A SILENT VOICE de Yoshitoki Oima
VO : Kodansha
VF : Ki-oon
1ère publication le 28/11/19 – MAJ le 22/08/20
Une critique d’Eddy Vanleffe sur le manga d’utilité publique A SILENT VOICE (KOE NO KATACHI) de Yoshitoki Ōima, prépublié en 2013 dans le magazine Weekly Shônen Magazine de l’éditeur, compilé en sept tomes par Kôdansha, et traduit en France chez Ki-oon en 2015.
VO/VF
Nous aurons du mal à passer certains spoilers sous silence et les extraits montrés sont à lire dans le sens de lecture japonais.
Je viens de terminer la lecture de ce manga, et alors que je referme l’ultime volume, ma décision est déjà prise: Je DOIS en parler. Le sujet est trop fort et ne peut être contourné ou effleuré d’une campagne d’affichage de sensibilisation qui va toujours dans le sens de la victimisation et de l’appel aux consciences qu’on sait à présent être volatiles, en attendant la prochaine grande cause. Car l’émotion anonyme est éphémère.
Premier point fort et base même de n’importe quelle dissertation: partir du cas particulier pour aller vers le propos général. L’incroyable pouvoir que possèdent la plupart des mangas, c’est bien de réussir à avoir une portée universelle alors que le cas est purement japonais.
Ici le problème abordé est celui de l’exclusion. Dans son ensemble et de celui de le handicap en particulier. Mais pas seulement. Pulsion de mort, indifférence, instinct de tribu, intégration tout cela va être mis au crible d’un scalpel fin et cruel qui sait trancher dans le vif sans anesthésie.
Quand je parle d’exclus, je ne parle pas des minorités. Une minorité comme son nom l’indique constitue déjà un groupe souvent en position de contre-pouvoir. Peu importe que ces minorités soient ethniques, religieuses ou sexuelles, elles possèdent souvent de la presse, des associations, des structures. Je ne minore pas leurs difficultés mais ce ne sont pas par nature des exclus, c’est-à-dire des gens seuls n’appartenant à aucun groupe. Tellement seuls face au temps qu’ils finissent parfois par imiter le mouvement de la pendule au bout d’une corde.
Là, il faut s’attarder un instant sur le phénomène de l’ «IJIME». Le mot en lui-même désigne le fait d’intimider quelqu’un. L’«ijime» consiste donc dans un cadre scolaire à ce qu’une classe se trouve un bouc émissaire et lui mène la vie dure en l’humiliant quotidiennement jusqu’à ce que la victime craque en changeant d’école dans le meilleur des cas. Comme assez souvent dans la culture japonaise, le mélange entre conformité sociale et notion de «honte» est codifiée à l’extrême au point d’en devenir une spécificité culturelle. Mais on l’observe actuellement avec les méfaits qu’occasionnent les réseaux sociaux, que cette façon de faire s’est répandue d’une manière fulgurante sur le monde entier sans qu’il y ait de lien à chercher entre les deux. Non le triste constat est simplement que la description du calvaire d’un élève japonais est devenue simplement universel comme nous allons le voir.
A SILENT VOICE nous raconte donc l’histoire de Shoya, un gamin remuant de cm2 qui aime se faire remarquer au sein de sa bande de copains. Ce groupe homogène se retrouve également dans la même classe et se connaissent depuis toujours. Ils s’inventent des jeux de «courage» où chacun rivalise pour faire la bêtise la plus osée. Tout va bien dans le meilleur des mondes jusqu’à l’arrivée d’une nouvelle élève Shoko. Cette enfant se présente à la classe et tout de suite, quelque chose se remarque: elle communique par écrit sur un cahier et précise:
«Je suis malentendante.»
Loin d’attirer la compassion, cet handicap, attisera la curiosité de Shoya qui voudra pour amuser la galerie tester les limites de cette surdité, en explosant un ballon dans ses oreilles, en lui criant des insultes pour voir ce qu’elle répond, ou l’oublier lorsque sonne la cloche et la laisser seule dans la cour et en balançant son cahier de communication dans le bassin aux poissons.
Les choses prennent malheureusement une tournure plus violente lors d’un concours de chant inter-scolaire.
Toujours à l’affût de bonnes idées, l’école ne trouve rien de mieux que de forcer l’assimilation de la petite Shoko en lui faisant intégrer la chorale ce qui a pour effet immédiat d’exacerber l’attention sur son handicap, puisque n’entendant pas correctement sa voix, elle ne parvient pas à la placer convenablement. On sait de surcroît que la renommée et le prestige scolaire ne sont pas de vains mots au pays du soleil levant. Or, pour la première fois depuis des années, l’école perd le concours et la classe rendra la pauvre Shoko responsable de cela. Toutes les initiatives pour tenter de l’assimiler au groupe resteront lettre morte. Une enseignante, propose un stage d’initiation à la langue de signes et se verra remballer par les élèves eux même qui collectivement estiment que c’est à l’individu de se conformer au groupe et non pas le contraire.
Dans ce contexte, la classe de Shoko et Shoya est vue comme une boite de Pétri de l’ensemble de la société.
Le Japon est à ce titre assez particulier. C’est un pays qui semble cultiver viscéralement une notion de l’esprit de tribu très poussé où tout ce qui est différent peut être vu comme une menace contre le groupe. Un proverbe japonais va même jusqu’à dire: «Le clou qui dépasse, appelle le marteau». Les mangas notamment les plus modernes dénoncent souvent à leur manière la lutte d’individus au sein d’un conformisme ou d’un autre comme GREAT TEACHER ONIZUKA de Tôru Fujisawa où un ancien délinquant va devenir professeur et dynamiter la pédagogie traditionnelle.
Toujours est-il que cet incident de la «chorale» va déclencher une autre salve de mauvaises actions. Shoya, désireux de plaire à ses camarades et ulcéré de voir la frustration générale, s’en donne à cœur joie pour imiter la diction de sa camarade, et autres actes minables comme lui dérober ses prothèses auditives.
Tout cela dure jusqu’à ce que le directeur convoque toute la classe et annonce que la mère de Shoko excédée de devoir remplacer les appareils auditifs, porte plainte auprès de l’établissement et demande des dommages et intérêts s’élevant à 12 500 euros. La crainte du scandale et de l’opprobre menaçant l’institution même, le tout rejaillissant sur le groupe change drastiquement la donne. Shoya est désigné comme seul responsable et sans le moindre délai devient le nouvel «ijime»
Ce gamin, qui comme celui qui arrache les ailes des mouches pour s’amuser, n’avait pas conscience de faire mal ne comprend pas ce qu’il lui arrive car ceux qui rient désormais de lui sont les mêmes qui riaient de Shoko la veille. Il s’en prend alors une dernière fois à elle lors d’un dernier incident qui provoquera le changement d’école de la petite et scellera son sort. Il réalisera trop tard la portée de ses actes en retrouvant le cahier d’expression de Shoko dans le bassin couvert d’injures.
Shoya va dès lors entamer son chemin de croix. Sa mauvaise réputation le poursuivra durant tout le collège où chaque élève refusera de lui parler, lui laissera des mots d’insulte, le poussera dans le fleuve. Peu à peu il réalise qu’il déteste tout le monde. Il s’isole désormais et la haine des autres ne fait écho qu’à son propre dégoût de lui-même. Il doit faire face aux dettes de sa mère qui doit rembourser les prothèses qu’il avait cassées et devient en proie aux idées les plus noires. Un jour au fond du trou, il croit apercevoir son propre avenir et cette vision le terrifie. Il sait.
Il sait qu’il doit payer.
Mais à présent il a un but ou plutôt une feuille de route. Comprenant l’inanité de son existence, il se met en tête de mettre ses affaires en ordre avec tout ce qu’implique cette expression.
Il apprend dans un premier temps, sur son temps libre la langue des signes.
Six ans plus tard, il enchaîne les petits boulots afin d’amasser la somme exacte qu’il doit à sa mère, la range proprement dans une enveloppe avec un courrier.
Enfin, un matin il part retrouver le lycée où étudie Shoko et l’arrête en pleine rue. Il prend son temps et à cet instant dans son propre langage, il lui demande pardon avant de se détourner dans l’idée de sauter du pont et d’en finir.
Mais contre toute attente, Shoko le retient par la manche.
A ce stade, vous vous dites que je vous ai tout dévoilé de ce sublime manga sur la résilience et l’acceptation de l’autre. Mais nous ne sommes arrivés qu’à l’issue du premier tome sur sept.
L’auteur parvient à jouer comme une virtuose sur plusieurs cordes de sa lyre. S’appuyant avec une rare acuité sur un propos aussi fort que sensible, elle dresse sans jamais détourner le regard le portrait d’une société vue comme une énorme bête cruelle et aveugle. Oima malgré sa jeune carrière s’impose rapidement comme une story-teller hors pair quelque part entre un Tôru Fusjisawa (GTO-pour les chapitres thématiques ou en vue subjective) et un Terry Moore (STRANGERS IN PARADISE) pour la mise en scène subtile des émotions.
Il est assez bizarre de constater que l’ouvrage de Ruth Benedict: LE CHRYSANTHEME ET LE SABRE qui se voulait être le premier livre anthropologique paru après la guerre en 1946 sur le Japon, puisse et cela malgré les controverses suscitées, donner un indice du thème profond du manga: La honte.
En effet, Mme Benedict et cela en n’ayant jamais mis un seul pied au Japon, croit déceler l’une des différences fondamentales entre l’occident et l’Empire oriental.
Si avec nos racines judéo-chrétiennes, nous appartiendrions à une culture de la culpabilité, le Japon avec son propre système de valeurs, appartiendrait à une culture de la honte où la notion de dette d’honneur (GIRI) est primordiale. Insérez donc ici la référence que vous voudrez sur le WOLVERINE de Claremont qui semble s’être énormément inspiré de ce livre pour la conception de son Japon-romancé.
S’il faut être prudent avec cet ouvrage qu’il faut sans arrêt remettre dans son contexte, on est quand même au cœur du nœud gordien des thèmes du manga.
Shoya n’arrive plus garder la face. Et inversement son aversion contre l’hypocrisie de ses camarades lui fait perdre les visages de tous les autres qui deviennent une masse informe et anonyme que l’auteur choisit de biffer concrètement sur la page, forçant encore d’avantage sur l’aliénation par rapport à la tribu. Cet effet de style s’il surprend est d’une rare pertinence et l’on va voir qu’elle en utilisera d’autres, transformant parfois le récit à la limite de la parabole.
Ainsi le dégoût que s’inspire lui-même le protagoniste l’amène à se tuer virtuellement lui-même au fin fond de son subconscient à l’issue d’un parcours psychologique particulièrement bien rendu laissant la voie libre à une analyse psychanalytique de l’ouvrage.
Cette partie n’étant pas mon point fort, je serais obligé d’y renoncer, mais cela se ressent au gré des monologues intérieurs et de la succession de petits stades symboliques qui émaillent le purgatoire intime de ce pauvre Shoya, avant qu’il puisse envisager l’avenir en tant qu’adulte équilibré.
Pour autant A SILENT VOICE raconte aussi l’itinéraire de ces deux être balafrés(lui et Shoko) dans leurs fors intérieurs qui vont devoir apprendre à s’épauler pour dans un premier temps réussir à tenir debout, regarder devant soi et finalement avancer. C’est ensemble qu’ils affronteront le monde. Le calendrier égrènent ses dates comme autant de tuteurs auxquels ils s’accrochent, que ce soit un anniversaire, les feux d’artifice ou la fête du lycée. Chaque jour gagné est une petite victoire.
Ne renonçant pas en si bon chemin Oima, écrit superbement le moindre de ses personnages, tous plus attachants les uns que les autres. C’est donc aussi l’histoire de cette mère célibataire élevant sa fille handicapée tout en refusant de s’apitoyer, perpétuellement cernée. C’est l’histoire de Tomohiro Nagatsuka, ce meilleur ami cinéaste amateur au physique replet qui fédérera tout le monde autour de ses projets de court-métrages. C’est aussi l’histoire de Suzuru, cette petite sœur qui a grandi trop vite ayant à cœur de protéger son aînée, trouve une vocation de photographe tout en délaissant l’école. Et c’est aussi l’histoire de cette peste de Naoka qui estime que Shoko lui a gâché la vie en brisant l’amitié qui liait Shoya aux autres…
Il est également à noter que c’est dans l’Art que semblent trouver un exutoire bon nombre de personnages. Que ce soit dans la mode, la photographie ou le cinéma amateur.
Il existe également une très jolie adaptation animée contemplative à la poésie sensible et subtile. Ainsi le son bénéficie d’une excellente gestion et la réalisatrice a l’idée d’opposer les deux protagonistes, l’une n’entend pas et l’autre ne supporte plus le bruit et s’isole. Le seul bémol est qu’à vouloir compiler les meilleurs moments du manga, le pathos s’en retrouve assez alourdi. Une scène émouvante par tome, ça en fait sept sur deux heures, et c’est un peu beaucoup. De même les enjeux émotionnels fort complexes de la version papier, sont simplifiés et perdent parfois leurs forces (comme le clash sur le pont ou la scène de retrouvailles…). Mais ce sont là des considérations chagrines par rapport à l’incroyable prestation des doubleurs japonais et la puissance d’un sujet de toute manière en béton armé.
Esquivant toute forme d’apitoiement, le manga ne place pas tant la surdité au centre de son histoire que la solitude. L’isolement, le regard des autres et la survie dans la foule sont alors mis en scène de mille et une manières sans non plus éviter les moments plus légers incarnés par des personnages innocents ou truculents…
Mélancolique sans être dépressif et émouvant, le manga met en scène avec une rare férocité une société malade de conformisme dont l’école se fait la principale courroie de transmission. Encourageant toujours le nivellement par le milieu, la vénérable institution ne sait que faire des éléments qui dépassent que ce soit dans un sens ou un autre. Ici le professorat visiblement non formé ne fait qu’exacerber les différences et ferme les yeux sur la violence comprenant à demi-mot la frustration entraînée par le fait de devoir supporter la différence. La tribu prévaut.
Dans le monde d’aujourd’hui, où l’on a du mal à comprendre ce qui peut se passer au sein des établissements scolaires opaques comme jamais, voici la témoignage crû, sans artifice des dégâts petits et grands occasionnés par le harcèlement chez des enfants lorsqu’ils ne trouvent pas leur place au sein du groupe, toujours propice à broyer inexorablement les individus…
Et dire qu’il y en a qui pensent encore que c’est Ken le survivant qui est violent…
Passons sur cet effet Please, please me/Get back, mais voilà le temps répare-t-il tous les maux?
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La BO du jour : un autre malentendant célèbre se fait torturer par son charmant cousin
Eh ben ! Que d’éloges !
ça peut m’intéresser ça. 7 tomes c’est pas trop.
Et puis au pire il y a une adaptation animée^^ (même si j’ai bien noté tes quelques réserves sur l’aspect trop rapide)
Et j’ai le sentiment que même si ça se déroule au Japon ou le conformisme est en effet surement plus fort que chez nous, ça peut rester universel comme sujet. La différence moquée à l’école, je crois qu’on a tous déjà vu ça chez nous.
Que de lyrisme Eddy !
En mode Présence avec 5 étoiles. Le grand amateur de manga que je suis en train de devenir ne peut n’être que happé par cet appel d’offre et pas plus tard que demain pour ma virée librairie du mois.
J’ai déjà eu une situation de Harcèlement Scolaire il y a quelques mois qui a été très loin avec des impacts graves et dramatiques. Ce n’est pas une fiction.
Et vous savez ce qui est le plus grave ? Là, on ne peut ni blâmer le capitalisme ou l’Etat, cette violence, pardon, cette haine de la différence qui peut conduire à la mort d’enfants scolarisés, elle vient d’enfants, souvent bien sous tous rapports…
Secret professionnel oblige, je n’en dirai pas plus.
Merci Eddy. Si mes calculs sont bons, encore quelques article et tu apparaîtras enfin dans le nuage hashtag du blog. Bravo !
Très bel article Eddy, très émouvant car profondément révolté, toute ton écriture s’en ressent. Tu t’y prépares toi-même dans ton introduction.
Forcément, tout cela m’intéresse soudainement beaucoup, je mets donc ça dans un coin en attendant. J’avais effectivement peur que tu aies résumé les 7 tomes mais ta révélation est un twist incroyable.
Tu m’apprends évidemment une tonne de choses sur la culture nippone. Merci beaucoup.
La BO : ah ben super ! Il y a aussi Uncle Ernie dans la chanson Fiddle About.
Oui, bien sûr la version de Keith Moon en pervers sexuel sodomite…
Cousin Kevin me semblait plus approprié au sujet de Eddy. Et je préfère celle-ci mille fois que celle de la version disque.
Ah ben l’album studio de Tommy, je l’ai très peu écouté au final. J’ai plus entendu celui version Live At Leeds et surtout, dans la version du premier Who que j’ai écouté, le live JOIN TOGETHER.
https://en.wikipedia.org/wiki/Join_Together_(album)
« A ce stade, vous vous dites que je vous ai tout dévoilé de ce sublime manga sur la résilience et l’acceptation de l’autre. Mais nous ne sommes arrivés qu’à l’issue du premier tome sur sept. »
Ouah ! Cette phrase m’a tué ! Je ne sais pas comment tu as fait, mais je croyais que tu avais terminé ton article et paf ! Twist total ! 😀 (applaudissements)
Alors au Japon je ne sais pas, mais ici à l’école, jamais personne (en tout je le crois fortement vu ce que je vis au quotidien) n’aurait l’idée d’infliger à une gamine malentendante de faire partie de la chorale… C’est un peu le truc qui m’a fait tiquer ^^
Sinon oui : J’ai été à un moment, comme probablement presque tout le monde, la minorité qui a souffert (moi c’était la couleur de mes cheveux). Mais aujourd’hui le harcèlement scolaire, notamment via les réseaux sociaux, a pris des proportions terrifiantes. Et personne n’arrive pour le moment à endiguer le phénomène… 🙁
Hum…ce n’est pas tout à fait pareil mais nous, on a eu une prof de musique qui nous a fait chanter une chanson sur les trains de déportés de la Shoah (me souviens plus du titre) un jour où toute l’école était en deuil parce qu’un élève s’était fait renversé par un train la veille…
Niveau bonne décision ça se pose là quand même.
Un article indispensable : il se trouve que j’ai offert ce manga à mon fils qui a adoré, que je ne l’ai jamais lu, et qu’il ne m’en a pas parlé. Je sais enfin de quoi il retourne.
J’ai beaucoup apprécié le paragraphe détaillant la culture de l’Ijime, car même si le mot m’était familier, le contexte culturel m’était inconnu. La référence à GTO m’a parlé car j’ai dû lire la moitié du manga, en me marrant à chaque fois, toujours surpris qu’un humour fondamentalement japonais passe aussi bien la frontière et la barrière culturelle.
L’incroyable pouvoir que possèdent la plupart des mangas, c’est bien de réussir à avoir une portée universelle alors que le cas est purement japonais. – Je suis toujours frappé par la force de mon ressenti émotionnel à la lecture de certains mangas, même s’il me manque les références culturelles, ou que le sujet ne me passionne pas a priori. Par exemple, je me suis retrouvé totalement impliqué par un joueur de go jeune adolescent, alors que je ne pratique pas ce jeu et n’en ai aucune envie, et que je l’ai lu la trentaine passée, sans nostalgie pour mon adolescence. Et hop ! Petite page de pub pour Hikaru no go, de Yumi Hotta & Takeshi Obata. 🙂
Comme Tornado, j’ai été pris de court par la précision qu’il ne s’agit que du premier tome.
La honte en lieu et place de la culpabilité judéo-chrétienne : je n’y aurais jamais pensé tout seul, et maintenant que tu l’as dis (écrit), ça m’apparaît comme une évidence.
Esquivant toute forme d’apitoiement, mélancolique sans être dépressif et émouvant – Wouaah !!! Sacré tour de force au vu du résumé inclus dans ton article digne des pires mélos larmoyants.
PS : en ce moment, mon fils est tout aussi bouleversé par le manga March comes in like a lion, de Chica Umino.
Pour moi les meilleures BD sociales sont des mangas. Je ne sais pas pourquoi exactement. Peut être parce que les mangakas ne sacrifient pas la forme au profit du fond pour parler de sujets intimistes. Alors qu’en BD occidentales, si c’est social et sérieux ce sera souvent naturaliste et très typé « indé » dans le style de dessin, comme pour indiquer qu’il n’y a aucun artifice de divertissement, comme s’il y avait une sorte de « honte du divertissement » quand on parle d’un truc sérieux.
Peut être aussi qu’ils ont plein de soucis de société là bas et qu’ils sont doués pour en parler^^ Et que ça transcende leurs simples problèmes locaux pour devenir universel grâce à une sorte d’exagération qui parle à tous (ils sont assez excessifs les japonais, dans tout ce qu’ils font)
Le dessin, plus ludique quelque soit le sujet ?
C’est un peu ce que je dis oui.
A l’inverse, il est vrai que les différences de style sont moins variées chez les mangaka. Ils ont chacun des subtilités mais c’est un peu comme s’il y avait un « style de dessin national » (les grands yeux, tout ça) légèrement modifié selon les auteurs. On a rarement des styles proches d’un Richard Corben, d’un Bachalo, ou d’un Steve Epting (avec plein d’ombres, tout ça)
De temps en temps on en a qui se la jouent Frank Miller, comme sur Jabberwocky que j’ai chroniqué, mais c’est plus rare.
Mais ils gèrent souvent bien le dynamisme dans n’importe quel contexte. Que ce soit pour sauver le monde d’une explosion terrible ou avouer un « je t’aime » à la fille, t’auras le même niveau de tension de fou avec un mec qui court, le temps qui ralentit, le suspense et tout^^
Merci à tous pour vos gentils commentaires, j’ai envie de de dire avec soulagement: mission accomplie! OUf!
je l’ai écris avec mes tripes… C’est tout ce que je peux dire…
j’ai peu de décevoir ceux qui franchiront le pas du coup…
@Tornado
oui on peut être surpris de cette dose de malveillance, c’est pour ça que j’ai essayé d’expliquer ce genre de comportement en faisant des détours par la figure de l' »IJIME » qui est un phénomène bien réel au japon. La chorale est pour moi aussi incompréhensible…mais…
quand ma fille était en CM2, il y avait dans son école des élèves en situation de handicap mélés aux autres élèves, enfin mélés si on veut puisque’ils étaient désignés par un nom les « ULYSSES » et que les enfants n’avaient pas le droit de jouer avec eux avec les mêmes ballons… On intègre mais on intègre pas…
seconde anecdote du travail cette fois: je me suis étonné du fait que la prestation télévisée à l’hôpital ne possédait pas le télétexte sourd et muet, j’en ai fait part lors d’une réunion où on devait amener nos idées…et ma directrice m’a demandé lorsque j’ai demandé un formation au language des signes:
-Mais alors comment faites vous?
-et bien la plupart ont pris l’habitude de lire sur les lèvres
réponse:
-L’hôpital n’a pas vocation de se substituer aux stratégies que les patients ont mise en place à l’extérieur a fin de ne pas accentuer leur sensation handicap…
bing!
Un article plein de conviction !
Si comme toutes les bières, la Leffe donne envie de pisser, le Vanleffe, lui, donne envie de lire ! (désolé, c’est un compliment tout pourri, mais j’ai pas trouvé mieux…)
Le sujet m’effraie et me met mal à l’aise. Il m’effraie car j’ai 3 filles et la plus grande rentrera au collège l’année prochaine…
Il me met mal à l’aise aussi car j’ai été un harceleur en classe de 6ème. Comparé à ce qui peut se faire aujourd’hui, c’était light mais c’était bien du harcèlement… Sur un camarade de classe un peu rond et un peu pataud. Je n’en suis pas fier mais je dois bien l’admettre. Il y avait un côté égoïste à se dire « on va continuer à pourrir untel, comme ça les vannes ne seront pas tournées vers moi… » Et puis le simple fait que j’étais un petit con…
Bon, comme d’hab, pas le temps de commenter avant.
Tu m’as transmis ton urgence. Il faut que je lise ce manga.
J’ai vu l’animé, tu le sais on en a parlé, et je commence à comprendre ce qui m’a manqué : l’aspect psychologique.
Shoya apparaît comme indifférent à tout, dans une souffrance qu’on ne lit pas, qu’on ne voit pas, qu’on n’entend pas. Comme si c’était lui la voix silencieuse. Bref, dans ces conditions, il m’a été très difficile d’éprouver de l’empathie pour lui.
Concernant le doublage, je suppose que la VO est sans égale, mais je l’ai vu en VF et je dois saluer le respect du thème, puisque celle qui double Shoko est elle-même malentendante (en fait sourde de naissance et enseignante de la LSF).
Pour la gestion du handicap, ce que tu appelles « les Ulysses », ce sont les ULIS : unité d’inclusion scolaire (j’ai oublié ce que voulait dire le L…). Autrefois ces élèves, le plus souvent atteints de handicap, étaient dans une classe à part (la CLIS (Classe ? d’Inclusion Scolaire)). Aujourd’hui, on les intègre dans les classes avec leur tranche d’âge, mais avec accompagnement d’AESH, parce que ben… ce n’est tout simplement pas possible d’enseigner tout en s’occupant d’élèves handicapés, qui demandent une attention +++ et ont des besoins bien différents en terme d’apprentissage. Et pour les apprentissages typiquement scolaires (français, maths), ils vont dans une classe à part avec une enseignante spécialisée.
L’ULIS commence en CP. Avant, les enfants sont accueillis en maternelle, en classe normale, avec une AESH (dans le meilleur des cas). En général, on les maintient en GS en attendant qu’une place se libère dans une ULIS…
Nous n’avons pas d’ULIS dans mon école (il y en a peu…), mais ma fille a plusieurs camarades qui sont intégrés dans une ULIS.
Enfin, intégration, c’est un bien grand mot…
Dès lors qu’ils sont habitués avec des enfants particuliers dès la PS, la différence n’est pas stigmatisée, encore moins méprisée. J’ai eu deux élèves filles, souffrant d’un angiome. L’une au visage, l’autre à la jambe. Toutes deux avaient pléthores d’amoureux. On a toujours craint que cela change du tout au tout au collège, mais en primaire, on arrive encore à faire oublier le handicap.
La différence qui touche le comportement, c’est autre chose. C’est beaucoup plus délicat à faire accepter. Ce sont des enfants qui peuvent ne pas supporter le bruit, le contact, ou au contraire qui vont avoir besoin d’attraper tout le monde, de les toucher, de les serrer, les embrasser. Faire comprendre aux autres enfants que l’enfant ne le fait pas exprès, ce n’est pas simple. Mais c’est impossible de prévoir. Parfois ils vont en faire leur mascotte, parfois ils vont le rejeter. Certains ont peur parce qu’ils se sont fait taper ou mordre en PS. C’est vraiment un problème très délicat, l’intégration du handicap.
Pour le harcèlement scolaire, merci pour tout le pan culturel qui touche au Japon. Je ne connaissais pas le terme d' »ijime ». Je réalise que cela est encore plus fort là-bas que chez nous, car la société japonaise elle-même veut gommer les différences.
Le harcèlement scolaire, qu’on appelait aussi bullying, très répandu aussi dans les pays anglosaxons (les premiers à avoir tiré la sonnette d’alarme, il me semble), est universel à mon sens.
Il suffit d’un groupe, de quelques-uns qui veulent se sentir puissants, et c’est parti. On dit qu’il y a 1 élève par classe qui est victime de harcèlement. Et comme le dit Tornado, c’est quasiment impossible à endiguer.
Encore, en primaire, on a la chance de ne pas avoir les réseaux sociaux (et oui, ça commence tôt, dès le CP souvent), mais certains sont très malins et savent faire ça dès qu’on ne les regarde pas. On est passé à côté de plusieurs cas, déjà. Toujours signalés par les parents, heureusement.
Bon, bref, je me suis encore dispersée (et en plus, on m’attend !!), c’est un sujet bien trop riche et complexe à aborder…
Quelqu’un ici a vu le film « la vague » ?
C’est intéressant comme film. Cela montre l’intérêt et le danger d’une uniformisation.
Un uniforme obligatoire gomme les différences et peut avoir des effets bénéfiques : on ne repère pas « les pauvres », ceux qui ne s’habillent pas avec des fringues de marque et qui peuvent se faire emmerder pour ça (je connais bien !)
Le problème c’est qu’il y a des choses impossibles à gommer. Et plus on masque les différences qu’il est possible de masquer, plus les autres sont visibles et finissent pas poser problème en déséquilibrant ce beau conformisme.
Les cas les plus « délicats » ne font que paraitre encore plus « anormaux »
La solution ? Y’en a pas. Dans les 2 cas les différences sont visibles. Peut être que dans le cas d’une uniformisation majeure, seuls les personnes les plus voyantes auront des problèmes…mais le rejet sera beaucoup plus violent. Justement à cause du contraste avec la masse globale uniforme.
Sujet complexe.
Épreuve inévitable.
Quand on dit que l’école est l’apprentissage de la vie…
Je vais passer pour un sale con, et ça peut paraitre étonnant de la part de quelqu’un comme moi qui s’en est pris plein la gueule, mais je pense malgré tout que si on ne parvient pas à faire ça à ça, qu’on cherche protection auprès de plein de gens (parents, profs, autorités)…ben on continuera à se faire marcher sur la gueule toute sa vie.
Je ne prone pas la survie du plus fort hein ! Évidemment qu’il faut qu’il y ait un degré de protection, d’aide.
Mais imaginons le cas de quelqu’un qu’on materne trop, qu’on tiendrait à l’écart de l’école avec des professeurs particuliers, etc…et qui ne ferait jamais face à des brimades…ben soit il faudrait que cette personne parvienne à vivre ainsi toute sa vie…soit elle se ferait bouffer toute crue une fois lâchée dans le monde réel.
Après c’est clair que les réseaux sociaux ont du gravement aggraver le phénomène. Y’avait pas ça à mon époque…pas encore.
Très bon film LA VAGUE.
Très bon film en effet même si au final après l’avoir vu on comprend bien tout l’intérêt de ne pas avoir d’uniforme justement ^^
Attention, La vague est inspirée d’une vraie expérience montrant comment on peut faire naître des idées et un parti fascistes au sein d’un groupe de lycéens.
Ça s’est produit en Californie en 1967. Il ne faudrait pas ramener ça à seulement le port de l’uniforme, qui se pratique dans d’autres pays sans que ça ait de telles conséquences.
Mais je serais curieuse de voir le film.
L’expérience s’appelle « La troisième vague » et a duré 5 jours. Les résultats ont été tellement édifiants que c’est resté assez secret…
Oui je sais.
Je ne disais pas ça juste pour parler du port de l’uniforme qui, je pense, n’est pas forcément une mauvaise chose. Comme je l’ai dit, je me suis bien fait emmerder sur ma façon de m’habiller. Un uniforme m’aurait évité ça^^
Mais je parlais du film parce que malgré les conséquences, il explique bien les côtés positifs d’une sorte de conformisme. Évidemment ça va plus loin que l’uniforme et ça part en live.
Excellent article ! Un thème fort défendu avec conviction.
Tu me l’as en tous cas bien vendu puisque je l’ai rajouté à ma liste de BD à acheter d’urgence.
Je reviendrais en parler ici même après lecture. En tous cas merci à toi 😉
@Kaori
Merci pour les précisions concernant les « ULIS »…
Je comprends tout à fait la démarche. c’est le fait que les enfants soient réglementés dans leurs contacts avec eux.. ce qui pour ne diminue pas la différence. ceci dit cette expérience peut avoir de bons résultats, je n’ai pas de données là dessus…
Je n’ai jamais vu LA VAGUE m’ayant déjà farci les trois versions de L’EXPÉRIENCE pendant les études infirmières de mon épouse…il est assez effarant de voir à quel point ces expériences en milieu scolaires peuvent avoir des résultats désastreux ne laissant que peu d’espoir sur la nature profonde de l’être humain…
il y a déjà une IJIME dans GTO: une jeune fille moquée à cause de sa stupidité et de sa trop grosse poitrine..le prof lui décèle pourtant un potentiel théâtral et la motive pour qu’elle fasse une représentation avec ses poupées…. elle va alors évacuer tout son mal-être et ses douleurs enfantines et émouvoir le jury aux larmes… séquence qui commence dans le ridicule pour s’achever dans un pathos assez dantesque…
La force de GTO est de réussir à faire accepter les marginaux à la masse plutôt que convaincre les « marginaux » de s’intégrer à la masse…
Quel bel article écrit avec passion ! (oui je sais ça a déjà été dit mais le redire renforce l’argument) au point que tu m’as donné envie de lire la série alors que je ne suis pas très manga (bon OK, Bruce m’a un peu convertie en me transmettant « Ikigami). J’espère le trouver à ma bibliothèque !!