The Nightly News par Jonathan Hickman
Première publication le 26 /06/ 2014. Mise à jour le 21/06/2020
Un article : JP NGUYEN
VO : Image
VF : Urban
Parue entre 2006 et 2007 chez Image, « The Nightly News » est la première œuvre publiée de Jonathan Hickman, qui, depuis, s’est imposé comme un scénariste majeur chez Marvel (Secret Warriors, Fantastic Four, Avengers…). L’album est paru chez Urban dans nos contrées.
Point de super-héros au programme des Nightly News : il s’agit d’un thriller… assez particulier. Cette mini-série en 6 numéros, dont Hickman assure le scénario et le dessin, met en scène une organisation sectaire : « La première église de la fraternité de la Voix », dont les membres, au début du récit, exécutent froidement au fusil à lunette des manifestants altermondialistes dans les rues de New York. Ces premiers meurtres ont pour but d’attirer sur place des reporters, qui sont la vraie cible, pour les exécuter à leur tour.
Après cette entrée en matière assez musclée, on alterne les flashbacks (sur le recrutement des membres de l’Eglise, en particulier du frère John Guyton qui deviendra « La Main », le relais de « la Voix » sur le terrain) et les scènes du « présent » (où les forces de l’ordre viennent neutraliser les terroristes et les journalistes commencent à enquêter).
On apprend ainsi que l’Eglise de la Voix est composée de personnes ayant eu maille à partir avec les médias, accusées à tort, ayant connu l’opprobre et la déchéance sociale et souhaitant prendre leur revanche. Les membres de la secte reçoivent leurs ordres d’un gourou invisible, « la Voix », qui s’adresse à ses ouailles par cassette audio.
L’intrigue se développe ensuite de manière chorale, passant d’un protagoniste à un autre, tout en continuant les flashbacks.
On suit tour à tour les crimes anti-medias (mais médiatiques) de la secte, l’infiltration du journaliste James Andrews et le choix cornélien qui se présente à lui, les manœuvres du sénateur Jay Rector pour faire passer une loi renforçant la liberté de la presse et en fil principal, le parcours de John Guyton depuis son embrigadement jusqu’à son déconditionnement.
L’influence des médias, la disparition du journalisme d’investigation au profit de l’info spectacle, la désinformation pour le contrôle des masses, Hickman nous parle de tout cela (et plus encore) en usant habilement de jeux de miroirs (notamment le conditionnement sectaire vs le conditionnement social) et en utilisant un langage graphique très personnel : des dessins au style réaliste mais avec des contrastes marqués, une mise en page retravaillée par ordinateur où les cases sont très souvent absentes et remplacées par des juxtapositions/superposition d’éléments, des planches monochromes aux teintes sepia ou bleues et surtout, des graphiques ou des pavés de textes non pas narratifs mais traitant de sujets connexes au récit.
A la première lecture, The Nightly News fait un peu figure d’OVNI que ce soit dans le choix du sujet ou dans son traitement. Les journalistes ? Nuisibles ? Message peu consensuel à une époque où un reporter pris en otage sera très vite érigé par ses confrères en martyr de la liberté de la presse. Des camemberts statistiques dans un comic-book ? Pas très sexy, et pourtant ça fonctionne (souvent).
Loin de la figure héroïque du reporter se battant pour faire éclater la vérité, les journalistes sont dépeints comme opportunistes, arrivistes, truqueurs, exploités par les grands groupes de medias, en collusion avec les politiciens et les grands patrons ; bien plus soucieux de l’audience et du profit que de la véracité des faits.
Mais les membres de l’église de la Voix ne sont pas pour autant montrés comme des héros. La plupart sont totalement endoctrinés, privés de leur libre arbitre. Et la « justesse » de leur cause ne légitime aucunement les meurtres dont ils se rendent coupables. En fait, un peu comme dans « Fight Club », on s’intéresse à la réussite de leur entreprise subversive, tout en étant conscient que, « dans la vraie vie », leurs actions seraient vraiment abominables.
The Nightly News est un divertissement intelligent, donnant matière à réflexion auquel on pourrait toutefois reprocher une approche narrative et graphique un peu déroutante et une présentation de certaines informations parfois peu subtile. Mais qu’importe, la sincérité et la générosité de l’entreprise de Hickman rattrapent les maladresses pour une série qui mériterait une audience digne du 20 heures plutôt qu’une (re)diffusion d’après minuit.
Bon…pour une fois la JP touch n’a pas fonctionné sur mes lectures. Intrigué par ton article, j’ai trouvé Pax Romana en médiathèque et j’ai détesté aussi bien le mode de narration d’Hickman que son graphisme et ses mises en pages. J’ai aussi testé son Projects Manhatan que j’ai lu et relu sans déplaisir mais sans grande révélation non plus.
@Bruce : tu as lu Pax Romana et Project Manhattan mais as-tu lu The Nightly News proprement dit ? C’est vrai que si la mise en page dans Pax Romana ne te plait pas, celle de NN ne devrait pas te plaire non plus mais les sujets abordés sont différents.
Ce qui m’avait séduit à l’époque dans ce récit, c’était son discours non-consensuel et éloigné des clichés et des marronniers journalistiques. Depuis, d’ailleurs, côté journalisme, ça ne s’est malheureusement pas arrangé…
Mais bon, je te forcerai pas à aimer non plus, hein, c’est juste pour échanger…
La « JP Touch », c’est comme la magie Garcimore, « des fois ça marche, des fois ça marche pas ».
Non, je ne lirai pas NN parce qu’il est vrai qu’un auteur me laissant mauvaise impression ne me donne pas envie de le rencontrer ensuite. Ou alors très longtemps après. Il y a tant de choses à découvrir et la vie si courte, je n’aime pas m’acharner sur tel ou tel artiste dans quelque domaine que ce soit…. Dernièrement, j’ai lu le Punisher de Rucka que j’ai trouvé médiocre, pareil pour lui, je ne suis pas près de lire ses autres séries….
Je comprends pour le style narratif de Hickman car, sur ses derniers travaux, j’ai vraiment du mal. En revanche je trouve ses planches splendides. Dans la lignée de David Mack, l’une de mes idoles.
La cape d’imbitabilité de Jonathan Hickman, c’est pas d’hier, hein…
Je me souviens que j’avais vraiment aimé la série Secret Warriors (exceptée la fin prématurée). Mais bon, y avait aussi Bendis dessus. La narration était encore linéaire et claire. J’ai aussi aimé la 1° partie de SHIELD, même si c’est complexe. Et pis c’est tout. J’ai profondément détesté ses FF et ses Avengers. Là il l’avait vraiment mise sa cape d’imbitabilité ! 😀
Toujours pas tenté la série SHIELD entière ?
J’ai vachement envie, mais en même temps j’ai vachement peur aussi^^ ça peut tout s’écrouler si la 2eme partie n’est pas à la hauteur, ou que ça part en live complet.
Et j’ai feuilleté quand même un épisode qui était hyper psychédélique avec 3 époques racontées en même temps avec les vignettes toutes ensemble. Ah visuellement c’est beau…mais j’ai pas tout pigé^^
Bon après…feuilleter un épisode au milieu c’est pas malin non plus de ma part. Mais bon…
Je suis tenté. Quant à savoir quand je vais me décider à lire ça…
Je vais me sacrifier je pense.
J’attends ma paie de ce mois et je me le prends, et je prendrais aussi le Silver Surfer de Stan Lee qui manque à ma connaissance de cosmique Marvel.
« cape d’imbitabilité »
Juste par curiosité, elle est de qui à la base cette expression (Nikolavitch, Wicky, Tourriol, Lainé, etc…) ?
probablement de moi, mais en effet ça pourrait être Wicky que je n’en serais pas surpris.