la postface de la dernière édition VF en date (Urban Comics), l’auteur de Watchmen l’avoue : V Pour Vendetta est l’œuvre de deux auteurs : Lui-même, mais aussi David Lloyd, le dessinateur de la série.
La genèse de l’œuvre fut ainsi fortement tributaire de son metteur en image, qui imprima sa personnalité de manière particulièrement forte, afin que le résultat soit celui que l’on connait aujourd’hui. Ainsi, ce n’est pas Alan Moore qui décida que le décorum du récit ait pour personnage principal un vigilante affublé du masque souriant jadis porté par le révolutionnaire anglais Guy Fawkes, mais bel et bien Mr Lloyd. Et même le titre, V For Vendetta, ne sort pas de la tête de Moore, mais de son éditeur !
Pour ce qui est du contexte de l’histoire, là encore, il faut regarder du côté de David Lloyd. Car c’est bien « à cause » de ce dernier qu’Alan Moore imagina finalement ce récit dystopique à la toile de fond anticipationnelle dans la droite ligne du 1984 de George Orwell. Au départ, la série était sensée être un hommage aux pulps des années 30 et aux premiers super-héros de l’aube, du genre The Shadow. Un décorum rétro pour un justicier défendant héroïquement les opprimés, à la manière de Zorro ou autre Robin des bois, le tout transposé dans un cadre de récit noir, façon polar ! Mais le fait est que David Lloyd stressait à mort à l’idée de mettre en image une ville à l’architecture aussi connotée que celle de cette époque (l’art déco), suppliant son scénariste de trouver une alternative à cette option. Et c’est ainsi que V Pour Vendetta se réorienta vers le futur, dans un récit post-nucléaire se situant non pas aux Etats-Unis mais en Angleterre, permettant à David Lloyd de dessiner la ville de Londres exactement comme il l’entendait !
Il faut se remettre dans le contexte de la genèse de la série : Entre 1982 et 1985, chaque épisode de V For Vendetta est un comic-strip de quelques pages en noir et blanc publié dans le magazine Warrior. Le rythme de publication est probablement rapide et les auteurs doivent bosser dur afin de respecter les délais. Cela ne les empêche pas d’être ambitieux mais nécessite en tout cas d’être au diapason sur le terrain de la qualité conceptuelle et artistique de leur projet.
Le magazine Warrior disparaîtra en 1985, laissant la série inachevée. Celle-ci sera rachetée par l’éditeur américain DC Comics, et Moore et Lloyd termineront ainsi leur œuvre qui sortira au final sous la bannière Vertigo, la branche adulte de DC Comics, dans la version colorisée et complétée que nous connaissons aujourd’hui.
On perçoit alors à quel point nos auteurs étaient ambitieux. Toujours dans la postface de l’intégrale, Alan Moore se souvient que David Lloyd (encore lui !) souhaitait en finir avec les procédés narratifs ampoulés du monde des comics dans leur version « old school », et ainsi se débarrasser des encarts de texte, des bulles de pensée et autres onomatopées. Toute la narration devait être réalisée par le découpage et la mise en scène séquentielle ! Moore commença par paniquer à l’idée de renoncer à toutes ces ficelles narratives, mais puisa finalement en lui-même les ressources nécessaires afin d’y parvenir, et révolutionna ainsi le monde des comics super-héroïques qui, de Swamp Thing (DC Comics) à Captain Britain (Marvel), en passant par Batman et Superman, le mena à Watchmen…
Ainsi, V Pour Vendetta finit par devenir, à l’issue d’un travail de titans, l’un des premiers grands comics de super-héros pour adultes, dans lequel l’ambition de la toile de fond côtoyait celle de la mise en forme, pour une communion ultime entre le fond et la forme…
Tous ces changements constitutionnels permirent au final la création d’un super-héros inédit et ambivalent, d’une richesse conceptuelle inouïe, à la fois bon et cruel, complètement fou mais prodigieusement intelligent et cultivé, héros et terroriste à la fois ! Et prônant une valeur par dessus tout : la liberté.
Et ainsi naquit « V », le super-héros anarchiste, le défenseur de la liberté dans un monde post-apocalyptique où l’Angleterre, l’un des seuls pays à avoir survécu au cataclysme nucléaire, a sombré dans la dictature fasciste où tout est surveillé, où les noirs, les homosexuels et autres « indésirables » ont été exterminés dans des camps de concentration. « V » sera donc le sauveur, celui qui s’attaquera au pouvoir, seul contre tous, et unique espoir de ramener la liberté dans un monde complètement sclérosé par la pire des dictatures…
Un super-héros évoquant souvent Batman (on retrouve bien les codes consacrés, avec masque, cape et gadgets divers et variés), beaucoup ceux des pulps d’antan, mais également un héros annonçant ceux du genre cyberpunk, qui culminera avec la saga Matrix au cinéma (ce n’est pas pour rien que les frères Wachowski adapteront finalement notre série !).
Dans la forme, le duo Moore/Lloyd fait des merveilles. Divisé en trois actes (trois parties principales), le récit s’articule telle une pièce de théâtre et exhale des relents shakespeariens. L’atmosphère sombre et désespérée est sublimée par un graphisme puissant et réaliste ne souffrant d’aucun défaut et sachant restituer chaque aspérité du récit, qu’elle soit matérielle, physique ou émotionnelle.
Certaines séquences, notamment lors du premier acte (le meilleur des trois, assurément), sont autant de pièces maîtresses de l’histoire du comic-book, où le découpage des planches au cordeau offre une résonance impressionnante au contenu sémantique du récit, notamment lorsque « V » déclare à la justice, personnifiée par son avatar statufié, qu’elle est désormais pervertie par la dictature, avant de la faire exploser ! Une mise en scène à la fois littéraire et iconique, portée par une verve d’une inspiration incroyable, offrant à l’ensemble une portée universelle et une classe narrative à l’épreuve du temps.
Dans le fond, Alan Moore nourrit son sujet d’un nombre incalculable de détails substantiels. Le temps de quelques pages, il multiplie les références culturelles (arts plastiques, cinéma, musique…) et enrichit la personnalité de son héros par autant de constituants fondamentaux venant contrebalancer le manque de nuances imposé par son apparence monolithique de vigilante masqué (car le lecteur ne verra jamais son visage). Par une mise en scène jouant sur la mise en abîme, le scénariste et le dessinateur utilisent tout un jeu de miroirs dans lesquels le reflet des personnages finit par se confondre symboliquement avec celui du lecteur. Se faisant, les auteurs appellent ce dernier à s’identifier directement à certains protagonistes et, ainsi, le mettent en position de s’interroger sur le choix des personnages, suscitant sa participation aux enjeux philosophiques soulevés par leur histoire.
Cette richesse sous-jacente invite également chaque lecteur à pouvoir relire la série indéfiniment, avec la promesse d’y trouver à chaque fois de nouvelles pistes de réflexion et de nouvelles découvertes référentielles, entendu que la culture de chaque lecteur évoluera probablement de concert avec le temps…
Bien évidemment, à la fin, le lecteur est encouragé à mettre lui-même le masque de Guy Fawkes, et à poursuivre le combat contre la dictature…
Au delà de tous ces détails référentiels et de cette mise en scène symbolique, Alan Moore puise ses sources dans l’Histoire de l’Angleterre (comme il le fera plus tard avec From Hell) et s’imprègne du climat angoissant de l’ère Thatcher (contemporaine de la genèse de V For Vendetta) afin de développer son itération d’un régime totalitaire où le sentiment de peur ressenti par le peuple (et son désir de sécurité) est utilisé par les gens de pouvoir pour mener à l’oppression et au fascisme.
A l’arrivée, V For Vendetta devient un véritable plaidoyer contre toutes les dictatures et tous les régimes totalitaires, une ode à la liberté et un appel à l’anarchie. Ce dernier élément est sans doute le plus ambigu, puisqu’il incite à choisir, à travers cette anarchie, une solution radicale face au pouvoir et à ses méfaits. Toutefois, on notera que le personnage de « V » entrevoit la notion d’anarchie non comme un synonyme de chaos nihiliste, mais plutôt comme une alternative à la corruption exercée par le pouvoir. Son idée de l’anarchie est ainsi inféodée au respect des valeurs humaines et dictée par un code de l’honneur exigeant une haute dévotion à ces valeurs. A maintes reprises, « V » insiste pour que le commun des mortels s’éveille à deux notions majeures : Premièrement la prise en main de son propre destin (chaque personne doit se lever contre le pouvoir et se battre pour sa condition, plutôt que de se laisser dicter ses lois pour le confort d’une existence docile). Deuxièmement la préservation absolue de la culture sous toutes ses formes, sachant que cette dernière notion, qui élève notre condition, est systématiquement la première victime d’un régime totalitaire…
A l’heure où notre propre pays sent monter lentement mais sûrement un parti d’extrême droite de sinistre popularité, V Pour Vendetta apparait rétrospectivement, et plus que jamais, comme une parabole imparable sur les méfaits des régimes totalitaires et des états régnant par la force sur des promesses de sécurité et de répression…
2) Le film
V Pour Vendetta, le film, est réalisé en 2006 officiellement par James McTeigue, mais en réalité écrit, produit et partiellement mis en scène par les frères Wachowski, les créateurs de la saga Matrix.
Le pitch : Dans un futur proche mais dystopique, l’Angleterre a sombré dans le fascisme et la répression. Le pays est gouverné par le Haut Chancelier Adam Sutler, dont la milice (appelée Le Doigt) pourchasse tous les « dissidents » et autres minorités tels que les musulmans et les homosexuels, qui sont envoyés dans des camps de concentration.
En cette année 2038, la veille du 5 novembre, jour historique ayant vu le révolutionnaire Guy Fawkes tenter de faire exploser le Parlement en 1605, apparait un terroriste dont le premier acte est de dynamiter la statue de la justice de l’Old Bailey…
Rien qu’en écrivant le résumé ci-dessus, je me rends compte à quel point cette adaptation cinématographique par les frères Wachowski transforme le récit d’Alan Moore & David Lloyd par le fond, non sans le simplifier à outrance. L’exercice de politique-fiction mené par le créateur de Watchmen était de haute volée mais n’appartenait qu’à lui. Et puis il était parsemé de détails embarrassants, relatifs aux drogues, notamment, et d’appels à l’anarchie ! Enfin, son contexte (les années 80 et 90) était trop ancien. Il fallait donc le réactualiser…
D’un simple point de vue formel, le film est plutôt une bonne surprise. Efficace, bien écrit, servi par des dialogues soignés, il affiche une toile de fond prêtant sans cesse à réfléchir sur les errances de nos sociétés, non sans comparer ce futur dystopique à l’actualité récente, et notamment à l’état du monde moderne post-11 Septembre 2001…
Les scènes d’action sont étonnamment rares pour un film de ce type (c’est quand même, à la base, une histoire de super-héros !), mais elles sont superbement chorégraphiées et particulièrement iconiques (on est bien chez les frères Wachowski !). Et même si ces scènes d’action sont peu nombreuses, il faut avouer que l’on ne s’ennuie pas une seconde tant le film est maitrisé dans son rythme et son découpage.
Hélas, la mise en scène de James McTeigue, anciennement premier assistant sur Matrix, atténue un peu les symboles par une réalisation froide et trop souvent désincarnée. Mais cette déconvenue est heureusement contrebalancée par la présence d’un impressionnant panel d’acteurs de premier plan, parmi lesquels Nathalie Portman dans le rôle d’Evey, John Hurt dans celui du Chancelier, Stephen Rea dans celui de l’Inspecteur Finch, et bien évidemment Hugo Weaving dans le rôle de « V », qui parvient à conférer une étonnante présence à son héros masqué par le langage du corps et une diction suave et haut-perchée particulièrement charismatique !
Il s’agit donc d’un bon moment de divertissement, avec des airs intelligents…
Avec des airs intelligents… Evidemment, cette dernière tournure laisse entendre un brin de sarcasmes dans la formule. Car c’est bien là qu’est le problème : Et si, derrière ses airs intelligents, cette critique soi-disant pénétrante sur notre monde civilisé était plutôt maladroite ? Et si cette adaptation du comic-book de Moore & Lloyd était finalement complètement à côté de la plaque ?
Remettons-nous une fois encore dans le contexte de la sortie de la série (1982 pour le premier épisode) : Nous étions alors en pleine guerre des Malouines, et dans cette atmosphère déprimante, les auteurs critiquaient dans leur sous-texte le gouvernement de l’ère Thatcher et son régime répressif. Dans un tel décor proche de l’extrême droite, l’idée de créer un justicier aspirant à faire exploser le gouvernement et le remplacer par l’anarchie tenait de la parabole activiste.
Les frères Wachowski comprennent alors que le contexte a changé, et cherchent à critiquer autre chose, en regardant là où se trouve l’actualité. C’est à priori une bonne idée. Mais… n’est pas Alan Moore qui veut…
https://www.youtube.com/watch?v=XSf89cghGyQ
Quelque chose de Bruce Lee ?
Et pourtant, tout légitimait les Wachowski dans la perspective de cette adaptation, depuis leurs thèmes récurrents au diapason de V For Vendetta (l’oppression du pouvoir déclinée sous toutes ses formes dans la saga Matrix), jusqu’à leur dévotion au monde des geeks, et en particulier à celui des films de karaté, des comics et de la bande dessinée en général.
Pour autant, le manque de mise en exposition du futur dystopique de leur adaptation est carrément incompréhensible, car s’ils avaient créé le monde post-apocalyptique ultime avec Matrix, voilà que celui de V For Vendetta passe tout simplement à la trappe ! On oublie ainsi la troisième guerre mondiale et la chute du monde occidental telle qu’évoquées dans le comic-book, les cataclysmes et les bouleversements climatiques ayant amené l’Angleterre a régresser à l’état de pays en crise à moitié détruit semblant sortir des années 40 ! Le Londres selon les Wachowski est tout beau, tout propre, et ses habitants lovés dans leurs beaux appartements chatoyants ne sont ainsi plus tellement crédibles lorsqu’ils décident de se rebeller contre l’état !
Ces changements de fond amènent ainsi un certain nombre de maladresses significatives :
Dans le comic-book, La toile de fond en termes de politique-fiction était tellement bien développée que le personnage de « V », même s’il était considéré comme tel, était moins un terroriste qu’un justicier à la « Robin des bois ». En revanche, le Parti fasciste dirigé par Le Destin (un puissant ordinateur programmé par le Parti afin d’exploiter le pays et d’asseoir scientifiquement son emprise sur la population, soit une idée écartée dans le scénario des frères Wachowski !) était tellement bien décrit dans ses ramifications malveillantes qu’il s’apparentait à un véritable « Terrorisme d’état » (un concept tout à fait réaliste, théorisé de manière officielle par le philosophe anglais Thomas Hobbes). Le terrorisme venait donc de l’état, et non du justicier !
Pour le coup, le film réduit considérablement toutes ces nuances et le personnage de « V » n’apparait plus que comme un véritable terroriste au sens premier du terme, imposant ses idées en détruisant les monuments historiques de son pays. Et cette simplification des enjeux politiques amène finalement ce postulat à n’être plus, en définitive, qu’une apologie de cette dernière notion : le terrorisme.
Certes, le parti-pris des auteurs du film était courageux car, au lendemain des attentats du 11 Septembre, il fallait avoir des cojones pour mettre en scène le premier blockbuster dont le héros serait un terroriste faisant régner la terreur pour ses propres idéaux ! Qui plus-est en faisant des musulmans (encore un élément absent du comic-book originel) l’une des cibles de ce parti fasciste moderne occidental jamais avare d’immondes amalgames ! Le tout partait indubitablement d’un bon sentiment, il va sans dire. Et c’est bien là qu’est la maladresse, car les auteurs brûlaient ainsi l’essence du récit d’Alan Moore et David Lloyd sur l’autel de la bienpensance.
C’est la mode d’aujourd’hui : Bien trop de personnes se réfugient derrière ce concept de la « bienpensance ». C’est-à-dire qu’il s’agit envers et contre tout de paraître « gentil », et ce sans chercher à prendre en considération toute la complexité du réel. Soit une forme de pensée unique, une doctrine fermée préférant le simplisme manichéen plutôt que d’oser regarder la véritable ambivalence de la nature humaine dans les yeux. Et de réfléchir !
Et V For Vendetta, le film, tombe de pleins pieds dans ces travers.
Le résultat ? Et bien il faut admettre qu’aujourd’hui, après les abominables attentats perpétués en France en 2015, cette apologie maladroite du terrorisme crée un étrange sentiment de malaise ! Tentez l’expérience, vous allez voir que ce long métrage de 2006 a un goût plutôt bizarre après Charlie Hebdo et le 13 novembre !
Dans le comic-book, l’ambivalence du justicier était tout à fait discutable (notamment dans cette longue séquence le voyant torturer sa jeune protégée Evey, afin de la libérer de la peur et de la préparer à prendre le relais face à l’insurrection), mais cet appel à l’anarchie était porté haut par la densité de la toile de fond, préférant laisser le lecteur choisir sa voie.
Le film apporte en définitive un postulat opposé, puisque la scène finale voit le peuple tout entier porter le masque de Guy Fawkes, comme s’il passait soudain d’une idéologie à une autre, sans discernement ! Alan Moore & David Lloyd étaient pour le coup beaucoup plus subtils, laissant le lecteur sur une fin plus ouverte, où chacun pouvait choisir sa propre option…
Aujourd’hui, le film a fait des émules puisque le collectif des Anonymous, mouvement hacktiviste particulièrement actif sur Internet, a repris le masque de Guy Fawkes comme un étendard de sa philosophie. Encore une fois, voilà un groupe dont le concept premier (défendre la liberté d’expression) part d’un bon sentiment. Mais les nombreuses dérives observées en son sein (souvent des adolescents qui opèrent sans discernement et pervertissent l’idée première) démontrent que la réalité est bel et bien la suivante : Il ne faut pas se réfugier aveuglément dans la bienpensance et occulter la très complexe réalité de notre monde. Ce constat était présent dans le comic-book d’Alan Moore & David Lloyd. Mais certainement pas dans son adaptation cinématographique.
Alors ? V For Vendetta : une vindicte aphone ? Certainement pas. Mais à prendre avec des pincettes, assurément !
La conclusion est sans appel : A force de vouloir trop simplifier une œuvre de référence pour les besoins de son adaptation sous d’autres mediums, on finit par la vider de sa substance, de sa richesse, allant parfois jusqu’à la contredire…
Le film des frères Wachowski pêche ainsi par simplisme et maladresse, et devient avec le temps une sorte de « bourde » (le véritable terrorisme est loin d’être aussi romanesque !), rattrapée par l’épouvantable réalité de notre monde moderne que l’on ne pourra probablement améliorer qu’avec davantage de nuances… et de finesse !
Pas étonnant avec le recul, qu’Alan Moore en personne ait jugé le script du film complètement inepte, se détournant ainsi de toute adaptation de ses œuvres…
Le monde est V !
Un article passionnant, Tornado !
J’ignorais une telle implication de la part du dessinateur David Lloyd !
Je te rejoins concernant le film, l’image fait trop propre et nette, on ne retrouve pas l’ambiance poisseuse et charbonneuse du comicbook, où le malaise de cette société totalitaire est si bien retranscrit.
Et le final où tout le monde porte des masques me semble dicté par une contrainte éditoriale des studios, guidés, comme tu l’évoques, par la bienpensance, plutôt que par une véritable intention d’auteur.
Excellent article une fois n’est pas coutume !
J’ignorais que le comics original avait été publié en noir et blanc mais j’aurais dû m’en douter tant la colorisation est décalée et jure un peu avec le dessin…
Quoi qu’il en soit autant j’aime le comics autant j’avais été déçu par le film, qui me semblait vraiment trop lisse et propre sur lui.
Du reste le seul souvenir que j’ai conservé du film (vu en salle à sa sortie) c’est son image finale (explicative) et la musique d’Antony & the johnsons ! Pour le reste je pose mon Joker.
Batman au pays de l’anarchie.
Hello Patrick, petite digression : pourquoi utilises-tu souvent la locution « une fois n’est pas coutume » à contresens ?
Roboratif… J’avais oublié ce mot. Ce n’est pas mon article qui l’estmais bien celui-ci Tornado ! Je savais que te liee au sujet de cette oeuvre serait passionnant et lucide. Tu arrives, comme d’autres ici, à formaliser ce que je n’arrive jamais à faire alors que j’ai eu les mêmes réflexions. Ton analyse est pertinente et juste, et elle demande même à être relue tellement tu analyses cette double oeuvre.
De plus tu amènes des détails que je n’imaginais pas du tout sur la genèse de la bd, c’est incroyable comment les choses échappent à leurs créateurs.
Bref, respect !
Autre remarque : concernant le souhait de Lloyd de renoncer à l’usage des onomatopées, je trouve ce choix tout à fait respectable mais un petit peu « réducteur » dans le schéma de pensée.
Dans le contexte précis de cette oeuvre, ok avec ce choix mais pas pour généraliser ce jugement de valeur. On a l’impression que pour lui, onomatopée = enfantin, infantile, peu de valeur.
Or, le lettrage des onomatopées peut-être abordé de façon très graphique pour s’intégrer dans les planches et intensifier l’expérience de lecture.
Il y a justement eu une entrée sur le blog de Phil Cordier sur ce sujet, postée… hier :
http://philcordier.blogspot.fr/2016/04/onomatop-man.html
Je rejoins d’ailleurs la pensée de Lionel Garcia, un des commentateurs du blog de Phil :
« Se couper des apports d’un moyen d’expression aussi universel que la BD par snobisme m’amène à penser que certains se sont tromper dans leurs choix professionnels. »
Super intéressant cet article. La bd sur les effets du son est vraiment très bien !
Parfaitement d’accord avec la déclaration de Lionel Garcia, citée par JP. Les artistes ont le droit de faire ce qu’ils veulent, mais tout ce qui peut servir le propos graphiquement ne saurait être banni sous prétexte de « réalisme » ou « sérieux » -ou même facilité et fluidité de lecture.
J’ajoute que les Mangaka, en particuliers, ont fait de l’onomatopée, non seulement un soutient encore plus manifeste de l’action dessinée dans les cases (et ce, même pour des scènes sans réelle action, il n’y a qu’à consulter leurs productions plus contemplatives.), mais une véritable plus-value purement esthétique (et Ô combien !) dans la plupart de leurs œuvres, traditionnellement « visuelles ».
pas fana, a priori, du dessin de Lloyd, et pas archi fan de Moore (même si quand même, certaines de ses oeuvres sont hors normes) j’ai longtemps tourné autour de V mais au final c’est une grosse lmcture coup de poing tout de même
Plus appréciable en noir et blanc à mon avis
Et marrant en effet cette coincidence sur mon entrée d’hier, sur ce que Llyod a banni de cette oeuvre
De tous les films de Super Héros, je verrai quand même V comme l’un des moins pires, car au moins, même si le message est brouillé, il y a un minimum de volonté de privilégier une trame de fond au détriment de l’action. On est quand même loin du naufrage de la ligue des gentlemen….Voilà ce qui est terrible : juger un film non pas à son éclatante réussite mais en terme de moins pire. Tiède ou froid. Jamais brillant. Jamais en ce qui me concerne, un film n’est arrivé à me toucher autant que la BD….Et, vraiment, c’est pas près d’arriver…
Article remarquable Tornado qui m’a apporté plein de choses dans sa première partie sur le contexte éditorial de V. Pour des raisons personnelles, je maîtrise mieux cette histoire que celle de Watchmen.
Sur le message du film, je repense de nouveau à The Wall, qui décidément a bien des points communs avec cette oeuvre : aliénation, guerre des malouines, Thatcher, deux auteurs humanistes et misanthrope. Les masques de fin m’évoquent celui de the Wall. Où finalement, la dictature la plus insidieuse qui soit reste celle de la culture populaire : celle qui vous dit comment danser, vous habiller, comment chanter, à quel moment allumer un briquet. Ou comme les mutants de DKR, passer d’un gourou à l’autre. Cette vindicte qui sous couvert de coolitude neutralise tout esprit critique, ou vous oblige à….
L’éloge de la liberté de Moore était souvent très émouvante, très beau, pur, notamment les passages de Larkhill, Valérie et ce flic (me rappelle plus son nom) qui finalement est du mauvais côté de la barrière en étant une bonne personne.
Le film est sympathique, décaféinée de tout ça. Et plein de gens bien l’aiment. Mais encore une fois, je ne peux m’empêcher du rapprochement de Roger Waters sur les dangers cette culture de masse télévisée normative :
En trouvant nos ombres
Imprimées près de nos TVs
Les aliens anthropologues ont lancé une série de tests
d’hypothèses
Toutes les datas vérifiées
une conclusion seule s’imposa
Leur espèce s’est divertie à en crever…
Voilà ce que m’évoque cet article Tornado. La liberté, oui, ce n’est pas que ça….Et, excellent titre au passage….
J’ai oublié de dire deux choses : le titre de l’article est excellent et je n’ai toujours pas revu le film… Alors que ça fait huit mois que je dois le faire !
@Jyrille : J’ai relu ton article avant d’écrire le mien pour ne pas tomber dans la redite. Et franchement je l’ai trouvé excellent et très complet. Du coup j’ai recherché un éclairage différent mais au début je n’arrivais pas à le trouver. Il y a trois mois je crois, je me suis baladé à la Fnac et j’ai ouvert la dernière réédition chez Urban Comics (que je n’ai pas achetée parce que ma version Delcourt format géant et papier glacé est meilleure je trouve. Pis de toute façon je ne rachète quasiment jamais de réédition). Et c’est là, en lisant pour la première fois la passionnante postface d’Alan Moore sur son travail avec David Lloyd, que j’ai eu le déclic.
@JP : Oui, tu as raison. Bien que je répète souvent que je déteste les trucs infantiles et notamment les bulles de pensées, cela reste une question de traitement, de contexte. Quand c’est bien amené, pourquoi pas. Les onomatopées ? Pareil : La plupart du temps c’est ridicule et inutile. le cas extrême étant pour moi « World War Hulk » où elles sont utilisées pour masquer à la fois la paresse de Romita Jr (sur ce boulot en particulier parce que sinon c’est un artiste admirable), et le manque de consistance du scénario, rédigé à l’arrache par un Greg Pak soumis à la pression de son éditeur. Mais bien utilisé, et c’est loin d’être souvent le cas, l’onomatopée peut devenir un moyen plastique très intéressant.
Dans le cas de David Lloyd, je pense que c’était une volonté à l’époque de tenter autre chose, afin de sortir d’un carcan infantile dans lequel les comics étaient emprisonnés depuis le milieu des années 50. Je ne pense pas que c’était du snobisme, mais plutôt une ambition artistique très intègre.
C’est vrai que le snobisme est l’ennemi public N°1 de la BD. Mais il ne faut pas se voiler la face parque qu’il n’y a pas de fumée sans feu. Je ne tomberais donc pas pour autant dans l’extrême opposé : 90% de la production super-héroïque est pour moi véritablement très mauvais, et vraiment infantile. Avis perso.
@Bruce : Ce que tu dis de la dictature populaire qui nous dit comment penser et quoi aimer je le ressens très fort pour la musique. Par exemple je n’aime pas le rock trop pur. Je trouve ça laid. Je préfère la pop plus lyrique, avec un gros travail de mixage sur le son. Sex Pistols ou Coldplay ? Je choisi Coldplay. Même si je trouve que c’est de moins en moins bien.
Et régulièrement, on me dit que j’écoute de la merde et que c’est pas du rock. Merde, j’ai joué dans des groupes de rock pendant 10 ans, j’ai une culture musicale quasi encyclopédique. Je sais faire la différence entre les deux. C’est juste une question de goût et de sensibilité. Et donc je souffre sans arrêt de cette dictature du « musicalement correct ».
Je ne dis pas ça pour attaquer quelqu’un, hein, c’est juste pour discuter et trouver un exemple précis. Parce que même si je subis sans arrêt cette dictature, elle vient la plupart du temps de mes amis et cela ne m’empêche pas de les aimer !
Merci beaucoup Tornado ! J’ai relu ton article, il me donne furieusement envie de revoir le film. Mais contrairement à Patrick, chaque fois que je le revois, je ne pense plus qu’à Street Fighting Man à cause du générique de fin.
« Sex Pistols/Coldplay » j’espère que tout le monde comprend que je prêche par l’absurde (parce que dans leur genre, y a quand même beaucoup mieux !), mais n’empêche que je le pense. Je préfère écouter un groupe qui est tombé dans le sirop mais qui me procure de bonnes sensations plutôt qu’un groupe ou un artiste ultra-pur qui joue une musique tellement brute que je la trouve moche et emmerdatoire.
Pour le reste, tu as bien raison. Je pense que l’on devient mature le jour où on comprend que notre propre schéma de pensée n’est pas universel. C’est la raison pour laquelle je n’hésite jamais à reconnaitre que j’ai eu tort en disant tel ou tel truc. En revanche je ne m’interdis pas de dire ce que je pense. Je préfère dire une connerie et revenir pour m’excuser ensuite plutôt que de ne rien dire !
Quel artiste respectable vous gonfle ? Chez moi, il y en a plethore : Led Zep’, The Clash et Nico….
Je tiens à préciser que ce sont désormais les soeurs Wachowski!
Etes vous transphobes?
@Redwave : (rires)
Transphobes ? Nous ? c’est l’hôpital qui se fout de la charité venant de quelqu’un qui vient régulièrement troller, poster des propos anti-rock et lepeniste sur un site ouvertement rock avec à son actif une palanquée d’article portant sur la tolérance et la dénonciation du racisme. J’ai délibérément édité ton message de cette nuit considérant que lorsque Tornado se donne la peine d’écrire un article de 3000 mots, la seule remarque que tu sois capable de faire sur un article que tu n’as pas lu, d’une oeuvre que vraisemblablement tu n’as pas comprise (V for Vendetta est une oeuvre qui vomit les gens comme toi), est de nous dire que les réalisateurs ont changé de sexe, ça ne fait rire personne au regard de ce que tu as posté avant. Le fait qu’ils l’aient fait ne nous dérange absolument pas. I
ci on aime les noirs, les arabes, les juifs, les homos, les hétéros et les martiens. J’apprécie même Lost Girls où il est question de zoophilie…Changer de sexe est à mon sens plus facile que changer de cerveau…
Tu vois, nous sommes ici de furieux débauchés avec qui tu n’as rien en commun Redwave…Sache le, dans cette équipe, il y a aussi des homos, des heteros, des totoros. Je ne sais pas encore ce que tu fous ici. Et comme disait Tintin, je ne sais pas comment tu es entré, mais je sais comment tu vas sortir….
Moult : Cure, Pixies, Dandy Warhols, Ramones, Arctic Monkeys, Joe Jackson, quasiment tout le punk et la plupart des artistes qui plébiscitent un rock de puriste binaire avec 2 accords, trois instruments et une voix de merde.
Mis à part Arctic Monkees et les Dandy machins, j’aime tous ces groupes moi !
Il est inimaginable de pouvoir résister à la beauté brutale de Doolitle ! 🙂
Les Pixies ont signé d’ailleurs un magnifique album de reformation. Je pense finalement avoir les même goûts en musique qu’en BD : simple, direct, efficace. Ce qui ne signifie pas idiot. Inversement, je deteste le jazz, tout ce qui est musique démonstrative et d’avantage le Reggae. Oh, le reggae, c’est insupportable….
Que dit un Rasta quand il n’a plus de drogue ?
« Mais c’est quoi cette musique de merde ?? » :))
@Patrick
Ahahah !
Très bon ça ! Il faudra que je le replace. Les seuls titres du dernier PIL que je n’aime pas sont des titres rasta justement !
@cyrille, mouias, pas tout à fait d’accord, il manque effectivement les choeurs de Kim Deal, mais bon dès Bossanova, elle fait du featuring…
Mmmhhh, I’ve got cocaine runnin around my brain…
Les chapelles musicale sont rarement complètement dépourvues d’attrait, et il y a des standards reggae accessibles à tout âge comme Tintin.
Quand au jazz, au-delà des goûts personnels, trouver autant de personnes qui réussissent la gageure de s’adresser autant à ton cerveau qu’à tes tripes, ca me la coupe.
Après on peut parler zouk, et là j’ai moins l’âme d’un Dupont Moretti
Le seul reggae que j’apprécie Iron Lion Zion…Mais encore….
Je ne reviendrai pas sur les Pixies, mais il y a du bon reggae et du bon jazz. J’ai eu une grosse période Miles Davis l’an passée, ce type était incroyable et pouvait faire trois albums totalement différents la même année. Comme les peintres, il a eu des périodes, et je n’ai vu qu’une partie de l’iceberg tellement sa discographie est riche et longue. Un ami m’a dit qu’il y en avait pour une vie complète. Tu devrais essayer le premier Peter Tosh « Legalize It » et au moins In A Silent Way, Someday My Prince Will Come, Sketches of Spain, Kind of Blue évidemment mais aussi Jack Johnson de Miles. Ce dernier devrait parler au fan de funk qui sommeille en toi.
Quant à la blague de Patrick, c’est une de mes favorites depuis de nombreuses années maintenant.
Pour les artistes respectables, tout dépend de ce que tu entends par là. Nombre d’anciennes stars du rock ou de l’indé me semblent ineptes désormais ou sans intérêt : les Stones, dEUS, Pixies… Mais je les écouterai toujours.
L’album de reformation des Pixies, je n’ai absolument pas accroché. C’est du Frank Black un peu en forme, mais il avait été bien meilleur avec son Bluefinger (pas sûr du titre).
Pas du tout d’accord avec ta liste, Tornado ! Tu as déjà écouté les Pixies ou Joe Jackson ? C’est très élaboré, comme musique ! Enfin je veux bien croire que ça te gonfle, c’est compréhensible.
Et il ne faut pas non plus croire tout ce que disent les types en interviews…
Sinon Artic Monkeys et Dandy Warhols bof. Jamais accroché.
Oui, ce sont vraiment des artistes qui me gonflent et dont le « musicalement correct » collé dessus par les critiques empêchent généralement de dire qu’on aime pas !
D’une manière générale, je ne supporte pas la musique trop binaire et épurée, aussi élaborée soit-elle.
Le reggae : J’aime bien les standards. Les Wailers et tout ce qui en sort dans les années 70 avec les magnifiques harmonies vocales. Je peux très bien écouter ça.
Le jazz : Je suis fan de la période blue-note de la 2° moitié des années 50. Mais je peux aussi écouter le jazz-fusion de la 1° moitié des années 70, avec Chick Corea, Stanley Clarke et toute la clique. Et enfin je suis fan total de Pat Metheny et son ouverture sur les musiques latines. Parce que justement je voue une passion sans limites pour la bossa-nova !
@redwave : Le film ayant été réalisé avant le changement de sexe des frères Wachowski, il n’y a pas lieu de changer la formulation dans l’article. A l’époque, ils étaient bien frères et pas encore soeurs.
Et sur le fond, dans le cadre de cet article, le changement de sexe des Wachowski n’apporte pas, à mon sens, un éclairage supplémentaire pertinent sur les choix artistiques effectués.
J’en ai assez qu’on me traite de troll! D’abord je ne fais qu’exprimer mon opinion.
Pourquoi m’insulter avec tant de hargne! Ne pourrions nous pas recommencer sur de nouvelles bases!
Je sais bien que j’ai du mal à communiquer, mais je ne veux blesser personne.
@Bruce des juifs et des homos parmi nous ? J’ai pas signé pour ça moi !
Non tant qu’il n’y a pas de sumérien parmi nous sa passe encore allé…
Si j’ai blessé quelqu’un , je m »excuse! Et je ne reviendrai plus écrire des posts
Magnifique de bout en bout. Un travail exceptionnel de décryptage du mode d’adaptation d’une oeuvre.
A force de vouloir trop simplifier une œuvre de référence pour les besoins de son adaptation sous d’autres médiums, on finit par la vider de sa substance, de sa richesse, allant parfois jusqu’à la contredire… – A la première lecture de cette phrase, j’ai cru qu’elle était d’Alan Moore lui-même.
Bel article Tornado, comme d’hab’ j’ai appris moultes choses sur cette BD, le film bof j’avais pas aimé des masses. Le comics est tellement splendide !!!