The Creep par John Arcudi et Jonathan Case
Éditeur VO : Dark Horse
Éditeur VF : Urban
The Creep est une mini série bouclée en 5 épisodes écrite par John Arcudi et dessinée par Jonathan Case. Publiée par Dark Horse aux Etats Unis, The Creep a bénéficié de covers alternatives signées Frank Miller et Mike Mignola. Celles-ci sont présentes dans l’édition française de Urban Comics.
The Creep met en scène le détective privé Oxel Karnhüs dans l’Amérique de Ronald Reagan. Celui-ci est atteint d’une maladie dégénérative l’ayant doté progressivement d’un menton proéminent et d’une voix caverneuse.
Alors qu’il rentre, encore une fois humilié par des gamins qui le traitent de singe, Oxel reçoit une lettre de Stéphanie, son ancien béguin de lycée. Celle-ci l’implore d’enquêter sur le suicide de son enfant dont les raisons n’ont pas été élucidées. Oxel mène alors son enquête en suivant la piste du grand père du suicidé qui n’a plus toute sa tête…
Le moins que l’on puisse dire, c’est The Creep tranche avec les détectives cigarettes au bec tombant les petites pépées. Oxel a un physique ingrat, fait fuir les femmes et plutôt terrorisé par toute idée d’affrontement physique. Les codes de la bande dessinée mettant en scène sa voix off souvent en décalage avec ce que montre le personnage crée une empathie immédiate avec le personnage. Rien de surprenant : en sécurité derrière son illustré, le lecteur ne peut que prendre le parti du monstre, du difforme, du creep dont il connait la vie intérieure.
Il n’ y a pas l’ombre d’un psychopathe, de courses poursuites ou d’interrogatoires pervers dans cette histoire. Oxel se livre au contraire à beaucoup d’entretiens, visite un foyer pour indigent, ne tombe pas la fille à la fin. C’ est avec la conviction chevillée au corps que le lecteur sait que du début à la fin, Oxel Karnüs est et restera un loser. Les dessins retro de Joanathan Case contribuent à l’ambiance originale de ce polar et rappellent Human Target.
Mais tout ça finalement reste sans surprise et terriblement fade…. Pire ! Par moment, on se demande ce qui a bien pu passer par la tête de John Arcudi au moment de la rédaction de son script. Tous ces ingrédients dont il assaisonne sa cuisine, ils servent à quoi finalement ? Et bien, à pas grand chose ! Arcudi a beau s’attarder sur la maladie d’Oxel et ses effets ( migraine, sudation, moqueries), celle-ci finalement reste un gimmick, une carte de visite qui n’ajoute à l’histoire qu’une faible valeur ajoutée… Car honnêtement, notre héros aurait pu avoir un lifting loupé, une paralysie de la mâchoire ou des problèmes d’hémorroïdes, que cela n’aurait pas changé grand chose à l’intrigue. Quelque soit le moment de l’histoire, les gens qui croisent le chemin d’Oxel lui font une remarque en début d’entretien tandis qu’il transpire à plein volume et ….c’est tout….A aucun moment, l’ensemble ne décolle. Pire ! tout finit par retomber par un soufflé.
Contrairement à ce qui est vendu en quatrième de couverture, Oxel ne fait pas preuve d’une sensibilité démesurée. Son intelligence est banale et ses intuitions itou. Là encore, Oxel aurait pu être prospecteur, assureur ou livreur de pizzas que le déroulement de l’enquête aurait été similaire. Il suffirait de mettre en scène comme c’est le cas ici, un type qui veut aider son ancien flirt à se tirer d’un mauvais pas pour écrire The Creep. Et l’action aurait pu se dérouler dans les années 70 comme le mois dernier que cela n’aurait rien changé….
Enfin, lorsque Arcudi livre le fin mot de l’histoire et la raison du suicide du gamin, tout est tellement dans le too much que l’on frôle le ridicule… Non seulement, Arcudi s’est donné en vain beaucoup de mal pour mettre en scène un drame et une enquête réaliste mais lorsqu’il met en scène son histoire d’ours mangeur d’hommes, je me suis surpris à rigoler comme lors d’un moment Ennis, alors que c’est l’exact inverse qui était recherché…La fin complètement foirée parachève le tout d’un machin incapable de se maintenir à hauteur de ses ambitions.
Avec une histoire terriblement faiblarde, un héros dont l’handicap n’apporte pas grand chose, une enquête lénifiante et une fin qui ressemble d’avantage à perfusion de valium, The Creep, n’est ni effrayant, ni palpitant , se lit aussi vite qu’il s’oublie et est incapable de se hisser un seul instant à la hauteur d’un autre polar atypique et rétro publié par Dark Horse : les aventures de la jeune Bee par Jason Little.