Punisher Nightmare par Scott Gimple et Mark Texeira
1ère publication le 09/02/16- Mise à jour le 09/08/17
AUTEUR BRUCE LIT
VO: Marvel
VF : Panini (Kiosque)
Punisher Nightmare est une mini série de 2012 publiée en 2015 chez Panini en revue kiosque : Marvel Saga n° 5.
Scott Gimple scénariste du show TV Walking Dead en assure le scénario et Marx Texeira l’intégralité des dessins.
Incroyable ! Des années après la fin des runs de Garth Ennis puis de Jason Aaron, je suis tombé sur une bonne histoire du Punisher ! Mieux que bonne en fait, excellente ! De haute volée !
Voici donc notre vigilant à tête de mort confronté à une version de lui même. J. Niman, militaire en Afghanistan s’est illustré par son efficacité meurtrière sur le terrain. Une fois, ses missions accomplies, il est volontaire pour reconstruire le pays occupé par les Etats Unis depuis le 11 septembre.
Lorsqu’il comprend que la guerre risque d’enfouir toute son humanité, il demissionne pour retouner aux USA auprès de sa femme et de son enfant. Alors que ceux-ci achètent une glace dans Central Park, une fusillade éclate tuant tout le monde, sauf Nimman qui survit mystérieusement à ses blessures.
Le parallèle est trop flagrant pour que l’attention du Punisher ne soit pas attirée sur cette affaire. Lorsque Niman se révèle être la victime d’une expérience gouvernementale pour créer un super soldat qui va donner naissance à Nightmare, un tueur psychotique, Castle va regretter de ne pas avoir pressé la gâchette plus tôt et réaliser qu’il a laissé parler son humanité qu’il pensait enfouie. Celle-ci fait-elle sa force ou sa faiblesse ?
Ce qui frappe d’abord à la lecture de cette mini, c’est le ton ! Nightmare rappelle à quel point l’univers du Punisher est violent, sombre, brutal, désespéré. Dans les meilleures histoires du justicier, l’engrenage à broyer des vies humaines est décrit dans tout sa petitesse, dans toute son horreur.
Castle intervient un cran au dessous encore des héros urbains comme Spider-Man ou Daredevil. Il est l’homme de la rue, celui qui y vit, qui y saigne, qui risque d’y mourir dans la plus parfaite indifférence. Les dessins de Texeira amplifient ce sentiment d’oppression, même si je trouve que le résultat est apuré en souvenir de l’ultra violence de sa mini série consacrée à Dent-de-Sabre. Les personnages restent des masses de testostérones menaçantes mais au contour étrangement poli. Dommage.
Loin des menaces cosmiques, Castle reste le héros qui, tout inhumain soit il, est le plus fréquemment au contact de la société, de tous les jours maussades et des lendemains amers. Rien, qui pourrait donc attirer l’attention des cubes cosmiques, des gants de l’infini et autres Gardiens de la Galaxie….Voilà pourquoi, en dépit du stéréotype bourrin du personnage, une bonne histoire du Punisher reste un témoignage puissant sur le devenir des classes moyennes et défavorisées dans le pays de l’ultra libéralisme. Le Punisher écume les égouts, remue la merde, va là où peu de héros Marvel vont. Cet homme qui a abandonné tout espoir reste finalement comme un requin qui veille à l’équilibre des prédateurs en ville.
Punisher Nightmare commence donc comme une itération de Punisher MAX : le récit s’ouvre avec notre anti-héros qui tue froidement un adolescent qui a mal tourné. Il le fait publiquement à titre d’exemple, en ayant conscience d’incarner un croquemitaine moderne. Pourtant lors du deuxième chapitre, intervient un flashback où Castle se fait sermonner par Captain America durant la Civil War. Nous sommes donc dans l’univers Marvel classique comme en témoigne le pouvoir de régénération de Nightmare. Pourtant le ton reste réaliste. Impitoyable.
La discussion avec Captain America est d’ailleurs aussi brève que passionnante : il y est question de symboles et d’idéologie. Quelles valeurs la tête de mort de Castle véhicule t’elle auprès du public ? Castle est il conscient du risque de devenir le père spirituel d’une flanquée de psychopathes ? D’engendrer ce qu’il déteste ? La réponse du Punisher se fait toute en introspection durant ce volume. Ce crâne représente la mort, celle de toute personne qui attentera à la vie. Point. Frank Castle est un mal nécessaire, un monstre qui traque les monstres, ceci a déjà été expliqué en long, large et travers chez Ennis et Aaron.
Ce qui est plutôt bien rendu dans cette mini, reste le regard de Castle sur lui-même. Ce crâne est aussi le symbole offert à tous de sa propre mort spirituelle. Castle se refuse le droit d’être vivant. Il n’est qu’un corps au service d’une idée. Ses souvenirs douloureux, le moteur de sa détermination…Voici ce qui le rend invulnérable.
Pourtant, dans cette histoire, le lecteur le voit souffrir, pleurer (au Vietnam) et avouer : Je n’ai pas de vies, pas d’amis, personne pour m’attendre, mon sommeil ne me repose pas, ma nourriture n’a pas de goût. Plus loin, le lecteur apprendra qu’à chaque meurtre, Castle assassine l’homme qu’il était pour rester un monstre. Que chaque vie ôtée est un cas de conscience qu’il refuse d’examiner pour rester efficace.
Le Punisher reste donc un être impitoyable mais, et c’est ce qui fait sa pureté , il reste aussi un homme d’honneur et de valeurs qui le différencient des sociopathes qu’il affronte. Ce sont ces fenêtres entrouvertes sur cet homme qui refuse sa rédemption qui le rendent bouleversant.
Gimple ne se contente pas à l’inverse de la production Marvel actuelle, d’auto-célébrer le mythe du Super Héros. Il met en scène un média populaire, engagé s’interrogeant sur la présence américaine en Irak et l’impossibilité pour un militaire de garder sa raison dans un conflit qui n’a pas de sens. La schizophrénie de Niman qui aide autant qu’il tue les Afghans est plutôt subtilement amenée. Tout comme la comparaison entre le conflit du Vietnam qui engendra le Punisher et celui d’Afghanistan. Le scénariste de Walking Dead, traitant du mort-vivant qu’est le Punisher…L’ironie est suprême…
Frank Castle est clairement décrit comme un homme du passé, restant ancré dans des valeurs finalement humaines de justice et de châtiment à l’inverse de Niman produit d’une époque sans valeurs, héritière de l’amertume des conflits précédents. Pour autant, il reste une marionnette manipulé par un gouvernement qui détruit ce qu’il a bâti. A bien des égards, il évoque le Nuke de Born Again, produit fini d’une Amérique qui se sert de la dévotion que le symbole américain inspire pour pervertir et détruire la vie de ses soldats autant que celle des civils. La présence de Captain América est donc amplement justifiée. Castle et Steve Rogers incarnent l’envers de la même médaille comme Superman et Batman.
Castle est le damné, celui que la vie n’a pas autorisé à vivre l’idéal de liberté et de générosité qu’incarne Rogers. Captain est armé d’un bouclier, symbole du pacifisme. Castle d’un flingue, illustration des pires travers des Etats Unis. Rogers incarne le rêve américain. Castle son cauchemar. Un cauchemar qu’il va devoir affronter en la personne d’un dénommé…. Cauchemar ! La boucle est sinistrement bouclée pour Frank Castle, qui avec cette histoire, vit un grand moment de mythologie. Un grand moment aussi pour le lecteur Marvel qui désespérait de trouver des récits adultes pour adultes.Preuve, qu’encore une fois, Frank Castle sauve l’honneur.
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Y a-t-il une vie pour le Punisher après Garth Ennis ? En voilà au moins une par Scott Gimple et Mark Texeira à ranger dans la catégorie des classiques méconnus et disponible en VF !
La BO du jour : Du Vietnam à L’Afghanistan : l’enfer du devoir !
Ouch, tu m’as eu, Bruce. Celui-là m’intéresse ! Un récit du Punisher dans l’univers partagé mais qui arrive à raconter des choses intéressantes, je prends. Et en plus, Texeira semble livrer une prestation acceptable.
Histories of violence » 2/5
Scott Gimple (scénariste du show tv Walking Dead) et Mark Texeira livrent avec ce trop méconnu « Punisher : Nightmare » une histoire éblouissante où il est question des ravages de la guerre en Afghanistan, de stress post traumatique et de l’humanité refoulée de Frank Castle. Si vous devez lire une histoire post Ennis, c’est celle-ci et voici pourquoi !
La BO du jour : Pour oublier la mort de ses enfants et sa femme, Frank Castle mène une carrière de justicier où il se suicide aux yeux du monde et dévoile souvent une humanité bouleversante loin de son image de bourrin. Tout comme Elliott Smith qui, lui, aussi mit fin à ses jours…https://www.youtube.com/watch?v=NeL6-ZIgSms
C’est vrai que le run d’Ennis est la référence,et qu’il est difficile de passer à autre chose après.
(Je n’ai pas lu « Frank »)
Mais là,Bruce,tu m’as donné envie de lire ça,un truc couillu et d’actualité,en prime.
Vendu!
@Farid : d’actualité oui, engagé aussi, un auteur qui a des choses à dire, à dénoncer, à réfléchir ! Ce n’est certes pas un manifeste de géopolitique ni un programme politique de retrait d’Afghanistan. Mais un constat lucide transposé dans un univers de fiction rocambolesque qui prouve qu’il est possible de s’intéresser au monde moderne et ses interrogations pour un auteur Marvel.
@JP: les couvertures avec ces personnages bouches grandes ouvertes, dans des poses ultra agressives et des personnages qui bondissent à la dents de sabre ne font vraiment pas envie. Trouvé à deux € à Gibert, c’est en le feuilletant que j’ai pressenti qu’il s’y racontait quelque chose d’intéressant.
Voilà qui m’intéresse complètement. Merci Bruce.
Je rappelle à tout le monde que le run de Remender mettait en scène un Punisher mainstream connecté dans l’univers Marvel cassique et que c’était vachement bien aussi. C’était rigolo car ça commençait de manière assez bof dans le Derk Reign pour bifurquer dans le Grand-Gugnol avec « Frankencastle » avant d’opérer un virage vers un genre de Punisher MAX ! Le dernier arc était notamment grandiose à mon avis, et je l’avais aimé autant que ceux de Garth Ennis.
Ah c’est intéressant : Castle ne serait-il pas sociopathe lui-même ? Bon, les dessins ne me parlent pas du tout, je ferai sans doute l’impasse.
Résumons un peu : une histoire autocontenue, un Frank Castle introspectif, une utilisation intelligente des ressources de l’univers partagé Marvel, un récit qui n’a pas la prétention de se positionner au niveau du Punisher MAX. Finalement, ça fait beaucoup de points positifs.
J’ai bien aimé la manière dont tu fais ressortir comment Captain America et Punisher sont les 2 facettes d’une même pièce.
Présence Nocturne
Histories of violence » 2/5
Y a-t-il une vie pour le Punisher après Garth Ennis ? Plein, et même de bonnes histoires dans le lot. Bruce vous présente son cauchemar (Nightmare) par Scott Gimple et Mark Texeira. Oui, Steve Rogers & Frank Castle peuvent coexister sur une même page, sans que ce soit ridicule.
@Jyrille : Castle Sociopathe ? oui c’est le premier degré d’explication immédiat. J’espère avoir démontré tout au long de mes articles qu’il est aussi plus que ça !
@Présence : lorsque j’apprends à l’omni-Présence du comics l’existence d’un Marvel, ma journée n’est pas totalement foutue.
Franck Castle pourrait t’embaucher comme agent littéraire. Tu fais le job pour trouver de nouveaux lecteurs aux derniëres frasques du Punisher, et le rappel laudatif de Tornado sur le run de Remender est le bienvenu.
Bon ca n’a rien à voir avec la choucroute, mais le thème de cette semaine et le titre de cette histoire m’ont remis les Violent femmes en tête, une BO très décalée et sans testostérone: https://m.youtube.com/watch?v=RyAjmFeppZY
Ha enfin un comics que j’ai lue et sur lequel j’ai quelque chose a dire ! Ha oui non en faite Bruce a tout dit…. Sa déboite , sa defouraille , c’est noir , intelligent et intéressant et quand c’est la première chose que tu lis sur le punisher t’es heureux :3