Jean-Jacques Goldman par Le Bourhis, Trolley et Dimberton
Par : BRUCE LIT
VF : Prisma
JJ Goldman, le portrait d’une homme discret est la biographie en bande dessinée de la personnalité préférée des français (sauf Patrick Faivre, qui, il est vrai se la joue exilé au Japon) et le chanteur emblématique des 80’s.
Il s’agit d’une adaptation de la biographie de Eric Le Bourhis, journaliste pour Télé Loisirs qui adapte le scénario avec François Dimberton. Jean Trolley assure les dessins. Trolley est un ancien musicien reconverti qui a joué en première partie de David Gilmour et de Téléphone.
Petite dédicace au rocker décadent Alex Sindrome qui avec sa reprise glaciale de Minoritaire a encouragé indirectement mon article sur le rocker-variétoche sans avoir peur du ridicule et des moqueries. Goldman est un grand musicien et nous allons voir pourquoi.
Les scans aussi rares que l’artiste sont faits maison.
C’est l’histoire d’un type qui ne voulait pas être star. Qui n’aime pas les limousines, les soirées VIP, le sexe, la drogue mais un peu de Rocknroll. Avec cette petite entreprise, JJ Goldman n’a pas connu la crise. Il est aujourd’hui multimillionnaire (ses royalties sont les mieux négociées de la chanson française et écrire pour Céline Dion, ça aide aussi…), en semi retraite avec ses enfants en Angleterre.
Une partie de la carrière du gendre parfait se sera faîte sur un trait d’union entre la variété populaire et un zeste de Rock FM sans que cela soit péjoratif. Jusqu’à ces dernières années. C’est sûr qu’il aura creusé sa propre tombe le JJ. Et il n’aura pas eu besoin d’aller bien profond tant il aura été descendu pendant toute son heure de gloire. Pour qui aura vécu ces années, on se rappelle que Goldman avait droit à des articles particulièrement haineux à connotation souvent antisémite.
Les critiques sont autres aujourd’hui : le show racoleur, lourdingue et has been pour les Restos du Coeur qu’il pilota pendant 30 ans. Cette controverse, la seule de sa carrière pour le dernier tube des Enfoirés qu’il écrivit maladroitement, où entouré de sa bande, il semble faire la morale aux jeune et leur demander de se retirer les doigts du cul pour chercher du travail. Un truc invraisemblable vu que l’humilité sincère du bonhomme et l’intégralité de sa carrière s’est construite sur des chansons sensibles et souvent en empathie totale avec les oubliés du système. Qu’on se rappelle les très belles paroles de Il changeait la vie où il brossait le portrait d’un cordonnier qui, à son échelle, avait plus d’influence que les politiques. Goldman était le chanteur du juste après : après les faillites du système, des déceptions politiques, amicales, amoureuses ou sociales. Il n’avait pas son pareil pour dresser un constat de ce qui merdait et réfléchir à si la pente pouvait être remontée.
Mais voilà : Goldman, comme dans les jeux vidéos a choisi à un moment donné de sa carrière, un autre chemin, celui de la variétoche de supermarché au détriment d’une carrière dont il se foutait éperdument. C’est ainsi qu’après avoir remis à flot avec Berger un Johnny encore talentueux au creux de la vague, Goldman ira écrire pour l’axe du mal : Céline Dion, Pagny, Fiori, Bruel, Kaas ! Et comme si ça ne suffisait les seuls tributes qui lui sont rendus sont bramés par les zombies RnB de la télé réalité. Une opération juteuse mais sans âme pilotée par son fils Michael Goldman loin de la reprise façon rocker maudit d’Alex Sindrome.
Pourtant l’héritage musical de Goldman reste entier. Certes il ne sera jamais Nick Cave. Il n’aura pas choqué comme Gainsbourg (avec qui il partage les années de vache maigres et l’humiliation d’avoir choisi de chanter ses propres chansons faute de repreneurs),il n’aura pas brûlé la vie par les deux bouts comme Bashung, joué à l’ange déchu comme Daniel Darc et ne s’est pas cramé la cervelle comme Nino Ferrer. Il subsiste une certaine injustice le concernant. Christophe, petit génie de la chanson française, auteur de tubes guimauve et avec qui Goldman a partagé ses musiciens, a aujourd’hui le vent en poupe. Pas lui. Cabrel et ses histoires de corrida un peu nunuche et sa cabane de pêcheur a eu les honneurs de la presse rock. Pas lui.
Pourtant Goldman produisait de la variété de qualité, chaleureuse, souvent émouvante, très bien écrite et disons le ….Rock ! Bien sûr Goldman ce n’est pas Iggy, ni Syd Barrett et encore moins Bowie. Mais en quoi sa musique serait elle moins respectable que celle de Françoise Hardy par exemple? Car de la crédibilité Rock, Goldman pouvait s’en targuer. Ami intime de Claude Gassian par exemple, le même qui prit des photos immortelles de Lou Reed, des Stooges et de PJ Harvey. Et puis la présence du guitariste de Trust sur ces albums. Et puis des musiciens de Magma. Et puis Patrice Tison. Et puis le saxophoniste de Supertramp. Et puis Manu Katché, JJ Milteau, Pino Palladino et même Chet Baker !
Si certaines de ses pochettes sont les plus nulles de la variété française (Positif et son décor atroce en arrière fond, Non Homologué et son pastiche même pas drôle de Springsteen), on se rappellera quand même des photos de Gassian pour En passant et surtout du livret magnifique de Lorenzo Mattoti pour Rouge ! Merde, Mattoti, c’est pas rien si ? Sur le Deluxe, il y avait même Sorj Chalandon !
Goldman aura été ma première idole, le passeur d’une génération qui au moment de l’adolescence se tournera vers plus rock, plus violent, plus respectable. C’est avec Positif que je l’ai découvert. Pour un gamin de 10 ans à l’époque, Goldman avait de belles guitares électriques. On l’oublie souvent d’ailleurs, il est un guitariste très capable, avec un jeu et un son reconnaissable entre mille. Capable quand il le voulait de faire péter les décibels dans des chansons comme Sans un mot, Plus Fort , ou sur Rouge (et sa video très Floydienne) dont il offrit le riff pour l’émission Tarratata, une des rares émissions française qui reçut en son temps Blur ou Bowie.
Avec son image de gentil, Goldman faisait preuve pourtant de cynisme dans ces chansons : Compte pas sur moi, A quoi tu sers, Je marche seul, abordent l’individu qui a vu le malaise dans la civilisation et décide de ne pas s’en laisser compter. Ces textes étaient une véritable sociologie de la vie urbaine des années 80. Endroits branchés surpeuplés (Nous ne nous parlerons pas), malaise des banlieues ( Envole Moi) , rêve américain à deux balles (Américain), fièvre de la consommation (Plus fort). Et Goldman savait aussi émouvoir : le poignant Petite Fille, le tellement juste Pas toi, le splendide Dors Bébé Dors où un homme sait qu’à l’aube sa femme et son nourrisson le quitteront. Guerre? Immigration Forcée? Séparation? Toujours est il qu’en ces années Reagan où les icônes masculins sortaient les stéroïdes, Goldman chantait un père qui pleure son enfant.Et son chef d’oeuvre Comme toi une des rares chansons du répertoire français à évoquer habilement la Shoah.
On a pas parlé de Ton Autre Chemin. Ces Arpèges de guitare si délicats ! Ces explosions de rage à la Roger Waters ! Ces guitares à la Gilmour sur le solo ! Ces textes si sensibles sur l’homosexualité masculine, la drogue, la fin d’une amitié. Goldman chantait la solidarité, l’altruisme, l’empathie, la solitude, l’humilité. Pourquoi se moquer de ça, de ce que nous avons cherché au moins une fois dans notre vie ?
Pour en revenir à la BD, les auteurs n’ont pas choisi la facilité : en écrivantsur Goldman, ils prenaient le risque d’écrire sur un bonnet de nuit qui préfère, de son propre aveu, se coucher tôt, s’occuper des gosses, lire des bouquins plutôt que de courir la groupie backstage. En 30 ans de carrière, il y a bien des drames à raconter, la mort de son demi-frère Pierre Goldman, de Sirima assassinée , mais l’homme est tellement pudique que rien ne filtre. Rien !
De ce fait, les scénaristes livrent un travail très scolaire, un peu plus élaboré qu’une page Wikipedia. L’itinéraire de Goldman, sa venue à la musique, ses idoles de jeunesse ( Dylan mais aussi Ferré, Aretha Franklin et Michel Berger ). Et son attitude face au musique business: une surnaturelle nonchalance, un gout du secret toujours mis en avant sans une once d’explication. C’est le problème avec Goldman : il est chiant quoi, rien ne filtre, tout juste apprend t’on son addiction pour les…yaourts !
La BD rappelle que le look Goldman, cravate-Adidas était une « erreur de goût » (il ne savait pas comment s’habiller pour sa première télé), que les maisons de disques ne se mettaient pas la rate au court-bouillon pour promouvoir un chanteur qui distordait les aigus avec des albums intitulé « Minoritaire » ou « Démodé » . Est vite abordée l’admiration mutuelle que se portaient Goldman, Balavoine et Berger. Et une séquence expresse consacrée à Coluche en oubliant Renaud qui a toujours nourri à l’égard de Goldman un amour ambigu.
Tous étaient les chanteurs de cette génération dont il ne voulait pas être le porte parole. Celle des orphelins de la gauche qui appelaient à la solidarité, à lutter contre le racisme, la connerie et le conformisme, chacun à leur manière : Berger et ses complaintes dépressives, Balavoine en engueulant son monde, Renaud et ses sarcasmes d’écorchés vifs et Goldman avec une distanciation ironique ( j’ai des idoles en solde, j’ai quelques saints à céder, pas mal de stars de rock en stock, ex-rebelles « jetsettisés » lance t’il dans ).
Hélas, la mise en forme de cette BD laisse à désirer. La chronologie des événements est brouillonne avec des allers-retours entre présent-passé sans aucune indication de date, ni mise en scène de ces flash-backs ce qui donne vite fait un aspect confus à une vie ne l’étant pas. Et surtout pas de grands efforts d’imagination pour illustrer une succession de séquences plus bateaux les unes que les autres.
Si le volet « Origines » de Goldman est le plus travaillé, que dire de la gestion du succès de celui-ci complètement bâclée par les auteurs où se passe parfois plusieurs années entre chaque case. Peur de procès ? Rien sur ses divorces qui inspira le sombre En Passant ou ses liaisons (Carla Bruni). A défaut de potins , on aurait pu écrire des anecdotes de productions des morceaux, des conditions d’enregistrement des albums, mais rien n’y fera, c’est le minimum syndical qui est offert ici et rien de plus.
Question graphisme, c’est la fête non plus. On reconnaît tout le monde de Goldman à Berger en passant par Balavoine, les planches sont plaisantes, aérées, mais souvent figées et sans charme. La tache était ardue :raconter l’histoire d’un chanteur qui en restant dans son coin a attiré des millions de français dans son univers à la fois ironique et humaniste. Entre une vie secrète et un univers ne prêtant ni à l’allégorie comme chez Gainsbourg ou celui de Titi parisien comme Renaud, cette bio en image de Goldman est un peu chiche, prévisible et sans surprise. Un comble pour qui chanta : tout mais pas ce temps qui passe et les jours qui se ressemblent sans saveurs et sans couleurs.
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« On a pas changé » 2/6
Poète rock sous-estimé ou leader de l’axe du mal de la variété française ? A l’occasion de la parution de sa biographie en images, Bruce Lit tente de trancher un débat de 30 ans. Toi aussi viens participer au cas JJ Goldman sur ton blog préféré :
La BO du jour : la plus belle chanson de Goldman : triste, nocturne et poétique :
Ces ambitions passées mais auxquelles on repense
comme un vieux coffre plein de jouets cassés
https://www.youtube.com/watch?v=_yAq_wexhWI
…
T’as choisi ma chanson préférée pour illustrer JJ… Dommage que le lien ne marche plus…
Veiller tard… J’avais l’album live, à l’époque, où il était accompagné d’un saxo… Le saxo qui répondait à sa mélancolie… Je me rappelle de l’écho dans mes oreilles, quand j’écoutais ça dans mon walkman le soir…
Tellement d’accord avec tout ton article.. Rouge, Petite fille (que j’adorais), Confidentiel, Pas toi (et sa batterie qui me démontait le cœur), Puisque tu pars, Juste après…
La liste est longue…
JJG, l’humilité, l’anti-star système, la gentillesse et la compassion, et tellement d’autres choses. Un vrai bon-homme.
Oh et j’avais oublié celle dont les paroles me touchent tellement :
« Parler de ma vie » :
https://www.youtube.com/watch?v=QprZZ0CYWAw
« J’voulais t’parler d’ma vie, c’est rare quand ça m’arrive,
Un moment suffira, y a pas grand chose à dire.
Passé 30 ans et je sais, au moins j’imagine,
Je n’aurai jamais mon nom dans les magazines.
Vois-tu je suis de ceux que la foule rassure,
On ne peut être rien que parmi des milliers.
Has-been avant d’avoir été, c’est un peu dur,
Ma vie, tout l’monde aurait si bien pu s’en passer…
(…)
Je suis le cours des choses, je vais où l’on m’entraîne
Je suis de ces gens-là qui ne choisissent pas
T’as beau m’expliquer que ces vies sont des vies vaines,
Mais le hasard invente et colorie parfois… »
Et me voilà ici !! 😉
Oui…
Avec Chet Baker à la trompette 😉
Ah ouais, quand même… Merci pour l’info !
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