Black Summer par Warren Ellis et Juan José Ryp
1ère publication le 21/05/15- Mise à jour 19/05/18
VO : Avatar
VF : Milady
Toutes les images ©Ellis/Ryp/Avatar
Black Summer est une histoire complète issue de la trilogie constituée de No Hero et Supergods. Ces trois volumes peuvent être lus indépendamment. Ils viennent cependant d’être réédités en un volume chez Hi Comics.
L’histoire : Une équipe de jeunes scientifiques a trouvé le moyen de se faire augmenter ! Il ne s’agit pas de leurs salaires mais de leurs capacité surhumaines. Ils se mettent alors au service du gouvernement américain. Une mission tourne mal : une héroïne est tué et Tom, le personnage principal, y perd une jambe et ses illusions.
Alors que tout porterait à croire que ce groupe est dissout, voilà que leur leader John Horrus, autrefois utopiste brillant, commet des actes de terrorisme contre le président américain. Ses anciens coéquipiers ne savent plus s’ils doivent lui venir en aide ou s’en démarquer. Tout ce petit monde perd le contrôle et les dégâts vont se comptent en millions de dollars et les victimes par centaine.
Voilà typiquement le genre de truc qu’Image publiait à la chaîne dans les années 90’s : des gros nibards, des tripes, du sang histoire d’emmerder le comic code authority et un semblant de réflexion prétexte à déchaîner la furie des personnages. Le résumé au dos de la couverture ose même faire le parallèle avec Watchmen sous prétexte que les deux histoires mettent en scène des super héros incontrôlables que l’état américain tente de canaliser.
Oh ! Black Summer se lit sans déplaisir, l’action, les dessins, les cliffhangers, tout ça …Mais à la deuxième lecture, le verdict est impitoyable : il est donc possible de pondre une histoire avec un script, des dialogues paresseux et des doubles pages pleines d’explosion et d’hemoglobines pour rentrer dans la charte graphique d’Avatar?
On obtient donc du Ellis vidé de sa substance, bourré de jargon scientifique inutile et peu crédible puisque tous ces petits génies n’ont pas la trentaine, semblent tous sortis de magazines de mode et que Ellis ne fait même pas l’effort d’imaginer leur trajectoire de vie. C’est ainsi que chaque personnage voit son parcours professionnel résumé à une seule page en noir et blanc avec les cheveux plus courts histoire de montrer que le temps a passé…
On retrouve en plus de ce jargon qui n’amuse qu’Ellis, son épuisante ritournelle sur les personnages masculins : Tom est sale, alcoolique et se complaît dans l’auto-apitoiement. Comme toujours l’homme chez Warren Ellis pue de la gueule, des pieds et du cul. Au lecteur de trouver la force de systématiquement s’identifier à des épaves vivant dans des piaules bordéliques, parfumées à la bière, à la pizza et aux capotes usagées…Un synonyme de liberté chez Ellis.
Sauf que cette formule est aussi répétitive qu’inefficace : imbibé d’alcool, Tom retrouve quand même des réflexes super héroïques impressionnants et élabore des stratégies géniales en quelques secondes, mettant à mal les plus grands stratèges américains. Ses amis sont pris en otage par le conflit et ont si peu de personnalité qu’il n’est même plus utile de les découvrir en civil et de comprendre leurs motivations. Quant à John Horrus, il réitère le comportement lambda du grand méchant idéaliste qui agit en parfait psychopathe idiot. Ellis en fait un Unibomber de comics sans le manifeste qui irait avec.
Les dessins de Ryp sont aguicheurs. Celui-ci se voudrait le successeur de Geof Darrow en multipliant 1001 petits détails. Les amateurs de son travail en admireront la méticulosité. Les autres, auront le droit de ne pas être impressionnés : Ryp est un bon dessinateur qui en fait trop, sans aucune capacité à hiérarchiser le niveau d’information visuel. Le niveau de netteté est égal en tout, tant et si bien que l’on a l’impression de regarder un film 3D sans lunettes : tout y est similaire, sans nuance, sans relief. C’est épuisant à regarder, sans aucune poche d’oxygène.
Apprécier Black Summer, sa violence régressive est véritablement affaire de point de vue. Les uns se contenteront d’un script écrit à la va vite prétexte au cassage de mandibules et de debuildingisation américaine. De ce côté, la déception n’est pas de mise: les pouvoirs, la violence et les explosions sont au rendez-vous. Les autres fuiront à toute berzingue ce produit hyper burné sans aucune âme, finesse ou psychologie d’un auteur réputé pour le sérieux de son écriture et dont l’intellect est effectivement en vacances…
Eh bien, la comparaison avec WATCHMEN me semble perso, pertinente, dans la mesure où le titre (que je ne parviens pas à séparer de son faux jumeau NO HERO) clôt, pour moi, un cycle justement entamé près de vingt ans plus tôt avec l’œuvre-phare de maître Moore.
Un cycle qui choisit d’aborder le thème du super-héros sous un angle (histoire d’utiliser des gros mots) adulte, sérieux, quasi-réaliste.
Qui pose les vraies (ou du moins les bonnes) questions, de celles qui pourraient exister si la réalité montrée dans ces titres était la nôtre.
Le questionnement à propos de la place de la figure héroïque dans la société, la légitimité de son rôle et de ses méthodes.
Ce n’est, ainsi, pas un hasard si son presque homonyme Garth Ennis abordait, à peu près au même moment, une réflexion similaire au sein de sa saga THE BOYS…
Après, libre à chacun de trouver qu’Ellis se fourvoie et/ou tombe dans la facilité.
Je trouve, pour ma part, qu’il arrive, en fait, au bout d’un processus entamé par Miller et Moore : d’où cette violence terminale, qui existe, à mon sens, car la communication a échoué et que les deux parties (humains et super-héros/supra-humains/dieux) n’ont plus rien à se dire.
Une ultra-violence que je ne trouve pas gratuite mais cohérente avec le ton de l’ouvrage et qui me semble, au contraire, refléter le nihilisme de l’auteur
Nihilisme, pour cette fois, non contrebalancé par l’humour qui peut irriguer FELL ou ses romans.
Ce n’est pas pour rien que NO HERO (poursuivant la thématique du présent titre) se termine avec la disparition des supers.
Ellis poussant le bouchon encore plus loin en allant au bout de sa logique dans SUPERGOD où c’est, cette fois-ci, carrément l’espèce humaine dans son ensemble qui se voit condamnée…
Si on veut jouer au jeu (un peu absurde) des comparaisons : là où WATCHMEN affichait une sourde mélancolie, le DARK KNIGHT RETURNS de Miller une colère revancharde et THE BOYS un cynisme triomphant, le triptyque d’Ellis se voit traversé par une rage aveugle qui se mue, de volume en volume, en une acceptation résignée.
Parce qu’au chaos succède le silence. Et que, pour citer, T.S.Eliot : « C’est ainsi que prend fin le monde, pas dans une explosion mais dans un murmure »…
Bonsoir Lionel !
Wow ! Quelle plume !!! Magnifique plaidoyer Pro-Ellis, qui je suis sûr ravira les nombreux admirateurs du barbu. Qui me donnerait presque envie de redonner une chance à cet auteur. Mais je crains que pour moi, il ne soit trop tard : Trees, Supergod, Transmetropolitan, Black Summer, Fell, No Hero, Xmen, Excalibur : tous ces bouquins, je les ai et/ou détestés et revendu….Attention, c’est un auteur majeur, mais je n’aime pas son écriture, je ne saurais dire en quoi…Il m’agace, il n’ y a que son Thunderbolts que j’ai aimé et son bouquin Artères Souteraines qui m’était sympathique….
Je trouve Ennis plus doué en tout : il sait changer la voix de ses personnages et faire preuve de plus de simplicité qu’Ellis qui écrit sur bon nombre de thèmes qui me gonflent….La science, le transhumanisme, la physique, les aliens, la scifi…. Maintenant, si je dois casser du Ellis plus souvent pour avoir des commentaires de cette trempe, je commence demain….
Warren Ellis est l’un de mes auteurs favoris mais je déteste cordialement la trilogie Avatar que je trouve comme Bruce et d’autre pas du tout la hauteur du propos plus ou moins promis. c’est violence+violence=violence.
le scénar n’est pas du tout intéressant et les personnages sont anti charismatiques au possible.
courir après le fantôme de watchmen devient ridicule à force.
Hired !
Mince, c’est déjà fait !
Je n’ai pas lu cette trilogie pour ma part, même si j’apprécie en général Ellis. Mais bon je suis pas du genre à penser qu’il faut tout aimer chez un auteur. D’où le fait que pour moi personne n’est intouchable. Et que si je veux reprocher un truc à une vache sacrée, je le fais^^
Après on peut toujours argumenter sur la frontière entre le talent de l’auteur et le perception du lecteur, à qui la faute et tout ça, mais c’est un peu le cas pour tout le monde qui n’apprécie pas un truc. A moins d’être vraiment en présence du pire conteur d’histoire du monde que personne n’aime, il y a toujours un élément subjectif. Et déjà Bruce qui déteste la science, le transhumanisme et ses dérives, la physique…ben il n’est déjà pas en terrain adéquat pour apprécier Ellis^^
C’était l’époque où je lisais tous les grands noms des comics. Il m’aura fallu plus de temps et les nombreuses discussions avec vous pour pouvoir nommer ce que j’aime ou non.
moi je n’aime pas le culte de la personnalité, je trouve des défauts à John Lennon, Claremont et tous ceux que j’admire.
Warren Ellis a vraiment changé la façon de lire les comics en 1997-2000 quand il a fait son boulot à Wildstorm : Stormwatch-Authority-Planetary-Global frequency sont simplement dupliqués par Marvel notamment dans les titres Ultimate.
décompression- lecture en arc ou one-shot d’action, les blacks ops, le cynisme, ses dessinateurs. Tous ont finalement transformé les comics Marvel jusqu’à Civil War qui prend sa source dans Change or Die de Stromwatch.
il a une science personnelle du dialogue qui est parfois très fine.
Mais il s’est perdu chez Avatar, il n’a rien fait de « définitif » à Marvel pour transformer l’essai (Millar aura toujours Civil War, Burbaker son Captain America et Bendis son Alias), il s’est contenté de faire des missions très calibrés pour préparer ses personnages à des films potentiels (Iron Man, Moon Knight, Karnak etc…) le seul truc que j’ai trouvé vraiment bien, ce fut son NextWave qui fleure avec le registre Howard The duck de Gerber.
il se refait une petite forme avec Injection et Trees, sous les radars
Au final j’ai pas gardé Transmetropolitan moi. C’était bien mais le chroniqueur de passage qu’a été Lionel n’avait pas tort dans son article ici :
http://www.brucetringale.com/metro-cest-trop/
C’est un peu longuet quand même. ça aurait pu tenir en 3 tomes au lieu de 5 et on sent les errements, l’intrigue qui s’étire sans doute due à sa popularité de l’époque. Ce qui est compréhensible et que je ne juge pas, mais au final je suis content de l’avoir lu mais se replonger dans ces 5 énormes tomes pour ce que ça raconte au final…je me vois pas le refaire. Ou un jour peut être que je l’emprunterai mais je n’ai pas tenu à garder la série. Planetary ça va rester par contre^^
Et je vais commencer à lire d’un jour à l’autre les 2 tomes de Stormwatch.
Stormwatch, quelqu’un nous fait l’article ? Parce que je ne l’ai jamais lu et j’hésite encore à le prendre…
Moi faudra que je les lise avant de me proposer pour l’article.
Donc si quelqu’un connait déjà (au hasard Eddy) il peut le faire.
Le premier tome c’est du dessin de Tom Raney un peu typé années 90 que tu vas aimer moyen je pense Tornado^^
Par contre dans le 2eme tome Bryan Hitch est déjà là pour une bonne partie.
Je suis personnellement fan de ce qu’a fait Ellis pour Marvel, principalement Thunderbolts et Iron man. Et tant pis si ce n’était pas si original que ça dans le fond (encore qu’Extremis était sacrément puissant de mon point de vue), parce que dans la forme, c’était quelque chose !. Sur l’univers Ultimate, il a par contre été moins inspiré.
Même si je mets Alan Moore sur un piédestal, j’arrive à lui trouver des défauts. Je le trouve souvent trop verbeux par exemple. Notamment lorsqu’il tombe dans son travers qui consiste à insérer 12 pages de texte en prose entre deux épisodes.
Non pas que je ne veuille pas lire de texte sans images, mais parce que ce sont des passages où l’on voit bien qu’il n’arrive pas à tout faire passer dans la bande-dessinée.
Je disais ça juste pour démontrer que moi aussi je peux trouver des défauts à mes idoles 😀
Thunderbolts est sympa mais vraiment vraiment réminiscent de la Suicide Squad pour me laisser sauter au plafond et puis le fourreau tailler dans la peau du frère, c’est le genre de détail too much dont raffolent les auteurs anglais mais qui me font rire.
Extremis, c’est Adi granov que je n’aime pas des masses…
après un Ellis moyen reste souvent rigolo à lire. les seuls trucs que j’ai carrément trouvé grotesques, ce sont ses productions Avatar
Mouais… Pas vraiment d’accord avec cet article qui est intéressant.
Si Ryp possède un graphisme particulier, très fouillé, je ne pense pas que l’on puisse dire qu’il fait mal aux yeux.
Bien sûr comme toujours lorsqu’il est question de goût graphique, il faut avant tout se rapporter à soi, et pour moi, d’après tout ce que j’ai pu lire de ce dessinateur, il conserve l’uniformité de son trait agressif.
Ensuite pour ce qui est du scénario lui-même, je reconnais qu’il ne fait pas dans la finesse. Mais après tout si l’on veut être compris du plus grand nombre il ne faut pas non plus faire trop de « sous-degrés » de lecture.
Bref moi qui suis du genre primate légèrement évolué, j’ai vraiment apprécié « Black Summer », même si bien évidemment il n’est en aucun cas comparable avec Watchmen.
je vais faire court, et simple: les goûts et les couleurs, ça se discute pas. Comparer Blacksumer a Watchmen c’est débile, ce sont 2 choses complètement différentes mais j’ai été pris par les 2, chacun a sa façon.
article nul, pretentieut et sans aucun intérêt. Ellis est un genie un point c’est tout !!!
@Ernesto : j’avais bien aimé Black Summer à la première lecture mais sans plus. La deuxième m’a consterné. Il n’y en aura pas de troisième, jamais, mais si tu y as trouvé du plaisir, nothing in my book of sins against that.
@Antonio : hello, voir plus haut. J’ai toujours trouvé ce proverbe des goûts et les couleurs assez restrictif. Bien entendu que ça se discute, ça s’explique, ça se comprend. Mais il en s’agit que de mon opinion, c’est normal, on est chez moi.
@Zardoz : « Ellis est un genie un point c’est tout !!! »
A la ligne….