GODZILLA MINUS ONE
UN ARTICLE DE PATRICK 6
Première publication le 19/01/24 – MAJ le 01/12/24
La nouvelle est tombée fin novembre : le dernier opus nippon des aventures du saurien radioactif, GODZILLA MINUS ONE, sortirait sur les écrans français ! Ce n’est pas une mince affaire puisque il faut remonter à 2004 pour trouver un film japonais de la franchise projeté chez nous (en l’occurrence GODZILLA FINAL WAR). Ainsi donc, ni le pourtant excellent SHIN GODZILLA, ni les 3 animés qui l’ont suivis, n’ont été visibles dans nos contrées ! Pas plus en salle qu’en DVD !
Drame !
Malgré cette bonne nouvelle bien des fans ont déchanté : le film ne resterait à l’affiche que 2 jours (les 7 et 8 décembre 2023) et uniquement dans les salles IMAX (et autres salles 4D) ! Si vous n’êtes pas disponible ces jours-là, c’est fini pour vous !
Une bien étrange stratégie marketing que l’on doit au distributeur Piece of Magic Entertainment (détenteur des droits sur 38 pays) qui souhaitait créer un événement aussi bref qu’intense.
Son PDG, Caspar Nadaud, explique : « Dans certains pays, nous sortirons Godzilla Minus One de manière traditionnelle, avec des projections quotidiennes pendant une semaine (…) mais dans d’autres pays, nous organiserons une sortie événementielle, en ciblant un public plus spécifique. Ce que nous voulons dans tous les cas, c’est un taux de fréquentation élevé, une expérience formidable pour les fans et, bien sûr, un bon retour au box-office pour toutes les parties concernées. »
Traduisez, le distributeur ne croit pas au succès à long terme du film, il préfère fédérer tous les spectateurs au même endroit et au même moment pour rentabiliser les coûts… Triste époque. Bref, au final, cette Blitzkrieg événementielle est devenue pour 2 jours la hype Geek absolue ! (A noter qu’une potentielle nomination aux Oscars et un bouche à oreille ultra favorable ont récemment convaincu le distributeur de revoir sa copie et de ressortir le film fin janvier pour une plus longue durée)
Bon de quoi parle ce nouveau chapitre ? (Le 33ème film Godzilla produit par la Toho, mine de rien), rien de moins qu’un retour aux sources pour fêter dignement les 70 ans de Godzilla !
Le film nous transporte à la fin de la seconde guerre mondiale. Dans un dernier (et vain) espoir de bouter les américains hors du Japon, l’armée nipponne envoie massivement ses kamikazes se crasher sur les porte-avions yankees. L’un deux, Kōichi Shikishima, pour échapper à son funeste destin feint un problème technique de son avion. Il se pose sur l’île d’Odo, à la grande désapprobation du personnel de la base qui s’y trouve.
Le soir même un monstre, que les habitants de l’île surnomment Godzilla, sort des eaux et attaque les militaires. Une nouvelle fois, Kōichi manque de courage et, paralysé par la peur, il ne peut abattre le monstre alors qu’il en a l’occasion. Le résultat est désastreux, à part le chef mécanicien et lui-même, tous les soldats sont morts !
Kōichi, hanté par la culpabilité et sa propre lâcheté retourne à Tokyo où il trouve sa maison en ruine et sa famille décimée par les bombardements. Il partage désormais son foyer avec une femme qui vivait à la rue, Noriko Ōishi, et une petite fille orpheline, appelé Akiko.
Devenu dragueur de mines, le destin de Kōichi ne tarde pas à croiser à nouveau le chemin de Godzilla. Le roi des monstres, après avoir muté suite aux tests nucléaires de l’Oncle Sam, file droit vers le Japon ! Il est désormais inévitable que les nippons doivent, à nouveau, affronter le feu radioactif…
Soyons clair, GODZILLA MINUS ONE n’est pas un film de monstre. Le film ne tend absolument pas au spectaculaire et ne vise nullement le plaisir régressif de voir un kaiju réduire des villes en cendre. Le saurien radioactif n’apparait d’ailleurs qu’assez peu, mais chacune de ses apparitions est magnifiquement amenée et orchestrée. (Signalons au passage que le budget du film, soit 15 millions de $, est dix fois inférieur à celui de KONG VS GODZILLA. Quand on sait que ce dernier est un navet absolu, on comprend bien que le mieux est l’ennemi du bien).
Au lieu de donner dans la surenchère d’effets spéciaux, comme le font les films américains de la franchise, cet épisode interroge plutôt l’humain : Comment en finir avec les guerres individuelles que nous nous livrons à nous même ? Comment guérir de ses blessures passées ? Et surtout comment se pardonner ses défaites et de ne pas avoir été à la hauteur de nos propres attentes ?
Telles sont les vraies questions posées par le film. On est loin du concours de bites de KONG VS GODZILLA. Il s’agit avant tout d’une question de rédemption. Celle du kamikaze raté, oui, mais aussi celle d’une nation entière en ruine et humiliée. Comme le déclare l’un des démineurs « Le pays a valorisé la vie à un prix bien trop bas ». Difficile de retrouver respect de soi et dignité lorsque sa survie est un rappel constant de son échec.
Le protagoniste, Kōichi, éternellement honteux d’être encore vivant, ne parvient à nouer des relations sociales et garde tout le monde à distance, prisonnier de sa culpabilité. Il est de même incapable créer de liens familiaux authentiques avec sa famille post-atomique, réduits à l’état de colocataires survivants. Il ne peut tout simplement pas avancer car sa « guerre n’est pas terminée ». ll se sent indigne du bonheur et ne peut donc être ni un mari ni un père.
La grande originalité du film réside dans sa description réaliste dans le Japon de l’après-guerre. GMO revient au côté métaphorique du premier opus. En effet en 1954 (date de la première apparition du roi des monstres, donc) les cendres radioactives à peine froides d’Hiroshima et de Nagasaki (jamais clairement mentionnés dans le film) une omerta régnait sur l’archipel faisant de la défaite un sujet tabou. Ainsi, ce silence imposé a donné naissance au Kaiju Eiga, seule façon de traiter indirectement ce sujet.
Sept décennies plus tard, si on peut désormais parler librement de la bombe atomique, le nouveau film redonne cependant à la Science-fiction sa valeur métaphorique. Godzilla symbolise ici l’angoisse de tout un pays, le traumatisme post défaite, mêlant allégrement souffrance, culpabilité et chagrin.
Si le précédent film SHIN GODZILLA dénonçait la lourdeur du gouvernement nippon et sa pesanteur administrative, MINUS ONE, au contraire, se situe à une époque où l’autorité est déficiente, voir tout simplement absente. Seule l’union d’individus peut faire barrage au roi des monstres. La réponse aux attaques de Godzilla ne peut se faire que par une opération civile et non pas par une opération gouvernementale ou militaire.
Ne tournons pas d’avantage autour du pot : GMO est un chef d’œuvre (et accessoirement l’un des meilleurs films consacrés à Godzilla) ! Takashi Yamazaki (réalisateur et scénariste de cet opus) parvient à mélanger lourdeur historique et problématiques contemporaines.
Si le traumatisme de la guerre reste au centre du récit, le réalisateur oscille en permanence entre la démesure des attaques du monstre et l’intimité de la petite famille du kamikaze. L’émotion est au rendez-vous. On est en parfait empathie avec l’infortuné Kōichi Shikishima et sa famille de fortune.
Concernant Godzilla lui-même, il est présenté comme un ange exterminateur, une sorte de divinité mortuaire, et non pas comme un quelconque monstre né de l’atome. Il est l’incarnation de la rage et de la colère des nippons après la défaite. Le kaiiju n’est motivé ni par la faim ni par la vengeance, le monstre ne fait que ce qu’il sait faire : des monstruosités.
Notons que chacune de ses apparitions est magnifiée par la musique d’Akira Ifukube (le thème écrit pour le premier film est ici réutilisé de manière récurrente). L’effet rendu est tout simplement stupéfiant. Pour les non-initiés, disons que le thème musical est tout aussi évocateur que celui de STAR WARS ! Un coup de respiration d’asthmatique et les fans de Lucas se pâment, il en va de même pour les fans de Godzilla…
Coté effets spéciaux, le film est tout simplement époustouflant, et les scènes de l’attaque de Tokyo sont tout simplement incroyables. L’explosion atomique en plein milieu de Ginza est absolument stupéfiante ! Le (relativement) maigre budget a été utilisé avec sagesse pour un rendu optimum.
Puisque la perfection n’est pas de ce monde, le film n’est donc, lui aussi, pas exempt de défaut. Le premier d’entre eux est son titre trompeur ! MINUS ONE semble indiquer que nous avons affaire à un préquel se déroulant avant le premier film. Cependant les pontes de la Toho ont démenti « Le concept est que le Japon, qui a déjà été dévasté par la guerre, fait face à une nouvelle menace avec Godzilla, amenant le pays dans le ‘moins’.»
Bref, le Japon est dans le négatif, un peu comme mon compte en banque… Mouais. L’explication est plus que confuse et tombe bien à plat pour justifier un titre tout simplement nul !
Au final le film se situe hors continuité (puisqu’il n’est absolument pas raccord avec le premier film). Cet opus se suffit à lui-même et se regarde très agréablement, même si vous êtes totalement étranger au monde du saurien radioactif.
Toujours au rayon aspect négatif, citons également le sentimentalisme poussé à l’extrême. Le réalisateur ne lésine pas sur le mélo et certains passages (notamment la scène finale) penchent un peu sur le tire larme ! Mais ses passages sentimentaux ne font que renforcer l’empathie des spectateurs envers les personnages.
Enfin, le coté le plus dérangeant est sans doute sa fin prévisible et convenue. Il m’est difficile de développer cet aspect sans spoiler le film, mais si la conclusion est pas spécialement surprenante, elle a au moins le mérite d’être cohérente et efficace.
Mais bref, malgré ces défauts mineurs le film n’est reste pas moins un chef d’œuvre métaphorique et jubilatoire. Le réalisateur prouve, une nouvelle fois, que la franchise évolue en même temps que la société nipponne, exprimant à travers la culture pop les travers de son temps.
La BO qui donne le frisson aux fans !
Je l’ai enfin vu.
Bon, c’est bien mais j’ai préféré le cynisme de Shin Godzilla.
Ici, on est presque sur un film américain dans son déroulé( surtout la chute qui est faite pour être exportée)…
Pour les effets spéciaux, je suis quand même étonné de l’Oscar, je veux dire l’avion en CGI du début, il est quand même bien moche non?
Ceci dit la reconstitution d’un Tokyo en reconstruction, les costumes, les scènes de destructions sont bien immersives quand même.
Je crois que le monstre est un mélange de tout ce qui se fait (un peu costume, un peu animatronique, un peu CGI) et il est du coup très riche dans son animation.
Film sympa et forcément plus intéressant que le tout-venant hollywoodien actuel.