Suicide Island tome 1 à 6 par Kouji Mori
Attention ! Voici la concurrence japonaise de Walking Dead !
A la différence que les zombies sont des morts vivants en sursis !
Dans un Japon plus pragmatique qu’à l’accoutumée , il est décidé que les candidats au suicide représentent un coût inutile pour la société.
A quoi bon dépenser de l’argent pour soigner, rééduquer, réinsérer des personnes qui ne veulent pas vivre et ne se conforment pas aux valeurs modernes: travail, effort, pognon ?
Le gouvernement japonais adopte alors une solution radicale : exiler tous ces perdants sur une île déserte où ils vont devoir se débrouiller.
L’idée n’est pas plus originale que ça ; on se rappelle qu’Himler et ses copains envisageaient un moment de déporter les races inférieures à Madagascar avant de se raviser vers la Pologne….
La différence est subtile. Sur l’île de Koji Mouri, il n’y a pas de gardiens , de chambres à gaz, de travail obligatoire ou de baraquements. Pas plus de provisions, d’infirmerie, de lits ou de toilettes.
Nos jeunes suicidaires doivent faire face au vide ! Certains se suicident d’emblée à l’arrivée ! D’autres retrouvent l’instinct de survie comme notre héros Sen dont le cheminement initiatique est admirable tout au long de la série. Lui qui était l’archétype de l’ado pleurnichard ayant essayé de se trancher les veines pour cause de No Future au Japon , devient un chasseur aguerri qui va jouer un rôle essentiel malgré lui au sein de la communauté qui se crée .
La thématique de l’île déserte comme un nouveau départ est magnifiquement utilisée par Mori .Comme chez Kirkman, les survivants luttent contre les éléments et contre eux mêmes. Si certains en produisant des efforts retrouvent un sens à leur existence, d’autres perdent tout espoir et se suppriment. Personne de la distribution n’est à l’abri des démons, du découragement fatal, d’une mort brutale. Et comme dans Sa Majesté des Mouches, les adolescents vont devoir réorganiser une société qu’ils méprisaient : leadership, attribution de rôle en fonction de compétence de chacun , punition de la violence, réapprentissage du plaisir .
Mais que vont faire nos gamins lorsque vont venir cogner à la porte les effets pervers de ce qu’ils ont mis en place: des chefs qui perdent les pédales, paresse, prostitution, violence et cannibalisme ?
Il est en effet moins fatiguant de pousser ses copains au suicide pour les bouffer que de traquer des animaux dans la forêt pendant une semaine sous la flotte. Il est encore plus facile de se débarrasser de gens pour qui la vie ne compte plus pour avoir plus de rations. Et l île va bientôt osciller entre le paradis perdu et l’enfer sur terre.
Voila une série absolument fascinante qui, en déplaçant des personnages devant trouver un nouveau départ et tout réinventer, trouve des échos à nos sociétés ayant perdu le sens de la vie. Comme chez Kirkman , il aura fallu que ce monde infesté de téléphones portables, d’Internet et d’hypermarchés disparaisse pour réapprendre à vivre .
Le rythme est lent , c’est parfois très bavard , mais Mori a une histoire à raconter et prend soin de n’en louper aucune étape. Le versant japonais est aussi très déstabilisant : on passe parfois de la violence à une certaine forme de naïveté en un clin d’oeil. Soyez prévenu ! si vous n’aimez pas le premier épisode de ce manga, vous n’aimerez pas les autres. Mais inversement si les mésaventures de ces robinsons japonais vous fascinent d’entrée de jeu, cette île du suicide ne vous laissera auncun répit !