Sympathy for the Devil !

Daredevil : Sous l’aile du Diable par Kevin Smith, Joe Quesada et David Mack

1ere publication le 11/02/15- Mise à jour le 15/01/22

Vo : Marvel

Vf : Panini

Un article de  : TORNADO

Ce recueil regroupe les épisodes #0 à 15 de la série Daredevil Marvel Knights, réalisés entre 1998 et 2001.
La première saga (« Sous l’aile du diable » : #1 à 8) est l’œuvre du scénariste Kevin Smith et du dessinateur Joe Quesada. La seconde (« Tranches de vide » : #9 à 15) est écrite par David Mack et toujours mise en image par Quesada.
– Episodes 1 à 8 : Guardian Devil (scénario de Kevin Smith et dessin de Joe Quesada)

Alors que Karen Page, le grand amour de Matt Murdock, vient de le quitter, une jeune fille en détresse lui confie un petit bébé qu’elle aurait conçu en restant vierge, avant qu’un homme prétendant être un envoyé de Dieu ne lui révèle que l’enfant est l’antéchrist réincarné ! Notre héros ne va pas tarder à voir sa vie basculer sur tous les fronts, attestant d’une malédiction bien réelle…

Est-ce vraiment la fin du monde ? Daredevil a-t-il été choisi pour un plan d’origine démoniaque ? Et surtout, comme elle le prétend, la jeune fille a-t-elle réellement découvert la double identité du justicier en rencontrant un ange ?

Une histoire avec des anges, des diables et des antéchrist…

Une histoire avec des anges, des diables et des antéchrists… ©Marvel Comics

Si vous aimez le Daredevil de Frank Miller, et en particulier Born Again, alors vous ne devez pas rater cet album. Car le réalisateur Kevin Smith a conçu son récit comme un hommage. Toutefois, le bonhomme a su injecter dans son écriture un style propre, équilibré, à la fois adulte et respectueux de la mythologie consacrée en termes de connotation.

C’est ainsi que cet arc narratif se situe à la fois dans la lignée de Miller (le scénariste suivant, David Mack, ne s’y trompera pas, incluant un tag sur les murs de Hell’s Kitchen avec ces mots : Frank was here, Kevin was here, David is here !!!), et à la fois dans la rupture (point d’Elektra ni de trucs japonisants). Et au final, le passage de Kevin Smith sur la série restera finalement comme un des préférés des fans après celui du créateur de Sin City…

C’est que Smith a su trouver la couleur de la saga, dans une alchimie parfaite entre le côté adulte des comics d’aujourd’hui et la source enfantine de jadis. Oui, c’est vraiment ce que j’ai adoré le plus dans ces épisodes : l’équilibre entre le traitement mature et les souvenirs de notre passé. Je suis donc retombé en enfance, retrouvant le plaisir innocent de mes lectures de jadis, sans pour autant que le livre me tombe des mains à cause de sa forme décalée. Et ça, c’est ce que j’appelle de la relecture brillante. A ranger à côté des œuvres de Jeff Loeb & Tim Sale, même s’il ne s’agit pas exactement du même concept, car il y a le même équilibre entre naïveté enfantine et mise en forme moderne et adulte.

Ceux-là, je les adorais quand j’étais enfant !

Ceux-là, je les adorais quand j’étais enfant ! ©Marvel Comics

La valeur de ces huit épisodes tient essentiellement au niveau du travail dans le rapport entre le Fond et la Forme, aussi bien dans le domaine narratif que pictural. Smith nous livre un scénario d’une sophistication telle qu’il est rare d’en voir dans le domaine des comics mainstream, alors qu’il en était à son premier essai en termes d’écriture scénaristique au sein de ce médium !

Dans la Forme, il construit un récit maitrisé de bout en bout au suspense haletant et au rythme implacable, le tout noyé sous une avalanche de texte et de dialogues brillants, qui malgré leur densité passent comme une lettre à la poste. Et même si le dénouement retombe un peu dans une trame plus classique, l’ensemble exhale un très fort parfum de renouveau. Dans le Fond, il intègre dans le récit ses thématiques obsessionnelles, que l’on peut retrouver dans ses films (Dogma par exemple), notamment la question de la religion et de la Foi. Alors qu’il aurait pu plomber son scénario avec un tel parti-pris, il parvient au contraire, tout en finesse, à intégrer cette dimension à la mythologie du personnage de Daredevil de manière parfaite.

Daredevil, tiraillé entre la veuve et l’orphelin…

Daredevil, tiraillé entre la veuve et l’orphelin… ©Marvel Comics

Au jeu des références, Kevin Smith et son dessinateur, qui n’est autre que Joe Quesada, le rédacteur en chef de la Marvel à cette époque et l’initiateur du label Marvel Knight, parsèment leur intrigue de citations diverses et d’hommages en tout genre.

Il y a d’abord les clins d’œil aux anciennes sagas (Born Again, Typhoid Mary), et il y a ensuite les visuels référencés (merci à Présence pour me les avoir soufflés indirectement !), avec le personnage de Nicholas Macabes qui ressemble au Commissaire Dolan de la série Spirit de Will Eisner, avec les clients du bar fréquenté par Turk où l’on reconnait Jesse Custer de la série Preacher, et Nancy Callahan et Marv de la série Sin City. Et il y en beaucoup encore !

Alors, les copains, qui est qui ?

Alors, les copains, qui est qui ? ©Marvel Comics

Ensuite, il incorpore certaines composantes du monde du cinéma, notamment à travers le métier des trucages et des effets spéciaux, avec toute la dimension féérique qui, très probablement, à inspiré les tout premiers créateurs de comics.

Mais surtout, comme dit plus haut, c’est dans la manière dont il cite les références issues du run de Frank Miller (et dans une moindre mesure de celui d’Ann Nocenti) qu’il parvient à donner de l’épaisseur à son récit, qui culmine à un niveau de densité vraiment optimal. Ce faisant, il parvient à imprégner la série d’une marque indélébile. Après son passage, plus rien ne sera jamais pareil…

Comme un parfum de Born Again

Comme un parfum de Born Again ©Marvel Comics

Côté graphique, le niveau de sophistication est au diapason. Joe Quesada (qui livrera quelques temps plus tard le superbe Daredevil : Father) nous offre un découpage et une mise en scène vraiment impressionnants. Sa virtuosité s’impose à tous les niveaux : Décors, richesse des détails, points de vue, mouvement des corps, expressions, tout est travaillé à l’extrême.

Son style peut parfois flirter avec le manga, mais il préserve l’atmosphère voulue. Le découpage de chaque planche, conçu comme un tableau à plusieurs facettes, est une merveille de variété et d’inventivité, contrebalançant parfaitement le haut niveau de texte fourni par le scénariste. Il agrémente ses compositions d’un tas d’ornements (cadres, volutes, enluminures, mosaïques) aussi décoratifs que riches de sens, qui viennent étoffer le fil narratif. Par ailleurs, son travail est parfaitement complété par l’encrage de Jimmy Palmiotti et la mise en couleur de toute une armée de collaborateurs. Pour ma part, je ne me souviens pas d’avoir contemplé beaucoup de comics d’un tel niveau, où la sophistication de la mise en forme côtoie la densité de la toile de fond. Certainement l’un des grands moments de l’histoire de la Marvel.

Tiens, voilà cette enflure de Bullseye…

Tiens, voilà cette enflure de Bullseye… ©Marvel Comics

Il faut préciser, cependant, que la densité scénaristique, avec toutes les références puisées ça et là dans les anciennes aventures de Daredevil, destine essentiellement ces épisodes au lecteur déjà bien familier du personnage et de son histoire éditoriale.

Néanmoins, Kevin Smith a réalisé un épisode nommé « numéro 1/2 » (ici présent) sous forme de texte illustré, qui vient justement récapituler toute cette histoire… A noter que le scénariste flirte beaucoup avec l’univers de Spiderman, qu’il visitera quelques temps plus tard par le biais de la (superbe) mini-série Spiderman : L’enfer de la violence

Merci MMr Smith & Quesada !

Merci MMr Smith & Quesada ! ©Marvel Comics

– Episodes 9 à 15 : Parts of a Hole (scénario David Mack et dessin de Joe Quesada)

Ces épisodes marquent l’entrée en scène de Maya Lopez, plus connue sous l’alias d' »Echo » (par la suite, elle fera partie des New Avengers). C’est une jeune femme sourde qui possède le don de reproduire tout ce qu’elle observe, y compris les prouesses physiques les plus extrêmes (une parfaite « copycat » !).

Au départ, elle est la pupille de Wilson Fisk, et ce depuis la mort de son père, ancien bras droit du Caïd. Ce dernier, prenant conscience du potentiel exceptionnel de sa protégée, décide de l’envoyer combattre Daredevil en lui laissant croire qu’il est l’assassin de son père…

David Mack ne fait pas qu’écrire le scénario, il illustre aussi les sublimes couvertures de son propre run !

David Mack ne fait pas qu’écrire le scénario, il illustre aussi les sublimes couvertures de son propre run ! ©Marvel Comics

La principale surprise concernant cette saga, ce n’est pas l’histoire qu’elle raconte, finalement assez convenue, mais la mise en forme très particulière du récit. Et pour les lecteurs familiers de David Mack, cette surprise est renforcée par le fait que le créateur de Kabuki semble mettre lui même son histoire en image, alors que c’est Joe Quesada aux crayons !

La mise en page extrêmement sophistiquée du scénariste est ainsi exactement la même que lorsqu’il réalise lui-même les illustrations (ce qui laisse à penser qu’il a dû story-boarder une partie de son scénario avant de livrer le tout à Quesada), impliquant diverses techniques alliant le dessin, la peinture, la photographie et l’infographie. On retrouve ces compositions conceptuelles où le texte s’imbrique dans les contours du dessin, où le changement de technique renforce le sens du fil narratif, où poésie et dichotomie visuelle finissent par transcender le récit, qui prend des airs lyriques d’opéra chamarré, alors qu’évidemment toute lecture demeure silencieuse, comme le monde qui entoure Maya Lopez…

L’art de David Mack, illustré par Quesada !

L’art de David Mack, illustré par Quesada ! ©Marvel Comics

A l’arrivée, voilà une œuvre dans laquelle le travail de mise en forme prime par dessus tout, où l’émotion explose dans une alchimie propre à l’art séquentiel, réussissant à transcender une histoire plutôt délirante qui, racontée différemment, aurait pu se révéler parfaitement classique et naïve. Parallèlement, les quelques scènes d’actions sont époustouflantes !

Enfin, il s’agit d’une histoire relativement marquante de la mythologie interne de la série, en particulier en ce qui concerne le personnage du « Caïd », puisque c’est ici qu’il perd la vue.
Plus tard, David Mack reviendra tout seul sur la série avec un arc entièrement dévolu à sa création : Daredevil : Echo.

Matt lutte une fois de plus contre la folie....

Matt lutte une fois de plus contre la folie…. ©Marvel Comics

L’épisode #12 a été placé tout à la fin (n’importe quoi !), probablement parce qu’il est écrit par Joe Quesada & Jimmy Palmiotti et dessiné par Rob Haynes. Il s’agissait à l’époque d’un épisode « bouche-trou » pour combler l’attente des lecteurs entre deux épisodes. Sans apporter grand chose à la trame principale du récit, c’est quand même un petit « extra » très bien écrit et fort sympathique.

Saluons pour terminer l’initiative de Quesada en ce qui concerne le label Marvel Knight (dans le même temps, Garth Ennis revisitait le personnage du Punisher avec la saga Welcome Back Frank !). C’était l’époque où Marvel publiait de magnifiques séries adultes et intelligentes, autonomes et artistiquement intègres. Par la suite, Quesada lui-même brisera son règne en introduisant les events et en faisant retomber le tout dans l’infantilisme vulgaire…

Echo, la créature de David Mack…

Echo, la créature de David Mack… ©Marvel Comics

 

52 comments

  • JP Nguyen  

    Allez, lançons le débat de bon matin : je ne suis pas d’accord avec toi, Tornado !
    En particulier pour la saga Guardian Devil, je trouve que le récit est bâclé et bon nombre de personnages, dont Matt, sont maltraités (Foggy est un pauvre c.., Karen une hystérique, Matt un gros pigeon crédule, seule Natasha s’en sort à peu près). La mort de Karen, je la perçois comme une façon pour Smith de marquer son passage sur la série plus qu’un évènement bien intégré organiquement au récit. Quelque part, ton observation sur les tags « Frank was here etc. » fait ressortir la même idée : les auteurs voulaient marquer la série de leur empreinte… Bullseye n’a aucune raison de faire ce qu’il fait et de se barrer dans la foulée. Soit il se barre, soit il tue tout le monde. (Nous jetterons un voile pudique sur la mini-série Target que Smith avait commencée et qui devait amener une sorte de conclusion à cette partie du récit, vu qu’il ne l’a jamais terminée…)
    Pour être honnête, en manque de DD à l’époque de la sortie de cette saga, j’avais relativement bien aimé mais quelques années après, à la relecture, j’ai trouvé ça très moyen, seulement sauvé par quelques passages ; DD et Spidey sur le pont de Brooklyn, par exemple.
    J’aime davantage « Parts of a Hole » mais surtout grâce aux dessins, car je trouve que c’est là que Quesada livre sa meilleure prestation (dommage qu’il n’ait pas pu tout dessiner). La planche où Matt joue du piano et retrace sa vie au fil des notes est pour moi un petit bijou d’art séquentiel.

  • Présence  

    100% d’accord avec Tornado du début jusqu’à la fin (et ce n’est pas parce que j’ai droit à un petit clin d’œil dans l’article).

    Pour « Guardian angel », la phrase  » l’équilibre entre le traitement mature et les souvenirs de notre passé » exprime et condense parfaitement mon ressenti à la lecture de ce récit.

    Pour Parts of a hole, je suis subjugué par la description et l’analyse que Tornado fait de la mise en images. Pour avoir lu la majeure partie de Kabuki, je souscrits à son point de vue : « Le créateur de Kabuki semble mettre lui même son histoire en image, alors que c’est Joe Quesada aux crayons ».

  • Bruce lit  

    Alors je me situerai entre les deux ! Je suis plutôt d’accord avec JP : l’histoire a pris un petit coup de vieux, les manipulations de Mysterio un peu tordues,et puis cette histoire d’antéchrist est totalement tirée par les cheveux. mais pour aller dans le sens de Tornado:

    -Bullseye n’a jamais eu besoin de raison pour gâcher la vie de Matt, c’est sa raison d’être !

    -La mort de Karen arrive à point nommé, le couple n’en finissait plus de se séparer / retrouver. Je ne trouve pas que Smith l’hystérise. Au contraire, il en fait une femme forte, résolue, qui à sa manière aide Matt à renaître ( encore) après avoir été à la source de sa chute chez Miller. Sa mort est brutale, réussie, symbolique tout comme son enterrement .
    je trouve qu’à partir de ce run, DD retrouvait sa gloire d’antan. Et j’aime beaucoup, justement la lutte entre hommes et femmes que Smith met en scène dans ce récit.
    Parts of a hole : j’aime nettement moins. Ces histoires de jumeaux, du begayeur et du Kingpin abattu comme une merde….bof…Et le fait que Murdock fricote avec Echo juste après avoir enterré sa femme ne me le rend pas très sympathique.

    Je ne serais pas très présent aujourd’hui ! Je viens d’être Tonton ( mon frère vient d’avoir son premier enfant !) . Pile le jour où l’histoire parle de la naissance d’un enfant !!!

  • Tornado  

    @JP : Je pense que nous aurons ce débat encore à l’avenir, mais je ne me concentre jamais sur les détails dus script. Et je n’aime pas lorsque quelqu’un le fait dans ses commentaires (sans aller jusqu’à dire que je vais vous détester pour ça les uns et les autres. Ne vous inquiétez pas, je vous aime quand même ! 🙂 ).
    Je n’aime pas ça car ça revient à dire que l’on descend une histoire non pas pour ce qu’elle est, mais parce qu’elle n’est pas comme ON AURAIT VOULU qu’elle soit (« Matt a dit ceci alors qu’il devait faire cela, tel personnage fait cela alors qu’il aurait dû dire ceci », etc.).
    Je me désolidarise, personnellement, de cette analyse trop subjective qui épouse un pan de l’histoire dont finalement je me désintéresse. Je préfère me concentrer sur la manière dont c’est raconté, mis en scène, dialogué, découpé. Et c’est pareil au cinéma.

    Partant de là, est-ce que ces deux sagas de 1999 sont bonnes ? Que oui !!!

    • JP Nguyen  

      C’est ton approche, Tornado, et je la respecte. Mais concernant un personnage mainstream ayant une longue histoire et certains traits bien établis, tu peux admettre qu’un certain lectorat, dont je fais partie, évalue une histoire non seulement pour elle même mais aussi par rapport à la continuité. Je ne dis pas que c’est bien ou mal de faire ainsi ou autrement, j’explique juste que c’est une démarche possible.
      @phil: merci de venir nous faire coucou. Mais je ne peux te laisser me traiter d’intégriste ! Ou alors uniquement sur le Holster! 😉

  • phil cordier  

    j’oublie trop de venir faire un tour par ici, c’est tjs intéressant
    L’analyse est cohérente et bien construite mais c’est du côté de JP que je me situé, entièrement (je ne partage d’habitude pas son intégrisme 🙂
    J’avais aimé à l’époque mais déjà trouvé la saturation scénaristique + graphique trop étouffante, souvent (des tas de bulles sur des dessins ultra détaillés) le tout avec des couleurs souvent trop saturées également
    Tuer Karen m’a un peu fait l’impression du chien qui urine sur qque chose pour marquer son territoire
    Les persos sont en tension permanente (physique et morale) et l’hommag de Smith est, à mon goût, trop souvent appuyé, proche de la révérence servile (à l’opposé de la finesse du perso de » Dolan », excellente idée). Alors que Mack, que je n’apprécie pas du tout en solo, fut excellent et permis à Quesada de livrer son meilleur taff de puis des lustres
    Je ne risque pas de mettre ce run juste après celui de Miller, mais il est clairement dans le haut du panier sur la durée (avec Mack donc)

  • Tornado  

    Ah non ce n’est pas un coming out ! D’habitude je réagis en disant que je m’en fous de la continuité. c’est pareil.
    Je pense sincèrement qu’une critique n’est pas assez constructive lorsqu’elle est trop subjective. Si le critique ne fait que parler de l’histoire qui n’est pas comme il aurait voulu qu’elle soit, ça ne m’intéresse pas du tout parce que ça ne me concerne pas en définitive.
    Mais en même temps, une critique passionnée c’est bien aussi. D’où ma phrase « j’admets volontiers que l’on regrette tel ou tel choix, mais j’admets nettement moins que l’on descende une histoire pour ça ! »
    Mais encore une fois je dis ça sans amertume. Si je suis là avec vous, c’est que je vous aime beaucoup ! 😀

  • JP Nguyen  

    Bon, on est d’accord que personne ici ne prétend détenir la seule et unique vérité.
    Cependant, lorsque je dis que je trouve que certains personnages sont « out of character », c’est effectivement en tant que vieux lecteur connaissant la continuité. Après, au sein même de celle-ci, les caractérisations d’un perso ont évolué, un personnage n’est donc pas figé. Je devrais donc plutôt dire : tel personnage écrit par tel auteur (en l’occurence Smith) ne me plait pas/je ne le reconnais pas ou encore ce n’est pas cette version que je préfère… Mais justement, comme ces épisodes n’existent pas « tout seuls » mais s’inscrivent dans la suite d’une série, je trouve légitime que le lecteur ayant connu d’autres itérations donnent son point de vue en disant je préfère le Foggy par untel plutôt que par Smith… Ou « mon » Matt Murdock ne ferait pas ça…
    Je trouve pas ça déconnant de dire ça et du coup de ne pas apprécier (ou moins apprécier) une histoire pour cette raison. Mais cela reste un point de vue et ça ne s’érige pas en vérité.

    Je pense sincèrement qu’une critique n’est pas assez constructive lorsqu’elle est trop subjective.

    J’ai longtemps pensé comme toi mais finalement, j’en suis un peu revenu. Je pense que chaque lecteur a sa propre expérience de lecture, déterminé par tout un ensemble de choses (ses lectures passées, ses attentes particulières prp au récit, son rapport existant au personnage, son goût plus ou moins marqué pour les auteurs etc.) Du coup, tout avis est par essence subjectif et peut s’exprimer, du moment qu’on érige pas son propre point de vue en vérité ultime… (z’avez-vu, j’ai rebouclé avec le début de mon commentaire…)

    • Présence  

      Je partage le point de vue de JP Nguyen : tout avis est pas essence subjectif pour les raisons qu’il énonce (et de par la culture de chaque individu, son éducation, etc.).

      Sous certaines conditions, des critiques subjectives peuvent même s’avérer meilleures. C’était la thèse de Hunter S. Thompson, mise en application avec verve par Warren Ellis dans Transmetropolitan, incarnée par Spider Jerusalem, adepte du journalisme gonzo.

  • Tornado  

    J’entends bien tout cela et n’ai pas la prétention d’émettre de critique objective. Seulement j’essaie d’éviter le pathos qui me lie aux choses sur lesquelles j’écris.
    Pour moi c’est l’inverse qui s’est produit : Au début j’écrivais des discours d’éloge. Aujourd’hui je ne cherche plus à convaincre que telle ou telle chose est géniale, mais plutôt qu’elle est bien faite.
    Géniale ? La moitié du monde au moins va penser différemment ! Mais qu’elle est valable parce que ses auteurs ont fait un beau boulot de mise en forme, ça c’est nettement plus universel.

    Alors, descendre une histoire sur un point de vue est pour moi trop égocentré. Le Daredevil de Kevin Smith est pour moi le bon. Et pour d’autre il est le mauvais. Et puis c’est normal après tout.
    En tout cas je ne vois pas l’intérêt, mais c’est un point de vue tout à fait personnel, de le défendre sur le terrain de la continuité. C’est comme le « Daredevil Father » de Quesada ou le « Man Without Fear » de Miller & Romita. Deux oeuvres descendues pour des problèmes de continuité. Deux oeuvres que j’adore et deux boulots d’artistes que je trouve magnifiques.
    Savoir qu’ils ne plaisent pas pour des soucis de cohérences ou de continuité ne m’intéresse pas. Je m’en fout. Ça m’ennuie. Lire que quelqu’un ne les a pas aimés parce qu’il aurait voulu que tel ou tel événement soit écrit différemment ne m’intéresse pas. c’est comme si la personne m’expliquait pendant une heure qu’elle préfère les spaghetti à la carbonara cuisinés de telle manière et non d’une autre parce que son palais est fait de telle manière et non d’une autre. Je n’y suis pas dans son palais. Alors je m’en fout.

    Alors voilà. Encore une fois c’est un avis strictement personnel. Mais je préfère écrire sur une histoire avec le moins possible de pathos. Ne pas la critiquer par ce qu’elle n’est pas comme je voulais qu’elle soit, sachant que la plus-part des gens n’en ont de toute manière pas la même perception.
    Je ne dis pas que j’y parviens. Mais en tout cas j’essaie de le faire le moins possible.

    Toujours est-il que lorsque je trouve qu’une histoire est bonne, et que je vois que quelqu’un la descend sur une question purement liée au pathos, j’avoue que je mets la critique sur le terrain de la mauvaise foi et je m’en détourne.

  • Tornado  

    Ah ! Et j’oubliais un détail très important qui doit rentrer en compte dans tout jugement de valeur : la sincérité.
    Si Bendis nous prend pour des billes avec ses séries commerciales boursoufflées, alors on peut le descendre sur le fait qu’il réalise un boulot putassier. Là d’accord.
    Mais si Kevin Smith n’écrit pas Daredevil comme on aurait préféré qu’il l’écrive alors que sa démarche est pure, sincère, passionnée, alors je ne suis pas d’accord sur le fait de le descendre sur ce seul principe.

    Voilà. Désolé d’avoir été laborieux et long. Mais ce n’est pas toujours facile de mettre ses idées à plat !
    Amitiés sincères 🙂

  • Eddy Vanleffe  

    Je suis un gros fan de Daredevil….
    Et oui c’est compliqué de juger une histoire comme celle-là partant de là…
    le plaisir de lecture remporte quand même la palme, ca doit être avec Green Arrow les seuls comics valables qu’ait écrit Kevin Smith définitivement perdu depuis dans ses blagues pipi-caca.
    il y a plein d’hommages vibrant de sincérité la dedans, c’est juste incroyable? au passage le Run de Nocenti n’est pas oublié puisque Typhoid est citée et que Méphisto a gardé son look Romita jr très distincif. Mais l’intrigue n’est pas sublime en fait, les anges, l’enfer au sens littéral, pffou…Heureusement la chute claque bien et remet Daredevil le nez dans sa m…comme il faut et comme il est presque en permanence…
    Parts of a hole est une tuerie graphique et une sorte de pub pour son auteur à base David Mack sa vie, son oeuvre…
    le tag sur les murs est par contre un des indice de la présomption de ces auteurs de cette période qui spécialistes de faire du neuf avec du vieux, mettent souvent des emballages sophistiqués sur des histoires déjà écrites, parce que ouais une tueuse sexy et bad-ass service du caïd qui tombe sous le charme de du rouquin tout en cultivant une relation ambiguë avec son employeur… Elektra…Typhoïd Mary… cette fois ci, c’est une sourde pour faire… »écho » à Matt… c’est tellement original.
    Par contre c’est super agréable à lire, c’est joli…

  • Matt  

    Eh ben ! Que de débat ! Et j’en suis même pas à l’origine cette fois.
    Bon comme je l’ai dit hier de toutes façons, j’ai du mal à me passionner pour Murdock. Et je ne connais pas trop les persos secondaires. Donc les quelques dérives de caractérisation, j’ai pas fait gaffe. Et j’ai bien aimé cette histoire. Parts of a hole aussi. Je me fiche un peu que le caïd se fasse descendre comme une merde. Après tout c’est un humain normal. J’ai souvent trouvé qu’il était anormalement fort dans les vieux comics alors qu’il n’a pas de pouvoir.

    J’aime bien les histoires comme ça, qui ne s’étalent pas sur 30 numéros. Surtout quand ça concerne un personnage dont je ne suis pas un fan hardcore. Un bon scénar avec du suspense qui se résout relativement rapidement sans avoir besoin de 40 sous-intrigues qui s’étirent en longueur.

    • Eddy Vanleffe  

      En fait ce qui est bien avec ces deux histoires, c’est qu’elle s’adressent totalement pour un public comme toi.
      Une bonne histoire courte, synthétique qui reprend les fondamentaux du personnage avec des dessins qui bastonnent.
      peu importent que les intrigues puissent être redondantes (pour parts of a hole) ou hyper mystico-chelous (Pour l’ange gardien) ou être de démonstrations de force.
      Je trouve aussi que c’est une bonne période…
      Par contre comme tu avoues que tu ne cherches pas à creuser sur DD, comment as-tu abordé la saga de Smith dont une des faiblesses à mes yeux était justement d’être la fête des easter eggs, des caméos, des références, des hommages en tout genre ( la scène des obsèques ou c’est pire qu ela pochette de sergent pepper…^^)

      • Matt  

        Bah j’ai juste pas relevé les easter eggs je pense. Les obsèques ça me dit rien. C’était ma première histoire de DD (si je ne compte pas les quelques épisodes de DD dans mes vieux Strange que je lisais à peine puisque j’étais surtout à fond sur Spider-man). Je connaissais Black widow, le caïd, Mysterio via Spider-man ou autres séries donc je n’ai pas été largué de voir ces personnages.

        • Eddy Vanleffe  

          Du coup c’est habile à deux niveaux de lectures si ça ne paume pas ni ne rebute un lecteur occasionnel…
          En fait c’est truc religieux qui m’a un peu empêché de trouver cette histoire si géniale que ça, mais c’est du haut niveau, faut pas de mentir…
          un truc cependant si je chie dans la colle… ce sont tous ces scans de tableaux ou de gravures que Quesada met en surimpression un peu partout, J’ai trouvé ça super la première fois et carrément bizarre à la limite du « pompage » la deuxième…
          ceci dit ça rajoute aussi en profondeur…

  • Tornado  

    Tout à fait d’accord avec toi, Matt. C’est un plaisir de lire cette histoire pour ce qu’elle est, en gardant juste à l’esprit ses souvenirs d’enfance (du temps de Strange).

    En relisant le débat ci-dessus je me suis dit « tiens, c’est donc là que le fameux débat sur la continuité a commencé » ! Du coup, à relire tout ça aujourd’hui, c’est bizarre et ça fait redondant, presque lourd étant donné que, depuis, on a un peu tous évolué dans les nuances ! 🙂
    Je n’aime pas tellement mon article par ailleurs. C’était déjà, à l’époque de sa publication, une copie d’un commentaire Amazon du temps où je tombais assez facilement dans le discours d’éloge avec des formules toutes faites.

    En tout cas cette période de Daredevil reste l’une de mes préférées. J’ai essayé de lire un peu du run d’Ann Nocenti et je n’ai pas du tout aimé par contre. Si la toile de fond est intéressante, la narration est une catastrophe absolue ! 🙁

  • Matt  

    C’est vrai qu’on ressent bien l’aspect adulte mêlé au divertissement fun plus enfantin avec lequel on a connu les super héros. Et c’est cool ce mélange.

    Pour les soucis de caractérisation de personnages, en général j’aime pas trop. Mais d’une part c’est subjectif parce que forcément si je connais mal le perso je ne vais pas m’en rendre compte, et d’autre part il faut quand même que ce soit complètement différent pour me choquer. Pas juste un peu. Genre si Thanos devient un tueur en série et Dame Mort une pisseuse imaginaire…^^
    On est limite dans le elseworld là. Et le elseworld ça peut être bien mais je préfère quand c’est carrément différent (années 30, années 2099…et pas Ultimate). Or, si une caractérisation complètement différente prend place dans la continuité, ça oblige aussi les auteurs suivants à prendre en compte cette aberration et ça vient gangrener toute la série à cause d’un mec qui a voulu faire ce qu’il veut (ça je peux à la limite comprendre) et en refusant que ce soit un what if ou un elseworld (ça, moins. Parce que tenir compte d’une caractérisation ça s’appelle respecter le boulot des auteurs précédents).

    Là dans cette histoire j’ai rien vu de bien choquant. Quand ça concerne juste un mec qui se comporte un peu différemment ou de manière plus impolie, je me contente de me dire « bon il est dans un mauvais jour et puis voilà ». Parce que ça reste inévitable qu’avec tant d’auteurs, les persos ne soient pas écrits pile poil de la même façon. Faut rester souple aussi^^

    Le run de Nocenti j’aimerais bien le lire pour me faire mon avis. Mais il n’est dispo que dans des revues Semic de piètre qualité (vieux papier) pour l’instant.

  • Eddy Vanleffe  

    Le run de Nocenti fait parti des périodes jadis adoré mais assez mal aimée aujourd’hui et cela pour une bonne et simple raison (parce que objectivement des trucs plus ringards ont gardé pignon sur rue), c’est que les tp ont été republiés que récemment, et c’est longtemps resté indisponible…
    il suffit que Typhoid Mary montre sa face dans la saison 3 de Daredevil et boum deux Icons vont pousser comme par magie.
    j’aime bien ces épisodes qui sont un peu « dingues » (Nocenti quoi) assez engagés et qui reprenaient DD parès Born again tout en puisant dans ce nouveau statu quo pour faire évoluer le diable rouge dans un truc aux antipodes de Miller. j’appellerait ça: le tour de force de la continuité dans le bon sens du terme 🙂
    Nocenti part d’un point A qu’il faut gérer pour en tirer un autre truc à elle sans jamais venir contredire. elle s’en sert mais n’en fait pas une suite

    • Bruce lit  

      @Eddy Si le mode de narration de Nocenti peut sembler un peu vieillot, un peu niais par moment, c’est une lecture exceptionnelle. Je les relis toujours avec grand plaisir.

      @Pierre : j’ai eu le même ressenti que toi à la relecture. Une histoire un peu too much mais suffisamment bien racontée en apparence. Des fois, il n’en faut pas plus.

  • PierreN  

    Cette histoire m’avait fait forte impression au moment de sa découverte, mais lorsque j’ai essayé de le relire, cela m’est pratiquement tombé des mains et j’ai arrêté les frais au bout de deux ou trois épisodes, lorsque DD songe à se débarrasser du bébé.
    À vrai dire je trouve ça un peu lourd à la relecture ; Smith a manifestement son petit Miller illustré sous les yeux, entre l’ambiance de nouveau sombre, la mise en avant de la religion de Matt, les apparitions de Turk, Bullseye, la mère de DD et Karen (l’intrigue autour de sa vraie ou fausse maladie m’a toujours paru superflue).
    L’ hommage millerien se fait trop voyant et cette regurgitation d’influences donne à cet arc des allures de pièce montée un peu indigeste conçue par un fanboy qui accumule le recyclage d’anciens ingrédients mieux réemployés par d’autres (Bendis, Brubaker).

    Faut croire que les runs de Kesel, Kelly et DeMatteis étaient plus à mon goût.
    Les runs qui se sont ingéniés à faire du Miller-like (Chichester, Smith, Soule et bien d’autres) ne sont pas forcément les plus intéressants de ces 30 dernières années je trouve, entre Nocenti qui a développé une approche alternative (trop souvent ignorée) au run de Miller et plus axé sur le fantastique vers la fin, et Waid qui s’inspire de l’approche plus souriante et moins morose de Kesel par exemple.

  • Eddy Vanleffe  

    Marrant le run de Chichester est pas si mal en tout cas Last Rites est vraiment sympa, on dirait qu’on lit une sorte de journal bien glauque pour du mainstream (Matt est un gros bâtard…^^), le reste est…je ne sais pas faudrait que je le relise mais ça m’a pas été si affreux en souvenir…

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