OBJECTIF LUNE + ON A MARCHÉ SUR LA LUNE, par Hergé
Par TORNADOVF: Casterman, Editionsmoulinsart
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Tous les scans de cet article Copyright Hergé-Moulinsart 2023
Cet article portera sur les seizième et dix-septième albums des aventures de Tintin : OBJECTIF LUNE et ON A MARCHÉ SUR LA LUNE, que nous appellerons le DYPTIQUE DE LA LUNE pour aller plus vite.
C’est le onzième article d’une suite regroupant l’intégralité de la série, après :
- Tintin Au Pays des Soviets
- Tintin au Congo & Tintin en Amérique
- Les Cigares du Pharaon & Le Lotus Bleu
- L’Oreille Cassée & L’Île Noire
- Le Sceptre d’Ottokar
- Le Crabe Aux Pinces D’Or
- L’Etoile Mystérieuse
- Le Secret de la Licorne & Le Trésor de Rackham le Rouge
- Les 7 Boules de Cristal & Le Temple du Soleil
- Tintin au Pays de l’Or Noir
Lorsqu’Hergé achève son DYPTIQUE DU SOLEIL en 1948, après pas mal de tourments liés à la guerre et à un état dépressif (voire article précédent), il songe déjà à envoyer son héros sur la lune. Enthousiasmés par le projet, ses amis Jacques Van Melkebeke (journaliste, écrivain et scénariste) et Bernard Heuvelmans (scientifique, zoologue et écrivain, qui publiera un essai en 1944 intitulé L’HOMME PARMI LES ÉTOILES) lui proposent de s’impliquer et rédigent un scénario. C’est la première fois qu’Hergé accepte la participation de quelqu’un d’autre pour écrire les aventures de Tintin. Mais la dépression décourage l’auteur et il préfère mettre le sujet (tout de même sacrément ambitieux) de côté pour reprendre TINTIN AU PAYS DE L’OR NOIR (voire article précédent, bis).
En janvier 1950, Hergé adresse une lettre à l’un de ses amis en ces termes : « J’ai recommencé à travailler avec courage et enthousiasme, et j’ai l’impression que la mauvaise passe dans laquelle je me trouvais est définitivement terminée« . Définitivement ? On verra que non mais, pour l’instant, l’auteur retrouve effectivement son moral et son envie de s’atteler à ce qu’il appelle encore « TINTIN SUR LA LUNE ».
1 – Vers l’infini…
La publication de cette nouvelle et ambitieuse saga débute dans le journal Tintin le 30 mars 1950. Mais le 7 septembre, arrivé à la vingt-quatrième planche, tout s’interrompt. L’auteur vient de retomber dans la dépression.
Lors de la publication de TINTIN AU PAYS DE L’OR NOIR, Hergé avait dû suspendre sa publication à plusieurs reprises pour cause de dépression, parfois pendant plusieurs semaines, voire pendant quelques mois. Cette fois, son travail sur le DYPTIQUE DELA LUNE va s’interrompre pendant plus d’un an et demi !
On connait bien les causes de la première dépression, qui était due à une accumulation de marasmes (accusations de collaboration avec les nazis, amis condamnés par la justice, deuil, trahisons et conflits judiciaires, adultère, doutes profonds, velléités d’exil, peur de l’échec, surcharge de travail). Cette fois, c’est le seul surmenage qui en est le déclencheur.
Après vingt ans de travail acharné, Hergé est devenu le maître incontesté de son médium et ce n’est pas sans conséquences. Le succès et la qualité de son travail le contraignent à l’excellence. La pression qu’il s’inflige est si considérable qu’il finit par craquer. En envoyant Tintin et ses amis sur la Lune, Hergé compte bien que chaque détail soit d’un réalisme sans faille et d’une rigoureuse authenticité scientifique. C’est une entreprise énorme !
Si, au départ, la présence de Bernard Heuvelmans le rassure, il va vite se mettre à contacter les plus grands représentants du monde de la science pour tout ce qui approche de près ou de loin l’étude de notre satellite, la construction et la technologie des fusées, en passant par celle de tous les engins et usines ayant un rapport avec l’astronautique !
À côté de toutes ces recherches (sans parler du travail de titans que nécessite la qualité sans équivalent de chacune de ses planches du point de vue de l’alchimie entre le découpage, les dialogues, la fluidité et l’humour constant), Hergé doit non seulement assurer la direction du journal Tintin, les diverses couvertures du magazine, mais aussi la refonte de certains anciens albums et toute la partie administrative de son petit monde de l’édition ! S’il commence alors à s’entourer de collaborateurs, avec un nouveau-venu dont on entendra beaucoup parler par la suite (Bob de Moor, pour ne pas le nommer), la surcharge de travail finit par l’écraser aussi sûrement que le ferait un sac de ciment sur une pauvre fourmi.
Il lui faudra donc plus d’un an et demi pour retrouver Tintin. Mais ces dix-huit mois ne seront pas si stériles que ça. Hergé a maintenant l’expérience de la dépression et il sait qu’il ne faut pas céder à la pression des éditeurs et du public qui réclament et exigent la reprise des aventures de Tintin, auxquels il explique qu’il fera désormais son travail à son propre rythme et que ce n’est pas négociable. Il sait aussi qu’il ne doit pas rester sans rien faire et, s’il ne peut plus assurer la préparation de ses planches, il continue de dessiner quelques couvertures pour garder la main tout en poursuivant ses recherches documentaires sur les détails scientifiques du voyage lunaire. Lorsqu’il se remet au travail, le 9 avril 1952, il le fait alors dans les meilleures conditions possibles.
Les sources d’inspiration du DYPTIQUE DE LA LUNE sont bien connues des tintinophiles, notamment celle de l’illustrateur américain Chester Bonestell. C’est en regardant le film DESTINATION LUNE, réalisé en 1950 par Irving Pichell (et diffusé dans les salles un peu avant la parution des premières planches du DYPTIQUE) qu’Hergé commence à repérer puis à s’inspirer de ses travaux.
Ce détail est tout sauf anodin : DESTINATION LUNE a en son temps exercé une fascination immense sur le public mondial, et l’on dit que le film a probablement contribué à ancrer dans l’esprit des américains la possibilité du véritable voyage qui s’effectuera en 1969. Quant à Chester Bonestell, son influence sur l’esthétique science-fictionnelle aura des répercussions majeures dans tous les médiums visuels, et ira jusqu’à inspirer le programme spatial américain.
Une source d’inspiration pour… tout le monde !
(Production George Pal)
Du scénario initial rédigé par Van Melkebeke et Heuvelmans, Hergé ne gardera presque rien (seulement le gag du whisky en boule sous l’effet de l’apesanteur et la sortie dans l’espace du capitaine Haddock pris dans l’attraction du satellite Adonis). Il reprend tout à zéro et comprend définitivement que personne ne peut raconter les aventures de Tintin à sa place, car ses personnages s’expriment à travers son esprit à lui-seul et ils n’ont pas la même « voix » lorsque ce n’est pas lui qui les anime.
C’est donc auprès des véritables scientifiques du monde astronautique qu’il va puiser ses sources. S’il lit abondamment les écrits d’Auguste Picard (le modèle du Pr. Tournesol !), c’est auprès d’Alexandre Ananoff, avec lequel il engage une intense correspondance, qu’il va le plus s’abreuver de science et de technologie. Les croquis du livre d’Ananoff lui fourniront les précieux modèles dont il se servira pour les combinaisons spatiales, mais aussi pour les cabines de la fusée, notamment le poste de pilotage dont il fera faire une maquette ultra-détaillée, qui servira de modèle pour ses collaborateurs chargés de réaliser les décors du DYPTIQUE.
Notons également les travaux d’Hermann Oberth, mais surtout de Wernher Von Braun, l’inventeur de la terrible fusée V2 (déjà une fusée à carreaux !) qui passera ensuite le reste de sa vie aux USA, en quête de rédemption. Deux sources d’inspiration qui exerceront également leur influence sur le DYPTIQUE DE LA LUNE.
Si l’expérience réelle du voyage sur la lune a rendu caduques de nombreuses thèses scientifiques exposées dans le DYPTIQUE, il n’empêche que, replacés dans leur contexte, le travail de documentation et les propositions de cette aventure demeurent toujours convaincants et impressionnants.
La contrepartie est qu’Hergé tient absolument à convaincre ses lecteurs que ses personnages vont vivre une aventure scientifique parfaitement réaliste. Il va donc empeser sa narration d’une déferlante de phylactères explicatifs, la plupart du temps issus de la bouche du professeur Tournesol, génial inventeur de la fusée lunaire (lequel génie a pris une sacrée ampleur depuis son bathyscaphe en forme de requin, confectionné à l’époque de sa rencontre avec Tintin !). Si Hergé réussit à éviter les cellules de texte intempestives dont son ami Edgar P. Jacobs constelle les planches de ses BLAKE & MORTIMER, il cède néanmoins à la parlote en laissant Tournesol déverser des kilomètres d’explications techniques ! Le lecteur est donc soumis à rude épreuve et certaines pages d‘OBJECTIF LUNE, le premier des deux tomes formant le DYPTIQUE, peuvent rebuter le quidam venu lire l’une de ces aventures légères et aérées auxquelles l’auteur l’avait jusqu’ici habitué.
Mais en dépit de toute l’admiration que l’on peut éprouver pour son ancien collaborateur, Hergé n’est pas Jacobs et son art de la narration est d’un tout autre niveau. C’est ainsi que le labeur du lecteur, soumis à d‘interminables explications scientifiques, va rapidement être récompensé, car Hergé lui a mitonné une hallucinante série de gags dont il a le secret…
Tous ceux qui ont eu le privilège de côtoyer l’auteur l’ont confirmé : le bonhomme était doté d’un sens de l’humour exceptionnel, un « don » qu’il a généreusement mis au service de ses créations (les strips de QUICK & FLUPKE, par exemple, sont autant de gags hilarants, dissimulant en sous-texte une brillante caricature de l’époque).
Le capitaine Haddock, Milou, le professeur Tournesol et les Dupondt vont ainsi y aller de leurs gaffes chacun leur tour. Et c’est un véritable festival de gags, souvent visuels mais aussi très écrits, passant la plupart du temps par un travail du dialogue raffiné, qui va cumuler sur la mythique scène du « zouave« , dans laquelle le professeur Tournesol, qui vient pour la première fois d’entendre les sarcasmes du Capitaine à son endroit, sort de ses gonds ! Un running-gag parmi les meilleurs de toute la série !
Au final, malgré une écrasante multiplication de phylactères, la lecture de cette première partie réussit un tour d’équilibriste d’une virtuosité inouïe en gardant un maximum de fluidité à cheval entre les explications techniques et l’humour constant !
2 – … et au-delà !
Comme l’avaient été les précédents dyptiques de la série (celui de LA LICORNE et celui du SOLEIL), celui de LA LUNE est découpé en deux parties distinctes, le voyage ne s’effectuant que dans la seconde. Le premier segment s’achève avec le décollage de la fusée tandis que le deuxième commence directement dans l’espace. C’est la troisième fois consécutive (si l’on excepte l’intermède de L’OR NOIR) qu’Hergé réussit ce basculement, dont le timing de soixante-deux pages par album tient de l’horlogerie suisse.
Nos compagnons sont donc en route pour la lune et, d’emblée, les choses se compliquent puisque ces nigauds de Dupondt font bien malgré-eux partie du voyage (ils se sont endormis dans la fusée durant leur dernière visite de sécurité en confondant l’heure de départ !). Résultat : Les ressources en oxygène vont être insuffisantes pour le voyage de retour ! Cette entrée en matière dramatique, accentuée par les vicissitudes des deux policiers et du Capitaine Haddock, qui imprègnent l’esprit du lecteur de l’angoisse de se perdre dans l’infini du cosmos, annoncent le programme : la seconde partie du DYPTIQUE, pourtant tout-aussi drôle que la première, se déroulera sous les auspices de la tragédie.
Effectivement, certains voyageurs (dont l’un d’entre eux -un ennemi de Tintin issu d’une précédente aventure- est un espion dissimulé dans la soute par un traitre dont l’identité demeure encore mystérieuse) ne reviendront pas, et la mort sera abordée de front dans cette nouvelle aventure.
Pire encore : Hergé mettra en scène un suicide (hors-champ, mais quand même), une première dans la série (et sans doute aussi dans la bande-dessinée adressée à la jeunesse). Un passage aussi traumatisant que poignant pour le jeune lecteur, faisant de la victime une figure tragique inédite (en vérité l’ingénieur Wolff, l’adjoint du Pr. Tournesol qui, tourmenté par le remord, met fin à ses jours pour permettre au reste de l’équipage de revenir sur Terre avec assez d’oxygène). Alors que le Capitaine Haddock avait déjà montré ses fêlures à maintes reprises, voilà qui démontre à quel point l’œuvre d’Hergé est nettement moins manichéenne que beaucoup voudraient l’affirmer.
Lors de la réédition en album, certains bienpensants (on ne saura jamais exactement qui) feront pression sur Hergé afin qu’il ajoute un coda à la lettre testamentaire de Wolff : « Quant à moi, peut-être un miracle me permettra-t-il d’en réchapper aussi…« . Hergé ne décolèrera jamais de cette absurdité, regrettant qu’on l’ait forcé d’atténuer la portée d’un tel sacrifice. Il dira notamment, dans ses entretiens avec Numa Sadoul : « J’ai fini par céder et par écrire cette sottise. Il n’y a pas de miracle possible ! Wolff est condamné et il le sait mieux que quiconque« .
Pour le reste, Hergé et ses collaborateurs, notamment Bob DeMoor, vont nous éblouir de ces paysages lunaires aussi angoissants que fascinants, qui représentaient alors, dans l’imaginaire collectif des années 50, par le biais de la science-fiction (qu’Hergé aborde ici pour la seconde fois après L’ÉTOILE MYSTÉRIEUSE, avant d’y revenir dans VOL 714 POUR SIDNEY), l’exotisme ultime en matière d’aventures romanesques !
Les scènes dans l’espace, durant le voyage-aller, sont déjà époustouflantes. Hergé y excelle comme jamais dans le dosage tragicomique, et toute la séquence où le capitaine Haddock, ivre, tente une sortie en scaphandre pour retourner sur Terre (!) est extrêmement tendue en termes de suspense. Le passage, notamment, où il est pris dans l’attraction du satellite Adonis, est un mètre-étalon de terreur spatiale, où Tintin fait, encore une fois, montre d’un courage exceptionnel dès lors qu’il faut sauver son ami. Ami qu’il va sévèrement réprimander à leur retour sur la fusée ! Rien n’est jamais gratuit avec Hergé, et ainsi l’attitude de grand enfant irresponsable dont fait preuve Haddock résonne de manière universelle dans l’esprit du lecteur, obligé de s’identifier aux failles de chaque personnage et à leurs répercutions dramatiques. Du grand art !
Sur le sol lunaire, la tension est encore à son comble et chaque excursion menace les personnages de se perdre dans les abîmes, privés d’oxygène !
Comme d’habitude, les explications techniques et scientifiques ne lâchent rien sur le terrain de l’humour. Quand ce n’est pas le Pr. Tournesol qui nous lance ses hilarantes et systématiques tirades pessimistes, trop fier de rappeler à tout le monde qu’un tel voyage vaut la peine de mourir (!), cet humour est cristallisé par les chamailleries du turbulent trio constitué du capitaine Haddock et des Dupondt, dont le comportement d’éternels enfants vaut son pesant de cacahuètes sous la plume de l’auteur de QUICK & FLUPKE ! Et il y a l’émotion, bien sûr, diffuse, subtile mais imparable, dès lors qu’un personnage doit faire face aux conséquences de ses actes.
Mais revenons une dernière fois sur le plus important : La maitrise absolue avec laquelle Hergé nous emporte dans son histoire par le biais de son talent de conteur. Il suffit de jeter un œil sur la seule et unique planche de ce que l’on appelle la « version américaine » de TINTIN SUR LA LUNE, à savoir celle qu’Hergé a réalisée d’après le scénario de Melkebeke & Heuvelmans : La planche en question souffre de la comparaison et s’impose telle qu’elle est : un pastiche laborieux. Merci à ces deux hommes, en tout cas, d’avoir essuyé les plâtres afin que nous puissions mieux saisir le génie d’Hergé et la portée inimitable de son œuvre que le lecteur de passage, par trop hâtif, risquerait de mal juger en confondant épure et finesse avec facilité et simplisme …
Malgré la réussite, Hergé se rendra compte que cette odyssée lunaire comportait une impasse : Piégé par l’impossibilité de sortir du cadre scientifique et réaliste de son entreprise, ce même cadre étriqué et obsessionnel dans lequel il s’était peu à peu laissé enfermer, l’auteur ne pouvait plus, au final, laisser libre cours à son imagination comme il avait pu le faire avec ses autres aventures. En laissant la science prendre le pas sur l’imaginaire, il s’était coupé l’herbe sous le pied et sa liberté de création s’était heurtée aux limites qu’il s’était lui-même imposé dès le départ : « Que pouvait-il se passer d’autre sur la lune » ?
Comme pour ne plus tomber dans le piège, il décidera alors, dès l’histoire suivante, de rester à hauteur d’homme et de retrouver ce après quoi il n’avait jamais cessé de courir : la liberté.
BO : Bobby Womack – FLY ME TO THE MOON
Chaque article de Tornado sur le sujet, me donne l’envie de tout relire..
Allez! mission 2024! se refaire les Tintin.. En cas de blues, ça remonte toujours le moral.
Tu me diras parce que de mon côté, je ne m’en lasse pas. C’est vraiment de 7 à 77 ans !
Je reste étonné de voir que personne ne mentionne jamais LA FEMME SUR LA LUNE de Fritz Lang en parlant de ces deux albums. La… forte ressemblance des scénarios est pourtant criante.
Je confesse n’avoir jamais vu LA FEMME SUR LA LUNE. Dans mes recherches sur les sources d’Hergé, je n’ai pas trouvé non plus de références au film de Fritz Lang. Il n’y a que sur la page Wiki du film que j’ai pu lire « Plusieurs éléments du scénario ont inspiré en 1950 le film DESTINATION… LUNE ! de Irving Pichel, qui a lui même inspiré les albums de Tintin OBJECTIF LUNE et ON A MARCHÉ SUR LA LUNE conçus par Hergé quelques mois plus tard« . Je ne savais pas que les deux récits étaient aussi proche, du coup.
Notons que le conseiller de Lang, pour la femme sur la Lune, est déjà Hermann Oberth, futur professeur de Von Braun.
sur sur Destination Lune, je crois que Robert Heinlein (Starship Troopers) a participé. et Heinlein avait été un des concepteurs des premiers scaphandres pressurisés dans les années 40, pour le compte de l’Air Force.
je revenais sur le rôle d’Oberth dans cette vidéo :
https://www.youtube.com/watch?v=4WIKblFuWAY
Une des rares œuvres réussies de Hard Science dans la bande dessinée.
On reparle de Hard Science…dès demain !
Stay Tuned !
Hard Science : c’est effectivement un thème intéressant dont je n’ai pas pensé à parler dans l’article.
Il faut reconnaître que le sujet est énorme, et qu’on pourrait encore parler sur ce diptyque avec encore des pages et des pages !
Encore un très bel article de fond où évidemment, j’apprends plein de choses. C’est passionnant. Je n’ai plus ces tomes chez moi depuis longtemps donc j’en ai très peu de souvenirs et il y a très peu de chances que je relise ça bientôt (ou un jour). Je sais juste que personnellement, cela ne me fait pas beaucoup rire, Tintin, c’est toujours le cas lorsque je vois tes extraits. En revanche le découpage semble toujours aussi efficace et incroyable.
Je ne me souviens absolument pas de cette histoire de suicide, c’est dingue, cela aurait dû me traumatiser. C’est peut-être le cas vu que j’avais totalement oublié. Très belle conclusion également, Tornado.
La BO : je ne connais que la version de Sinatra (que j’aime bien), j’écouterais plus tard.
L’humour d’Hergé est un de mes préférés tout genre confondu. Je le trouve d’une finesse, d’une originalité et d’une truculence rare. La rolls de l’humour. Mais je ne sais pas si c’est dû à ma relation avec l’oeuvre ou au fait que l’humour c’est comme les goûts et les couleurs en termes de sensibilité. Toujours est-il que ceux qui ont connu Hergé dans l’intimité parlent d’une personne au sens de l’humour exceptionnel, qui faisait mourir de rire son entourage, mettant en scène ses blagues pour surprendre son entourage.
Hergé, Franquin, Gosciny, Gotlib : mon quarté gagnant de l’humour franco-belge.
Il y a aussi Mandryka, Bouzard, Lisa Mandel, Boulet, Luz, Delporte, Jean-Yves Ferri, Edika… enfin plein hein.
J’aime beaucoup l’esprit sale gosse de Yann dans Les innommables notamment…ou encore Alain Ayrolles qui est capables de véritables envolées incroyables
Spoon et White sont les héritiers de cet esprit parodique/gouailleurs..
Il y a tellement de sortes d’humour. J’ai oublié Goossens aussi par exemple.
Margerin aussi.
Merci pour la présentation de la genèse de cette oeuvre, aussi complexe et haute en couleur que les préparatifs du voyage fictif de nos héros !
Je me suis souvent demandé si le OUTER-SPACE SPIRIT de Will Eisner avait été inspiré par l’œuvre de Hergé. A la lecture de l’article et des commentaires, il me semble finalement plus probable que ce diptyque et l’histoire du SPIRIT aient simplement une origine commune, celle de DESTINATION… LUNE et de LA FEMME SUR LA LUNE.
oui, sur Outer Space Spirit, la ref est clairement Destination Lune
J’adore ce dyptique ! Je ne saurais pas trop expliquer pourquoi. Tout se passe un peu en vse clos, dans une base ou dans une fusée contrairement aux aventures habituelles qui font voyager Tintin dans d’autres pays (ce que j’aime aussi. C’est pour ça que j’adore aussi le Temple du Soleil, au Tibet…)
Bon…on pourra dire que la lune c’est un sacré pays lointain aussi^^ Mais la BD avait un côté bien pluys claustophobe.
Mais je crois que j’aimais beaucoup le côté scientifique du délire. Et comme tu le dis c’est super bien contrebalancé par des gags, et ce sont parmi les albums les plus drôles. Le coup du « zouave », les dupont qui ont une rechute de je sais plus quel album avec leurs cheveux et barbes, etc.
En plus quand j’étais gamin je ne savais pas que la BD datait d’avant le vrai voyage sur la lune (qui selon certains n’a jamais eu lieu non plus mais bref, passons ce débat) et le désir de Hergé de vouloir paraitre scientifiquement exact transpire et ça impliue vachement le lecteur.
C’est pour ça que je dis parfois que dans des trucs de SF, plus ça se base sur un principe scientifique réel (même sans être réellement possible, mais que ça joue juste un poil sur la suspension consentie d’incrédulité) et plus ça rend le truc crédible et malin. Alors que si tu décides d’un coup que tu peux faire n’importe quoi n’importe quand parce que « blabla scientifique bidon », au bout d’un momen y’a plus de règles, donc plus d’enjeux, plus de peur que quelque chose soit impossible, plus aucun suspense, etc.
Et donc même sans réussir à être scientifiquement exact, la volonté de vouloir coller au plus près de ça, eh bien c’est une chouette démarche et ça implique le lecteur car ça pose des bases, des règles, des dangers, etc.
Après ça aide aussi que j’aime bien la SF^^ C’était tellement impressionnant ce voyage sur la lune en BD. Magnifiques décors désertiques et immensité inquiétante aussi^^
Je ne savais pas non plus qu’il en avait autant chié avec la dépression Hergé. On n’en parlait pas trop à l’époque sans doute. C’était surement encore moins bien vu que de nos jours.
Et bonne année Matt, hein… 😉
Ah oui bonne année tiens ! ^^
Désolé je suis pas trop passé dans le coin ces temps ci
c’est intéressant de comparer le « blabla » scientifique d’Hergé, documenté et solide, avec celui de Stan Lee, en mode total yolo.
Oui par exemple, c’est souvent trop n’importe quoi dans les trucs de super héros. Et hop vas-y que je te parle d’un machin d’énergie pour surcharger des capteurs (capteurs de quoi ?) pour vaincre l’ennemi.
Ah ? Ok.
C’est pour ça que pour moi le cosmique Marvel fonctionne mieux en mode « mythologie » et pas en sortant plein de blabla scientifique dénué du moindre fondement.
ON est tous d’accord….
Je le supporte mieux chez le vieux Stan, parce que l’époque tout ça, c’était clairement pour un public plus jeune et il y avait ce feeling américain qui veut que le plaisir l’emporte sur « l’incrédulité »…mais le pompon ce doit être la version ULTIMATES² avec Photon et Blue Marvel…avec des explication à rallonge faites à grand coups de « quantique » « polarisation de flux d’énergie » etc… On dirait la machine qui fait ping dans LE SENS DE LA VIE…
quand c’est mythologique, oui, on se débarrasse de cette science mal maitrisée pour un grand voyage dépaysant.
Ou sinon tu te bases sur de la science mais tu le fais comme les vieux trucs de Star Trek. Du style ceux qui disent que si tu es miniaturisé, tu ne pourras plus respirer parce que les molécules d’air seront devenues trop grosses pour être assimilées par ton organisme, etc.
ça créé un danger, ça oblige les persos à utiliser un système de respiration alors qu’ils sont « juste » miniaturisés.
Le but n’est pas de t’abrutir de mots complexes pour faire cool, mais en même temps ça fait un minimum scientifique et ça pose des enjeux, des dangers, du suspense.
Si t’as juste envie de te la jouer Hicklan avec des trucs incompréhensibles, ouais je préfère l’approche mythologique^^
C’est une des grandes forces de Warren Ellis, par exemple. quand il part dans des délires techno, y a un peu de biscuit derrière, toujours.
Peut être ouais. Pas assez lu de Ennis pour constater ça.
Ce qui me consterne par contre parfois c’est les mecs qui ne comprennent rien à la science et qui écrivent des trucs dans les dernières séries Star Trek ou tu peux parfois voir une étoile filante dans l’espace.
Je veux dire…je demande pas que ce soit hyper scientifiquement exact ou que ça enseigne des théories complexes…mais quand dans STAR TREK, LA série ou ils prennent la science au sérieux depuis les anées 70, on te montre une ETOILE FILANTE dans l’espace avec zéro planete autour…
Une étoile filante c’est un météore qui BRULE dans une ATMOSPHERE !
ça n’existe pas juste là comme ça dans l’espace au milieu de rien sans air !
On apprend ça en primaire !
Ellis, pas Ennis.
(je pensais à Ocean, par exemple)
Je suis bien d’accord pour Ellis. Perso j’ai adhéré à son imaginaire scientifique. On en a aussi d’autres dans le franco-belge. Je pense notamment à Jodorowsky. Ce genre de type te balance du jargon où tu ne sais pas si c’est du lard ou du cochon, mais c’est bien présenté. C’est bien amené.
Oui Ellis pardon. J’avais compris mais je n’ai pas lu des masses de trucs scientifiques de lui.
On a Roger Leloup aussi en franco belge avec YOKO TSUNO. Il essaie toujours d’expliquer le fonctionnement des machines présentes dans les diverses aventures, que ce soit les effets du son d’un instrument sur le cerveau, les machines générant de la lumière sur une lune, les contrôleurs de climat sur telle planète, etc.
Pas besoin de charabia de dingue, un peu de vulgarisation aussi c’est sympa. Et ça fait qu’on y croit.
Roger Leloup qui a fait des dessins pour Hergé dans certains albums hein^^, on revient au sujet.
Surtout les machines, les avions, etc.
Les articles Tintin sont désormais des RDV que j’attends avec impatience.
Je me rappelle de chaque albums, tant et si bien que je peux faire immédiatement le rapprochement entre les séquences que tu évoques et leur making of.
Pauvre Hergé et le spectre de la dépression sous l’infamie de la collaboration. En voilà un qui se serait immédiatement suicidé à l’heure des réseaux sociaux.
Je suis d’accord sur tout ici : dans le premier volume, enfants, je sautais allégrement (déjà) les pavés de textes scientifique. Je n’y comprenais rien et pour moi l’information principale était que Tintin irait sur la lune. Mais je suis certain que l’album a éveillé des milliers de carrières scientifiques.
La séquence du Zouave fait partie de ma séquence Tintin préférée de tous les temps avec cette délicieuse inversion entre la colère de Haddock sur Tryphon. Comme tu le mentionnes, il y a cette écriture délicieuse d’Hergé, ces petits moments où Haddock tuttoie Tournesol (il le fera aussi de temps à autre avec Tintin).
Dans OAMSLL, j’dore plein de séquences : celle du rodéo spatial que tu présentes ici, le Whisky qui se métamorphose dans la fusée, la découverte de la glace sur la lune (tu avais lu les bouquins de Tisseron sur les secrets de famille d’Hergé ? Il y avait un passage assez génial sur la signification de cette glace lunaire).
J’ajoute ceci : malgré la tragédie que tu décris, quel enfant n’a pas eu envie de faire partie de l’équipage de cette fusée lunaire ? C’est si chaleureux, ces étages, cette vie décrite au quotidien avant d’alunir. Et puis le sacrifice de Wolff, bouleversant. Je ne savais pas que sa note de suicide avait été retouchée. Honnêtement, je trouve ça encore plus poignant, cette envie de croire à un miracle.
Et puis, il y a aussi le directeur (merde j’ai oublié son nom) qui supervise la fusée au sol, figure paternelle très attachante.
Bravo.
On attend la suite, très vite !
La scène du zouave, c’est une masterclass narrative. j’ai fait bosser mes élèves du cours de BD dessus.
Ce que tu évoques sur la signification de la glace lunaire ne me dit rien, non. Qu’est-ce que c’est ?
Je vais faire une petite pause sur les articles TINTIN 🙂 . Beaucoup d’autres choses me font envie ces derniers temps !
Ah, c’est vrai que je sens un redémarrage de flamme qui fait plaisir chez ce vieux Tornado.
La glace sur la lune : Tisseron explique que Hergé serait parti chercher l’affection de sa mère jusque sur la lune. Cette « mer » lui apparaît gelée et inaccessible. C’est comme tu l’évoques sa dépression. IL retournera la chercher encore une fois sur terre cette fois-ci mais dans les glaciers du Tibet. Tchang serait son enfant intérieur qu’il faut secourir.
Bonsoir
Meilleurs voeux au Blog, au Boss, aux rédacteurs et aux lecteurs.
J’ai toujours trouvé ce diptyque fascinant à plusieurs titres. Déjà par ma future formation scientifique car je l’ai toujours considéré comme un album plus science que fiction. Néanmoins et c’est là l’autre point important, c’est l’anticipation d’Hergé qui est remarquable. Par rapport à Jules Verne, on mesure le bond qu’avait fait la science et la technologie et comment Hergé c’est approché de la vérité à venir.
Parfois je me mets à imaginer l’impact que ces deux albums ont du avoir sur les lecteurs contemporains de l’époque.
Un très bon article, qui arrive à très bien compiler de manière ludique ce que l’on sait et on peut trouver sur la genèse de ces aventures. Et puis la plume de l’auteur est reconnaissable, notamment sa passion pour Tintin.
J’ai particulièrement apprécié tout ce qui touche au côté dramatique, notamment l’inconscience de Haddock, mais aussi finalement la bêtise des Dupondt et surtout le personnage de Wolff. Je me rappelle aussi très bien avoir compris les enjeux et la dangerosité d’un tel voyage. Mais c’est également un album avec un humour très bien dosé.
Ne pas oublier non plus que Hergé a su imposer la design de la fusée ; peut être même que c’est ce qui caractérise le plus les aventures de Tintin si on faisait un sondage.
La BO : je ne connaissais pas le titre originel mais c’est la version Sinatra que je préfère et de loin. D’ailleurs cette dernière reste associé pour moi à un film qui je trouve présente de forte ressemblance avec ces Tintin (notamment le sacrifice final), à savoir SPACE COW-BOY de Clint Eastwood.
Merci mille fois pour cette article de reprise, parfait comme rampe de lancement pour une année qui promet déjà beaucoup.
Après écoute de la BO c’est sympa mais on ne reconnaît presque pas l’originale. De la bonne soul.
Tu fais bien de mentionner le design de la fusée. C’est du pop art.
Quel plaisir de commencer l’année avec un article sur Tintin, de la main de Tornado.
C’est la première fois qu’Hergé accepte la participation de quelqu’un d’autre pour écrire les aventures de Tintin : je n’aurais jamais cru ça possible, découverte totale en ce qui me concerne.
La lettre de Wolff : le post-scriptum ne m’avait pas marqué car la chance de survie était clairement nulle. C’est tout aussi inattendu de découvrir ainsi que Hergé se laissait influencer.
Je suis enchanté par la profondeur d’analyse de ton article, et j’en aurais bien pris le double (deux fois plus long) avec une analyse ou deux de planche, sur le découpage, sur la ligne claire, sur le dosage des éléments visuels.
J’ai essayé de ne pas faire trop long et de ne pas rabâcher, au moins cette fois, les mêmes thèmes que d’habitude. Mais j’essaierai de me concentrer davantage sur la construction des planches pour le prochain article, peut-être… 🙂
C’est une présentation remarquable : habile et enthousiaste, elle nous replonge dans les spécificités qui font les grandes qualités du travail de Hergé -je n’ai pas eu l’impression que quoi que ce soit d’important ait été oublié ?!- sans surenchère d’explications ou avalanches de références inutiles… Comme quoi, à force d’aimer, peut-être que certains acquièrent les dons de leurs idoles ?! Parce que, si le secret de l’équilibre souvent idéal entre action et humour des aventures de Tintin est bien une question très subtile de l’utilisation du rythme (dialogues précisément répartis et/ou découpage assorti, comme pour quasi toute bonne BD), hé ben ton écriture témoigne pas mal d’une complète assimilation du principe : facile et agréable à lire, alors que très sérieusement documentée.
… Et merci pour cette photo de la maquette ! Je n’en connaissais pas l’existence et je sens qu’elle va hanter ma nuit : quelle merveille !
Un grand merci à toi !