Superman : Truth par Collectif
Un article de JB VU VANVO : DC Comics
VF : Urban Comics
SUPERMAN: TRUTH est un crossover publié entre les mois d’août et de novembre 2015 dans les séries suivantes : SUPERMAN n°41 à 44 de Gene Luen Yang et John Romita Jr., ACTION COMICS n°41 à 44 de Greg Pak et Aaron Kuder, BATMAN/SUPERMAN n°21 à 24, toujours de Greg Pak et Ardian Syaf, et SUPERMAN/WONDER WOMAN n°18 à 21 de Peter Tomasi et Doug Mahnke.
L’ensemble de ces numéros a été publié par Urban Comics dans le mensuel SUPERMAN UNIVERS (n°1 à 4) par Urban Comics. À l’exception de BATMAN/SUPERMAN, ces mêmes titres ont également été réédités en format album dans SUPERMAN, L’HOMME DE DEMAIN Tome 2, SUPERMAN ACTION COMICS Tome 3 et SUPERMAN & WONDER WOMAN tome 3.
Lois Lane est responsable de tous les spoilers de cet article.
Le monde entier a découvert que Superman avait une identité secrète, celle du journaliste Clark Kent ! Plus étonnant encore, c’est Lois Lane elle-même qui a dévoilé cette information ! Dans “Avant la révélation” (SUPERMAN), le lecteur apprend comment on en est arrivé là. Lors d’un combat contre un trafiquant d’armes, Superman a dû faire usage de son nouveau pouvoir d’éruption solaire, qui le prive momentanément de ses capacités. C’est donc dans un état d’affaiblissement qu’il reçoit un message très inquiétant : un inconnu, qui se présente sous le pseudo HORDR_ROOT, détient des preuves que Clark Kent est Superman et menace de tout dévoiler si le surhomme ne suit pas ses ordres.
Le story arc “Triste vérité” (ACTION COMICS) commence avec un Kent qui tente de retrouver ses repères. Mis à nu devant le monde entier, il a également perdu une grande partie de ses pouvoirs, apparemment définitivement. Alors qu’il a l’impression que tous les Etats-Unis le détestent pour avoir trahi leur confiance, Clark trouve un réconfort inespéré dans son ancien quartier de Métropolis, qui lui témoigne sa confiance. Mais, alors que des êtres d’ombres traquent le héros, les forces de polices marchent vers le quartier, bien déterminées à le raser.
Avec “La vérité blesse” (BATMAN/SUPERMAN), Superman change d’environnement. Attaqué par des supervilains inconnus, il reçoit l’aide de Lex Luthor dont les informations mènent Kent à Gotham City. Mais Clark découvre que Bruce Wayne a disparu et qu’un nouveau Batman protège la ville. Bien qu’une expérience des laboratoires Wayne et une menace souterraine mettent la ville en danger, les 2 héros ont bien du mal à travailler ensemble.
Enfin, dans le flash forward qui sert de prologue à “Sombre vérité” (SUPERMAN/WONDER WOMAN), nous découvrons que Clark remet en question ses sentiments pour Diana. Dans l’histoire elle-même, Kent reçoit un appel de détresse de la part de Lana Lang. Cependant, quand il arrive chez elle avec Wonder Woman, la maison est vide. D’autres proches de Clark, parfois des connaissances remontant à son enfance, ont disparu. Pire encore, à Smallville, la maison des Kent a disparu et les tombes de sa famille ont été profanées. Et l’ordre semble venir d’en haut, de très très haut…
SUPERMAN semble être le titre rêvé pour un auteur de comics. Premier super-héros populaire, l’un des personnages phares de DC avec Batman. Pourtant, j’ai l’impression que les auteurs hésitent à l’approcher. Le personnage a la réputation d’être non seulement trop puissant pour créer du suspense, mais aussi trop lisse, trop “parfait”. Le Superman des New52 traîne une mauvaise image auprès du lectorat. Cette version du personnage fait moins preuve d’empathie que le Superman classique, les titres ont subi de nombreuses contraintes éditoriales (George Perez a claqué la porte d’Action Comics pour cette raison) et DC a pris la décision absurde de le mettre en couple avec Wonder Woman. La maison d’édition décide de mettre un grand coup de pied dans la fourmilière pour relancer l’intérêt. Comme braver l’un des interdits suprêmes : démasquer Superman !
Bien avant l’arrivée de Bendis sur le titre, le crossover s’emploie donc à révéler au monde que Superman est Clark Kent et à en suivre les conséquences. Une décision osée et forte de conséquence ! Sur le papier en tout cas… En réalité, on observe les mêmes conséquences de série en série : un outrage général sur le “mensonge” de Superman qui se cachait en secret parmi l’humanité depuis des années, une acceptation de la part de ceux auprès desquels Clark vivait, des scènes d’excuses en boucle entre Lois et Clark (“Désolée, il fallait que je le fasse” / “Tu as pris ta décision, vis avec, je ne suis pas prêt à te pardonner” ), Perry en rogne contre Kent pour ses mensonges et l’avoir mis en danger. Le problème, c’est que les scénaristes n’ont pas le choix. Chaque série narre ces histoires chronologiquement successives mais publiées simultanément. Impossible dès lors d’avoir des personnages qui évoluent lorsque l’on n’a pas toutes les pièces du puzzle.
À cette révélation s’ajoute une baisse importante des pouvoirs de Superman. Le héros n’a jamais été aussi faible. Il est explicitement dit qu’il n’arrive même plus à sauter au-dessus des buildings, ce qui est l’un des descriptifs du Superman de l’Âge d’or. Dès lors, avec son identité révélée, lui et ses proches sont tous en danger et mis à l’index. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ses camarades s’en fichent éperdument… La Justice League assiste en direct à la révélation. Commentaire éclairant et constructif de Batman face à la déchéance publique de son plus proche allié : “Hrn” (accessoirement, la présence de Batman est complètement incompatible avec le récit BATMAN: ENDGAME, mais je sais que “continuité” est un gros mot). Aquaman vient lui casser la figure pour des raisons fumeuses, Lex Luthor disparaît pratiquement sans explications. Le nouveau Batou (James Gordon dans un costume de Bat-Lapin) se méfie de lui et envenime la situation en tentant de neutraliser Superman, tout en le rendant responsable des problèmes que lui (Gordon) provoque.
Niveau aide, seule Wonder Woman file un coup de main à Superman. Cependant, elle ne ressort pas grandie de l’expérience. Le lecteur le sait d’avance : d’après le prologue de “Sombre vérité”, sa relation avec le héros est condamnée. A l’image de la trahison de Lois Lane, tout est une question de découvrir ce qui va mettre le feu au poudre. Peter J. Tomasi trouve une idée assez brillante d’utilisation de Wonder Woman, hommage direct au créateur du personnage. Le problème, c’est que ce faisant, Diana semble très naïve à l’issue de l’histoire.
Un autre élément de THE TRUTH est que les auteurs reviennent aux origines de Superman, qui dans ses premiers numéros était connu comme le Champion des opprimés. Oui, oui, un gauchiste, qui s’attaquait au capitalisme ! Grant Morrison s’est réapproprié le concept au début des New52. Le Superman de THE TRUTH reprend le costume de cette période New52, avec un combo pantalon/t-shirt portant son logo. Les différents arcs de ce simili-crossover mettent notre héros face à des maux sociétaux modernes : le piratage informatique et le vol de données personnelles, la brutalité policière au service des politiques, les laissés-pour-compte après une catastrophe naturelle, les abus de pouvoir du gouvernement.
Enfin, c’est l’idée… Dans les faits, les coupables apparents sont dédouanés. Le groupe d’Hacktivistes, dont le look évoque Anonymous ? Ses membres obéissent sous la contrainte et la menace d’un cyborg. Les flics prêts à tabasser les soutiens de Superman ? La plupart sont réticents, seules des personnes contaminées par une puissance surnaturelle sont vraiment prêtes à frapper. Le gros bourrin prêt à utiliser la force pour offrir un peu de chaleur à ses protégés ? Manipulé par le grand méchant du crossover. Les organisations qui dévastent les proches de Superman sous l’ordre de la Maison Blanche ? Ce n’est pas le président Obama qui a ordonné tout cela mais son conseiller.
De plus, on aurait pu au moins attendre un vrai sang-neuf dans les ennemis qui s’attaquent à Superman. Ce n’est pas vraiment le cas. HORDR, avec ses drones et sa soif de connaissance, évoque fortement les incarnations modernes de Brainiac. La supervilaine Wrath, ses créatures d’ombres et ses pouvoirs basés sur la colère ne sont qu’un ersatz d’Eclipso et de ses capacités post-Crisis. Le conseiller fourbe d’Obama est un lointain écho de Président Luthor, les cheveux en plus mais l’intelligence et le pouvoir politique en moins. Et tous sont liés au véritable cerveau de cette histoire, qui a davantage un passif avec les Flash, Alan Scott ou Roy Harper qu’avec Superman. Bof…
THE TRUTH n’est que le début d’une ère qui va s’achever avec un autre crossover, SAVAGE DAWN. Si les 4 histoires qui le composent se suivent chronologiquement, chaque série va continuer son propre fil narratif, et la cohérence temporelle va s’amenuiser de plus en plus jusqu’à la conclusion qui va à la fois signer le retour en grâce de Superman et son remplacement par le Kal-El pré-Flashpoint, plus apprécié des lecteurs. La période Rebirth va achever d’enterrer ces incarnations de Superman et de Lois Lane.
Le bilan est étrange. L’introduction qui explique les circonstances de la révélation est très faible et forcée. L’aventure entre Superkent et Batgordon est peu convaincante, tant les supposés héros sont obtus. Les récits à Metropolis et sur les proches de Kent sont les meilleurs du lot. Au final, le tout est inférieur à la somme des parties : la simultanéité de publication des 4 histoires les rend laborieuses à suivre, répétitives et contradictoires. Il est également difficile pour le lecteur d’avoir de l’empathie pour le héros, qui renie ses valeurs dès qu’il perd ses pouvoirs.
On gardera quelques images, comme celle d’un Superman affaibli mais aux côtés d’une foule menacée par les forces policières – une belle scène de résistance passive gâchée par Superman qui fout un pain à un flic quelques pages plus tard et les révélations sur les véritables ennemis. Le grand échec de ce crossover est finalement son côté timoré : tant d’idées et de concepts qui ne sont pas assumés…
BO :
Bonjour JB.
Merci pour cette review, très agréable à lire. J’avais pris le premier tome, ULYSSE, uniquement pour la prestation de John Romita Jr (plutôt en forme), sur des scénarii de Geoff Johns (peu inspiré).
Le Superman du New 52 ne m’intéresse pas, c’est à chaque fois le constat que je fais quand je lis à nouveau les comics que j’ai à la maison sur cette période (de moins en moins d’ailleurs ayant revendu les Action Comics de Morrison, ultra mauvais).
Le jean – tee shirt : cela aurait pu marcher mais en fait non. Superboy avait déjà essayé avec en plus le blouson à la James Dean (je soigne mes rapports avec le boss)
Le Batgordon : mais comment a peut on encore accorder du crédit à Snyder (pareil je trouve rétroactivement son Batman très moyen voire pas bon du tout).
La révélation de son identité ne m’intéresse pas, surtout pas Lois. Ce n’est pas mes personnages, pas l’univers que j’aime lire, limite putaclic pour faire du buzz et vendre. Quand Miller avec DD ou JMS avec Spider-man s’y attaquent cela a quand même plus de gueule et d’envergure.
Ton article ne fait donc que confirmé mon impression et mes gouts. J’en reste donc comme dernière lecture au Superman de la période Rebirth avec Tomasi et Jurgens.
Super BO.
C’est vrai que j’ai un peu l’impression de la pirouette marketing pour la révélation, mais j’avoue avoir la même opinion pour Peter démasqué par Millar.
Tiens, je m’apprête aussi à lire Superman Rebirth ^^
Merci pour ce pan d’histoire éditoriale sur une période aujourd’hui reniée (sûrement à raison). Je me suis arrêté après le run de Momo. Mais en fait je me suis arrêté là. J’ai commencé à lire le début de REBIRTH avec l’arrivée du nouveau fils de Supes (aujourd’hui durablement installé dans l’univers DC contrairement à son prédécesseur), et puis tout l’imbroglio mis en place pour justifier le passage du nioufiftitou à REBIRTH m’a tellement saoulé, que j’ai définitivement arrêté le massacre.
« La continuité est un gros mot » : Oui, et non. Dans un monde parfait, la continuité, c’est TOUT. C’est la notion qui rend l’univers partagé cohérent et respectable sur la durée. Mais dans le monde qui est le notre, avec ses absurdités éditoriale, la continuité est indubitablement caduque. Et je trouve absurde d’y accorder encore autant d’importance, surtout en voyant comment les éditeurs en jouent à coup d’événementiel factice et « putaclic », pour reprendre le terme évoqué par Fletch juste au-dessus.
C’est la raison pour laquelle je n’accorde aujourd’hui plus aucune importance à cette notion, et également la raison qui fait que je ne comprends pas les fans qui la considèrent encore aujourd’hui comme un critère majeur d’évaluation.
La preuve que je ne suis pas non plus insensible à la continuité : Je m’étais tellement attaché à Chris Kent, le précédent fils de Supes, que j’ai été écoeuré de la manière éditoriale avec laquelle il a été jeté à la poubelle (sans être non-plus effacé puisque cette idée pratique de la zone fantôme sert bien à mettre ce genre de personnage obsolète au frigo, jusqu’à ce qu’un nouveau scénariste ait l’idée et l’envie de l’en faire ressortir…). Du coup, je n’ai pas eu envie de m’intéresser à cette nouvelle ère où Jon Kent devient peu-à-peu le nouveau Superman à la place du Superman que j’ai le plus aimé (celui qui précède le NEW52).
La BO : Je suis fan.
Pour la continuité, je sais que je suis un chieur capable de râler parce qu’une histoire n’est pas compatible avec un récit publié 10 ans avant ^^
Mais dans le cas présent, je tique quand même quand 2 histoires quasi simultanées (Batman Endgame et ses retombées / Superman: Truth) ne sont pas raccord, ça montre à mon avis un problème de cohérence éditoriale.
Comme Tornado, mais pour d’autres raisons, je n’ai pas lu ces épisodes. Merci de nous les faire découvrir, d’autant que j’ai beaucoup aimé la série New Superman. Voir brucetringale.com/la-voie-octuple-new-super-man-2/
Superman semble être le titre rêvé pour un auteur de comics : j’aurais dit le contraire, car quel défi que de trouver de nouvelles idées pour un personnage ayant déjà surmonté 80 ans d’aventures, de continuité, avec régulièrement des auteurs inventifs et des artistes tout aussi investis.
En réalité, on observe les mêmes conséquences de série en série : une répétition des schémas qui saute aux yeux d’un lecteur aussi fidèle que toi.
Ses camarades s’en fichent éperdument… – Condition sine qua non pour que le héros soit au 36ème dessous.
Tant d’idées et de concepts qui ne sont pas assumés… – C’est exactement l’impression que j’en ai eu à la lecture de ton article.
– quel défi que de trouver de nouvelles idées pour un personnage ayant déjà surmonté 80 ans d’aventures, de continuité, avec régulièrement des auteurs inventifs et des artistes tout aussi investis.
J’entends, mais il y a un contre-exemple avec le perso de Batman, qui a constamment une dizaine de séries autour de son univers.
Pour la répétition, c’est surtout la simultanée des publications qui joue, renforcée par la publication kiosque française qui publiait dans un même mag un numéro de chaque série.
Condition sine qua non pour que le héros soit au 36ème dessous : ça marche pour un Daredevil qui est assez reclus et peu en lien avec le reste de l’univers Marvel hormis Spidey à l’époque de Miller. Moins pour un Superman membre de la Justice League ou un Nightwing à l’époque de Devin Grayson à mon avis.
C’est bizarre de prendre un personnage comme Superman et de lui diminuer à ce point ses pouvoirs…
Je ne m’étais pas intéressé à ce run et cet article ne va pas trop changer la donne. C’est dommage, Gene Luen Yang m’avait plutôt convaincu dans THE SHADOW HERO.
Je suis loin d’être un spécialiste de Superman, c’est donc toujours plaisant de découvrir ses aventures sur ce blog. J’aime beaucoup ton article JB : il est bien écrit et édité, structuré et clair. Ce qui n’est pas le cas de la continuité DC, je n’ai pas compris toutes les lignes temporelles mais bon, je ne compte vraiment pas essayer ! Je remarque juste qu’encore une fois les auteurs s’adaptent à l’actualité et après tout c’est un peu le but des comics et bds même si la plupart des gens n’ont pas du tout cette vision du médium. J’ajouterai que les dessins ne m’attirent pas vraiment, ou alors c’est dû à la colorisation…
La BO : magnifique et tellement à propos. Super choix.
Merci pour tes remarques, bien que mon article fasse pâle figure devant les petit bijoux de cette semaine
Alors pas du tout, je serais bien incapable d’être aussi précis et informatif que toi : je n’écris jamais d’analyse en fait. Et personnellement ce genre d’article sur du mainstream me cultive sans que j’aie à pousser plus loin, me contentant d’une vision superficielle mais qui permet d’avoir des bases.