Look Back par Tatsuki Fujimoto
Un fanzine de CYRILLE MVO Shueisha
VF Kazé
LOOK BACK est un manga en noir et blanc de cent-quarante-quatre planches scénarisé et dessiné par Tatsuki Fujimoto. Il a originellement été publié par Shueisha en 2021. Il a paru en France en mars 2022 chez Kazé. Ce court fanzine est dédicacé à Maël qui m’a fait découvrir cette bande dessinée.
Rien, dans le texte ci-dessous, ne regarde derrière le rideau qui voile les surprises
Edito
Je ne sais pas pour vous, mais pour moi ça ne rate jamais : au moment de partir, mon libraire glisse, l’air de rien, avec mes achats du jour et la plupart du temps sans demander, un fanzine gratuit. Enfin, un fanzine dis-je, mais non, ce sont des magazines commerciaux rédigés par des professionnels, avec des entretiens, des extraits, une sorte de service de presse pour les clients comme moi, simple consommateur, mais habitué et régulier. Appelons-les donc prozines, comportant assez de diversité pour pousser à acheter, encore et toujours. Ce monde est sans pitié.
Etant de nature angoissée – parfois je suis presque certain d’être atteint de FOMO (Fear Of Missing Out, la peur de rater un truc) – et désirant toujours découvrir et comprendre, je garde précieusement ces publicités au nombre de pages conséquent. Je les avais toutes conservées depuis 2010. Vers 2020, j’ai commencé à les lire, entièrement, de A à Z. Je devais en avoir pas loin d’une centaine. Il ne m’en reste plus que cinq, le plus ancien remontant à janvier 2023. Résultat : ma liste de bande dessinées à acheter s’est largement étoffée. Pitié.
Sommaire
Passons-le et devenons-le, sommaires, pour nous rendre directement au coup de cœur du mois, à savoir la manga LOOK BACK. Il est scénarisé et dessiné par Tatsuki Fujimoto, l’auteur de CHAINSAW MAN et de FIRE PUNCH, qui sont des seinens ayant tous deux rencontré un beau succès. Comme me l’expliqua Maël, cet auteur cherche sans cesse à s’améliorer, à explorer divers domaines, ce que l’on peut constater dans les anthologies de ses premiers travaux, réalisés entre ses dix-sept et vingt-six ans.
LOOK BACK est une histoire sur la création artistique, sur le choix de dessiner, de dessiner des mangas, de raconter des histoires. Réaliste et sensible, elle n’entretient donc aucun lien avec le fantastique et l’horreur de CHAINSAW MAN. Fujino, élève d’école primaire, dessine de courtes histoires en quatre cases dans le journal hebdomadaire de son école. Le style de ses petites bandes dessinées est vif mais rudimentaire, et ses historiettes possèdent un humour déjà bien établi et original. Elle fait la fierté de ses pairs qui la voient tous comme un prodige précoce.
Fujino se contente donc de sa réputation flatteuse jusqu’à ce que son instituteur lui demande de partager sa rubrique avec une autre élève, qui ne suit les cours qu’à distance, Kyômoto. D’abord sceptique, elle se rend compte que les dessins de Kyômoto lui sont bien supérieurs dans leur réalisation. Dès lors, elle va s’acharner, pendant plusieurs années, à travailler et étudier l’art du dessin. Jusqu’à ce qu’elle rencontre Kyômoto en chair et en os.
Ours
Très rapidement, Fujimoto multiplie les planches muettes qui peuvent être résumées dans la couverture : Fujino et Kyômoto passent la majeure partie de leur temps libre penchées sur leur table à dessin, que ce soit dans leur chambre, à l’école, dans le jardin. Ces scènes égrènent les mois qui passent et les ouvrages qui s’accumulent sur la perspective, l’anatomie, l’architecture. Les saisons se suivent, les livres et carnets de croquis apparaissent ou disparaissent, les tenues changent, le ventilateur est remplacé par un chauffage d’appoint et seule la silhouette penchée vue de dos reste une constante. L’abnégation dédiée à l’apprentissage du dessin résumée en quelques cases.
Celui de Fujimoto est précis mais volatil : par moments, il ne semble pas encré, les personnages ressemblent à des esquisses, des ombres. La plupart du temps, il est solide et détaillé, chaque accessoire de la pièce étant représenté minutieusement, chaque passant ayant ses propres caractéristiques, aucun pas dans la neige ne manque, tout comme la lumière ne fait pas abstraction de ses variations projetées sur le sol ou les murs.
Comme il est question de représenter des mangas, il s’en donne à cœur joie avec divers styles graphiques, du cartoon simpliste aux décors extrêmement réalistes en passant par les travaux imposés par les cours d’art, mais également des reproductions de journaux et magazines. Je pourrais même y ajouter le style du tableau de la salle de classe et son contenu, fait à la craie. Fujimoto questionne également la narration, la mise en page, en y jetant ses créations et les étudiant ainsi autant que le lecteur.
Ses deux héroïnes se retrouvent complémentaires et fusionnelles tant elles sont différentes. Par leur caractère, mais aussi leurs productions respectives, aux antipodes l’une de l’autre. Leur mélange les sublime toutes deux. C’est un des aspects les plus attachants de ce manga : l’amitié indéfectible qui va lier ces deux personnes tout au long de leur vie, de l’enfance à l’âge adulte. Leur partenariat et leur évolution reste le cœur de l’intrigue qui ne s’embarrasse pas de longs dialogues.
Je ne suis pas certain de comprendre le titre de cet ouvrage. Parle-t-il de regarder le dos qui nous fait face, sur la couverture, juste en-dessous de ce titre, de le contempler dans toute sa volonté ? Ou bien de faire comme lui, de ne pas regarder en arrière, de ne pas se retourner, d’embrasser la carrière ? Ou encore est-ce une fausse autobiographie où Fujimoto nous indique qu’il regarde son propre passé ?
Il y condense en tout cas le parcours d’un mangaka et quelques relations éditoriales inhérentes à ce métier tout en se concentrant sur le quotidien et les tranches de vie adolescentes. Il dit beaucoup en peu d’effets, peu de texte et peu de planches, sans pour autant se restreindre. Il prend même des détours inattendus mais inventifs.
Appendices
Les patronymes des personnages principaux comportent chacun une partie de celui de l’auteur, une en préfixe, l’autre en suffixe. La traduction nous dit qu’au départ, Fujino et Kyômoto étudient en classe de CE2 (Cours Elémentaire 2ème année) mais autant dans leur représentation graphique que dans d’autres traductions, ces élèves me font plutôt penser à des enfants en CM1 ou CM2 (Cours Moyen) de l’éducation française, soient âgés d’environ dix ans. Le titre de cet article est une citation de Blutch, extraite de l’interview présente dans le recueil UN AUTRE PAYSAGE.
La BO du jour, pour mon plaisir, une des plus belles chansons de tous les temps
Ah ah je me suis fait a l’idée que je rate sans doute beaucoup de choses qui doivent être géniales mais bon, je comprends cette satisfaction qu’on peut éprouver à se dire : ah celui-là je suis content de pas être passé à côté !
Et du coup, Cyrille, tu as vu l’adaptation animée qui est sortie cette année ? Malheureusement, c’est passé en salles pas loin de chez moi mais j’ai pas eu le temps d’y aller…
Merci Ludovic ! Oh ça fait longtemps sue je sais qu’il est impossible de tout voir, lire écouter… mais oui, je suis content lorsque tu tombes sur de l’inattendu et que c’est super. Ça sert, d’avoir des enfants 😃
Je n’ai pas vu l’anime, pas sûr qu’il soit passé au cinéma par chez moi mais je vais le regarder ce soir ou demain je pense : il est dispo sur Amazon Prime !
Et sinon, toi aussi tu as plein de faux fanzines de libraires chez toi ?
Merci pour l’article.
J’ai essayé de lire Chainsaw man mais je me suis rapidement rendu compte que ce manga n’était pas fait pour moi. Ca ne m’intéresse pas. Du coup, j’ai fait une croix sur son auteur et je suis passé à côté de Look back.
Par contre, ma fille m’a décidé à aller voir ensemble l’adaptation animée. On a fait un deal : je vais voir Look back avec elle et on enchaîne tous les deux sur Miséricorde de Guiraudie qui passait juste après dans la même salle. Résultat : on a tous les deux beaucoup aimé les deux films. Tu as raison, ça sert d’avoir des enfants. 🙂
Je n’avais pas la moindre idée de ce dont ça parlait, je suis arrivé dans la salle sans rien savoir de l’anime et j’ai été cueilli. C’est vraiment très réussi. Je conseille chaudement.
Par contre, j’ai envie de rester sur cette impression (le chara-design, l’animation, les couleurs, la mise en scène, …) et je n’ai toujours pas envie de lire le manga. 🙂
Bon sinon, au rayon pinaillage : Chainsaw man et Fire punch, ce sont des shônen et pas des seinen.
Merci pour le retour Zen ! Bien content que l’anime t’ait plu, je reviendrais en parler une fois vu. Je ne connais pas du tout Miséricorde ni son (sa ?) réalisateur/trice.
Le manga, c’est simple, je me le suis acheté alors que mon fils m’avait prêté son exemplaire. J’ai adoré le relire, j’aime beaucoup les dessins et le scan ici présent sous la pluie m’a, lors de la lecture, totalement ému.
Pour la classification, je ne sais pas, pas sûr que ce soit si tranché : d’après Kaori, il a bien été prépublié dans le Weekly Shonen Jump, sur BDGest FIRE JUMP est noté comme seinen.
Et toi aussi du as plein de magazines pro de librairies chez toi ?
« Je ne connais pas du tout Miséricorde ni son (sa ?) réalisateur/trice. »
Alain Guiraudie.
Miséricorde fait certainement partie pour moi des meilleurs films de l’année 2024.
« Pour la classification, je ne sais pas, pas sûr que ce soit si tranché : d’après Kaori, il a bien été prépublié dans le Weekly Shonen Jump, sur BDGest FIRE JUMP est noté comme seinen. »
Ouais bon, BDGest, on va pas dire que le manga est la spécialité maison.
La classification pour moi, elle dépend du magazine de prépublication japonais et c’est tout. Pas besoin d’aller chercher plus loin.
« Et toi aussi du as plein de magazines pro de librairies chez toi ? »
Aucune idée. Je n’ai aucun intérêt pour ce genre de trucs donc je ne fais pas attention.
Je suis curieux de lire ton avis sur l’anime, d’autant plus que sa perspective sera différente du mien vu que tu as lu le manga et pas moi..
Je suis curieux de voir comment tu vas appréhender dans l’anime les séquences où le passage du temps se matérialise par la succession d’images fixes plutôt que par des séquences animées. Dans l’anime, ça marche super bien. Ca montre le temps qui passe mais en mettant l’animation en suspens. Il y a un effet très réussi qui tranche avec les séquences animées. Ca n’a rien de particulièrement original mais ces changements de registres d’images sont ce que j’ai trouvé le plus réussi dans l’anime..Dans le manga, on ne peut pas avoir cet effet de la même façon.
Merci pour les précisions et OK pour la classification, c’est un moyen simple en effet.
Les magazines, par exemple : bedetheque.com/revue-Pitch.html
Je te dirais pour l’anime 😉
Il est balaise, Alain Guiraudie, hein ?! 🙂
Très joli article pour un manga fort sympathique. La couverture me fait penser à un trope des couvertures de comics assez fréquent, qui mentionne « [Nom de personnage]’s back » en montrant son dos ^^
Tiens, je me demande si les 2 couleurs du titre renvoient aux 2 artistes de l’histoire.
Tss, c’est malin, ce faux fanzine de la Bruce Team. Je le veux, maintenant..
Merci beaucoup JB ! Ayant quasi aucune connaissance des comics mainstream, je n’avais pas pensé à ça, mais c’est une piste en effet, merci.
Pour le fanzine, c’est un numéro unique qui m’a demandé énormément de travail, aucun partage possible ^^ (je vous invite quand même à regarder le texte, les lignes de sommaire devraient vous aider à situer la période à laquelle cet article fut rédigé, et puis je me suis amusé avec les noms des responsables).
Bonjour Cyrille.
Tout d’abord bravo pour l’introduction et le photo montage. On s’y croirait. J’ai également pendant très longtemps (et encore parfois de temps en temps) pioché dans ces fameux mag, les gardant aussi ou bien en inscrivant le noms des bd/livres/films/séries dans un de mes nombreux carnets qui me suivent partout.
Le manga présenté pourrait me plaire. Plus que Chainsaw man assurément. Du coup j’ai beaucoup plusieurs questions :
– c’est prévu en combien de tome ?
– tu dis que les personnages évoluent. On parle de quelle tranche d’âge ? Car tu évoques CE1/CM1 mais j’ai l’impression que les dessins croquent plutôt des adolescentes vers les 14-15ans
Sur le côté créatif, je suis un manga qui s’appelle BLUE PERIOD. Il a ,lui aussi, eu les honneurs d’une adaptation sur Netflix il me semble. D’une manière générale je préfère lire que regarder sur écran surtout si l’œuvre originel est disponible et de qualité.
La BO : un des meilleurs titres de Portishead. D’ailleurs Beth Gibbons vient de sortir un album solo en novembre. Un mini évènement.
Salut Fletcher, merci pour le retour ! Ah je savais que je n’étais pas le seul à avoir ces mags Canal BD ou autres, ouf. Je note sur mon téléphone, mais pas sûr que je finisse par tous les prendre (exemple : j’avais noté Kong Crew dont le troisième album vient de sortir et au final, je n’en ai acheté aucun).
caurette.com/the-kong-crew-integrale-fr/
Alors je n’ai pas été assez clair et merci à Zen d’avoir répondu à ma place : c’est un one shot en effet. Et cela commence lorsque les personnages ont une dizaine d’années et se termine lorsqu’elles sont jeunes adultes dans la vingtaine.
Je ne connais pas Blue Period, je note merci.
Pour le Beth Gibbons tu parles de son troisième solo, Lives Outgrown ? Il est sorti en début d’année, je n’ai rien vu depuis. Elle passe en concert pas loin de chez moi l’an prochain mais je crois que je vais faire l’impasse (la veille j’irai voir, au même endroit, Fontaines D.C.).
Les KONG CREW je me les procure en VO et en format single. J’aime beaucoup.
Tu as raison sur l’album de Beth Gibbons. Il est sortie au premier semestre. C’est son actualité récente qui ma fait croire qu’il venait de sortir.
Sinon merci pour vos réponses, Zen et toi
« – c’est prévu en combien de tome ? »
C’est un one-shot.
« – tu dis que les personnages évoluent. On parle de quelle tranche d’âge ? Car tu évoques CE1/CM1 mais j’ai l’impression que les dessins croquent plutôt des adolescentes vers les 14-15ans »
Au vu de l’anime, je dirais que ,selon mes souvenirs, ça démarre à la fin du primaire et à la fin on est au début de l’âge adulte.
Super, merci pour ton article !
J’ai vu les deux versions, en commençant par le manga, puis plus tard quand est venu le film d’animation.
Le manga n’est pas très long et assez contemplatif. On ressent toute la fragilité et la sensibilité des deux jeunes filles dans la passion qui les unit et l’amour du dessin et vouloir progresser en donnant le meilleur d’elles-mêmes.
Fujimoto nous livre, dans cette œuvre, un autre aspect plutôt inhabituel de ce qu’il a pour habitude faire. Pour les noms de Fujino et Kyomoto, j’avais aussi fait le lien avec celui de l’auteur.
Pour ce qui est du film d’animation, il est à l’identique de ce que Fujimoto a fait. Les traits graphiques sont respectés et la couleur apporte une touche de sensibilité poétique aux événements.
Excellent choix la BO de Portishead !
Merci pour ton retour Maya ! Je ne peux que confirmer tes sentiments à la lecture. Je reviendrai dès que j’aurais vu l’anime. Note bien que de l’auteur, j’ai lu uniquement ses deux tomes anthologiques sur ses travaux de jeunesse et celle-ci. Et merci pour la BO !
LOOK BACK jouit d’une très bonne réputation et j’étais à 100 000 lieues de penser qu’il s’agissait d’un manga de l’auteur de Chainsaw Man ou de Fire Punch qui ne me tentent pas du tout.
En revanche, ce dernier pourrait s’avérer être dans mes goûts.
En ce moment, on se mate pas mal de séries animées à la maison et n se fend bien la gueule
Le distingo « shonen » et « seinen », même les éditeurs français pataugent pour la bonne et simple raison qu’on n’a pas du tout les mêmes curseurs que les japonais.
En plus les éditeurs (Glénat par exemple) tendent à vouloir y mettre un terme…
Merci pour le retour Eddy ! Si tu sautes le pas, n’hésite pas à nous faire part de ton ressenti. Je n’ai pas toujours le temps de lire tes longues chroniques FB sur les animes, peut-être que cela pourrait m’intéresser parfois (je me demande vraiment si je vais pas tenter le live de TF1 CAT’S EYES…). J’avais entendu parler de cette volonté de supprimer les catégories en effet.
FOMO : une maladie dont je suis gravement atteint. 😀
Le sommaire du fanzine me ferait penser à un bilan 2024 de Bruce Lit qui ne dit pas son nom 🙂
Une jolie histoire, à la fois celle du manga, à la fois celle de la transmission de fils vers toi.
Merci Présence et courage pour ton syndrome ! Ah ah non ce n’est pas mon bilan mais ce qu’on pouvait partiellement voir sur le site au moment de la rédaction – et des inventions de ma part.
brucetringale.com/2024/01/
brucetringale.com/2024/02/
Merci beaucoup pour la transmission, tu as totalement raison.
Et aussi brucetringale.com/2024/03/
J’ai regardé l’anime sur Amazon Prime ce soir.
SPOILER
Je ne me doutais pas que la fin était triste. Ma femme va encore me reprocher de lui avoir fourgué une histoire déprimante !
Pour la fausse page de fanzine, j’applaudis l’initiative mais pour pousser la ressemblance à une page imprimée, tu aurais pu masquer les marques rouges du correcteur orthographique.
Merci JP ! Le film t’a plu ? Est-ce que tu as envie de lire le manga ?
RAAH mais oui tu as raison, je n’avais pas percuté en faisant la capture d’écran ! C’est moche du coup. Bon, je vais le refaire et demander au boss quelques modifications, merci de me l’avoir fait remarqué ! Cela dit, ce ne fut pas simple car je ne maîtrise pas Word (ce qui est un comble) pour certains trucs, notamment la pagination avec plusieurs colonnes Je suis allé un peu vite…