Thor 2 Prey, par Donny Cates, Aaron Kuder, Nic Klein
Un article de PRESENCEVO : Marvel Comics
VF : Panini
À l’issue de WAR OF THE REALMS, Thor a perdu un œil, Odin a décidé de quitter Asgard, et son fils est monté sur le trône. Mais il y a comme une sensation de pourri dans le royaume. En particulier, Thor doit fournir de plus en plus d’effort pour soulever son marteau. Il décide de tenter une expérience.
Ce tome fait suite à THOR BY DONNY CATES VOL. 1: THE DEVOURER KING (épisodes 1 à 6) qu’il faut avoir lu avant. Il regroupe les épisodes 7 à 14, initialement parus en 2020/2021, tous écrits par Donny Cates et mis en couleurs par Matthew Wilson. Les épisodes 7 & 8 ont été dessinés et encrés par Aaron Kuder, les épisodes 9 à 14 par Nic Klein. Les couvertures ont été réalisées par Olivier Coipel, avec une mise en couleurs de Laura Martin (7 à 12) et Matthew Wilson (13 & 14). Les couvertures variantes ont été réalisées par Nic Klein (*8), Liam Sharp, Alex Ross, Leinil Francis Yu, Greg Hildebrandt, Jenny Frison, Ed McGuinness, Jeffrey Veregge, Ken Lashley, Ryan Ottley, Todd Nauck, Michael Cho.
Hammerfall : épisodes 7 & 8. À Broxton dans l’Oklahoma, Adam Azis est tranquillement en train de réparer une voiture, dans son garage de mécanique auto à l’installation antédiluvienne. Il entend le tonnerre et un objet atterrit avec perte et fracas dans le champ derrière son garage : il ne manquait plus que ça, ça recommence. Il s’approche du cratère au milieu de la poussière soulevée et découvre un marteau encore fumant. Il observe Mjolnir de plus près, sans le toucher. Puis il passe un coup de fil et explique qui il est et ce qui lui arrive. À l’entrée d’Asgard, regardant Bifrost, Sif est en train de converser avec le corbeau Huginn, écoutant le roi Thor parlant à travers lui. Elle lui indique qu’il ferait mieux de s’équiper avec une de ces petites boîtes rectangulaires qui permettent de parler à distance, avec des jeux dessus, et que Loki en a une. Elle lui demande à quoi il joue à avoir jeté Mjolnir à Broxton : une expérience, répond-il. Dans le palais du roi, Thor entre dans la salle à manger et il salue Beta Ray Bill qui l’attend, en ayant enlevé son casque. Il lui propose de boire un verre avec lui, mais il lui faut se montrer insistant et persuasif pour convaincre son ancien ami. Thor a une proposition inattendue à faire Beta Ray Bill. À Broxton, Iron Man est arrivé sur place et il prend les choses en main pour gérer la présence de Mjolnir.
La situation continue de se détériorer pour Thor : le poids des responsabilités qui diminue d’autant ses libertés, ainsi que le poids de Mjolnir qui augmente. Il décide de tester ce qui se passe quand il en laisse l’usage à d’autres, en l’occurrence des terriens, dans une ville bien connue. Il s’agit de Broxton, la ville où Odin avait relocalisé Asgard dans la saison de Thor écrite par Joe Michael Straczynski, et dessinée par Olivier Coipel en 2007/2008. Sans grande surprise, ce n’est pas la meilleure idée qu’il ait eue. D’ailleurs Tony Stark dans son armure d’Iron Man va lui faire remarquer de manière brutale, jusqu’à lui asséner un grand coup de Mjolnir dans la tronche. Pour ces 2 épisodes, Nic Klein cède sa place à Aaron Kuder qui est en pleine forme. Il réalise des dessins précis et descriptifs, avec un fort niveau de détails, tout en sachant les aérer et s’inspirer des postures régaliennes instaurées par Coipel. Cela donne une narration visuelle aussi puissante dans les combats, que très humaine dans les dialogues, certains personnages sachant même sourire. Le coloriste complète les dessins avec des teintes spectaculaires, pour un beau divertissement. Le scénariste s’amuse aussi bien à opposer Thor et Iron Man avec une réelle facétie, qu’à humaniser Thor lors de ses discussions avec Tony Stark, avec Beta Ray Bill, et avec Adam Azis. Une histoire amusante et rapide, avec quelques touches dramatiques qui font bien ressortir toute la responsabilité qui pèse sur les épaules du nouveau roi, ainsi que ses inquiétudes.
Prey : épisodes 9 à 14. Dans des temps immémoriaux, Odin Borson, le grand aigle doré, et Jormungand, le grand serpent, se sont livrés bataille dans les racines de Yggdrasil, l’arbre-monde. Il savait que cette responsabilité serait un jour celle de son fils, et qu’il devait en faire un guerrier, mais aussi un homme. C’est la raison pour laquelle il avait créé Donald Blake pour qu’il puisse faire l’expérience d’être humain. Du coup, où va Donald Blake quand Thor est présent ? La réponse est : nulle part. Il se retrouve dans un lieu créé par Odin, une sorte de banlieue paisible où il passe son temps à faire une promenade, étant salué par ses voisins qui le respectent, sous un soleil doux et radieux. Il ne se demande jamais depuis combien de temps il en est ainsi. Parfois, il lève la tête, et rêve de voler dans cette aube sans fin. Dans son palais, le roi Thor demande une faveur à son frère : que Loki mente pour lui. Il refuse car il a renoncé à son titre de dieu des mensonges. En revanche, il lui fait la démonstration qu’il a remarqué que quelque chose ne va pas avec Mjolnir. Néanmoins, il accepte de remplacer Thor le temps que celui-ci se repose. Le dieu du tonnerre frappe alors son marteau au sol pour laisser place à Donald Blake, et se reposer dans le sommeil des anciens. Il disparaît mais se retrouve dans le nulle part créé par Odin.
Donc : retour sur le devant de la scène de Donald Blake. Ce récit peut prendre au dépourvu le lecteur s’il n’est pas bien familier de l’histoire de ce personnage. Dans The Mighty Thor numéro 159 paru en 1968, Jack Kirby et Stan Lee avait établi que cet homme avait en fait été créé de toute pièce pour servir de corps à Odinson et qu’il n’a donc pas de vie propre ou autonome. Ils avaient indiqué ce qu’il advient de Donald Blake quand Thor est présent. C’est à partir de ce postulat que le scénariste ramène Donald Blake et qu’il s’est produit quelque chose qui l’a détraqué. Une fois cet éventuel ajustement effectué quant à la véritable nature de l’alter ego de Thor, le lecteur plonge complètement dans le récit car le scénariste maîtrise bien l’historique de la série, et les personnages associés. Il y a bien sûr Asgard et Midgard, mais aussi Yggdrasil, Jormungand, et Ratatoskr, sans oublier Huginn et Mumin. Il met également en scène des personnages habituels de la série : Loki qui a viré sa cuti, Sif et sa nouvelle fonction, Balder, Volstagg, Jane Foster, Throg, Beta Ray Bill, et même Thori, le chien au caractère un peu particulier créé par Kieron Gillen & Doug Braithwaite en 2011. Cates s’amuse à faire le lien avec d’autres histoires qu’il a pu écrire dans l’univers partagé Marvel, avec Bats le chien fantôme de Stephen Strange.
La dynamique de l’intrigue est vite établie : Thor se retrouve dans l’environnement artificiel où déambulait Blake, et ce dernier est libre de laisser cours à sa colère, ayant accaparé les pouvoirs de Jormungand. Nic Klein est de retour pour ces 6 épisodes. Le lecteur perçoit de temps à autre l’influence de Coipel dans une attitude de Thor, mais c’est furtif. Il admire la manière dont Matthew Wilson déploie son talent pour nourrir les dessins à parti de la moitié de l’épisode 10, car dès que les affrontements prennent de l’ampleur, l’artiste se focalise sur les personnages, délaissant souvent les décors. Le coloriste sait mettre en œuvre des camaïeux sophistiqués qui transcrivent l’ambiance et les énergies autour des combattants, faisant le lien avec les volutes d’énergie et de poussière soulevées, faisant ainsi passer cette facette là des cases en mode expressionniste, pour accompagner les émotions et le ressenti des guerriers. Une belle réussite.
Les contours des dessins de Klein sont moins lissés que ceux de Kuder, moins arrondis, avec des traits plus fins et plus cassants, pour une réalité plus âpre, mais pas moins consistante grâce à la mise en couleurs. Il décrit les décors en fonction de leur importance dans la scène : Bifrost, la ville de banlieue sous le soleil rayonnant, avec ses habitants, s’étendant à perte de vue, puis sous un soleil brûlant, avec ses rues éventrées et ses habitations en ruine, l’armurerie royale, le grand hall, la salle de restaurant, la mare et la végétation aux alentours, la maison si caractéristique de Stephen Strange, un bar, Yggdrasil, une pièce souterraine avec un serpent. Le lecteur remarque bien que les fonds de case peuvent être vides de décors pendant plusieurs pages, mais il est envouté par les camaïeux expressionnistes et par les personnages, puis par la force des coups. L’apparition de Donald Blake dans un dessin en pleine page fait froid dans le dos par sa pose et sa chevelure, indiquant un individu sur la route de la vengeance, animé par une forme de démence. Le lecteur ressent un frisson quand il découvre dans quel état Blake laisse Bill. Il retient son souffle en regardant Blake se contenir à grand peine lors d’un repas en tête à tête avec Jane Foster. Il retient sa respiration en découvrant le cadavre d’une grenouille disséquée en gros plan.
Donny Cates est toujours aussi convaincant pour faire ressentir l’impression du changement, même à un lecteur blasé sachant pertinemment que tout reviendra comme avant dans quelques mois ou quelques années. D’ailleurs il ne s’y est pas trompé puisque Odin revient sur scène dès ce deuxième tome. Mais en attendant, le scénariste sait y faire. Il commence chaque épisode avec deux ou trois pages chargées en cartouches de texte pour rappeler qui est le personnage et l’une de ses principales caractéristiques, par exemple la nature de Donald Blake dans l’épisode 9. Ensuite, il fait voler en éclat ce statu quo et explore plusieurs conséquences. Il n’étire pas cette évolution sur plusieurs épisodes, mas prend bien soin d’en mettre en scène une différente par épisode, sans craindre de modifier en profondeur ce que le lecteur pouvait tenir pour un invariant, par exemple le côté immuable de Donald Blake. Le lecteur se rend compte que c’est ce qu’il attend : du changement, de la surprise, et ça fonctionne parfaitement. Il ne s’attend pas à une telle forme d’audace bousculant les conventions bien établies, même s’il sait que ça n’est que provisoire.
Ce deuxième tome confirme toute la fougue du scénariste, pouvant se montrer humoristique dans la première partie, et dramatique dans la seconde. Il sait mettre à profit la richesse de l’histoire du personnage, des autres personnages et de la mythologie pour s’aventurer dans des territoires où les autres n’étaient pas allés avant. Aaron Kuder réalise des planches descriptives pleines de vie, combinant majesté et puissance, avec une pointe d’humour. Nic Klein passe dans un registre plus léger en décors, mais avec une dramaturgie adaptée à l’intrigue, et un coloriste qui complète avec intelligence ses dessins pour une narration visuelle prenante.
Rien des scans ni du résumé ne me fait envie (je ne comprends pas le dernier scan et si c’est ce que je soupçonne à savoir un Donald Blake qui devient fou et violent parce qu’il a bobo à sa virilité…Au secours je fuis!)
C’est sans doute très bien fait par des artistes compétents, mais je recherche de la trouvaille visuelle , du design je ne pense plus trouver ça sous l’estampille Marvel.
J’avais été charmé par les dessins de Nic Klein, que j’avais également beaucoup apprécié sur la mini-série Drifter, avec le scénariste Ivan Brandon, et sur plusieurs épisodes de Captain America écrits par Rick Remender.
Merci pour cette présentation !
A voir. J’aime bien ce que j’ai lu de Donny Cates : son Cosmic Ghost Rider est iconoclaste et marrant, son Hulk était différent de ce qu’on a déjà lu.
Ce qui m’inquiète, c’est que l’histoire de Donald Blake revanchard me rappelle un peu trop une histoire relativement récente et qui m’avait ennuyée dans The Mighty Thor de Fraction, où Blake devenait un antagoniste manipulé par l’Enchanteresse.
Cosmic Ghost Rider par Cates & Dylan Burnett : excellent !!!
babelio.com/livres/Cates-Cosmic-Ghost-Rider–Bebe-Thanos-doit-mourir-/1538913/critiques/1860169
Ha…. j’ai pas du tout accroché à ce run de Thor…
j’ai trouvé les 6 premiers épisodes poussifs..Et ce « retour » de Don Blake .. plus qu’inutile, l’histoire ayant déjà été racontée par Matt Fraction … il y a 10 ans.
Cates ne fait que reprendre l’histoire de Fraction en changeant quelques éléments.
j’ai abandonné la lecture de la série au 17 (je me suis forcé pour tenir jusque la…. ) même si j’ai acheté le 24 (numéro anniv 750 avec du Walt, Jurgens, Straz, Aaron … )
J’ai beaucoup aimé l’écriture de Donny Cates d’une manière générale, même ses Gardians of the Galaxy : des récits vifs et rapides, avec un véritable amour des personnages.
Je n’ai pas réussi à passer le premier numéro. Peut-être que ta superbe chronique saura me donner envie. Mais Donny Cates n’est malheureusement plus que l’ombre de lui-même.
Un run décevant dans l’ensemble (terminé par d’autres suite au départ du scénariste), heureusement qu’Ewing (également passé après Cates sur les Gardiens de la Galaxie) relève le niveau ensuite.
J’ai arrêté après le tome 3, je n’ai pas tenté les épisodes d’Al Ewing, très bon scénariste également.
J’ai cru comprendre que Donny Cates s’était consumé en cours de route.
Pour aller plus loin, un commentaire sur le tome 3 :
babelio.com/livres/Cates-Thor-tome-3–Revelations/1397429/critiques/2938263
Bonsoir Présence.
Je ne sais pas où je me suis arrêté, mais Donny Cates et notamment son THOR font parties des raisons qui m’ont fait arrêter la lecture des comics mainstream.
J’avais trouvé le premier arc mauvais, celui a suivi, à mes yeux, la même trajectoire.
Je n’aime pas l’écriture de Cates. Cela passait bien sur ses scénarii en indé, sauf que là c’est les mêmes ficelles qui ne fonctionne pas sur ce type de série et personnages.
Tu parles d’audace je pense esbrouffe et tape à l’oeil.
Donc désolé, pas pour moi malgré un article plus « court » que d’habitude et intéressant.
Au passage je souhaite un bon rétablissement à Donny Cates.
Mince, je ne pensais pas que Donny Cates avait fait de tels ravages parmi les lecteurs. 😀
Remarque intéressante car elle me fait prendre conscience que mon avis porte la marque de la production de l’époque, avec des observations comparatives en creux. Il est vraisemblable que si ces comics étaient sortis au milieu d’une production différente, ma perception et mon ressenti en auraient été différents.
Donny Cates n’est pas un manchot. Il me semble même être le type d’auteur bien en phase, avec un talent certain, avec le lectorat actuel.
Je pense que j’aurais aimé lire du Donny Cates il y a 15-20 ans. Plus maintenant.
D’où surement le fait, qu’il n’est pas fait pour le moi des années 2020…..
Merci pour la présentation Présence, désormais j’en sais un peu plus sur le run dont parlait Lavitch dans l’article mis en lien hier par PierreN. Il est très peu probable que je lise ça un jour, c’est beaucoup d’investissement, mais maintenant je sais qui est Donald Blake (nom que j’ai lu pour la première fois dans ton article sur Le massacreur de dieux). Tu cites beaucoup de noms de personnages que je connais pas.
Les scans ne me donnent pas trop envie mais le premier avec Iron Man est assez savoureux, ça peut être marrant, ce que tu soulignes. Les couleurs ont l’air pas mal.
En plus tu cultives mon vocabulaire (régalien, j’avais totalement oublié ce mot). J’aime beaucoup ton paragraphe sur les attentes du lecteur.
Ah oui, tu pars de loin : je n’imaginais pas que tu n’avais jamais entendu parler de Donald Blake. Je ne m’étais jamais posé la question, mais je crois que je viens de comprendre que Donald Blake n’apparaît pas dans les films du MCU ?
En effet, je ne crois pas que Donald Blake apparaisse dans le MCU.
Donald Blake et l’ex de Jane Foster dans le premier Thor, son badge est resté sur le t-shirt qu’elle donne à Thor.
Donald Blake est l’ex de Jane Foster ? Aucun souvenir, ni du badge.
une blagounette dans le premier Thor.
Merci pour ces informations. Je comprends que Donald Blake a été évacué de la version MCU, ce qui fait sens car la dualité Blake/Thor a toujours été difficile à gérer.
Dans les premiers épisodes de Journey into mystery, Donald Blake est un simple être humain qui a eu une existence normale depuis sa naissance. Le marteau le transforme, et tout de suite ça devient contradictoire. Thor existe également en tant qu’individu à l’existence autonome, distincte, ayant été vénéré par les vikings, existant depuis des millénaires. Mais il n’y a pas de hiatus entre la mémoire de Thor et celle de Donald Blake, comme s’il s’agissait d’un unique individu depuis tout temps.