Walking Dead #5 : Monstrueux par Robert Kirkman & Charlie Adlard
PRESENCE
VO : Image
VF : Delcourt
Ce tome fait suite à Walking Dead, Tome 4 : Amour et mort (épisodes 19 à 24) qu’il faut avoir lu avant.
Il comprend les épisodes 25 à 30, initialement parus en 2006, écrits par Robert Kirkman, dessinés et encrés par Charlie Adlard, avec des trames grises appliquées par Cliff Rahtburn.
Pour pouvoir comprendre les implications pour les différents personnages, il vaut mieux avoir commencé la lecture de la série au premier épisode.
Rick Grimes et Dale sont en train d’inspecter une autre aile de la prison pour s’assurer qu’elle ne recèle plus de zombies et qu’elle est habitable. Ils se retrouvent nez à nez avec Tyreese par surprise, les relations entre lui et Rick restant tendues. Ils sont interpellés par Glenn et Maggie qui ont trouvé la réserve d’armes à feu (essentiellement des fusils à pompe) et des tenues anti-émeutes. Protégés par ces tenues, Rick Grimes et Glenn effectuent une sortie pour aller siphonner de l’essence dans les réservoirs des voitures garées sur le parking afin d’alimenter le générateur de secours de la prison.
Pendant ce temps-là, les plantes semées par Hershel Greene continuent de pousser dans la cour. Carol essaye d’expliquer sa solitude à Lori Grimes, et lui fait une proposition d’un plan à 3. Carl continue d’apprécier la compagnie de Sophia, la fille de Carol. Andrea & Dale proposent un arrangement aux jumeaux Ben & Billy. Tyreese et Axel s’installent devant la clôture pour vieller pendant la nuit, et papotent de choses et d’autres. Le jour même un hélicoptère s’est écrasé non loin de la prison. Il a été décidé qu’un groupe de trois se rende sur place en voiture pour voir s’il y a des survivants : Rick Grimes, Glenn et Michonne qui a trouvé le moyen de récupérer son katana. À côté de l’épave de l’hélicoptère les attend une surprise de taille : de multiples traces de pas.
Le tome précédent avait marqué un palier significatif. Les différents membres de la communauté avaient enfin pu se poser plusieurs jours durant, et avaient eu le temps de penser à autre chose que la survie immédiate. En l’absence de danger grave et imminent, la tension s’était relâchée pour plusieurs personnages de manière diverse et variée, avec des conséquences plus ou moins heureuses. Parmi elle, Rick Grimes avait fini par accepter un mode de prise de décisions différent et il avait exprimé à haute et intelligible voix le sens que donne Robert Kirkman au titre de la série, à savoir qui sont ces marcheurs morts.
Pourtant le lecteur découvre un début de tome paisible : les tensions sous-jacentes ne s’expriment pas et tout le monde dispose d’un espace vital suffisant. Les velléités des uns et des autres de se livrer à leurs propres occupations ne semblent plus menacer la cohésion du groupe. Le lecteur est épargné d’avoir à assister à une réunion de comité de décision. L’exploration et le nettoyage de la prison arrivent à leur terme et les lieux sont sécurisés, débarrassés de tout marcheur pourrissant. Le scénariste a le temps de s’occuper de quelques-uns de ses personnages.
Robert Kirkman continue de montrer les tensions entre Lori et Rick du fait des responsabilités de ce dernier. Le lecteur se retrouve emporté aux côtés de Rick, voyant en lui un héros courageux, l’épine dorsale et la tête pensante de la communauté, l’individu qui prend les bonnes décisions, qui pense à quelques jours en avance, et sait organiser les choses. Il ressent de l’amitié pour cet homme brave qui prend les choses à bras le corps, avec un sens du service de la communauté, et de l’intérêt général. Pourtant le ressentiment de Lori à son encontre ne la rend pas antipathique, mais permet de relativiser la position de héros, de donner un point de vue différent sur cet homme qui ne peut pas cumuler toutes les fonctions. Il donne du temps pour la communauté, temps qu’il ne peut pas consacrer à sa famille. Le scénariste prend également du temps pour montrer que la relation entre Maggie et Glenn ne se limite pas aux relations sexuelles. Il évoque la tension entre Rick et Tyreese par le biais d’une tierce personne, montrant ainsi que Rick et Tyreese se comportent en adultes qui doivent coexister et collaborer même s’il reste des non-dits entre eux. Il montre la frustration de Carl par petites touches, en particulier quand il essaye de prendre la place du père en rassurant sa mère.
Pendant ces moments de calme, Robert Kirkman trouve un plus juste équilibre entre la nécessité de dramatiser pour conserver l’attention du lecteur avec une dose suffisante de divertissement et une narration plus en nuance pour certains aspects psychologiques. Le lecteur sourit et grimace en même temps en voyant Andrea & Dale prendre en charge les jumeaux. Il sourit devant leur maladresse, il grimace d’empathie en voyant la détresse de Ben & Billy. Cette page rappelle que cette génération d’enfants grandit en voyant des zombies tous les jours, en côtoyant ces morts vivants chaque journée, ces cadavres en décomposition qui les regardent, les vivants étant regardés quotidiennement par les morts. Il n’y a plus le filtre des adultes pour tenir la présence de la mort à l’écart. La normalité de la société est un souvenir qui s’efface pour cette génération qui grandit face à la mort en marche.
Alors que ce n’est que le troisième tome illustré par Charlie Adlard, le lecteur éprouve déjà la sensation de retrouver les caractéristiques de ses dessins, à la fois confortables, à la fois limitées. Il y a ces gros aplats de noir qui ne sont pas forcément cohérents avec les sources lumineuses, mais plus pour donner du poids à la case, l’assombrir, marquer l’aspect sinistre ou macabre d’une séquence. Il y a ces simplifications un peu plus importantes dans certaines cases ou pour certains éléments comme les modèles de voiture sur le parking qui ne sont pas reconnaissables, les murs des cellules et les barreaux plus schématiques que réalistes, ou encore la carcasse de l’hélicoptère dont le lecteur se demande bien comment il a pu finir dans une telle position. Il y a enfin ces gros plans réguliers sur les visages, mais moins systématiques que dans le tome précédent.
Néanmoins le lecteur se souvient que l’artiste l’avait également fortement impressionné lors de quelques séquences du tome précédent, malgré la dramatisation sans nuance des images. Ici, l’utilisation de noir rend très bien compte des ténèbres des couloirs de la prison dès qu’il n’y a plus de fenêtre, installant immédiatement un climat tendu du fait qu’un zombie peut surgir à tout moment. Les zombies qui regardent les vivants de l’autre côté du grillage sont toujours aussi sinistres et morbides, rappelant la scène saisissante du tome précédent. Le langage corporel va en s’améliorant lors des moments intimes. Il subsiste un nombre conséquent de gros plans sur les visages matraquant au lecteur le malaise des personnages, mais leurs gestes viennent compléter ces visages pour raconter plus que des expressions ahuries ou affligées. Il reste l’apparence trop aventurière de Michonne avec sa cape et son katana, mais on peut supposer qu’il s’agit d’une prescription imposée par le scénariste.
Arrivé au quatrième épisode, le lecteur fait connaissance avec Philip Blake, surnommé le Gouverneur, à Woodbury. Adlard ne peut pas s’empêcher de se reposer sur un dessin pleine page en contreplongée pour indiquer tout le magnétisme du personnage, son aura et son charisme. À nouveau, il s’agit d’un dessin qui dramatise à outrance, pour être sûr que le lecteur en ait bien compris l’importance, comme si le dessinateur avait peur de s’adresser à des individus pas assez futés. Le dessinateur va être amené à user à nouveau d’effets dramatiques à plusieurs reprises dans ce tome du fait des événements catastrophiques, soudains et brutaux qui surviennent. Alors que ces effets donnent l’impression d’une mise en scène trop appuyé pendant les moments du quotidien, ils s’avèrent ici d’une efficacité redoutable et d’une terrible pertinence pour ces instants. Le scénario de Robert Kirkman n’y va pas avec le dos de la cuillère, et les dessins ne doivent laisser planer aucun doute quant à l’anormalité de certains comportements.
L’exagération dramatique contraint le lecteur à prendre ces actes barbares au premier degré, sans échappatoire possible, sans rationalisation possible, sans discussion. Pour le coup, la franchise des dessins et la mise en scène appuyée sont nécessaires pour transcrire le caractère immonde de ces actes. Dans le dernier épisode, les 2 auteurs sont visiblement parfaitement en phase pour faire tourner le lecteur en bourrique. Glenn et Maggie ont donc trouvé des tenues anti-émeutes, avec casque à visière fumée, qui fournissent une excellente protection contre toute morsure de zombie, et qui masquent complètement l’identité de celui qui la porte. Ils jouent habilement de cette caractéristique en menant le lecteur par le bout du nez, avec une adresse remarquable, et inattendue au vu de leur propension à appuyer leurs effets narratifs.
Malgré la conclusion très pessimiste du tome précédent (la sentence terrible de Rick Grimes concernant le sens de l’expression Walking Dead), le lecteur voyait avec plaisir la petite communauté s’organiser dans l’abri de la prison, penser à plus de 24 heures à l’avance, et retrouver quelques éléments de la civilisation, à commencer par le plaisir de la lecture. Il apprécie donc de voir ces mêmes individus continuer à faire des projets et à regagner quelques marches sur l’échelle de la civilisation. Mais Robert Kirkman n’en a pas fini avec l’autopsie de la civilisation et de ce qui a été perdu. Il frappe donc un grand coup, maltraitant plusieurs de ses personnages. Dans un premier temps, le lecteur grimace vaguement en retrouvant la propension de l’auteur à ne pas faire les choses à moitié, et à toujours préférer le plus violent, le plus spectaculaire, le plus primaire en termes de surprise. Il se souvient quand même que cette brutalité présente une cohérence thématique avec le fait que les barrières protectrices et les facilités de la vie ont disparu avec l’effondrement de la civilisation. Il est donc d’une certaine manière légitime que beaucoup de choses tenues pour acquises doivent être reconstruites à partir de zéro, et que beaucoup d’évidences doivent être réexaminées.
Le scénariste commence en douceur avec le comportement de Carol. Déjà dans les tomes précédents, il avait fortement insisté sur un comportement atavique qu’il attribue aux femmes, et que le lecteur peut ou non accepter : se mettre sous la protection d’un mâle vigoureux capable d’assurer sa défense, de combler le besoin de sécurité. Ici il continue de filer ce thème, mais avec une proposition inattendue de Carol, inattendue parce qu’elle sort des canons sociaux jugés comme acceptables. Cela reste très cohérent avec l’importance de la cellule familiale, reconsidérée à l’aune de la mort qui rôde sous forme de zombies. Puis, dans le cadre des atrocités qui s’abattent sur une poignée de membres de la communauté, le lecteur assiste à une scène de viol. Pour le coup, il reconnaît que l’hypocrisie des comics relative à la nudité a ceci de bon que la séquence ne fait pas de lui un voyeur. La mise en scène dramatisée d’Adlard génère une empathie terrifiante quant à la souffrance de la femme concernée, battue en plus. Elle redevient une victime de la force masculine, victime de sa violence pour assouvir une pulsion sadique pathologique.
Néanmoins ce sadisme pathologique et ce besoin de faire souffrir s’exprime également à l’encontre d’individus mâles. Du coup, le lecteur ne peut pas accuser l’auteur de complaisance vis-à-vis du viol, ou de misogynie car le comportement de l’agresseur relève d’un sadisme à l’égard de plusieurs individus quel que soit leur sexe. Le lecteur peut toujours se demander s’il était nécessaire d’inclure un tel niveau de violence sadique dans le récit, mais il reconnaît rapidement qu’il sert le récit et qu’il s’y intègre de manière organique. À nouveau, l’effondrement de la civilisation remet sur le tapis la question de la forme de la gouvernance, de la loi du plus fort et de la morale judéo-chrétienne, à commencer par quelques-uns des 10 commandements. Tu ne tueras point. Tu ne déroberas point. Tu ne convoiteras point la maison de ton prochain ; tu ne convoiteras point la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne, ni aucune chose qui appartienne à ton prochain.
Quelques membres de la communauté voient tous les acquis chèrement retrouvés, anéantis en l’espace d’une heure, alors qu’ils sont soumis à la volonté d’un autre chef abusant de son autorité, ayant instauré d’autres règles iniques, et donnant à ses sujets du pain et des jeux. Ce qui peut passer pour des rebondissements gratuits et malsains, constituent également le constat que la démocratie n’a pas été instaurée en un jour et qu’elle est aussi fragile que la civilisation. Certains sont prêts à se comporter en mouton pour pouvoir jouir d’une forme de sécurité et de paix sociale, et à laisser d’autres payer le prix de ces bienfaits.
Décidément, Robert Kirkman et Charlie Adlard persistent et signent dans leur mode narratif brutal et sans beaucoup de nuances. Mais derrière des apparences racoleuses et putassières, il est également possible d’y voir une cohérence avec un retour à un état plus sauvage. Cette deuxième façon de voir les choses trouve une justification dans les thèmes complexes qui sont abordés avec plus de finesse qu’il n’y paraît. Dès le premier épisode, le lecteur en a l’intuition quand Rick Grimes avoue à Dale qu’il ne se souvient déjà plus du prénom du fils de Morgan, le voisin qu’il avait rencontré dans le tome 1, illustrant la fragilité de la mémoire, l’importance du ici et maintenant, de vivre l’instant présent car demain sera peut-être la fin.
Robert Kirkman ose parler de l’inéluctabilité de la mort à brève échéance, les zombies devenant la matérialisation de la mort qui nous attend tous, tout le temps sous les yeux des personnages. Le lecteur grimace également un sourire sinistre en repensant à la proposition de gestion du groupe, par des décisions prises en comité, une résolution qui n’aura même pas eu le temps d’être appliquée, balayée par les nécessités du présent.
—-LA BO du jour
Carol propose un plan à trois. Comme la douce Isabelle Aubret maltraitée par la plume de Serge Gainsbourg.
Je suis tellement ravi que tu sois enfin rentré dans la série, même si j’ai toujours du mal à la voir racoleuse et putassière.
C’est en ce qui me concerne l’âge d’or de la série, celui où tout est nouveau pour les personnages, où le casting est le plus intéressant, les situations les plus cocasses : se sentir en sécurité en prison.
Je garde un souvenir très « tendre » de cette lecture. Après des années de disette, je retrouvais une série indépendante qui me scotchait à chaque numéro. Et à côté de ça, Civil War promettait tellement…
Je ne peux que m’incliner devant ton analyse du traitement des femmes, même si par la suite, tu ne trouves pas que ça change avec l’évolution de Maggie et Andrea ?
Michonne : je trouve que le personnage ne marche que silencieuse. Lorsque Kirkman , lui donne la parole, heu….
Tu a s entièrement raison : la place de la femme dans la série évolue en même temps que la reconstruction de la société, en particulier avec Maggie et Andrea. Mais maintenant que tu le dis, cette ambivalence sur la condition féminine revient avec Lydia, et sa mère Alpha cumule les 2 facettes paradoxales de chef de groupe, et de personne se soumettant aux exigences de la reproduction.
Comme Tornado me l’a parfois fait remarquer, il me faut du temps pour accorder ma confiance à un auteur, ce qui se voit dans le temps qu’il m’a fallu pour rentrer dans la série. Il m’aura fallu beaucoup plus de temps que toi pour me familiariser avec les personnages, et m’investir dans leur situation et leurs psychologie. Mais une fois que c’est fait, j’ai constaté à plusieurs reprises que j’aimerais en savoir plus sur certains dont Michonne. Le drame de l’affrontement entre sa volonté de vivre et sa volonté de se punir est d’une rare intensité.
Je suis très admiratif de Robert Kirkman et de sa façon très pragmatique de questionner le fonctionnement d’une société, par le biais d’un récit post-apocalyptique. Il n’hésite pas à aborder de front les questions politiquement incorrectes, comme la nécessité d’avoir un chef charismatique qui veut être chef (Rick Grimes, par opposition à Dwight qui renonce à porter cette charge), ou les limites d’une société inclusive (l’incroyable tome 23).
Tu en parles désormais mieux que moi ;).
Je passe donc la main avec plaisir !
Pas mieux, différemment. Par exemple, dans ma lecture des tomes suivants, je n’ai jamais pensé à revenir explicitement sur le thème du traitement de la femme. Ce n’est que parce que tu l’as évoqué que je m’en suis rendu compte.
C’est l’occasion de dire pourquoi la mode des zombies m’a gonflé alors qu’en général je fais en sorte que les modes n’altèrent pas mes jugements (je me fiche de la mode Deadpool, elle ne me touche pas).
Quand j’allais m’acheter des comics dans les magasins type FNAC, il y avait 2 rayons pour les comics US…dont un rayon entier consacré à cette foutue série walking dead, limitant clairement les choix. Quand je jouais à un jeu, il y avait des DLC qui sortaient en mode « zombie », que ce soit un jeu star wars ou red dead redemption (type western). Les films et séries de zombie sortaient à nouveau à la pelle et il devenait difficile de les éviter à la téloche avec des mois à thème « zombie » sur canalsat. Tout le monde ne parlait que de ça. Et encore heureux que je ne vive pas à Paris car ça a même lancé un défilé de gens déguisés en zombies dans les rues. On n’en est pas encore là pour Deadpool non ? Evidemment ceux qui aiment trouvent ça rigolo, mais imaginez alors que ce soit un défilé de Deadpool qui déboule dans vos jeux, vos chaines TV, vos librairies, et même vos rues, et vous comprendrez ma douleur^^
Surtout que c’est tristement toujours pareil. A l’époque de White zombie, I walked with a zombie, l’emprise des ténèbres, l’invasion des morts vivants (plein de vieux films quasi tous chroniqués ici) et même Resident Evil (les jeux hein !) les zombies étaient traités différemment à chaque fois. Maintenant tous les films et BD se calquent sur le concept de Romero dans la nuit des morts vivants. Des groupes de gens isolés qui se barricadent pour échapper à l’apocalypse zombie, et finissent par se taper dessus car…critique sociale ! La même depuis 50 ans mais c’est pas grave, ça marche encore !
Ahem…désolé^^ Je plaide coupable j’aime quand même les jeux de Telltale sur Walking Dead. Mais bon, c’est des jeux, je subis moins, je fais des choix.
D’un côté, le matraquage médiatique que tu décris est indéniable et prend l’ampleur d’un phénomène de mode qui dure ; de l’autre côté, c’est un peu paradoxal puisque le zombie est un monstre assez récent dans l’imaginaire collectif, donc moins usé que les momies ou les vampires, ou même la créature de Frankenstein.
Ce qui me captive dans The Walking Dead, c’est que Robert Kirkman ne reste pas dans la critique et la destruction, il est dans un discours autrement plus courageux et difficile qui est celui de la reconstruction, des valeurs, et des choix politiques.
Le zombie a beau être moins souvent utilisé, il l’est toujours de la même façon dans les productions récentes, que ce soit en BD ou film. La nouvelle « je suis d’ailleurs » de Lovecraft est un récit à la première personne au cours duquel on découvre que le narrateur est un mort vivant. Pourquoi on n’a pas des trucs de ce genre ? C’est toujours l’apocalypse zombie, et toujours un récit centré sur les humains qui se barricadent contre des zombies qui n’ont rien d’intéressant. Mais je pense que les gens, suite à la mode, ont enfermé la figure du zombie dans un archétype de monstre muet et abruti et il n’est visiblement plus possible d’innover dans le genre.
Je pense qu’il y a des monstres qui sont plus limités que d’autres dans leur potentiel de métaphore. Par exemple, la momie ne se prête pas à beaucoup d’interprétations. En ce qui concerne le zombie, le film de George Romero a complètement changé la donne par rapport à ce qui en était fait auparavant, généralement une transposition très littérale de la tradition vaudou. Dans mon souvenir les zombies des comics étaient particulièrement littéraux également, juste des individus revenus à la vie, sans intelligence, ni volonté propre.
Dans mon souvenir les zombies des comics étaient particulièrement littéraux également, juste des individus revenus à la vie, sans intelligence, ni volonté propre.
On a la même chose chez Marvel : les Ninjas !
Au fait Présence, as-tu lu le tome de la Petite bibliothèque des savoirs sur les Zombies qui est sorti récemment ?
Je viens de le lire cette semaine, pendant mes vacances, commentaire sur amazon à venir d’ici une dizaine de jours. L’auteur est un anthropologue qui utilise une approche ethnologique pour évoquer le phénomène réel des zombis (il préfère l’orthographe dans E) en Haïti. Il m’a fallu prendre un peu de recul pour comprendre la logique de son exposé, au final très bien construit. J’en soumettrai peut-être l’article à Bruce.
Et puis d’ailleurs je ne suis pas certain qu’il y ait moins de films de zombies que de vampires ou momies, justement à cause du matraquage médiatique et des films sortis à la pelle depuis 15 ans.
En 1968 le film de Romero mettait déjà en scène des humains coincés dans une maison et voulant échapper aux zombies et qui finissaient par se trahir. Certes ce n’était pas encore l’apocalypse mais depuis la structure narrative n’a pas changé. Le zombie est associé à une pandémie, une horde de morts annonçant la fin du monde, à une critique sociale sur les rapports humains qui se dégradent face au danger, etc.
Sauf que pour moi il serait possible de raconter ça dans un autre contexte avec une autre toile de fond histoire de varier (attendez la publication de mon article sur Remina de Junji Ito qui raconte comment l’apocalypse imminente due à l’approche d’une planète rend la population de la terre hystérique et cinglée) et les zombies pourraient aussi être utilisés dans des récits différents, sans apocalypse, etc.
Je sais que Romero a créé le genre mais ce n’est pas une raison pour le copier à l’infini. C’est dingue qu’on nous resserve toujours la même chose et que ça fonctionne toujours.
Après j’en fais tout un plat surement parce qu’à la base je suis peu fan de zombies, mais c’est quand même le seul monstre qui peut systématiquement être mis en scène de la même manière sans que personne ne se plaigne que c’est toujours pareil ou que c’est du plagiat. ça marche du tonnerre ce concept. Trop pour moi. ça m’est sorti par les yeux.
Pour les films, je te fais confiance car je ne m’y intéresse pas. Je comprends mieux ce que tu veux dire avec ta remarque : ça marche du tonnerre ce concept. Effectivement, pourquoi se fatiguer à chercher à innover une formule qui marche et qui se vend comme des petits pains… ce n’est pas très créatif.
Voilà. Et puis même si le potentiel de métaphore du zombie est plus limité, ce n’est pas nécessaire de faire une critique sociale dans TOUS les films. Surtout quand c’est la même depuis 50 ans et que le concept est clairement usé jusqu’à la corde. Est-ce encore impressionnant et original comme métaphore quand ça a été fait 300 fois en 50 ans ? Ou est-ce qu’il s’agit d’une recette bien pratique pour pondre des œuvres clones qui peuvent se donner l’image d’un truc intelligent ?
Après attention, ça ne remet pas en question les qualités que les auteurs peuvent donner sur la forme, je ne fais pas un procès à toutes les œuvres de zombies sans distinction, et je comprends que vous puissiez aimer…mais moi ça m’a lassé. Je ne détestais pas les zombies avant. J’étais pas bien fan mais je tolérais, mais cette recette miracle a fini par me gonfler.
Pourtant pour surfer sur la vague zombie, il y a eu pas mal de tentatives de faire différemment, dans le traitement des zombies eux-mêmes ou pour les parodier : World War Z, Zombieland, un film avec une histoire d’amour zombie, la série I Zombie… je ne les ai pas vus mais il y a la volonté de changer tout en attendant beaucoup de retours à cause de la mode.
Je l’avais complètement oublié, mais Jyrille a entièrement raison : la série comics I zombie proposait tout autre chose, sans apocalypse, mais avec de la cervelle mangée.
pour izombie oui je n’y avais pas pensé (il y a eu une série live aussi, mais différente du comics apparemment)
Mais World war Z, zombieland, à part le ton (parodique pour zombieland), c’est toujours le même contexte non ? La fin du monde avec des zombies ou infectés dépourvus d’intelligence (les seules différences sont que parfois les zombies courent…)
C’est plutôt côté mangas et animés jap qu’il y a des concepts différents avec des morts vivants intelligents.
Enfin après je veux bien admettre qu’il y a des trucs plus originaux mais pour combien d’autres films génériques ? Je m’en suis lassé, c’est tout. Ce qui fait que même les concepts un peu différents me donnent l’impression de profiter de la mode. Je ne sais pas comment vous faîtes pour ne pas faire une overdose de zombies.
Après je me rends compte que je parle surtout de films et moins de comics, mais le succès de walking dead face à l’anonymat d’autres œuvres peut être plus originales en dit long. C’est quand même une série dont le concept de surfer sur le phénomène est assumé puisque les auteurs annoncent clairement qu’il n’y aura pas de fin. On peut trouver ça honnête de le dire, oui…mais ça n’en est pas moins opportuniste. Ce n’est pas pour moi en tous cas les trucs sans fin.
Purée, en ce moment que je regarde la saison 7 de la série TV éponyme, je me dis que c’est tellement éprouvant qu’il est hors de question que je revienne en arrière pour la revoir depuis le début ou pour me pencher sur le comic-book. C’est la 1° fois qu’une oeuvre me fait cet effet : Je trouve ça très bon, mais c’est tellement éprouvant que je ne veux pas y revenir…
Ce n’est pas moi qui vais me moquer, je pense que je ne tiendrais même pas un épisode en entier. 🙂
J’ai pas mal d’amis qui regardent la série TV sans en avoir lu une seule planche, et je dois avouer qu’auparavant, cela ne m’intéressait pas du tout, maintenant je suis intrigué, tout en sachant que c’est vraiment violent, gore et amoral (je suis tombé par hasard sur quelques bouts d’épisodes). Peut-être finirai-je par la regarder aussi.
Comme je n’ai quasiment aucun souvenir de tout ça, voir la série par tes yeux et tes sensations est un vrai bonheur, Présence. Malgré tout, ayant un attachement tout relatif à Walking Dead, je n’ai aucune envie de les relire, même pour vérifier cette histoire d’hélicoptère que j’ai totalement oublié.
La raison est simple : tout comme ceux qui me vantent Narcos, je n’ai aucune envie de violence en ce moment (pourtant je suis en train de lire le Hellblazer de Mie Carey, mais c’est moins grave que ces séries réalistes que sont Narcos et WD). Et je me souviens que tout l’arc avec le gouverneur est psychologiquement ardu, tendu et éprouvant. Comme la vision des Chiens de paille de Peckinpah.
« Pour le coup, il reconnaît que l’hypocrisie des comics relative à la nudité a ceci de bon que la séquence ne fait pas de lui un voyeur. » Effectivement, cela nous laisse un peu de respiration au milieu des horreurs. De manière générale, j’aime beaucoup tes conclusions sur la violence et le parti-pris des auteurs, mais je sais que de mon côté, j’ai toujours trouvé ça un peu facile et attendu, d’avoir ce genre de personnages après une apocalypse.
Je ne connaissais pas du tout la chanson, c’est étonnant !
Les apparitions du Gouverneur sont vraiment très éprouvantes car il n’éprouve aucune empathie et il est capable de tout.