CHILLING ADVENTURES OF SABRINA par Roberto Aguirre-Sacasa et Robert Hack
Un article du warlock FLETCHER ARROWSMITHVO : Archie comics
VF : Glénat
Chilling adventures of Sabrina
©Archie comics
Cet article portera sur le comics CHILLING ADVENTURES OF SABRINA comportant 9 numéros, tous écrits par Roberto Aguirre Sacasa et dessinés par Robert Hack. La série est composé en deux story arc : The Crucible (1 à 5) puis Witch-War (7 à 9), le numéro 6 faisant office de transition.
Né d’un père sorcier et d’une mère humaine, Sabrina est une adolescente élevée par ses tantes dans la ville de Greendale. A l’approche de ses 16ans, elle va devoir choisir entre le monde des sorcières ou des mortels, alors que des machinations se trament dans son dos et que Madame Satan, l’ancienne amante du père de Sabrina fait son grand retour.
Remontons le temps. Au début des année 2010, Archie Comics bien qu’étant une institution aux Etats Unis est en perte de vitesse. L’éditeur décide de donner un coup de fouet à sa franchise en proposant des numéros spéciaux comme la mort d’Archie qui fait alors grand bruit. Puis surfant sur le succès phénomène du WALKING DEAD de Robert Kirkman, l’éditeur se lance dans alors dans un pari fou : décliner ses personnages vedettes dans une gamme horrifique. C’est Roberto Aguirre-Sacasa (Fantastic Four) qui se voie confier la branche Archie Horror. AFTER LIFE WITH ARCHIE, dessiné par Francesco Francavilla (Batman : Sombre Reflet) est le premier comics à sortir et devient aussitôt un succès public et critique. Après Archie et sa bande, c’est au tour de Sabrina, la jeune sorcière, de subir un lifting étonnant.
Le regard qui tue de Madame Satan
© Archie comics
Sabrina Spellman est apparue pour la première fois dans Archie’s Madhouse #22 en octobre 1962. La sorcière adolescente devient rapidement un personnage très populaire, comptant à l’arrivée pour Archie Comics, le plus d’adaptation sur différents supports, toujours dans le ton de la comédie : série télé, animé, téléfilm et comics.
CHILLING ADVENTURES OF SABRINA réinvente Sabrina et son univers en prenant une orientation horrifique et gothique. Pour les connaisseurs, ils auront donc l’agréable surprise de retrouver la ville de Greendale et son lycée, Salem le chat, les deux tantes Zelda et Hilda ainsi qu’une nouvelle version de Madame Satan. Le cousin Ambrose subit une cure de jeunesse surprenante permettant ainsi des interactions intéressantes avec Sabrina qui de son côté, va devoir user d’un charme pour attirer dans ses filets son petit copain attitré, Harvey Kinkle.
Roberto Aguirre-Sacasa, amateur de personnage manipulateur comme Loki, introduit sa vision du personnage de Sabrina dès le premier numéro d’AFTER LIFE WITH ARCHIE, puisque c’est en ressuscitant Hot Dog le chien de Jughead que les zombies vont apparaitre dans Riverdale. On la retrouvera plus tard dans une déclinaison du mythe de Cthulhu de Lovecraft dans un épisode ALWA qui lui est dédié. Echange de bons procédés, notons dans CHILLING ADVENTURES OF SABRINA, des apparitions régulières de Veronica et Betty qui vont être les investigatrices, à l’issue de leur plein gré, du retour de la némésis de Sabrina, Madame Satan, retorde et démoniaque à souhait.
De quoi faire des cauchemars toute sa vie
©Archie comics
Débarrassé du côté léger et naïf de la Sabrina d’origine, CHILLING ADVENTURES OF SABRINA explore des thèmes plus matures comme la jalousie, le pouvoir, la vengeance, la loyauté ou la lutte entre le bien et le mal. Bien qu’assez chaste le comics affiche quand même un certain érotisme sous-jacent, notamment à travers le personnage pulpeux de Madame Satan mais aussi des adolescents dont les préoccupations sont tournées vers le sexe et le passage à l’acte. Le comics baigne entièrement dans la sorcellerie et la frontière entre le bien et mal devient bien perméable. D’ailleurs les dilemmes moraux animent l’ensemble des personnages, tous confrontés à la tentation et à certains péchés capitaux.
La bonne idée du scénariste est de situer les aventures de Sabrina dans les années 60, décennie où la lutte pour les droits civiques a vu le jour et où les codes sociaux et moraux sont remis en question. Bien évidemment, CHILLING ADVENTURES OF SABRINA fait la part belle aux personnages féminins, la gente masculine étant reléguée au second plan.
Le comics original proposait une succession d’aventures plutôt drôles, faites de quiproquos autour des pouvoirs magiques de Sabrina ou de son entourage. Dans CHILLING ADVENTURES OF SABRINA, Roberto Aguirre-Sacasa utilise les affres de l’adolescence comme moteur de son récit, notamment la dualité entre le monde des sorcières et celui des mortels à travers la question de l’identité.
Le premier arc est construit autour du baptême de Sabrina, un rituel de sorcellerie dans les bois à l’occasion de son 16ème anniversaire qui tombe le jour d’Halloween. Récit d’apprentissage, passage à l’âge adulte, CHILLING ADVENTURES OF SABRINA montre les difficultés de Sabrina à faire des choix et les conséquences de ces derniers sur sa vie privée, jusque-là bien molletonnée. A cette occasion il est également question de la notion d’héritage, car autant Sabrina a pu utiliser pour son plaisir la magie, autant elle commence désormais à entrevoir le côté maléfique et le revers de la médaille quand arrive le côté occulte de la magie noir. Ainsi ce ne sont plus des problèmes de livraison de gâteaux ou des peines de cœur mais comment maintenir en vie son petit copain. Avec la Witch-War les enjeux et l’horreur (cannibalisme, torture, évocations démoniaques…) vont encore monter d’un cran après un premier arc qui n’a servi que d’amuse-bouche en plus d’assoir les bases de la série. Désormais il est plus question de mort que de vie.
Salade de poulpes en entrée…
©Archie comics
Ces années 60, dont les références pop-cultures sont nombreuses (Goldfinger, Paul Newman, Marilyn, Audrey Hepburn, plus l’iconographie suggérée …), le dessinateur Robert Hack se les approprie parfaitement. Son trait délivre une ambiance nostalgique, avec de nombreux détails et apporte un soin particulier à restituer fidèlement des éléments de l’époque. Les planches se recouvrent d’une patine vieillie (comme des taches ou des rayures) avec une colorisation sombre passant dans des filtres de tons ocres et orangés, tout en baignant dans une atmosphère gothique, lugubre et oppressante. Le dessinateur est également très à l’aise lors des passages gores ou versés dans le surnaturel, avec des visages et des démons très expressifs, qui provoquent l’effroi.
Pour accompagner cette atmosphère Aguirre-Sacasa se permet même de citer le tueur en série Ed Gein et Rudyard Kipling pour ajouter une pointe d’exotisme, ancrant un peu plus le récit dans l’époque décrite. D’ailleurs dans le 6ème numéro, épisode de transition où Sabrina apparait peu, le scénariste rend en hommage aux comics stand alone du fantastique Sandman de Neil Gaiman et nous conte les origines de Nag et Nagaina les 2 cobras de compagnie d’Ambrose puis l’histoire de Salem, le chat noir parlant de Sabrina.
Avec un tel démarrage, la déception est d’autant plus grande de voir que le comics n’est pas allé au-delà de 9 numéros. En effet, Roberto Aguirre-Sacasa va être accaparé par RIVERDALE puis l’adaptation de CHILLING ADVENTURES OF SABRINA sur Netflix (36 épisodes). Si vous tombez dessus, plutôt en VO qu’en VF, Glenat n’ayant publié qu’un seul tome, CHILLING ADVENTURES OF SABRINA vaut le coup d’œil, notamment pour les magnifiques dessins de Robert Hack, mais aussi pour les couvertures, très imaginatives qui prennent leur inspiration dans des films d’horreurs. A signaler que certains singles proposent des reprints des comics des années 60. Sabrina mature c’est un personnage qui rentre dans le XXIe siècle par la grande porte tout en apportant une pierre à l’édifice d’un genre pas assez présent. Enfin reconnaissons que la modernisation du personnage est plus en phase avec les attentes du jeune public actuel. De nouveaux comics, sur Sabrina (plus sage), ont également vu le jour ainsi que des Chilling one-shot sur le chat Salem ou Madame Satan afin de prolonger quand même le plaisir du surnaturel.
…suivi d’un mortel saignant
©Archie comics
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La BO : Bloc Party – Hunting for witches
Merci pour la présentation Fletcher, c’est clairement une bd qui colle à la période. Je me doutais que cela n’avait pas été édité entièrement en VF mais peu importe, cela ne m’intéresse pas plus que ça (et je suis une quiche en Archie Comics, je n’en ai lu aucun, je n’ai pas vu les séries Netflix non plus). Les dessins surtout ne me donnent pas envie, mais tout ça me rappelle que j’avais adoré partagé ma lecture de COURTNEY CRUMRIN avec mes enfants.
brucetringale.com/courtney-love/
La BO : sympa, je ne sais pas du tout de quand ça date car je n’ai pas écouté plus loin que le premier album du groupe, qui est très bien (et qui est une sorte de best of de leurs premiers EPs je crois). Le peu que j’ai ensuite entendu virait de style pour un truc plus electro, rien de folichon apparemment.
Bonjour Cyrille.
Pas vu la série Netflix non plus. Cela ne m’intéresse pas.
Graphiquement c’est quand même intéressant. Hack faisant un superbe travail. Et puis il y un jeu de couleur, des effets qui rehausse le tout.
Une revisite de qualité et cohérente.
Le titre de la BO provient de leur deuxième album, que l’on m’a offert en premier. De block Party je ne retiens que les deux premiers albums.
Pour te faire plaisir, j’ai longuement hésité avec BURN THE WITCH de Radiohead…
Merci de m’avoir lu
Archie Comics et son attitude d’amour-haine avec sa branche horreur… Combien de fois avons-nous évoqué en gag la sortie du prochain AFTERLIFE WITH ARCHIE sur un certain forum de notre connaissance ?
Je dois avouer que je suis assez peu familier avec le personnage : trop vieux pour la série TV « Sabrina, l’apprentie sorcière » qui a fait connaître Sabrina au-delà des comics et des US. Et l’annulation de AFTERLIFE ne m’a pas vraiment motivé à lire « CHILLING ADVENTURES » ou à mater la série.
Du coup, merci pour ce passage en revue ! Je pense avoir récupéré des versions numériques de ce titre dans un Bundle, à tester !
Salut JB.
Je n’étais pas plus faimilier que cela, voire même ignare avec l’univers d’Archie. C’est la nouveauté et la gamme horreur qui m’ont attiré et ce titre est une belle découverte.
Après le gag sur buzz, c’est rigolo un instant, même si moi même je reste déçu. Mais on peut aussi rire de bien d’autres titres qui sont souvent épargnés.
Donc si je comprends bien, les comics ARCHIE HORROR ont partcipé à redonner un coup de jeune à cet univers mais au final les series principales (dont SABRINA) ont toutes été sacrifiées à partir du moment ou Aguirre-Sacasa est devenu showrunner de la série Netflix quoi… une maniére de clairement affirmer la primauté du médium série sur celui des comics du coup ?
Et il y a encore des comics ARCHIE publiés à l’heure actuelle ? j’avoue je connais mal cet univers même si tu en dis fait plutôt envie !
Hello Ludovic.
une maniére de clairement affirmer la primauté du médium série sur celui des comics du coup ?
c’est exactement ce que je pense depuis que la culture geek, notamment celle des écrans, est devenue si populaire. On a l’époque que l’on mérite. Et clairement la très grande majorité est plus intéresser à s’abrutir devant sa télé ou au cinéma et un show médiocre (et pas cher voire bradé) que faire l’effort de se déplacer dans une librairie et lire.
Il y a encore des comics Archie. L’éditeur vit bien évidemment largement sur son fonds historique. Puis il a tenté de racheter quelques franchises. ET continue de tenter des choses comme un Archie en mode adulte/mature avec des auteurs comme Marc Waid et des dessinatrices comme Fiona Stapples (SAGA) ….
Ce mois ci un numéro spécial est sorti écrit pas la super star actuel, Tom King promettant de savoir qui Archie choisi finalement entre Betty et Véronica.
Et puis il y l’improbable, bien délire comme ARCHIE VS PREDATOR !!!!! 2 minis séries quand même.
Merci pour ta réponse Fletcher !
ARCHIE VS PREDATOR en effet, ça fait rêver ! 😉
Après le fameux Archie meets the Punisher, est-ce si surprenant ?
Très intéressant ce denier dans sa conception.
En fait ces comics et rencontres improbables me font passer de meilleurs moments de lectures que les bouses sur Batman ou tout Marvel actuel.
Voilà qui fait plaisir de retrouver cette version de Sabrina, car je n’avais lu que les cinq premiers épisodes, qui m’avaient plutôt plu. Version courte de mon avis :
En se lançant dans ce tome, le lecteur se dit qu’il va trouver une variation sur des personnages iconiques de l’Amérique Blanche (existant depuis 1941 pour la série Archie Comics, depuis 1962 Sabrina), intégrant quelques conventions de récit surnaturel à base de sorcière. Il espère que les créateurs auront pris quelques libertés pour ne pas se limiter à un pastiche sympathique mais superficiel. Il découvre en fait un récit très consistant, pour lequel les auteurs ont réalisé un important travail de conception et de réalisation, pour une histoire se lisant au premier degré, mêlant surnaturel, comédie, sentiments et héritage familial, avec des thèmes sous-jacents intéressants et bien exposés.
Moi aussi, j’avais beaucoup apprécié les couvertures de Robert Hack.
Je n’avais pas capté l’intérêt de situer cette histoire dans la décennie où la lutte pour les droits civiques a vu le jour et où les codes sociaux et moraux sont remis en question : merci pour cet éclairage.
Merci pour ce retour Présence.
Sympa, concis et clair ta version courte.
L’époque m’a sauté aux yeux rapidement et cela en fait quand même un comics assez féministe, ce qui reste finalement assez rare dans l’offre actuelle pour être souligné.
Une de mes filles regardait la série télé. Je me sentais vieux car je n’arrivais pas à suivre. Je décrochais au bout de 5 minutes. RIVERDALE, j’arrivais à suivre des épisodes entier, j’ai même co-écrit un article avec ma fille aînée pour alimenter le stock du Boss. D’ailleurs, ces temps-ci, elle regarde BUFFY.
Pour en revenir l’article, ton topo est clair. Je suis presque étonné de la note à seulement trois étoiles par rapport aux qualités que tu pointes.Un sentiment d’inachevé par rapport à la fin précipitée de la série ? Ou un côté « ne peut pas plaire à tout le monde » ?
Salut JP.
Le jour où j’ai du temps je me faits l’intégralité de BUFFY. Le show continue en comics, assez bien édité en France (je n’ai qu’un album, écrit par Brian Vaughan … oui on ne se refais pas).
En fait c’est 3 étoiles et demi comme note, lié au fait en effet que le titre soit inachevé. Mais cela reste une assez bonne lecture à l’arrivée, largement au dessus de la mêlée. En plus les singles VO sont généreux, très beau (notamment les covers) et avec des bonus sympas.
Donc à priori problème de mise en page. D’ailleurs le titre est normalement DEADLY SIXTEEN CANDLES
Merci de remettre ce comics au goût du jour.
Presence me l’avait filé et j’avais bien aimé les dessins de Robert Hack et ses covers. Il y avait quelque chose d’assez mature comme tu le décris. Il faudrait que je le ressorte, je n’ai plus aucun souvenir de cette histoire si ce n’est qu’elle était auto-contenue. Je ne savais pas qu’elle était sortie en VF.
Salut Bruce.
Que le premier arc en VF. Mais d’occasion je dirais que cela vaut le coup. Clairement les dessins de Robert Hack sont un véritable plus.