Fantastic Four de Mark Waid et Mike Wieringo
Un article de BRUCE LIT
Première publication le 03 février 2014. Mise à jour le 11/12/22
VO : Marvel
VF: Panini
En voilà une série difficile à écrire ! Celle des premiers super héros de l’écurie Marvel ! Pour autant, les 4 Fantastiques n’ont jamais été les héros les plus vendeurs de l’univers Marvel.
La Chose qui passe son temps à pleurnicher, Jane Storm en épouse soumise au caractère aussi invisible que son pouvoir, les blagues potaches de Johnny Storm et Red Richards qui résout tous les problèmes de son équipe en deux coups de cuillère à pot.
Et puis avec un vilain charismatique, Doom, qui revient tous les 10 épisodes faire la peau d’une équipe dont il n’arrive pas à se séparer, on comprendra que les 4 fantastiques, riches, populaires, sans double identité à protéger, n’aient jamais soulevé les foules.
Vieux Routier du Comic Book, Mark Waid lors de l’âge d’or Quesada de 2002 relève le défi de reprendre une série à son numéro 500 et d’y raconter quelque chose de nouveau. Dans son Manifeste, il explique vouloir creuser la psychologie des personnages aux détriments des clichés inhérents à la série : personne ne quittera l’équipe, Galactus reste chez lui et Ben Grimm ne retrouvera pas apparence humaine. Waid par contre, s’interroge sur la nature même de l’équipe, à la fois Super Héros, explorateurs, philanthropes et Beautiful People.
Il met en scène un volet relation publique où les FF doivent gérer leur propre Marketing pour pouvoir financer les inventions de Reed ! Pour ce faire, un expert passe une semaine à leurs côtés lors du premier épisode, irrésistible méta commentaire sur le reboot de l’époque ainsi que la connivence que Waid va installer entre ses héros et ses lecteurs. Waid trouve pourtant ses marques assez rapidement : il explore l’amitié entre Jane et Ben, définit la femme invisible comme une femme sexuée pleine d’esprit qui titille son mari.
Richards n’est pas seulement un cerveau mais aussi un aventurier, un type bon sous tous rapports et doté pourtant d’un ego surdimensionné pour s’autoproclamer Mister Fantastic. Que cache cette assurance qui rassure toute son équipe Une immense culpabilité que Red tente d’expier en rendant ses amis populaires ! Inversement , Johnny , Ben et Jane savent qu’en vivant avec un génie, leur mission est de se sacrifier pour lui permettre d’arriver à ses fins.
Aidé par Mike Wieringo et Mark Buckingham aux dessins, Waid s’attarde sur le volet psychologique des personnages. Après un combat éprouvant contre Doom, le jeune Franklin Richards doit consulter un psychiatre pour sortir de sa catatonie, Johnny doit apprendre la maturité en gérant un contrat portant sur les molécules instables et Doom malmène comme jamais l’équipe.
Si vous voulez voir Red Richards perdre son self-control, remonter le temps pour tuer Doom et reconnaître les limites de son intelligence, c’est ici ! Si vous voulez voir Doom tuer la femme qu’il aime pour faire de sa peau sa nouvelle armure, torturer des enfants et défigurer Red, c’est là également !
Trépidante, drôle et imaginative, Mark Waid, aidés de dessinateurs investis livre une dizaine d’épisodes pleins d’énergie , de rebondissements et de finesse psychologique en dépoussiérant des héros fantastiques et terriblement humains !
A la fin du premier arc un combat titanesque opposait Doom et les FF. Nos héros en ressortaient meurtris physiquement (Red est défiguré !) et moralement ( le Tyran a pris leurs enfants en otage et les a torturé ! ). Mark Waid décide d’explorer ce que peu de scénaristes exploitent : les retombées d’une bataille traumatisante sur ….10 épisodes ! Traditionnellement au royaume des Super Héros, la vie continue paisiblement après l’arrestation ou la mort du vilain jusqu’à son obligatoire réapparition. Sauf que Red Richards décide de faire ce qu’aucun Héros ne fait : il s’intéresse à la situation politique de la Latvérie après la défaite du tyran.
Son but est double : empêcher la main mise de Doom sur un peuple qu’il a martyrisé et le priver de tous moyens de le menacer sa famille et lui. Pour ce faire Red vide les comptes bancaires de son ennemi, autorise le pillage du château du monstre latvérien, démystifie le culte de la personnalité du Tyran en dévoilant les salles de torture où étaient exécutés les opposants au régime. Reed passe du côté obscur. Parallèlement , il s’autoproclame souverain de Latvérie ; notre héros de génie réorganise l’économie, instaure la liberté d’opinion et d’élections libres. Seul hic : Richards n’a aucune légitimité politique et il est bientôt menacé par les Etats Voisins, les Etats Unis et le Shield !
Tous se liguent contre les 4 Fantastiques qui vont devoir choisir entre la mort ou la prison ! Face à cette violence, Red Richards va se radicaliser: ses amis ne le reconnaissent plus, ses agissements vont à l’encontre de la morale au détriment de résultats immédiats et ,de fil en aiguille , sa position va indirectement causer la mort d’un être cher : Ben Grimm !
Mazette, on est chez Marvel là ? Un méta commentaire subtil sur l’intervention Américaine en Afghanistan et en Irak, une prise de parti qui évite tout manichéisme où la position américaine légitime de Richards ( débarrasser un pays d’armes de destruction massive) le dispute au camouflet qu’il impose aux autorités internationales. Pour le coup c’est bien vu : dans le monde des Super Héros, il est possible de sauver des vies immédiatement sans attendre des mois de débats aux Nations Unis. La saga Latvérienne se termine dans le sang, les larmes et l’amertume. Les FF perdent leur statut de VIP de l’univers Marvel et se retrouvent avec la nausée et les mains sales ! Impressionnant !
La suite est malheureusement moins glorieuse. Richards décide de ressusciter le Fantastic décédé . Il va le chercher …au Paradis et rencontre … Dieu ! J’avoue qu’après tant de réalisme, mon débit de déglutition à augmenté à la lecture de cet épilogue.
Pourtant le scénario de Waid est plus subtil qu’il en a l’air. Il distille suffisamment de second degré pour tirer son épingle du jeu. La machine lui permettant de voyager au Paradis a une origine historique crédible dans la saga et Dieu a les traits de … Jack Kirby qui s’affirme comme le créateur ultime qui rencontre ses créatures ! Malin et agréablement roublard. En deux volumes Mark Waid réalise un véritable tour de force : rendre intéressante une équipe de Super Héros prévisible en écrivant une saga qui enthousiasme les fans et accessible à ceux qui débarquent. Du Mainstream de haut niveau capable de passer du drame à la guerre et au pastiche de Marvel Team Up !
Un excellent run qui m’a l’air d’être injustement boudé, on encense continuellement le très bon travail d’Hickman sur le titre mais le passage de Waid n’a pas à rougir. C’est une vraie honte que Panini n’ait jamais terminé cette réédition, ça valait bien plus le coup que de ressortir les épisodes de Millar et Hitch (attention je ne fais pas du Millar-bashing, il m’arrive même de défendre certains arcs de ce run, mais c’est juste dix niveaux en dessous).
Si éditorialement parlant ce bouquin est super bien foutu, c’est parce qu’on est au lancement de la gamme Marvel Deluxe, dont les premiers tomes étaient volumineux et pas avares en bonus… deux caractéristiques qui vont s’inverser très rapidement (voir par exemple les New X-Men de Morrison…).
C’est toujours les vacances, au Club Doro… Bruce Lit !
Comme pour Waid, Hickman s’est souvenu que les FF ne sont pas qu’une famille mais aussi des (super-)aventuriers, et en rajoute même une couche en les faisant devenir une école pour jeunes surdoués (piquant au passage même deux mutants à l’écurie X-Men, mais pas de manière gratuite vu qu’ils avaient depuis longtemps des liens avec les FF et que personne ne les utilisait). Je te conseille vraiment de jeter au moins un oeil au Marvel Deluxe qui vient de sortir.
Il y a des épisodes qui ont pas été publié chez nous ? Je pensais que le travail de Waid s’arrêtait au deuxième Deluxe.
Oui, la fin notamment.
Si tu n’as que les deux « Deluxe », il te manque les épisodes 514 à 524 du run, qui correspondent aux TPB US « Disassembled » et « Rising Storm ». Ils n’avaient jamais été traduits jusqu’à il y a peu. Ils sont à présent disponibles dans l’omnibus « Fantastic Four par Waid & Wieringo » paru ce mois-ci.
« Jamais » est exagéré. Tout avait déjà été traduit dans les magazines kiosques en 2005-2006
Ce qui m’embête, c’est que j’avais galéré à trouver le deuxième Deluxe et je l’ai payé un poil plus cher que le neuf, à genre, 5€ de plus, si faut que je revende les deux pour avoir un omnibus encombrant…
Surtout que j’avais déjà donné une partie de ce run, paru dans un collection type Carrefour.
Y revenir en 3 fois pour avoir tout le travail de Waid sur le titre, pfff. Même si pourtant il est exceptionnel. Mince, je suis tiraillé !
Oh QUE OUI ! Là c’est du DOOM comme je l’aime ! Waid et Byrne sont ex-aequo dans l’écriture du plus grand salopard de l’univers Marvel !
Ça m’a fait plaisir de lire ce commentaire. Je comprends mieux pourquoi tu m’as demandé si Mak Waid s’en était bien sorti avec Irredeemable.
Le croirez-vous ? Les deux tomes VF dorment sur mes étagères.
Confirmes-tu de nouveau, Bruce, qu’ils peuvent se lire sans le tome 3 qui n’a jamais été publié ? J’ai déjà posé la question mais je ne me souviens pas de la réponse !
« Irrécupérable » : Une série à laquelle j’ai renoncé. Je le regrette un peu car, depuis, elle a gagné une excellente réputation.
J’ai beaucoup aimé ce « run » de Mark Waid et du regretté Mike Wieringo. Peut-être le meilleur en ce XXIè siècle pour les 4F. J’avais oublié que Mark « Fables » Buckingham avait été de l’expédition !
Woooo ! Enfin vous parlez de ce (fantastique) run! Wieringo était l’un de mes artistes favorisb, surtout sur Fatalis…
Quelle histoire! Quelle méta! Quel travail scénaristique! Le Spider-Man/Fantastic Four était super chouette aussi, dessiné par Wieringo.
Je regrette juste que l’armure de Fatalis ait été « retcon » et qu’il se soit pas soucié de Valéria plus que ça. Sacré Victor.
Merci pour vos supers articles ecclectiques, et longue vie à votre blog!
j’ai beaucoup aimé cette série et les dessins.
un renouveau plaisant, cette origine story de Fatalis.
C’était vraiment cool, merci pour l’article
Ayé j’ai lu les 2 tomes de l’édition Hachette.
Eh bien moi qui ne suis pas fan des 4 fantastiques (je n’ai absolument aucun comics sur eux) j’ai trouvé ça très bon. Les thèmes abordés sont en effet osés. ça ne rigole pas.
Euh…bon, la fin c’était quand même un peu bizarre avec Dieu. Je m’attendais à pire mais bof bof quand même.
Petit bémol quand même selon moi : le dessin. Oh, rien de moche, mais je ne sais pas…j’ai trouvé ça très classique, trop flashy. On sent qu’on sort à peine des années 90 quand même. C’est peut être les couleurs davantage que le dessin qui me gêne d’ailleurs.
Je garde un bon souvenir de ce run même si je n’arrive pas à l’apprécier autant que la majorité des avis. Un côté inabouti souvent présent chez Waid. Mais c’est une lecture hautement conseillé.
Forcément je reste plutôt sur le run de Pacheco avant.
Pour ma part, Ce run ne m’a pas transporté particulièrement.
L’armure de Doom en peau humaine, j’ai trouvé ça un peu too much et aller chercher quelqu’un au paradis comme si c’était une dimension comme la Zone Négative, c’est une idée assez sympa, mais la mise en forme m’a peu un peu plan-plan… (Comme Green Arrow mais c’est seulement en quelques pages…)
Ce n’est pas sur la fin de ce run où Doom et Red échangent leurs corps ?
Non la dualité Doom/Richards, c’est une marotte de Claremont….