Focus : la bande dessinée en silence
1ère publication le 28/05/16- Maj le 24/08/18
AUTEUR : CYRILLE M
Je vous propose donc un très court horizon de ce type de planche, que l’on trouve dans tous les genres de bd. A l’exception de la couverture de Donjon, ces planches ont été scannées par votre serviteur, je vous demande donc de m’excuser pour un certain manque de qualité par endroits.
Donjon Potron-Minet
Blutch et Blain ont, en tant que dessinateurs, de nombreux points communs. Notamment le fait d’avoir officié tous deux dans la série Donjon Potron-Minet, scénarisée par Joann Sfar et Lewis Trondheim. Le style dominant de la série emprunte à celui de cape et d’épée, où les personnages tiennent des rangs sociaux très différents et hiérarchisés, se démarquant par leurs habits et leurs armes blanches. Si elle emprunte au genre, elle n’a pas oublié que certains duels ont marqué le cinéma, notamment celui de Scaramouche avec Stewart Granger.
Dans Mon fils le tueur, Blutch conclut son album avec un duel multiple, sur deux planches muettes, uniquement agrémentées par une onomatopée, la même, à la même case. Car ces deux planches ont le même gaufrier de trois fois deux cases. Deux clans s’y affrontent : celui des magiciens, qui utilisent leurs mains et leurs langues pour lancer des sorts, et celui de la guilde des assassins, armées d’épées et de dagues, menée par La chemise de la nuit, une sorte de Zorro, un dignitaire masqué qui souhaite combattre l’injustice.
Afin de réduire les magiciens à l’impuissance, les assassins blessent majoritairement ces derniers à la gorge et aux mains, dans une danse de mort, tournoyante de rage et de peur. Supprimant son décor, Blutch se focalise sur le mouvement de tous ses protagonistes, qui dévoilent leurs réflexes primaires de survie : crocs béants des dragons, surprise face à la mort, concentration et sens en éveil pour ne pas être frappés dans le dos. Les deux dernières cases, les plus iconiques, dépeignent nos deux héros, La chemise de la nuit et son amoureuse Alexandra, dos à dos, éclaboussés d’une quantité non négligeable de sang, craignant d’autres attaques alors que le massacre a été long et touche à sa fin.
Blutch parle souvent de danse, il la met en scène dans son onirique Vitesse moderne, dans l’expérimental Mitchum, dans de nombreuses illustrations. La chorégraphie du combat, du duel à l’épée, se rapproche de la danse : John Woo rêve toujours de faire une comédie musicale, lui qui est reconnu pour ses scènes de gunfight pleines de poésie et de mouvement. Sur ces deux planches, alors que personne ne s’exprime, le dessin et le langage corporel traduit plus de sentiments qu’une longue description. Ce n’est ni épique ni glamour, c’est une bataille sanglante et dangereuse, où l’on peut perdre la vie en une seconde, où la violence est sèche, sans appel. On y perd des membres, on croise le regard de son meurtrier, et personne n’a de conviction sur l’issue du combat. Les planches sont encore plus belles en noir et blanc, mais le format ne rentrait pas dans mon scanner.
Dans Une jeunesse qui s’enfuit qui se passe avant Mon fils le tueur, La chemise de la nuit n’est pas encore un aristocrate aisé, qui a l’appui de la guilde des assassins et l’amour d’Alexandra. C’est un jeune idéaliste qui rencontre des désillusions, qui mûrit, et garde ses idéaux et refuse de céder au désespoir ou à l’aigreur.
Les deux dernières planches de l’album nous apprennent que Hyacinthe de Cavallère est réellement devenu La chemise de la nuit, qu’après ses déceptions et ses actions pas toujours chevaleresques, il a décidé de prendre son destin en main, qu’il n’abandonnera pas ses valeurs, et qui fait face à la plus grande intimidation, celle de la femme aimée.
Sur la première planche, un presque gaufrier de quatre fois quatre cases, on voit Hyacinthe revêtir son costume de La chemise de la nuit, puis qui s’élance sur les toits d’Antipolis, qui bondit tel Daredevil, glissant sur les toits et s’accrochant aux fils à linge. C’est dynamique, rythmé, trépidant, et le nombre de cases n’y est pas étranger. Le personnage, seul sur les toits de la ville endormie, devient un fantôme à peine visible, telle une ombre furtive qui fonce vers une seule âme à hanter.
La seconde planche n’a qu’une seule case. Hyacinthe est arrivé à son but et se présente, chevauchant une gargouille, devant Alexandra, qui attend sur son balcon telle Juliette. Un soin particulier a été réservé à la lumière. Les tours, les ponts suspendus du fond sont des ombres, tandis que tout le premier plan est plongé dans le noir, la seule source de lumière vient du dos d’Alexandra, une lumière verte tamisée qui éclaire Hyacinthe. Il n’y a rien à dire, il n’y a personne d’autre qui compte que ces deux amoureux en devenir qui n’ont plus besoin de parler pour se comprendre ou se jauger. Sans duel mais avec un combat intérieur qui ne s’exprime pas, Blain termine magnifiquement l’émancipation de La chemise de la nuit.
Western
Blain dessine et scénarise une autre série, dont le quatrième tome devrait paraître cette année 2016. Il s’agit de Gus, pistolero de génie, bandit de grand chemin et coureur de jupons invétéré. Avec son nez interminable et son allure de fil de fer, Gus n’a rien d’un héros flamboyant. Mais comme dans la plupart des westerns de cinéma, il y a des duels au pistolet, des embuscades, des fusillades. Dans le tome 3, Gus est poursuivi par des tueurs à gage.
Se cachant dans une grange par une nuit de pluie, il les surprend au canon scié, ne sortant de sa cachette qu’après les avoir refroidis, puis s’échappe au petit matin par le train de marchandises. Encore une fois, c’est un gaufrier de quatre fois deux cases où seules deux onomatopées apparaissent qui servent à décrire la fuite de Gus. Les trois premières cases installent la tension, les tueurs se rapprochant doucement de leur cible, et la quatrième case inverse toute la lumière pour nous aveugler d’une violence libératrice. Les deux suivantes déploient une symétrie entre la fumée qui sort du fusil de Gus et celle qui sort de la locomotive du train, l’une blanche et double, l’autre noire et touffue. Enfin, toute la tension disparaît pour être remplacée par une situation comique, celle de Gus courant pour attraper son wagon, puis allongé, récupérant de l’effort fourni, laissant revenir toute la maladresse et le manque de confiance du personnage, ce qu’il n’était pas deux cases avant.
Gus regorge de planches de ce genre, où, souvent, les personnages pensent en illustrations plutôt qu’en texte. Le pouvoir comique en est irrésistible.
Dans un style plus réaliste, Giraud est le maître-étalon du western avec le classique qu’est Blueberry. Dans l’album Angel Face de 1975, l’avant-dernière planche sans texte ni onomatopée nous décrit une autre scène classique de western, le combat aux poings sur une locomotive.
En neuf cases, un Blueberry moustachu règle son compte au dangereux mais très beau Angel Face, dans un combat de boxe parfaitement chorégraphié qui remplit toute la locomotive. La seule case sans décor est celle où les deux adversaires se jaugent, avant que les poings ne parlent pour eux. Aucun son n’est nécessaire et la lecture de cette planche donne l’impression d’entendre tous les bruits, nous rappelant les films de Leone ou de Hawks. Dans les deux dernières cases, afin d’appuyer son effet horrifique final (Angel Face finit la tête dans la chaudière allumée), Giraud casse son découpage pour faire traverser son personnage entre les deux cases, sortant des limites imposées par le cadre pour finir sur la suivante. Comme chez Blutch, la chorégraphie est logique, les mouvements impriment une séquence facile à suivre et dynamique, aucun texte ni effet n’est nécessaire.
Sous le nom de Moebius, Giraud aura expérimenté de façon bien plus originale le format des planches et de la bd en général. Mais dans L’Incal lumière, second tome de la série L’Incal, il utilise une presque planche muette pour initier une scène de suspense – qui deviendra comique – dont l’issue semble inéluctable. Les trois premières cases, qui regroupent l’action qui nous intéresse (alors que les deux dernières sont une scène sans rapport direct mais dans d’autres lieux avec d’autres personnages), sont horizontales et prennent toute la largeur de la planche. Chacune présente un des sept personnages principaux dans une fâcheuse posture : le Méta-Baron est entouré de gardes armés de fusils lasers, son fils Solune va être embroché par d’autres gardes armés de lances, et John Difool gît inanimé sur une table d’opération alors qu’un chirurgien va lui ouvrir le ventre avec un scalpel.
Encore une fois, le décor disparaît, seule l’action et ses personnages comptent. Pour dynamiser l’ensemble Moebius place ses personnages à des endroits différents mais séquentiellement logiques : le Méta-Baron à droite de la case, Solune, sur la suivante, presque au milieu, et enfin John Difool, dans la troisième, à gauche. Les assaillants sont tous en mouvement, à l’exception des gardes aux fusils. Pour eux, l’immédiateté de l’action est représentée par l’allumage de leurs armes, qui est rehaussée d’une onomatopée. Tout ceci fige l’instant, suspendu, car il est bien question de suspens. On retient notre souffle pour ces personnages que l’on n’a aucune envie de voir périr.
Comics
Frank Quitely est un dessinateur que j’aime beaucoup. Dans le premier épisode de The Authority qu’il dessine alors que Mark Millar est au scénario, il débute très fort avec une scène de guerre d’un pays d’Asie. L’arrivée des membres de Authority est grandiose. Sur les septs super-héros, quatre y sont présentés très discrètement, les dégâts causés par leur arrivée étant prédominante. La planche se divise en quatre cases qui prennent toute la largeur, de hauteur égale. La première dépeint un avion de chasse en plein vol, au ras du sol (on voit son ombre), suivi par un de ses congénères en train d’exploser. Il est réduit en miette par les jets d’énergie pure que Apollo, le héros solaire, lance avec ses yeux. Ce dernier vole au-dessus, très loin au fond de la case.
Dans la seconde case, un mur de briques explose et blesse des soldats. Le premier plan nous balance les briques à la figure, qui volent en tout sens. Encore une fois, le mouvement est perceptible, la rapidité nous saute aux yeux. De Swift, nous ne voyons que son ombre qui rappelle celui de l’avion au-dessus, au premier plan, très discret. Le lecteur comprend alors que c’est elle, la fille ailée, qui a traversé le mur, pour ce résultat dévastateur.
La troisième case nous montre le Docteur, lévitant dans les airs au milieu de la case, assez loin, et transformant des soldats en pierre. Enfin, la dernière case affiche un gros plan des rangers noires de Midnighter, entouré de soldats à terre, baignant dans leur sang.
A chaque case, le mouvement est évident, mais en plus, Quitely effectue une sorte de zoom qui les lie entre elles, comme si ce n’était qu’un seul personnage qui se rapprochait du quatrième mur, vers le lecteur. Sans aucun bruit ou texte, les personnages sont immédiatement catégorisés et introduits : violents et sans pitié, sûrs d’eux, rapides et dangereux, imbattables. Graphiquement et séquentiellement, c’est proche de la perfection.
Je ne pouvais pas ne pas parler de Frank Miller. Ce n’est qu’un exemple puisque que le bonhomme est un jalon de ce genre de narration (Sin City), mais toute la fin de Elektra lives again aligne des planches de ce type, dans un décor grandiose et fouillé de cathédrale gothique, magnifiquement mis en couleur par Lynn Varley.
Une de ces planches diffère un peu des autres par un effet rarement utilisé : Matt Murdock saute de toit en toit, mais son mouvement est décomposé dans une seule et même case. Il effectue une réception sur ses deux pieds joints avant de se ramasser sur lui-même, pousser sur ses jambes, sauter et faire un salto avant pour finir sur le haut d’une tour, dans la case suivante. Pour cela, Miller utilise son fameux format en drapeau, la case de gauche prenant toute la hauteur de la planche. C’est là que Matt nous donne un cours de sport.
Mon dernier exemple a été réalisé par un dessinateur que je n’apprécie pas beaucoup. Avec Kris au scénario, il a pourtant commis une bd magnifique, Un homme est mort, qui relate les événements tragiques qui se sont passés à Brest en 1950, lors de la reconstruction post seconde guerre mondiale. Manifestant contre leurs conditions de travail, les manutentionnaires de Brest furent reçus avec des balles réelles de la police. Un homme succomba.
Comme avec L’Incal et Authority, la planche présente quatre cases horizontales prenant la largeur de la planche. La première nous plonge par terre, dans la boue, alors qu’il pleut, que les manifestants se sont couchés pour éviter les balles. Dans la seconde, ils se relèvent un à un, certains sont blessés, ils ont peur et sont choqués. Le fond devient bleu, nous quittons la terre. De même, nous sommes debout dans la troisième case, la pluie nous tombe dessus, mais les hommes regardent à terre. Dans la dernière case, gît un homme mort, allongé sur le sol terreux, un trou au milieu du front, la tête entourée de sang. Il est représenté la tête en bas, conclut le mouvement précédemment initié depuis la première case : droite, haut, gauche.
Plusieurs versions de cette planche ont dû être réalisées avant que les auteurs n’en soient satisfaits. C’est le moment fort de la bd, il était nécessaire qu’elle fût réussie. Je pense que c’est le cas. Et aucun son n’y apparaît.
Ce ne sont que quelques exemples, et je ne suis pas certain d’y avoir vu tout le travail nécessaire pour qu’elles deviennent aussi équilibrée et éloquentes. Je vous invite donc à citer d’autres planches muettes qui vous ont marqué dans les commentaires, voire des auteurs qui abusent de ce type de planche !
Ah ah, bravo, bien joué Cyrille ! Un choix éclectique et des analyses pertinentes !
Concernant la planche de The Authority, l’effet de zoom entre les 4 cases ne m’avait pas frappé mais maintenant que tu l’as dit, c’est évident…
Puisque tu nous invites à jouer aussi, je pense à une séquence muette de Scalped, pendant l’arc Dead Mothers, quand Dash vient annoncer aux gosses que leur mère est morte. Le malaise de Dash et la tristesse des enfants sont rendus avec une grande intensité.
Je pense aussi au début de Parker : The Hunter par le regretté Darwyn Cooke, où, à sa sortie de prison, Parker se refait une santé financière en arnaquant les banques et en accumulant les faux chèques…
Et il y aurait certainement aussi de quoi piocher dans les « silent issues » de Marvel aux débuts des années 2000 pour leur mois spécial « ‘Nuff said ».
Merci JP ! Je me doutais que ça te plairait. Pas encore lu Scalped il dort sur mes étagères. Enfin jusqu’au tome 4.
Choix éclectique mais tu auras re marque mes efforts de transition. A part pour la dernière que je ne savais pas comment placer.
Un choix de sujet très intéressant au demeurant:
J’ai quelques exemples qui me viennent à l’esprit:
-l’affrontement Wolverine/Shingen par Miller et celui avec le samouraï d’argent par Paul Smith
-la célèbre scène d’infiltration du Nick Fury de Steranko
-le duel Ororo/Callisto pour déterminer qui sera la chef des Morlocks
-une superbe planche de Tocchini qui résume le crédo de l’héroïne de la série Low de Remender
-dans la mini série Silent War sur les Inhumains, le cri « munchien » de Black Bolt sur la lune, suite à une découverte choquante à propos de sa femme
-le célèbre épisode du G.I. Joe de Hama dans sa globalité
De manière générale, Miller use de manière remarquable les silences pour laisser des respirations, qu’il s’agisse de scènes comiques (Foggy qui attend son partenaire au tribunal) ou dramatiques (Elektra qui agonise sur le perron dans les bras de Matt et sous l’oeil de Bullseye).
Steve Dillon se débrouille bien dans ce domaine, je pense en particulier à l’initiative de Marvel des numéros sans paroles pendant un mois (Nuff Said) et sans surprise c’est Quitely qui s’en est le mieux tiré sur les X-Men.
Merci PierreN! Je ne connais pas tout ça !
J’ai dit des bêtises : je connais l’affrontement de Wolverine par Miller, j’adore cette bd. Ce combat muet de dix planches est terrible.
Je viens de me mettre à Low mais je n’ai que le premier tome, du coup je ne vois pas de quelle scène tu parles. Faut que je me choppe vite le second tome.
Le FB du matin (très tôt parce que vive le WE !)
« Nous aussi, on sait faire » 5/6
Les points communs entre Miller et Moebius, Trondheim et Quitely ? La gestion du silence en Bande Dessinée ! Le calme et tranquille Cyrille M vous emmène loin des mots inutiles et des bulles de pensées en décortiquant pour vous ses silences préférés des Comics et de BD. Tout ça chez Bru Silencio !
La BO du jour: Des planches sans dialogues, une chanson sans musique….de l’émotion à l’état brut et un film magnifique qui se termine sur…..SILENCIO….https://www.youtube.com/watch?v=xrC3Bf-CvHU
Ah ! Merci Cyrille ! La rubrique Focus est sous utilisée par tes collègues paresseux ! Ca fait plaisir de la voir utilisée à bon escient !
Avec l’utilisation du silence, tu ouvres une fabuleuse boite pandore tant le sujet est infini en BD. Merci en tout cas pour ce panorama aussi éclectique (de Miller à Trondheim !) que surprenant !
La légende « à la fraîche » me fait sourire à chaque fois, c’est drôle, je la trouve parfaitement appropriée à cet étrange dessin. D’ailleurs, graphiquement, je suis persuadé que l’univers de Donjon n’est pas pour moi…. Pareil pour Moebius même si pour le coup, ses dessins sont magnifiques.
Mes silences préférés en BD:
-Watchmen: l’épisode après la bombe….l’assourdissant vacarme de la mort….
-Preacher: la séquence finale avec Cassidy. D’ailleurs presque tous les épisodes de cette série se termine sur un silence.
-Born Again: et la scène bouleversante des retrouvailles entre Matt et Karen. Rien que cette vignette mériterait un article. La joie et le remords de Karen Page entremêlés face à un Matt à la fois présent et absent, réduit encore à néant…
-DD: L’agonie d’Elektra qui vient mourir aux pieds de Matt et ce salaud de Bullseye qui jouit dans la foule
-Xmen: God loves….: le silence digne des mutants prêts à mourir pacifiquement en martyrs face à Stryker jusqu’à qu’un coup de feu, pas le sien, détonne
-Xmen: l’épilogue du Chant du Bourreau: Xavier au crépuscule perd l’usage de ses jambes et la jeune Jubilee vole à son aide après un instant de doute.
Franquin gère aussi certains silences comme un Dieu dans Gaston.
Merci Bruce d’avoir osé un sujet si vaste et si varié! Je répondrai plus longuement plus tard mais je me rends compte en te lisant que j’ai oublié l’épisode d’Akira de Otomo complètement mutique où Neo-Tokyo explode à nouveau…
Je suis d’accord. Le sujet est très vaste, puisqu’on parle de narration séquentielle pure, uniquement en dessin. Le dessin de couverture que tu trouves étrange, je le trouve magnifique, c’est Blutch avec ses crayons gras, impressionnant de maîtrise, et qui fait un véritable tableau. Blutch est un de mes dessinateurs favoris, je le trouve vraiment au-dessus (et je ne suis pas le seul).
Une vraie boîte de Pandore, comme tu dis. J’ai pensé à Franquin, mais il est trop évident et je ne voulais pas en reparler ici, il a déjà trois articles sur ce blog 🙂
Comme Pierre, tu cites la mort d’Elektra. C’est vrai que c’est très touchant et fort. Pour Watchmen et Born Again, je suis d’accord aussi. Le reste je ne connais pas.
Merci Cyrille d’avoir relevé le défi à la place de tes collègues paresseux ! 😀
Car il faut avouer que cet exercice du « focus » est souvent très intéressant, ton article ne faisant pas exception.
La série Donjeon ne m’attire décidément toujours pas dans son graphisme et son concept. Pourtant j’adore le sujet et je suis obligé de reconnaitre que le découpage des planches est fantastique !
Les planches sans texte sont mes favorites. Je ne vais pas commencer à me lancer dans une liste parce que je n’arriverais pas à m’arrêter.
Je citerais pour commencer deux albums entièrement muets :
– « Chaperon Rouge » de Danijel Zezelj
– « L’âge des Reptiles » de Ricardo Delgado
deux albums qui m’ont été offerts par Présence !
Et maintenant je vais vous étonner :
Dans un album du Punisher peu connu intitulé « La Guerre des Taxis », un épisode one-shot est entièrement écrit ET dessiné par Steve Dillon. Et cet épisode est entièrement muet. Moi qui déteste le style de ce dessinateur, je dois avouer que je trouve l’épisode assez impressionnant, avec un découpage vraiment bien écrit. Et si Dillon était vraiment bon tout seul, entant qu’auteur ? 😀
Pour terminer, la série Thorgal regorge aussi de planches muettes. Et ce sont souvent les plus réussies !
Merci Tornado ! Dans Thorgal, cela me marque moins, aucune planche ne me vient à l’esprit quand tu en parles. Celles que j’ai mises sont vraiment des planches que je chéris, je les trouve toutes fantastiques. Je crois que comme toi, c’est peut-être ce que je préfère en bd.
Je ne connais pas les albums que tu cites, mais, même si j’ai pensé au Là où vont nos pères dont parle Présence, je trouve que l’exercice de l’album sans texte est totalement différent de l’exercice que je cite ici. Ces planches font partie de bds classiques avec du texte. Leur apparition est une respiration, un moment suspendu, il est forcément plus fort, il a plus d’impact. Un album complet tord le silence pour en faire un langage à part, il ne peut s’élever aussi haut. Cela, pour moi, doit rester court. J’ai récemment vu Jack Reacher, qui ressemble pas mal aux thrillers des années 70 et qui est très réussi. Les dix premières minutes sont intégralement muettes alors qu’il se passe énormément de choses, c’est remarquable et très pertinent.
Mais j’adore des albums sans texte, je citerai en plus le Smart Monkey de Winshluss.
Au vu de la réponse de Présence sur FB, celle de Bruce ici et même celle de JP, je pense que je ne vous convaincrais jamais de lire du franco-belge (FB aussi)… Alors, Tornado, ta remarque sur le découpage des planches de Donjon me fait énormément plaisir !
Si j’ai réussi à vous intriguer et que si, la prochaine fois que vous allez dans une librairie, vous jetez un oeil à des albums de Blutch, Blain ou Donjon, ce sera déjà une petite victoire ! Après tout, même JP a aimé Sunny malgré le dessin. Comme le dit Présence, il peut faire sens dans une histoire, donner un ton qui fait partie intégrante de l’oeuvre, comme peut le faire Rochette sur Terminus. C’est inhérent à tout art.
@Cyrille : « je ne vous convaincrai jamais de lire du franco-belge »
Mais j’en lis du franco-belge ! D’ailleurs, mis à part certaines spécificités de publications et de format, au niveau du contenu, il y a longtemps que les frontières se sont estompées.
C’est juste que pour certains récits, certains thèmes, je m’attends à une certaine esthétique.
Le style caricatural de Larcenet sur Bill Baroud, pas de pb. Les dessins de Donjon pour de l’heroic fantasy : ça manque d’ampleur, de pouvoir évocateur, de souffle épique… J’ai feuilleté en médiathèque et reposé rapidement…
Je ne recherche pas absolument les « jolis » dessins (comme pour les 5 conteurs de Bagdad, chroniqué l’année dernière sur le blog) mais une certaine adéquation entre le fond et la forme…
Argh, ça y est, Tornado a totalement réussi son contrôle mental sur ma pomme !!!
Ah ah ! 🙂
Oui, ce n’est pas épique, Donjon, pourtant, c’est solide, surtout sur certains tomes… Pense à du Parrain sauce cape et épées, du Game of Thrones sans volonté de plaire graphiquement ou de poser : plutôt de l’aventure ou des sujets tragiques.
Je les remets ici : Les profondeurs par Killoffer et Des soldats d’honneur par Bézian pourraient te parler. Ou la série Parade qui pourrait être une bonne entrée en matière : c’est volontairement humoristique et dessiné par Larcenet.
Ouaip, je me disais justement que j’étais parfaitement d’accord avec toi ! 😀
Excellente idée que ce focus sur une particularité de la bande dessinée qui peut raconter une histoire sans mot, sur la base de dessins accolés.
Mon premier contact avec les BD sans mots furent sûrement des pages de gag dans Pif Gadget, ou les planches humoristiques de Mordillo. Il y a une tradition du gag visuel en une ou plusieurs cases dont la force de l’éloquence me sidère. Dans le même style, mais découvert bien plus tard, je suis également sous le charme des gags et des trips muets de Sergio Aragonès pour le magazine MAD (Urban en avait publié un recueil).
En termes de comics, les exemples de séquences silencieuses sont innombrables, de John Byrne écrivant un épisode de Batman dessiné par Jim Aparo (dans l’histoire The many deaths of the Batman), avec 2 mots uniquement dans la dernière page, à un épisode d’une série écologique des années 1980 Puma Blues, de STephen Murphy et Michael Zulli (de longue séquence d’observation animalière sans parole ni texte).
Je reprendrais volontiers les 2 exemples de Tornado (Chaperon Rouge et L’âge des reptiles) que j’ai lus avant de lui donner, et l’incroyable Là où vont nos pères de Shaun Tan (critique de Mat Maticien, présente sur le site).
A force de lire et commenter les comics de Warren Ellis, j’ai fini par me rendre compte qu’il se fait un honneur de toujours inclure une ou deux séquences sans texte pour que l’artiste puisse briller, débarrassé de la présence du scénariste au travers des mots.
Il faudrait encore rajouter des pages et des pages de mangas, à commencer par Vagabond de Takehiko Inoué, mais sans oublier Jiro Taniguchi avec L’homme qui marche (article également présent sur le site). Stan Sakai emploie également cette méthode avec une grande expressivité, malgré l’apparence simpliste de ses dessins, dans sa série Usagi Yojimbo.
Dans les mangas, il faut bien sûr ajouter Gon de Tanaka, qui dispose d’un article sur Bruce Lit.
Il y a également un autre album entièrement muet qu a eu droit à un article sur Bruce Lit : Metronome, de Bryan Talbot.
D’autres albums muets que j’avais oublié : La mouche, dessiné et scénarisé par Trondheim, qui raconte la vie d’un mouche, et est devenu un dessin animé. Il a également commis La nouvelle pornographie dans la collection Pattes de mouches de l’Association (des très petits formats, avec peu de pages, et qui ne sont pas si chers – ou trop selon leur petite taille), mais là c’est plus proche d el’Oulipo.
Et 3″ de Marc-Antoine Mathieu, encore un concept, puisque c’est un zoom d’une particule pendant trois secondes.
Merci beaucoup Présence ! Je savais que tu allais me fournir une somme non négligeable de noms et d’albums !
Tu as raison pour les premiers pas avec ce genre d’exercice. J’ai dû moi aussi en lire dans Pif, et je pense que de nombreux auteurs de strips du début du siècle dernier devaient être des maîtres dans cet art. Mais je ne connais pas bien ces précurseurs, tout comme Aragones. Il va falloir que je me penche sur ces auteurs un jour.
Je n’ai jamais lu Gon, autre manque que je devrai combler !
Aragones est dans les cartons….Les coffres du blog rengorgent comme ceux de Prince d’articles en attente….
Ah tiens, c’est sympa un petit focus. ça faisait longtemps il me semble. Je me souviens à présent qu’elle a parfois donné lieu à des articles consacrés à des personnages.
Les scènes muettes sont en effet intéressantes. Pourtant, même si j’aime ce genre de scènes, j’ai du mal à m’en souvenir. Bon je pourrais citer ce qui a déjà été cité, mais aucun intérêt.
L’épisode de JMS sur Spider-man était pas mal tout de même. Juste après l’épisode très bavard appelé « conversation » dans lequel tante May apprenait le secret de l’identité de son neveu (qu’elle a re-oublié depuis) s’en suivait un épisode où elle faisait son possible pour faire cesser les vilaines rumeurs sur Spider-man. La vieille tante servait à quelque chose et l’épisode était assez touchant avec en parallèle la vie de Peter et de MJ alors séparés.
Sinon je n’ai en tête que des scènes silencieuse de SODA, une BD franco belge de Tome et Warnant (puis Gazzotti) que je trouve géniale et qui a une très grande importance sentimentale pour moi (du moins les 9 premiers tomes) puisque c’est vraiment en lisant ces BD que je me suis mis moi-même à dessiner plus jeune. Je dessinais certes avant, mais le désir de faire de la BD et de raconter des histoires est venu avec SODA. J’étais à fond dedans. Et il y a assez fréquemment des scènes muettes (une ou 2 par tome) ayant plus ou moins d’impact mais qui laissent soit la part belle à l’action (avec des persos concentrés et qui ne réfléchissent pas à 3000 trucs dans leurs pensées) ou au suspense.
Quelques exemples (même si ce ne sont pas forcement les meilleures, mais sur google on prend ce qu’on trouve) :
http://www.images-booknode.com/book_cover/707/full/soda,-tome-5—fureur-chez-les-saints-706892.jpg
http://www.bedetheque.com/media/Planches/PlancheA_224533.jpg
http://www.images-booknode.com/book_cover/708/full/soda,-tome-10—dieu-seul-le-sait-707732.jpg
Merci Matt ! C’est étonnant, mais j’avais aussi pensé à Soda. C’est une série que j’adore, mais je ne connais bien que les deux premiers tomes, dessinés par Warrant. Il arrêta complètement le dessin au milieu du second tome, tout le reste a été dessiné par Gazzotti. Avec Vehlmann il ont créé Seuls, une très bonne série pour ados.
Soda a été un choc pour moi, je lisais Spirou chaque semaine, et le premier album avait été édité en quatre semaines (onze planches par semaine), je dois encore les avoir. Le ton était vraiment noir et sans concession, et je me souviendrai toute ma vie de cette planche qui commence avec une case où le contenu est en travers, penchant vers la gauche. La suite devient plus classique et drôle, comme des épisodes de série télé américaines, mais j’ai dû lire jusqu’au tome 12. Et récemment, puisqu’un collègue me les avait prêtés il y a quelques années. Soda, ce sera toujours ce premier tome, parfait, pour moi. J’ai retrouvé un poster au format A4 chez ma mère, mon fils l’a immédiatement récupéré pour l’afficher dans sa chambre.
Tes scans sont bien, merci pour ça !
Drôle, drôle…c’est vite dit quand même. Le tome 2 est extrêmement noir. Cette maudite machine à écrire…
Après le tome 2, même s’il y a un côté plus « grand public », c’est quand même une BD peuplée de morts. Le tome 7 « lève toi et meurs » est également assez sombre. Le 9 sur le passé de ses parents est plus sérieux aussi.
Enfin perso j’aime beaucoup cette série. Je ne suis sans doute pas impartial. Mais disons que même dans les tomes plus amusants, j’y ai trouvé mon compte. Pour moi à partir du 10 c’est moins bon.
J’ai découvert aussi par le premier tome publié dans de vieux Spirou de mon cousin.
D’ailleurs, c’est marrant mais Soda a une identité secrète pour sa vieille mère au cœur fragile qui ne doit pas savoir qu’il est flic alors qu’elle vit sous son toit. ça fait un peu penser à Spider-man et sa vieille tante.
Oui c’est vrai, mon adjectif est un peu trop réducteur. Disons que par rapport au premier tome, les suivants sont tout de même plus amusants ou dans le spectaculaire, où l’on sait que les choses vont se terminer relativement bien. Dans le premier, rien ne nous est épargné, et le dessin de Warrant y est pour beaucoup, tandis que celui de Gazzotti garde une rondeur rassurante. Mais comme je te l’ai dit, je ne me souviens pas trop des tomes après le second.
Tu as raison pour l’identité secrète ! J’avais oublié cette particularité.
Je dois avouer avoir une préférence pour le style de Gazzotti même si tu as raison sur le fait que le style plus cru de Warnant participe à l’atmosphère moins rassurante. D’ailleurs pour moi ça culmine dans le tome 2 où c’est vraiment la descente aux enfers.
Mais la rigueur du trait de Gazzotti, tous les détails qu’il met dans ses décors donne de la vie. Alors oui du coup plus il y a de vie, et moins ça fait sombre, c’est vrai^^. Mais j’aime bien les 2 styles.
Mais si jamais tu as l’occasion (et l’envie) de les relire, le tome 7 est pas mal sombre. Et ne se termine pas si bien que ça. Le personnage du « méchant » aussi est plus travaillé puisque c’est un flic ripoux manipulateur en quête de vengeance. Un de mes tomes préféré.
Bon j’arrête^^ Mais bon quand on me lance sur Soda…
Je viens de vérifier : j’ai les trois premiers tomes de Soda.
Comme je suis faible devant Blutch, j’ai acheté (pour mon nowell) son dernier ouvrage trop grand et trop cher. Il s’agit de trente planches refaites de classiques de la bd franco-belge, dont beaucoup que je n’ai jamais lues. Et il y a cette planche refaite de Giraud dont je parle dans cet article où Blueberry et angel sont devenues des femmes : https://i62.servimg.com/u/f62/12/41/94/28/blutch10.jpg
http://bdzoom.com/120257/actualites/%C2%AB-variations-%C2%BB-blutch-rejoue-ses-trente-coups-de-coeur/
La série « Age lf Reptiles » de Delgado !!! Une tuerie de silence !
@Clovis
On a Alpha en réserve ici.
Hola !
Back from holidays… tristesse. Je suis bien content que tu aies rediffusé cet article, c’est sans doute un de mes meilleurs. Mais il ne manque pas une planche de Blutch ?
Je vois que Age of reptiles a bonne presse. Je ne connais pas du tout il faudra que je tente !