Pink Floyd en France – les dernières briques de Patrick Ducher
Un entretien de BRUCE LIT
« Pink Floyd en France – Les dernières briques » de Patrick Ducher (140 pages, chez Eclipse et disponible en deux éditions. Plus d’informations sur www.pinkfloydenfrance.com) . À noter que 2€ par livres vendus sont reversés à Amnesty International.
Nous avions déjà reçu Ducher pour le volume 1 retraçant les rapports entretenus entre le légendaire groupe de rock et notre pays. En tout Floydien qui se respecte, Patrick Ducher a composé une oeuvre (auto-financée) en deux parties dont il revient nous parler ici.
Bonjour Patrick. Ce deuxième volume de PINK FLOYD EN France (moins épais que le premier) c’est ton FINAL CUT après THE WALL à toi ?
Bien vu ! Pour me taquiner, les gens d’Éclipse (la maison d’édition qui a soutenu ces deux projets dingues) me disent que le premier volume de 430 pages aurait pu en atteindre 800 et qu’il aurait fallu offrir un lutrin aux lecteurs ! Inévitablement, il a fallu faire des choix éditoriaux à l’époque et de nombreux témoignages ont dû être laissés de côté. Il restait donc de la matière mais, en plus, nous avons eu envie de traiter de sujets floydiens peu abordés jusque-là. C’est pour cela que « Pink Floyd en France – Les dernières briques » est un complément et non une suite au précédent volume. Il fait tout de même plus de 140 pages ! De quoi satisfaire les lecteurs qui découvriront plein de nouveaux sujets passionnants et notamment la toute première interview de Gilmour.
Ton livre aborde des sujets inédits dans les bios du Floyd : le pressage français des vinyles !
J’ai eu la chance de pouvoir échanger avec un fan dont le papa a travaillé chez Pathé-EMI dans les années 70-80. Il a eu entre les mains les matrices de Wish, The Wall etc. Le processus de fabrication d’un disque est fascinant et extrêmement complexe. J’ai trouvé intéressant d’évoquer ce travail de l’ombre.
Tu rappelles en effet que des disques majeurs du groupe ont été enregistrés chez nous.
Les Floyd et certains membres en solo ont effectué plusieurs séjours dans des studios français réputés tels que Hérouville à la grande époque pour « Obscured By Clouds » et Superbear pour « The Wall » pour n’en citer que deux parmi les plus fameux.
Les disques solo de Gilmour et Wright ont également été enregistrés en France. On parle même aussi de ÇA IRA, l’opéra de Waters…
Effectivement, c’est un ingé-son français, Patrick Jauneaud (qui a également œuvré pour Kate Bush, Queen et beaucoup d’autres) alors âgé seulement d’une vingtaine d’années, qui s’est retrouvé à travailler sur « The Wall ». Il m’a décrit une ambiance de travail très studieuse : Gilmour, dingue du son parfait et Waters, trois petits points de suspension.
Ensuite, les fans du Floyd ont tendance à négliger l’opéra de Waters « ça ira ». Or, le bassiste a passé plus de dix ans à mûrir ce projet en compagnie du parolier de … Julien Clerc, Etienne Roda-Gil dont on oublie parfois qu’il fut militant libertaire. Waters était/est très sensible à l’idéal révolutionnaire, à tout ce que symbolise la notion de droits de l’homme et à la façon dont elle s’est propagée par la suite dans le monde. Éclipse m’a donc suggéré de creuser ce sujet effectivement passionnant.
Pourquoi selon toi, ÇA IRA n’a jamais été monté en France ?
Cet opéra a été joué en Italie, en Pologne ou encore au Canada, mais jamais chez nous, un comble ! Waters connaissait pourtant plusieurs membres de l’intelligentsia politique et culturelle française. Le sujet d’un opéra consacré à la Révolution française avait même été porté auprès de Jack Lang. Cependant, le fait d’être anglais rendait Waters probablement illégitime. C’est finalement le projet de Philippe Découflé qui a été retenu pour marquer le bicentenaire de la Révolution française. L’œuvre mérite malgré tout largement d’être réécoutée, car son fil narratif est original et ton propre point de vue sur le sujet m’a beaucoup inspiré.
Alexandre Higounet, auteur de livres sur le Floyd pour Le mot et le reste te dit quelque chose de très juste : l’ADN du groupe est composé du pôle Folk de Waters et du pôle complexe de Wright avec pour intermédiaire le Blues de Gilmour pour fluidifier cette musique.
Absolument, ce qui prouve une nouvelle fois que, comme beaucoup de grands groupes, l’entité globale est plus importante et forte que ses éléments individuels. Mais Alexandre Higounet démontre aussi l’impact poétique indélébile de Barrett au début du groupe.
Tu poses également une question intéressante : Wright était-il un héros méconnu ?
C’est un point qui avait été soulevé par un lecteur de « Pink Floyd en France » après la parution de mon premier opus. Peut-être que le récent remastering de « Wet Dreams » (1978) par Steven Wilson permettra de réévaluer le rôle du claviériste des Floyd ? Dans « Les dernières briques», le critique Hervé Picart n’est pas tendre avec Wright et estime que son influence au sein du groupe s’est étiolée au fil des ans, à partir « d’Animals ». Disons que c’est un musicien pétri de fêlures. Il ne s’en était véritablement ouvert qu’à Henry Dumatray de Rockstyle lors de la sortie de son second album solo « Broken China » (1996). Gilmour n’a d’ailleurs pas caché que « The Endless River » (2014) était une façon de rendre hommage à son défunt collègue. Musicalement, je dois bien avouer que ses productions me laissent indifférent. Par contre, son apport jusqu’à « Wish You Were Here » (1975) est indéniable. Et son introduction au piano sur « The Great Gig In The Sky » me donne à chaque fois des frissons.
Hervé Picart de BEST préface ton livre. Il parle d’ANIMALS avec beaucoup d’intelligence évoquant non pas le Punk pour décrire cet album, mais Bob Dylan !
Hervé Picart est un grand monsieur. Et BEST, c’est un retour aux sources pour moi. En effet, c’est suite à la lecture d’un de ses articles parus en avril 1974 (et dont la couverture montre Waters à Pompéi) que l’idée de faire quelque chose autour de Pink Floyd a commencé à germer en moi. Ado, je me délectais de ses chroniques et de ses reportages autour du prog et du hard. J’ai découvert qu’il était lui-même musicien et auteur de SF. C’est incroyable que pour la sortie de « Animals » en 1977, ce mensuel ait consacré une « story » qui s’est étalée sur 6 mois. Et l’éclairage de Picart sur cette période-là est fantastique. Cependant, je préfère personnellement l’expression « Punk Floyd » pour qualifier cet album marquant !
Un long chapitre est dédié aux concerts en France aux survivants du Floyd. Quels sont ceux qui t’ont le plus marqué ?
Je n’ai pas eu la chance de voir le groupe en live en France, mais j’ai écouté Gilmour en 2016 à Arc-et-Senans, Waters à Lyon en 2018 et enfin Mason, de nouveau à Lyon, un an plus tard. Chacun à sa manière entretient le mythe. J’ai frissonné chaque fois que j’ai écouté les témoignages de fans, notamment les plus anciens, me raconter leur expérience, qui à Paris au Palais des Sports en 1973, qui à Dijon ou Colmar en 1974. À chaque fois, l’ambiance est différence, le public, les « vibes » sont très spéciales. Et la ferveur des fans français reste intacte même après plusieurs dizaines d’années.
Ton opinion sur les nombreuses controverses de la tournée d’adieu de Waters ? Personnellement je n’ai pas voulu participer à ses grands shows populo-démagos….
Sujet hyper sensible. Je pense qu’il y a eu énormément de malentendus et de mauvaise foi – tant de la part de Waters que de certains médias – notamment lors des concerts en Allemagne. Que dire ? Je retiens seulement qu’à 80 piges bien sonnées, il est toujours capable de produire des shows grandioses. Je n’ai vu que le concert de Prague diffusé en live au cinéma. Son groupe est excellent et je note qu’il développe toujours une conception visuelle très pointue pour ses shows. Pour le reste, politique et musique font rarement bon ménage.
Un dernier mot pour la fin ?
Ce qu’a fait Pink Floyd ne pourra plus jamais être réédité. Cette musique a pu naître dans un contexte culturel, économique, politique et musical très spécial à la toute fin des sixties. Comme Mason l’a souligné dans « Pink Floyd en France », la France a joué un rôle crucial dans son essor commercial. Désormais, il ne reste les « tributes » pour faire vivre cette musique, en attendant les derniers tours de piste des survivants.
La très émouvante ouverture de Waters de son magistral opéra sur la révolution française.
Une interview captivante au cours de laquelle on ressent bien la passion de l’interviewé et de l’intervieweur.
Le processus de fabrication d’un disque est fascinant et extrêmement complexe. J’ai trouvé intéressant d’évoquer ce travail de l’ombre. – J’aurais volontiers lu une question de plus sur ce sujet.
ADN du groupe : joli analyse très parlante.
Ça ira : tiens, ça me fait penser que je ne l’ai pas encore écouté, je mets Ça sur ma liste.
Pose ta question et je suis sûr que Patrick te répondra.
Quelles sont ces différentes phases du processus de fabrication d’un disque, et en quoi celui de The Wall ou un autre album était remarquable ?
Je ne connais pas grand chose aux Pink Floyd mais c’est toujours intéressant de lire des passionnés sur le sujet (et on a un échange entre 2 connaisseurs ici !)
Je note avec intérêt l’existence de l’Opera Rock Ça Ira que je vais m’écouter ce week end sans faute !
Si tu écoutes Ca IRA, tu dois absolument privilégier la version française écrite par Etienne Roda-Giles. Je n’aime pas du tout celle traduite en anglais par Waters.
Comme d’habitude l’interview est cool (mais qui parle directement à des connaisseurs, si tu ne sais pas ce qu’est Final Cut, c’est mort), mais le sujet ne me passionne pas du tout. C’est vrai que d’autres choses comme le pressage français doit être intéressant mais pour le reste je t’avoue avoir été largué car je ne suis pas un connaisseur des albums solos des membres de ce groupe (d’ailleurs c’est très rare que je suive les carrières solos de membres de groupe que j’adore, et je ne sais pas pourquoi, peut-être parce que « l’entité globale est plus importante et forte que ses éléments individuels » comme dit Patrick dans l’interview).
Il parle de Steven Wilson, or je viens enfin d’apprécier un album de Porcupine Tree (en général je suis pas client même si je trouve ça super bien fait et intéressant) : Fear of a Blank Planet (la référence à Public Enemy ne gâche rien).
La BO ne me donne pas du tout envie d’essayer. Mais bon je crois simplement que je fais un rejet (et que je suis pas du tout dans ce trip en ce moment).
Ah ah ! 2 articles Floyd dans la semaine (avec ECOUTONS NOS POCHETTES), c’est sûr que ça tabasse direct dès l’ouverture de la saison. Il restera la rediff de WYWH de Tornado et je pense que l’on devrait être bon. BEST étant en hiatus actuellement, je ne pouvais pas passer à côté de ce livre.
Maintenant si tu insistes je peux faire un article sur ce que représente FINAL CUT hein…
Non merci ça va, il existe déjà en plus !
brucetringale.com/top-10-les-albums-les-plus-deprimants-du-rock/
Hey ! Cyrille, un nouveau bouquin sur PF sort le 27 Septembre !!! 😀
Un livre sur les Produits Français ? M’intéresse pas trop non plus. De toute façon j’ai un mal fou à lire des livres, je ne lis quasi plus que des bds.
Pink qui ? 🙂
Pinky ? 😀
Salut.
Sympa à lire et le format interview reste quand même un excellent vecteur. Parfois frustrant, car moi aussi la fabrication des vinyles m’aurait bien intéressé.
Article pas trop long, revenant sur des évènements pas forcément connus (j’ai appris plein de chose).
Génial l’affiche de l’époque avec les références au minitel. Un véritable voyage dans le temps.
Je me demande par contre si il est préférable d’avoir lu le premier tome avant de se procurer celui là ?
Le 1er tome fait plus de 400 pages. Le 2ème à peine une centaine.
J’ai acheté le livre à sa sortie (comme je le fais quasiment à chaque fois que sort un livre sur mon groupe préféré), mais je ne l’ai pas encore lu.
Personnellement, je ne cautionne pas l’opéra ÇA IRA. Je trouve que c’est un opéra plutôt médiocre et je trouve vraiment dommage que les fans de Waters écoutent celui-ci et pas d’autres opéras (j’ai presque envie de dire les « vrais opéras », c’est-à-dire les vrais chefs d’oeuvre) bien plus grandioses, tant qu’à faire. Je trouve également dommage que Waters y ait consacré 10 ans de sa vie au lieu de sortir un autre album dans son style habituel. Au pire, il aurait pu écrire une comédie musicale. Avec un peu de chance, on aurait eu un opéra-rock bien plus réussi…
Déjà que tu as mis un morceau de l’opéra rock « La révolution française » dans ton Top 10 : 10 SANCTIONS POUR VOS AMIS… Qu’on lui coupe la tête !
J’ai écouté CA IRA toute l’après midi. Je trouve que c’est un disque magnifique qui me prend aux tripes à chaque fois. Mais il est vrai que je n’écoute jamais de vrais opéras.
Alors, là, si ça te prend aux tripes à chaque fois, c’est quand même le plus important.
J’ai été abonné à l’opéra de ma ville pendant des années. Je pense avoir vu l’essentiel des grands opéras, et certains deux ou trois fois. Je dois dire que j’adore ça (en live, évidemment, pas à la télé).
Même après plusieurs années d’initiation à la musique classique, je suis reté très longtemps rétif à l’opéra. Le chant lyrique me rebutait.
Et puis, des amis m’ont invité à une représentation de Don Giovanni, le grand classique de Mozart, à la Monnaie à Bruxelles. Et ce fût une révélation complète. Sur scène, ça prenait une dimension que je n’ai absolument pas soupçonnée.
Après ça, madame zen et moi, ona pris un abonnement, que l’on a conservé pendant plusieurs années avant que déménagement, enfants,… nous amène à le laisser tomber.
Mais dans un futur plus ou moins proche, c’est certain que l’envie nous reprendra d’aller revoir régulièrement des opéras.
Ma période préférée, c’est le 20ème et les opéras contemporains, ou alors le baroque, surtout celui de la première période (Monteverdi et le recitar cantando).
Et bien voilà que nous avons un parcours en commun : « Après ça, madame et moi, on a pris un abonnement, que l’on a conservé pendant plusieurs années avant que déménagement, enfants,… nous amène à le laisser tomber. »
Pour ma part j’ai développé une passion pour les italiens, Puccini, Verdi et Rossini en premier lieu. Et Mozart (oui, DON GIOVANNI, c’est sublime).
Par contre, là où l’on est de nouveau en décalage : le 20ème et les opéras contemporains. J’ai énormément de mal. Et je déteste les mises en scène minimalistes où tu as deux chanteurs qui sont isolés entre deux draps blancs qui pandouillent sous une lumière blanche. Je préfère largement les bons gros décors rococo comme à l’époque. C’est aussi ce que j’aime dans l’opéra : le voyage dans le temps et l’espace. Cette ambiance d’opéra historique.