X-cutionner’s song par Fabian Nicieza, Scott Lobdell et Collectif
Première diffusion le 23/10/14- Mise à jour le 30/10/23
Un article de : BRUCE LIT
VO : Marvel
VF : Semic, Panini
Cet article portera sur le Crossover X-cutioner’song paru en 1994 en 12 épisodes. Il est paru à l’époque en fascicule chez Semic sous le nom : le Chant du Bourreau. Il vient d’être réédité chez Panini en Epic Collection. Ces événements se situent immédiatement après Bishop’s Crossing.
Après la débâcle Jim Lee et John Byrne, un petit miracle se produit dans le monde des Xmen ! Pour la première fois de son histoire cette série va être convenablement scénarisée par quelqu’un d’autres que Chris Claremont ! Scott Lobdell, ancien comédien qui traînait dans les couloirs de Marvel et Nicieza, l’homme qui écrira l’histoire de Cable, sont d’authentiques X-Fans.
En bon fils spirituels de Chris Claremont, leurs personnages s’expriment souvent de manière grandiloquente sur le champ de bataille, se comportent comme de vrais poseurs et une foultitude d’intrigues laissées en jachère le resteront après leurs départs: le troisième frère Summers, Adam X et l’étrange ressemblance entre Gambit et Scott Summers.
Ils signeront des épisodes totalement inutiles que le monde a oublié depuis mais aussi des events, des vrais qui comptent dans la mémoire des fans : La raclée de Magnéto infligée à Wolverine, Legion Quest, Age of apocalypse, Onslaught, Sabretooth chez les Xmen, c’est eux ! En quelques épisodes, Lobdell et Nicieza sont à fond et vont signer à peine quelques mois après leur arrivée un Crossover qui marquera les esprits deux décennies après sa publication.
Notre histoire commence au Madison Square Garden. Charles Xavier y prononce un émouvant plaidoyer en faveur de la tolérance raciale…..
Après avoir été hué par la foule, et malgré la protection de ses élèves, il est abattu par Cable qui prend la fuite. Commence alors une haletante course contre la montre pour les enfants de l’atome : d’une part, Xavier est mourant, infecté par le même techno-virus que Cable ; d’autre part, il s’agit de comprendre les motivations de Cable et partir à sa recherche. Enfin un mystérieux vilain, Stryfe, a enlevé Cyclope et Jean Grey pour leur faire jouer de curieux psychodrames où il les humilie impitoyablement. Stryfe a un charisme inouï et arrive à manipuler des pointures comme Apocalypse et Mr Sinister qui vont devoir s’allier aux Xmen pour en venir à bout.
J’ai été surpris par le suspense de cette histoire en en connaissant déjà la fin. On sait maintenant que Cable est le fils de Scott Summers et Stryfe son jumeau maléfique. Mais à l’époque on était en droit de se demander si Stryfe n’était pas Christopher Summers revenu du Futur pour …tuer ses parents ! Stryfe est un être tourmenté qui a de réelles raisons de flinguer Xavier, d’attaquer Apocalypse et manipuler Sinistre.
Tout au long de leur passage, Lobdell et Nicieza ne cesseront d’interroger l’héritage de Chris Claremont sur les X-men. Lorsque Age of Apocalypse pose la question : que serait le monde sans Xavier ? nos scénaristes posent en filigrane à quoi ressembleraient les Xmen sans papa Claremont ? Legion est un fils abandonné par Charles Xavier qui plonge le monde dans le chaos pour épater son père. Et cette question d’héritage revient tout au long du crossover. Les péchés du père sont ils déstinés à se répéter et entraîner le monde au chaos que prône Stryfe ? Charles Xavier, Mr Sinistre, Apocalypse sont tous des substituts paternels plus ou moins bienveillants qui vont devoir rendre des comptes à l’autre génération.
Cyclope, le leader des X-men n’est pas en reste: abandonné par son père, il abandonne à son tour son fils qui revient sous la forme d’un tyran psychotique. Le dernier acte de cette saga se finit d’ailleurs sur la lune, figure maternelle absente pour tous ces personnages qui, en tentant d’éviter la violence , la multiplie au centuple. Cette histoire est séminale : les héros vomissent, les pères sont attaqués par leurs enfants et les jumeaux Cable et Stryfe s’affrontent dans le sang. Nicieza et Lobdell achèvent de transformer la vie super héroïque des Xmen en tragédie antique diablement efficace.
Les crétins d’X-force passent la saga en taule, X Factor au manoir, ce qui laisse les coudées franche aux X-men. Les héros de l’histoire, contrairement aux crossovers d’aujourd’hui, sont donc des personnages solides et surtout, en plus de l’intrigue principale, les auteurs arrivent à écrire de superbes subplots : Colossus entame une longue dépression qui le poussera à rejoindre Magnéto, Iceberg doute de lui, Archangel lutte contre ses instincts violents, Cyclops rêve (déjà ) d’adultère avec Psylocke, Bishop ne s’intègre pas à l’équipe, Cannonball est fatigué de l’immaturité de la sienne, Xavier devient le Martin Luther King de la cause mutante. Claremont s’était séparé pendant 10 ans du leader des X-men. L’équipe des 90s lui fera au contraire jouer pleinement son rôle de militant pacifiste dont les déceptions aboutiront à Onslaught.
Wolverine , Cable et Bishop forment avant l’heure un commando de choc parti délivrer Scott et Jean. Bref chaque personnage joue sa propre partition et ça fonctionne jusqu’à la confrontation finale sur la lune dont personne ne sort indemne, notamment Scott rongé par le doute et les remords. C’est également ici que débute la saga du virus Legacy qui sera ensuite inégalement exploitée par ses auteurs.
Côté dessin Brandon Petterson et Andy Kubert suivent le cahier des charges de l’époque Jim Lee. Kubert notamment multiplies les poses charismatiques des héros mais reste très paresseux dès qu’il s’agit de les dessiner en civil, tous ayant le même regard ! Le style très controversé de Jae Lee tranche avec l’académisme des 90’s. Les personnages semblent parfois sans réelle épaisseur. Pourtant dès lors que les personnages évoluent dans l’ombre il livre des planche superbement angoissantes, mention spéciale à la séquence silencieuse lors de la tentative d’évasion désespérée de Scott et Jean.
Les multiples affrontements inutiles avec des factions mutantes de troisième zone ralentissent la narration et empêchent de transformer l’event en chef d’oeuvre du genre. Mais aussi quelques fautes de scripts embarrassantes . Sinistre abattu à bout portant par Bishop se reconstitue façon terminator sans squelette, ni système nerveux apparent ! Le même Sinistre dont on sait qu’il s’est livré a des expériences génétiques sur Scott Summers enfant, capture Scott Summers adulte pour l’échanger à Stryfe contre … le code ADN de Scott Summers. On appelle cela du fétichisme ! Enfin Wolverine pendant le dernier combat déclare que Gauntlet lui a cassé les côtes …. Ah bon ! et l’adamantium, il sert à quoi ?
Une belle d’histoire donc où les auteurs parvenaient à concilier un event spectaculaire et des instants d’intimité pour des intrigues pensées sur le long terme. Dommage que le TPB n’ait pas publié les deux épilogues à la saga, celui de X Force où Sam Guthrie joue de dialectique avec les Xmen et celui très émouvant où Xavier se remet de ses blessures avec Jubilee. Une des plus belles histoire des Xmen jamais contée par Scott Lobdell.
Alors que père et fils se sont déchirés sur la lune, Jubilee la plus jeune X-man de l’époque retrouve un Charles Xavier convalescent. Le techno-virus lui donne l’usage de ses jambes pour quelques heures. Jubilee va les employer à briser les frontières entre ces deux générations qui se sont affrontées. Elle prête ainsi au vieux ses rollers et Charles Xavier inexpérimenté finit dans la piscine ! Lobdell fait un truc incroyable en quelques pages : il rend sympathique et terriblement humain le mentor chauve !
Puis, Xavier sent ses jambes le lâcher. Par pudeur il s’éloigne pour ne pas tomber aux pieds de la gamine. Celle-ci est tiraillée par la peur d’humilier son père adoptif en lui prêtant main forte et l’envie de l’aider.Et dans une magnifique séquence qui n’est pas sans évoquer la mort du Petit Prince, elle ramène Charles Xavier à son fauteuil. La boucle est bouclée. Jubilee incarne l’espoir d’une génération de mutants pour qui les pêchés du père n’ont aucun sens. Le corps de Charles Xavier reste faillible mais son inspiration symbolisée par Jubilee le porte. La force de la jeunesse et la sagesse de la vieillesse unifiée. Une fin pleine d’espoir pour une saga terriblement sombre. Et si quelqu’un me dit que Bendis est capable d’écrire ce genre de beauté, je ferme le blog !
Si le style de Jae Lee sur ce crossover vieillit mieux que celui des autres (il y a aussi Larry Stroman, mais lui il a un style vraiment à part), qui faisaient alors pratiquement tous du « Jim Lee-like » comme Charest à l’époque, c’est peut-être parce que les influences de son style lorgnent plus à ce moment-là du côté de Sienkiewicz.
Et Capullo, comme sur Quasar, faisait déjà preuve d’un certain potentiel, pleinement réalisé ensuite sur Spawn, The Creech et Batman (avec des scénaristes d’un niveau parfois pas équivalent au sien).
Oui, le souci c’est leur tendance à mimer le style de Jim Lee qui, je suppose, était très populaire.
Dans la fin des années 90, on a eu droit à des styles plus personnels mais hélas avec des couleurs hideuses liées aux avancées de la colorisation à l’rodi. Du coup ça se lâchait sur les couleurs flashy dégueulasses.
Mais je préfère essayer de regarder ça avec bienveillance comme des produits d’une autre époque. Au ciné aussi ça y allait les gros muscles dans les nineties.
Si l’histoire me plait, j’y trouve mon compte. C’est ce que je retiens.
Wouah. J’ai souvent beaucoup de mal avec les dessins à l’ancienne (ne me lapidez pas please !!). Mais j’aime Câble et j’espère un jour avoir l’occasion de lire cette histoire.
Hello…Fanny ?
La lapidation a été formellement proscrite chez Bruce Lit, nous sommes plus humains et préférons une fin plus humaine par incinération façon NY 1997. Sunfire est aux commandes. Un autre article si tu aimes Cable :
Eh bien c’était sympa à relire.
L’épilogue avec Jubilee (présent en VF) est tout mignon aussi. Je ne pense pas que je l’avais déjà lu.
Tout le monde l’a oublié ce personnage. Elle a disparu de la circulation Jubilee, à part pour devenir un vampire ou je sais pas quoi…
Je n’avais jamais lu ce crossover sous l’angle du thème de la paternité, mais ça semble tellement évident maintenant. Jean et Scott, coupables aux yeux de Stryfe ET de Cable d’avoir abandonné le petit Christopher à un futur incertain. Apocalypse, blessé à mort par son (futur) fils adoptif Stryfe (la timeline est très compliquée), se traînant dans ses derniers moments devant sa plus belle création, Archangel. Sans compter l’arrivée du virus Legacy, l’héritage de Stryfe
C’est aussi un crossover qui complète enfin le twist final de New Mutants n°100 en exploitant la similitude Stryfe/Cable. Il faudra cependant attendre la série régulière Cable pour mettre les choses au clair sur qui est le véritable Nathan Christopher Charles Summers.
Merci pour cette redécouverte !
Pô du tout mon époque, ça : j’ai décroché à l’arrivée de Jim Lee et de ses personnages/modèles pour séance photo. Sinon, rapport à ce qui est mentionné dans l’article, au sujet de « l’étrange ressemblance entre Gambit & Scott Summers », moi, en guise de solution, je pencherai tout simplement pour un manque de talent du dessinateur attitré… Franchement : ils se ressemblent pas mal, tous autant qu’ils sont, dans ces pages -une des raisons qui m’éloignent du truc, du coup.
D’accord avec PierreN : Larry Stroman est à part.
La ressemblance entre Scott et Gambit a longtemps sous-entendu qu’ils étaient frères.
Hé ben ! Elle en a fait, des cachotteries, la mère Summers !! Ou alors il était toujours en vadrouille, ou quoi, le Christopher ?! :)) Hou ! Le coquin !!
En ce qui concerne Scott et Remy… À l’époque ils se promènent aussi avec le même brushing apparent, en costume…
Je pense vraiment que ce genre de « mystère » participe surtout d’une approche par trop cavalière des « auteurs/artistes » de ces périodes-là, absolument pas concernés par même un semblant de réalisme quant aux rapports inter-personnels des personnages, et surtout soucieux d’introduire « leur » trouvaille -forcément géniale !- au sein de la « continuité » officielle du MCG. De force, si nécessaire, en glissant ce genre d’appât pour ensuite voir si le lectorat va plébisciter ou non la nouillerie du moment.
La naïveté originelle du médium me manque vraiment, dans son respect tatillon du travail des ainés : quitte à en devenir pesante, cette continuité-là avait au moins le mérite d’habiller les héros d’un vécu à même d’étoffer leur personnalité.
Bon, c’était vraiment une autre époque, et tout doit toujours changer, inévitablement.