Punisher MAX . : Kitchen Irish (Episodes 7 à 12) par Garth Ennis et Leandro Fernandez.
AUTEUR : JP NGUYEN
Une bombe explose dans le Kerry Castle, un bar de Hell’s Kitchen. Le Punisher est aux premières loges et manque d’y rester. Après avoir participé aux premiers secours, Frank Castle espionne la police et apprend que l’attentat porte la signature de l’IRA.
Le Kerry Castle étant un point de ralliement des Westies, un gang d’irlandais, le Punisher entreprend de capturer leur chef Tommy Toner pour l’interroger. Mais un autre gang rival lui coupe l’herbe sous le pied. Le Punisher se retrouve alors embringué dans une guerre des gangs irlandais entre quatre factions :
– les Westies, donc, le gang majeur, dont Brenda Toner va reprendre la direction suite à l’enlèvement de son époux
– les Rivers Rats, qui sévissent en piratant les bateaux de luxe croisant au large de New-York, menés par Eamon et Polly, frère et sœur à la relation ambiguë.
– le gang de Maginty, un noir ayant grandi à Dublin et qui va s’adjoindre, par chantage, les services de Napper, un expert dans la découpe de corps humains.
– Finn Cooley, l’homme à l’origine de l’explosion du Kerry Castle, secondé par son neveu Peter et en cheville avec Michael Morrison, trafiquant installé aux Etats-Unis et financeur officieux de l’IRA.
Finn possède un look très particulier, étant donné qu’un accident dans la manipulation d’une bombe l’a laissé défiguré, avec un masque de plastique transparent recouvrant sa peau (ce qui le fait ressembler à une sorte de Crâne Rouge du pauvre).
Tous sont en course pour récupérer un magot de 10 millions de dollars, qui aurait été caché par le vieux Nesbitt, un ancien parrain local. Et c’est pour éliminer la concurrence que Finn Cooley a placé une bombe au Kerry Castle. Mais l’engin s’est déclenché inopinément, avant que tous les intéressés ne soient arrivés sur place. Ca fait déjà pas mal de monde, non ?
Mais Ennis ne s’arrête pas là, puisque débarquent Yorkie Mitchell, officier du MI6, ancien SAS et compagnon d’armes de Frank Castle, missionné pour arrêter Finn Cooley. Il est accompagné d’Andy Lorimer, un soldat britannique dont le père a été assassiné par Peter Cooley. Vous suivez toujours ?
Ayant déjà pas mal défloré le sujet, je ne détaillerai pas tous les développements de l’intrigue, sachez simplement que fusillades, mutilations, tortures et explosions sont au menu. Arrivé là, on se dit qu’on n’aurait peut-être pas dû choisir de manger irlandais sur ce coup car le repas s’avère quelque peu indigeste.
Après une très bonne entrée en matière avec la scène de l’explosion, marquée par la réaction et les pensées de Frank Castle, son aveu de relative impuissance et sa volonté de sauver une des victimes en assistant un pompier débutant, Garth Ennis doit présenter au lecteur tous les personnages et éléments cités plus haut et ce n’est point chose aisée.
Pour l’aider dans sa tâche, il peut compter sur Leandro Fernandez, dont c’est le premier passage sur la série Punisher MAX. Par rapport à son prédécesseur Lewis Larosa, Fernandez possède un trait beaucoup plus net et utilise beaucoup les aplats noirs (sur cet arc, il est dessinateur-encreur), un peu à la manière d’Eduardo Risso (dessinateur de 100 Bullets).
Il arrive à donner une apparence distinctive à presque tous les personnages, s’acquitte très bien des scènes d’action mais ne peut pas grand-chose pour dynamiser les scènes explicatives. Dean White assure les couleurs mais amène moins d’effets de textures que dans certains de ses autres travaux, si bien que certains personnages se retrouvent avec des visages étrangement lisses.
La présentation des plats est donc bien faite même si elle n’est pas d’une originalité remarquable (le connaisseur relèvera une petite faute de goût de Fernandez, qui dessine beaucoup de bouteilles de Jack Daniels, whisky américain, dans une histoire truffée d’irlandais…).
Alors pourquoi ce manque d’enthousiasme dans le coup de fourchette ?
Le Chef Ennis (qui a grandi à Belfast) a eu les yeux plus gros que notre ventre sur ce coup-là. Il a voulu nous livrer sa réflexion, qui lui tient sans doute très à cœur, sur l’armée républicaine irlandaise et ses dérives, à travers un récit de guerre des gangs multi-factions, dans une série censée être consacrée au Punisher. A plusieurs moments, par l’intermédiaire de ses personnages, Ennis exprime sa colère à propos de l’inanité du conflit irlandais et de l’hypocrisie des va-t’en guerre avides d’épouser une cause pour assouvir leur soif de violence.
Cependant, je trouve que la sauce n’a pas bien pris car le Punisher se retrouve trop relégué au second rang, dans sa propre série, et cela sans qu’Ennis ne parvienne vraiment à développer les autres personnages de manière satisfaisante (on sent pourtant qu’il avait des idées pour chacun et qu’il tente de leur donner leur « moment » dans le récit mais on garde une impression de trop peu, de saupoudrage).
A courir trop de lièvres, on finit par noyer le poisson. La multitude de personnages de cet arc ne le rend pas plus savoureux mais, au contraire, le dessert. Dans « In the Beginning », le personnage de Microchip permettait une relation très forte avec l’histoire personnelle du Punisher. Ici, Frank Castle semble presque parachuté dans une guerre qui n’est pas la sienne., ce qui est un peu fort de café !
En mignardise, Yorkie Mitchell livre quand même une petite réflexion à Andy Lorimer, qui a vengé son père mais confesse ne pas se sentir différent, ni soulagé.
Yorkie lui fait alors le parallèle avec Castle, qui venge sa famille depuis des années sans que cela ne le change vraiment. C’est un éclairage bienvenu sur le personnage mais qui arrive un peu tard dans un arc où le Punisher se retrouve presque figurant de sa propre série. Dans l’arc suivant, Ennis change de lieu et de recette et Frank Castle distribue des pains (russes).
Les métaphores culinaires : j’adore ! vraiment bien vu.
Il me semblait bien que cet arc était le moins bon de la série avec Widowmaker.
Le conflit irlandais ne me parle pas beaucoup et à chaque fois que Ennis l’aborde (légitimement) dans The Boys ou Preacher, j’ai accéléré la lecture.
Bravo en tout cas pour t’être tapé une histoire que peu de personne apprécient !
Ps tu aimes ton icône ? Il me semble que ça t’es adapté si j’en crois ton blog !
Bonjour JP N’Guyen,
Masque de plastique transparent recouvrant sa peau : Ennis a l’art et la manière de concevoir des visuels qui mettent mal à l’aise, entre le grotesque, le franchement horrifique et le plausible.
Beaucoup de bouteilles de Jack Daniels – Belle faute de goût en effet.
Punisher trop relégué au second rang, dans sa propre série – Si je me souviens bien, cette approche narative est encore plus prépondérante dans « In the beginning ». Pour avoir lu beaucoup d’histoires du Punisher (celles de Mike Baron et Chuck Dixon), il s’agissait d’une forme quasi obligatoire. Le scénariste et le lectorat tenaient comme acquis que Frank Castle n’avait aucune épaisseur psychologique et que ses récits n’avaient d’intérêt que dans les tenants et les aboutissants des conflits dans lesquels il intervenait (et dans les criminels plus ou moins hauts en couleurs). Dans la perspective de la méta intrigue, il est assez naturel qu’Ennis fasse monter en puissance Castle de amnière progressive. Cela assure également un lien avec ses précédentes versions « Marvel » (mais ça ne reste que mon avis très personnel).
Je me rends compte que je ne me souviens pas beaucoup de cet arc. Je crois que j’avais bien aimé, mais il ne m’a pas marqué. Je me souviens davantage du suivant, en Russie…
Bonjour,
Moi j’ai bien aimé cet arc. Il est un peu moins bien que les deux précédents mais je le préfère à Born.
J’ai trouvé les chefs de chaque gang assez charismatique, les membres du MI6 sont plutôt pas mal dépeint.
Ce jeune qui tout comme Frank veut se venger est plutôt bien pensé.
Même si il est du coté de Castle et qu’il comprend qu’il y a besoin de faire ce qu’il fait, il n’arrive pas à justifier ses actes.
Et la conclusion est bien trouvé.
Merci aux membres de ce blog de m’avoir fait découvrir Garth Ennis car depuis que je m’y suis mis je dévore ses albums (Punisher, Fury Max, Red team).
Wow Bastien ! Un Punisher par jour ! Respect !
Bon. Je viens de le relire et c’est de nouveau du 5 étoiles en ce qui me concerne !
L’alchimie entre le divertissement défoulatoire et la toile de fond réflexive, teintée de références cinématographiques, m’a de nouveau emporté à des milliers d’années lumières au dessus de la masse de comics. Et puis quel spectacle !
Le réquisitoire anti-cons par Ennis est fantastique !
Suis-je le seul à avoir repéré l’allusion à « Scarface » (immigrés Irlandais gangsters + immigrés cubains gangsters = même combat !) avec le personnage de « Finn Cooley », défiguré jusqu’à la caricature ?
Comme tu le disais sur amazon, effectivement (et je m’en veux de ne pas avoir pensé à le formuler ainsi plutôt), déjà dans cette histoire, le Punisher incarne la réaction de l’individu citoyen, réagissant à cette violence qui s’exprime contre la société américaine. Garth Ennis rend cette approche explicite dans le dernier tome. Le Punisher est l’expression armée de la conscience collective indignée.
Oui. Mais ce n’est pas un discours de beauf réac, car à la fin, Frank finit damné et désespérément seul. Une véritable impasse, en somme ! (pour reprendre une autre référence au cinéma de Brian de Palma !)
Si tu veux continuer le jeu des analogies, Mother Russia = Mission: Impossible ?
Pour les autres arcs, c’est plus coton de trouver des correspondances avec la filmo de De Palma…
Je ne pensais pas en faire trop sur ce coup là. L’analogie « Finn Cooley »/ »Tony Montana » m’a vraiment paru évidente.
Tiens une chronique sur l’arc qui m’a fait lacher le label MAX et sa gratuité en roue libre…
Vous me dites que c’est le moins bon…Dommage j’aurais du persévérer… 🙂
Arf, à la longue, ça fait un peu secte de le répéter, mais Punisher MAX, c’est bien. Après, de mémoire, tu n’accroches pas trop au concept même du personnage donc…
Mais quand même, au fil des arcs, Ennis creuse la personnalité de cet anti-héros et raconte de bonnes histoires, en levant même le pied sur les moments absurdes et grand guignol dans la deuxième partie de son run…