Ikigami Vol 8 par Motoro Mase
« Bonjour , l’Etat a décidé qu’il ne vous restait que 24 heures à vivre ! Je prierai sincèrement pour le repos de votre âme« . Voilà en gros le quotidien de Fujimoto , livreur de préavis de mort dans un Japon totalitaire qui souhaite enseigner à ses citoyens la valeur de la vie en assassinant arbitrairement 1 citoyen sur 1000.
L’étau se resserre autour de notre fonctionnaire : son manque d’enthousiasme à délivrer la mort a abouti à une surveillance accrue de ses activités : ses rapports sont lus à la loupe , ses paroles analysées par des experts , ses déplacements observés jour et nuit .
La menace qui pèse sur lui va redonner à Fujimoto du coeur à l’ouvrage et va le pousser à devenir de plus en plus insensible à la mort qu’il distribue.
Histoire 1 : Crime et Châtiment
Un chauffard sort de prison pour avoir accidentellement tué un jeune homme . Loin d’un psychopathe irresponsable , Masano regrette son acte et souhaite mourir pour expier son crime . Il est le premier personnage de la série à accueillir l’Ikigami avec soulagement ! Retardé mental , Masano a mené une vie misérable passée au ban de la société. Mais ces dernières heures vont être gâchées par la fiancée du défunt qui ne lui pardonne pas son crime et souhaite l’assassiner. Comme précédemment dans la série victime et bourreau dansent une dernière fois ensemble sans manichéisme . D’un côté un être qui sait qu’aucune rédemption n’est possible pour son crime , de l’autre une jeune fille désespérée qui supplie sa victime de ne pas mourir pour ne pas avoir à affronter une vie de solitude totale !
Histoire 2 : Vrai Visage
Deux jeune japonais dans une destinée parallèle : Degu né défiguré en proie aux railleries de ses camarades est profondément malheureux. Son visage lui ferme toutes relations amicales , amoureuses, sexuelles et professionnelles. Il collecte son argent de poche pour de la chirurgie esthétique . Avec un nouveau visage d’Appolon , il envisage une vie plus légère et rêve de perdre son pucelage. Alors qu’une vie nouvelle s’ouvre à lui , il reçoit l’Ikigami .
Désemparé, il part à la recherche de Rukiko , une jeune fille anorexique qu’il a toujours aimé . Complexée par son physique , elle devient hôtesse à la limite de la prostitution.
L’Ikigami réunit une dernière fois deux êtres brisés par le regard des autres et celui qu’ils portent sur eux mêmes . Ils vont hurler leur rage dans une séquence inoubliable où Masse imite Frank Miller époque Sin City.
Contrairement à ce que j’ai lu , ce volume 8 ne sombre pas dans la répétition . Il montre à quel point l’inspiration de Masse est polyvalente et qu’il va puiser ses sujets dans tous les aspects de la vie en société . Ici , il s’intéresse au mal-aimés , aux laids , aux parias qui n’arrivent pas à s’intégrer dans une société qui les rejette . Et met en parallèle leur destin avec celui de Fujimoto qui doit simuler son intégration pour rester en vie . Dans cette entreprise de déshumanisation qu’est l’Ikigami , il continue de questionner la valeur intrinsèque de l’existence humaine, en le faisant sans concessions, sans violence ni manichéisme .
Comment vivre sa vie après la prison ? Et le regard des autres ? Quelles secondes chances et à quel prix ? Quant aux fonctionnaires de l’Etat , leurs responsabilité sont si savamment dosées si bien que chacun pourrait plaider à un procès : « responsable mais pas coupable » .
Encore une merveille d’une série qui n’aura cesser de questionner la place de chacun dans une société plurielle aux normes violentes . Mais comment cette fable Kafkainenne haut de gamme va t’elle se finir ?