Encyclopegeek : Une introduction à la Hammer
Première publication le 13/06/15- Mise à jour le 08/12/18
AUTEUR : 6 PATRICK FAIVRE
Cet article est bien sûr dédié à la mémoire de Christopher Lee disparu l’avant veille de la parution initiale de cet hommage !
Pendant longtemps les films Hammer n’ont évoqués pour moi que des souvenirs d’enfance des quelques diffusions de Dracula, Frankenstein et surtout du Chien des Baskerville dans la fameuse émission d’Eddy Mitchell « La Dernière séance » … Et puis plus rien pendant des années, jusqu’à ce qu’un certain Tim Burton ne remette à l’honneur les films de la Hammer notamment avec son Sleepy Hollow véritable relecture contemporaine des films de la compagnie Britannique…
Il n’en fallait pas plus pour rallumer en moi la vieille flamme et d’alimenter un intérêt qui n’a jamais disparu depuis…
La genèse
La production des films Hammer commençant en 1935, se terminant en 1979 et comptant plus de 200 films, je me garderai donc bien de me lancer dans un historique intégral et dans un détail exhaustif de leurs films, pour plutôt me concentrer sur mes films préférés et évoquer des souvenirs de cinéphage…( petit joueur Ndr…).
Tout d’abord pour tordre le coup à une idée reçue, non la Hammer n’était pas spécialisée uniquement dans les films d’horreur un peu kitsch. Leur palette de film va de la comédie, à la science fiction en passant par les films d’aventures… Et même si bien sûr la compagnie est passée à la postérité pour sa production horrifique, ce qui fait un film Hammer, c’est avant tout une atmosphère, une ambiance « so british » et surtout un franc système D !
Disons le, les films de cette compagnie sont le plus souvent des productions fauchées. Les même décors sont utilisés d’un film sur l’autre (et souvent avec les même acteurs) ce qui n’est pas le moindre des paradoxes surtout à l’époque où les films étaient présentés par « paire » au cinéma (Deux films à la suite dans la même soirée, simplement interrompus par un entracte) les spectateurs avaient parfois l’impression de voir deux fois le même film ! Dans un film un enterrement a lieu derrière une église et dans le suivant le même cimetière sert de refuge pour zombies ! Une maison Victorienne brule à la fin d’un film, elle est à nouveau intacte au suivant !
Plus qu’une firme indépendante, la Hammer était avant tout une petite entreprise familiale dans laquelle équipes techniques et acteurs se retrouvaient d’un film à l’autre. Logiquement non seulement les méthodes de productions étaient identiques mais l’atmosphère des films également. Ce qui peut être un avantage (si on aime un film Hammer on les aimera tous) mais ce qui peut également être un défaut (tout finit par se ressembler).
L’âge d’or
Au début des années 1950 les dirigeants de la Hammer eurent l’idée de s’associer avec des compagnies Américaines, en particulier la compagnie Robert Lippert Productions. Ce partenariat leur permettra de mettre du beurre dans les épinards, d’engager des stars Américaines, d’embaucher des réalisateurs reconnus (Terence Fisher en tête) et de toucher par là même les spectateurs potentiels du marché US.
En 1951 elle fait l’acquisition d’une grande maison prés de la Tamise « Down place » qui sera rapidement transformé en studio qui sera nommé « Bray studios ». Rentabilité oblige, la plus part des films y furent tournés jusqu’en 1966 ce qui contribuera notamment au cachet si caractéristique des films de la Hammer !
Le premier film marquant date de 1955, The Quatermass Xperiment (en VF Le monstre), adapté d’une série de la BBC. Un film de science fiction novateur pour l’époque. Revoir le film de nos jours évoquera plutôt un épisode de la Quatrième dimension mais se laisse regarder avec plaisir. Le film engendrera deux séquelles.
Frankenstein
1957 est une année décisive pour la Hammer puisqu’elle décide d’adapter le roman de Mary Shelley, Frankenstein ! (Le fait que le personnage soit tombé dans le domaine public – et donc libre de droit – n’y est sans doute pas pour rien) Pour se démarquer de la version d’Universal de 1931 avec Boris Karloff, la relecture sera en couleur. Une autre différence de taille aura lieu : Le personnage central ne sera plus la créature mais le docteur Frankenstein lui-même !
Si la version précédente nous mettait en empathie avec la créature, ici il n’en est rien, le monstre est une créature sanguinaire et violente. Quand au Docteur Frankenstein il n’est guère mieux logé ! Scientifique froid et cynique il est prêt aux pires extrémités pour arriver ses fins… Plus que le film en lui-même c’est l’aspect violent et amoral du film qui marqua les esprits de l’époque !
Cette première mouture réalisée par Terence Fisher réunira les deux acteurs phares du studio : Peter Cushing et Christopher Lee. (Même si ce dernier atrocement grimé est méconnaissable).
L’originalité du concept assurera un succès fracassant à travers le monde ! Fiers de sa réussite la Hammer continuera de revisiter les « hits » d’Universal : Dracula, la Momie, le Loup-garou, Jekyll & Hyde, etc. Le tout engendrant de nombreuses suites…
Car l’autre spécificité du studio est générer des séquelles à la chaine ! Frankenstein est un succès ? Ils en tourneront 7 ! Dracula cartonne ? 9 suites seront réalisées ! (une performance !). On ne change pas une équipe qui gagne !
Dracula
En 1958 la Hammer s’attaquera à une des figures de proue du film d’horreur : Dracula ! Le choix de l’acteur sera tout simplement un coup de génie : Christopher Lee incarne à merveille le Prince des ténèbres ! Il réussi a détrôner Bela Lugosi dans l’inconscient collectif (dans sa version de 1931 par Tod Browning).
Pourtant le moins que l’on puisse dire est que le réalisateur Terence Fisher prend des libertés par rapport au livre de Bram Stoker ! Sans doute pour des raisons économiques Dracula n’a plus le pouvoir de métamorphoses (en brume, en chauve-souris…) et le film sera centré sur la lutte qui oppose Van Helsing et Dracula. (Difficile quand on dispose d’acteurs aussi excellents que Peter Cushing et Christopher Lee de ne pas baser le film autour d’eux !).
L’approche du personnage est plus « réaliste » que celle d’Universal : Ici pas de chauve-souris batifolant entre des toiles d’araignées, pas de brume fantomatique entourant le château… L’horreur doit être physique et concrète. La sexualité toujours sous jacente dans les films de vampire devient ici plus explicite… Les morsures sont filmées comme autant d’appels à l’orgasme ! Autre nuance de taille le Vlad l’empaleur version Hammer sera quasi muet ! Au grand dam de l’acteur du reste qui regretta que dans chacun des films vampiriques la psychologie et les motivations du personnage soient sous-utilisées…
Le Chien des Baskerville
S’il n’en reste qu’un ce sera celui là ! En 1959 la firme sort ce qui restera pour moi, sinon son chef d’œuvre, au moins mon film préféré ! Nouvelle collaboration pour le duo d’amis Cushing/Lee avec toujours Terence Fisher à la réalisation pour une relecture de Sherlock Holmes.
Si l’ambiance Gothique est maîtresse, il ne s’agit bien plus qu’un polar qu’un film d’horreur habituel de la firme. Les scènes horrifiques des films précédentes sont en effet ici absentes mais largement compensées par un rythme haletant et un scénario parfaitement géré. Peter Cushing colle si bien au personnage que les acteurs qui incarneront Sherlock Holmes par la suite seront toujours dans l’ombre de celui-ci. Christopher Lee (pour une fois du coté des victimes) est excellent comme toujours. Et si la scène finale souffre d’un chien parfaitement kitsch on aura été cependant emporté par cette histoire prenante et ce suspens à couper au couteau !
Contre toute attente, ce film n’engendra pas une nouvelle franchise de plusieurs films (comme il était prévu initialement) craignant sans doute la réaction des fans face à l’absence de « Monstres Hammeriens » la compagnie abandonna le projet…
Sex and blood
La fin des années 60 furent un autre tournant pour la Hammer puisque dans un souci de coller avec son époque et dans un souci de mêler Eros et Thanatos la décision fut prise de mettre l’accent sur la tension sexuelle et sur la nudité… (Nuançons cependant le propos nous sommes quand même dans les années 60, l’érotisme « choquant » de l’époque, parait tout à fait « light » de nos jours !).
Ainsi lors du tournage de Frankenstein Must Be Destroyed (1969) Peter Cushing devait agresser et violer l’actrice Veronica Carlson… Peter Cushing (« L’homme le plus gentil de la terre » selon son ami Christopher Lee) s’excusa auprès de la comédienne pour cette scène de violence qu’il considérait comme inutile ! Il regrettera toujours l’avoir tourné.
Cette tendance se poursuivra dans la décennie suivante, avec une série de films mettant en scène des vampires mêlant érotisme, nudité, voir même bisexualité ! Avec des titres aussi évocateurs que Vampires Lovers, Countess Dracula ou Lust for a Vampire…Tout un programme ! Le succès est au rendez-vous notamment aux Etats Unis. Le studio collabora en particulier avec Columbia, 20th Century fox ou Universal.
Le début de la fin
Dans les années 70 James Carreras, le fondateur de la Hammer, prit sa retraite et laissa le studio entre les mains de son fils Michael. Hélas ce dernier ne partageait pas les même choix artistiques que son père… Cette transition marquera le début du déclin de la Hammer.
A sa décharge il faut dire que les temps ont changés et les goûts du public aussi ! Les nouvelles sensations du public ne s’appellent plus ni Dracula ni Frankenstein, mais bien plutôt Rosemary’s baby (1968), La Nuit des morts vivants (1969) ou Massacre à la tronçonneuse (1974) ! Peu à peu la compagnie, en complet décalage avec son époque, perdra aussi bien en qualité qu’en audience…
A bout de souffle la compagnie cherchera a recycler ses propres œuvres, Les sept vampires d’or (1973) en est un parfait exemple : Le mélange improbable du Vampirisme et du Kung Fu ! Seule la présence du toujours impeccable Peter Cushing sauve ce film du mauvais gout absolu ! En 1979 la Hammer réalisera son dernier film pour le cinéma avant de mettre logiquement la clé sous la porte…
Life after death
Dans les années 80 la Hammer se tourna vers la télévision. Elle réalisera une série télévisée de 13 épisodes « Hammer house of horror » en 1980 et une seconde série en 1984 « Mystery and suspense ». Le succès ne sera hélas pas au rendez-vous. Dans les années 90 la compagnie sous perfusion ne produira plus que des documentaires sur son propre passé. Avant de disparaître corps et bien.
Contre toute attente la Hammer fut racheté en 2007 par un consortium Européen. Plusieurs films seront réalisés dont le plus marquant sera La Dame en noir en 2012 avec Daniel Radcliffe (Monsieur Harry Potter lui-même). Proposant un savant mélange de « tradition Hammerienne » et de modernité (surtout au niveau des trucages) le film sera une franche réussite et rencontrera un succès aussi bien critique que populaire ! Reprenant ses bonnes habitudes la firme réalisera une suite en 2014. De nouveaux films sont annoncés pour les mois à venir, la Hammer n’a donc pas fini de nous faire trembler !
Horreurs et comics
Comme ce blog s’intitule « Brucelit » et non pas « Bruceregardedesdvdkitch » je ne peux pas finir cet article sans mentionner quelques adaptations/influences du studio Britannique sur le petit univers du comics…
La première et non des moindres sera la plus inattendue : Dans Iron man #124 de Juin 1979, Tony Stark perd le contrôle de son armure et tue devant les médias du monde entier l’ambassadeur de Carnélie… Derrière ce crime se cache Justin Hammer (!) un homme d’affaire Anglais sans scrupule dont le but est de discréditer Stark afin de prendre le control de son entreprise…
Outre son nom, force est de constater une ressemblance troublante entre Justin Hammer et l’acteur fétiche de la compagnie, Peter Cushing ! Alors David Micheline et John Romita Jr seraient-ils des fans de l’horreur Britannique ? En tous cas l’inspiration est manifeste.
En 1976 une revue Britannique intitulée The House of Hammer vit le jour au format magazine, composée d’adaptions en BD (noir et blanc) des films Hammer, d’histoires inédites reprenant les personnages des films de la firme, ainsi que de divers articles horrifiques. Parmi les artistes ayant œuvré pour ce comics on peut compter Steve Grant, John Bolton, Dave Gibbons, David Lloyd, ou Brian Bolland… Beaucoup d’entre eux feront plus tard carrière outre Atlantique lors de la décennie suivante !
Au numéro 19 la série change de nom et devient Hammer’s House of Horror avant d’à nouveau changer de titre au numéro 21 Halls of Horror. Le magazine sera finalement annulé au numéro 23. Une tentative avortée pour convaincre Marvel de publier la revue sonnera le glas de cette parution ! En 1983 une nouvelle tentative de relance du titre fut opérée mais avec guère plus de succès que précédemment…
Avec le retour aux affaires des films Hammer pourquoi pas un retour de la gamme horrifique en comics ? On peut toujours rêver en tous cas.
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La BO du jour : Hé Patick Faivre, regarde comment qu’j’my connais mieux que toi en musique : Les chanson de noël assaisonnées façon heavy metal par Christopher Lee avant sa mort. C’est pas ces chochottes des Smiths qui pourraient faire ça hein ?
Pour les curieux, je ne sais pas ce que ça vaut mais Akileos a sorti le 3 Novembre un livre intitulé « l’art de la Hammer » et un autre « dans l’antre de la Hammer »
Je ne sais pas s’il s’agit de rééditions mais l’artbook m’attire un peu.
Sinon, pour continuer cette discussion datant de l’année passée sur les films Hammer, je dois dire que je suis aussi un défenseur du film « captain Kronos, chasseur de vampires » considéré par certains comme un navet.
Certes l’acteur principal a un charisme d’huitre et la production fait fauchée (mais comme souvent) mais il y a plein d’idées sympas novatrices dans ce film qui s’éloigne de l’aspect gothique des vampires buveurs de sang pour mettre en scène des vampires qui aspirent l’énergie vitale. le film mélange aussi des aspects de films de cape et d’épée ou même de film policier de type Sherlock Holmes avec une petite enquête.
Le film souffre de problèmes de rythmes, d’un casting moyen mais il était sympathique à voir.
Il est sorti lors de la période de déclin de la Hammer au début des années 70. Comme Docteur Jekyll et Sister Hyde qui mérite aussi le coup d’oeil.
L’art de la Hammer semble être la VF de ce volume :
https://www.youtube.com/watch?v=vzhBop2-rw8
@ Matt : En effet le Captain Kronos n’a pas bonne presse du tout… Et pour le coup je dois avouer avoir complétement zappé celui là. Mais bon voir les quelques 200 films estampillés Hammer est bien compliqué !
J’ai le livre « Dans l’antre de la Hammer » dont la lecture est passionnante même si hélas il a un coté un peu brouillon et décousu… Le livre ne se lit pas comme un roman mais plus comme une suite de chroniques, ce qui est un peu dommage car il est difficile de suivre le livre dans la continuité.
Mais bon la bibliographie sur cette firme n’étant pas réellement abondante on ne peut pas trop se permettre de faire les difficiles :))
Le nouvel ouvrage dont tu parles corrigera peut être le tir.
J’attendais justement de tomber sur ces bouquins en librairie pour les feuilleter avant de me décider. Je reviendrai en parler ici si j’arrive à trouver ça en rayons.
Tornado…l’antre de la Hammer a un format à l’italienne ^^
https://www.youtube.com/watch?v=KpnKiZs4jy0
Concentre toi sur l’autre donc.
Je précise que même si le livre a une maquette trop chargée et manque d’un plan rigoureux, le texte reste malgré tout extrêmement pointu et détaillé. Je le conseillerais donc quand même…
Concernant le nouveau livre si j’en juge le commentaire de la Fnuc (http://livre.fnac.com/a9931142/Marcus-Hearn-L-art-de-la-Hammer#st=L%E2%80%99art%20de%20la%20Hammer&ct=&t=p) il s’agit d’une compil d’affiches. Sans doute esthétiquement intéressant mais au niveau du fond j’ai un doute.
Ah oui c’est clairement un artbook. Le « the art of » est toujours synonyme d’un recueil de dessins, peintures, affiches.
Mais bon j’aime bien aussi. J’ai 2 artbooks de Frazetta, un artbook des covers de Vampirella chez Warren, et même une compil de covers Marvel.
Bel article très complet. j’ignorais la plupart des infos sur la Hammer. je n’en reviens pas du recyclage forcené des décors et acteurs. Aujourd’hui le moindre recyclage déclenche un scandale. je suis surpris que les séances dans les années 50 aient comporté deux films. Quelle en était la raison? si jamais tu sais 😉
Très bonne question ! Je suppose qu’aller au cinéma à l’époque tenait plus du cérémonial qui occupait la soirée et/ou une partie de l’après midi, avec un entre-acte au milieu.
A l »époque les films excédaient rarement l’heure trente, donc au final ça ne faisait « que » 3 heures, soit une séance du Seigneur des anneaux !
Eddy Mitchell était parti de cette idée pour réaliser sa fameuse « Dernière séance » avec deux films et une attraction au milieu 😉
D’après ce que j’ai compris, mais j’ignore si mes sources sont fiables, la Hammer a mis en place la double séance pour que les spectateurs puissent voir, pour le même prix, 2 films au lieu d’un. Et dont l’un des 2 était un film produit par la Hammer alors que l’autre uniquement distribué par eux. C’était de le cas de « Rendez-vous avec la peur » de Jacques Tourneur qui avait été programmé avec la revanche de Frankenstein de la Hammer. Je pense qu’ainsi, ils fidélisaient un public qui ne se serait pas forcément déplacé uniquement pour le film Hammer, et il semblerait que ça ait plutôt bien marché lorsque qu’ils ont constaté que leurs films un peu fauchés remportaient aussi du succès auprès du public.