Conan archives 2 par Roy Thomas et Barry Windsor Smith
Première publication le 6/03/15. Mise à jour le 29/06/17
AUTEUR : PRÉSENCE
VO: Dark Horse
VF : Panini
En 1970, Roy Thomas convainc Martin Goodman (le PDG de Marvel Comics) de payer les droits aux gérants des œuvres de Robert E. Howard pour publier un comics ayant comme personnage principal Conan.
Cette première série s’est arrêtée au numéro 275, en 1993, soit une durée de vie de plus de 20 ans, sans compter les série dérivées comme The Savage Sword of Conan (format magazine, en noir & blanc, 235 numéros de 1974 à 1995) ou King Conan (format comics en couleurs, 55 numéros de 1980 à 1989).
Roy Thomas a écrit les scénarios de la série Conan the barbarian pendant 10 ans jusqu’en 1980.
Ce tome fait suite à Barry Windsor-smith Conan Archives 1 (épisodes 1 à 11) ; il comprend la suite et fin des épisodes dessinés par Barry Windsor Smith (en abrégé BWS), publiés en 1971/1972. Le contenu est le suivant : épisodes 12 à 16, 19 à 21, 23 et, ainsi que « Red Nails » (issu de « Savage Tales » 2 & 3), « Cimmeria » (« Savage Tales » 2), les 9 couvertures des rééditions Conan saga par Marvel, et l’histoire courte « The sword and the sorceress » par Roy Thomas et BWS mettant en scène Starr the slayer, un proto-Conan (issu de « Chamber of darkness » 4).
Pour être complet, il convient de préciser que les épisodes 17 & 18 ont été illustrés par Gil Kane et que le numéro 22 contenait une réédition de l’épisode 1, c’est la raison pour laquelle ils ne figurent pas dans ce recueil.
Épisode 12 – Conan est capturé par les milices armées d’une reine régnant sur une cité isolée. Elle le fait général de ses armées, mais assigné à résidence. La soif de liberté du barbare va se heurter à des pratiques sacrificielles peu ragoutantes. Épisode 13 – Conan est victime d’agresseurs qui lui volent son cheval et le laisse pour mort dans le désert. Ayant repris ses esprits il part à la recherche de ses agresseurs et fait la connaissance en chemin d’un père dont la fille a été enlevée par les mêmes hommes.
Épisodes 14 & 15 – Conan reçoit l’aide de Zephra, la fille de Zukala, un sorcier contre lequel il s’est déjà battu. Ensemble ils doivent empêcher l’avènement de Terhali préparé par Xiombarg. Sur leur route, ils croisent Elric (personnage créé par Michael Moorcock qui coécrit cette histoire avec Roy Thomas).
Épisode 16 : Frost giant’s daughter. Sur un champ de bataille enneigé, Conan aperçoit une jeune femme à la peau pale.
Épisodes 19 à 21 – Conan est un mercenaire embarqué sur un bateau pour le compte du roi Zildiz. Objectif de cette troupe : récupérer l’effigie du vivant Tarim, dérobée et emmenée à Makhalet.
Épisode 23 – Conan rencontre pour la première fois une jolie rousse qui ne s’en laisse pas compter et qui manie l’épée comme un homme : Red Sonja. Red Nails – Valeria (une belle blonde maniant l’épée) et Conan se retrouvent dans une forteresse isolée où 2 clans en voie d’extinction s’exterminent. Cimmeria : 5 pages en crayonnés non en encrés et en noir & blanc illustrant un court poème de R.E. Howard mettant en scène Conan.
J’ai bien cru que je n’arriverai jamais à finir ce tome. Bien sûr tout l’intérêt est de pouvoir disposer d’une édition soignée des dessins de Barry Windsor Smith. Le tome commence très bien dès le premier épisode avec BWS déjà éloigné des standards visuels des comics de l’époque, influencé par des livres d’art pour les costumes de ces jeunes femmes accortes.
Ce jeune homme dispose alors d’une vision artistique qui lui est propre et ses images transportent le lecteur dans un autre monde et une autre époque. Au fil des épisodes, il est possible de découvrir un radeau fait de l’ossature de la cage thoracique d’un monstre, un couvre-chef à la forme originale pour Elric, des palais des mille et une nuits à l’architecture arabisante, 2 stèles jumelles de pierre noire gravées de runes indéchiffrables, des cours peuplées de nobles aux manières décadentes, des trésors de joyaux et de pièces d’or, des représentants de races dégénérées, et des monstres.
En fonction des épisodes, il est encré par Sal Buscema, Dan Adkins, Chic Stone, Val Mayerik, P. Craig Russell. La majeure partie du temps ces encreurs respectent la finesse des traits de BWS et s’appliquent à reproduire chaque nuance. Néanmoins le lecteur perçoit tout de suite la différence de sensibilité quand BWS s’encre lui-même pour les épisodes 16 et 23, et l’histoire « Red nails ». Pour ces derniers, les illustrations gagnent en délicatesse pour devenir exquises dans leur précision et leur nuance.
Il faut voir Red Sonja danser avec abandon sur la table d’une taverne (pleine page d’ouverture de l’épisode 23) pour se rendre compte de la justesse du mouvement, des vêtements, de l’attitude des spectateurs, etc. Quelques pages plus loin, Conan et elle plongent dans l’eau et elle retire sa cotte de maille. Il n’est évidemment pas question de nudité frontale, mais cela n’empêche pas BWS de suggérer efficacement la nudité partielle de l’héroïne et la montée du désir chez Conan.
Cette scène bénéficie d’un décor très travaillé, avec une végétation exotique, des dalles qui montrent qu’il s’agit d’un canal fabriqué par l’homme, il y a même un paon qui se promène en arrière-plan. Avec « Red nails », c’est l’apothéose délicate d’une vision graphique nuancée et sophistiquée. Impossible de résister au charme de Valeria, impossible de ne pas ressentir un frisson d’aventure en suivant Valeria et Conan dans les halles majestueux de jade. C’est magnifique de bout en bout.
Évidemment, la force des images de BWS doivent beaucoup à la puissance d’évocation des écrits de Robert E. Howard, à son imagination inventive et saisissante. Mais à partir des mêmes textes, les dessinateurs suivants n’ont jamais su retrouver le parfait équilibre entre la sophistication de ces civilisations disparues et la force des affrontements.
Alors pourquoi ai-je failli abandonner en cours de route ? La narration de Roy Thomas est d’une lourdeur sans égale. À de nombreuses reprises, ses cellules de texte portent toute la narration, au point que les images en deviennent superflues. Non seulement il insère des dialogues ampoulés, mais en plus les textes portent les sentiments des personnages, et décrivent ce qui se passe dans l’image. Il arrive même à rendre pénible l’apparition d’Elric avec ses textes pachydermiques.
Thomas veut absolument donner un cachet littéraire à sa prose en imitant celle d’Howard. Les textes phagocytent les illustrations au point de les rendre invisibles. C’est donc un exploit supplémentaire à porter au crédit de BWS que de réussir à reprendre le dessus dans certaines scènes, et à faire passer la narration au second plan quand il s’encre lui-même.
Ce tome est un bel objet à la couverture en imitation cuir, avec une reliure solide et très pratique. Il convient de préciser que les couleurs ont été entièrement refaites à l’infographie pour cette édition (pas restaurées, mais refaites). La première partie de « Red nails » a été confiée à Richard Isanove qui réussit à réaliser une mise en couleurs qui rehausse chaque image, tout en restant en retrait. Elle ne passe jamais au premier plan.
À l’exception de ces pages, les autres metteurs en couleurs sont moins habiles et ils optent pour des teintes un peu plus denses que celles d’Isanove. D’un côté, ils s’en servent pour ajouter du volume par le biais des camaïeux ; de l’autre l’entrelacement des couleurs prend souvent le dessus sur les traits encrés de BWS. Pour le lecteur qui veut avant tout pouvoir apprécier le travail de BWS, ça peut être agaçant par moment. Ces metteurs en couleurs ont en plus une fâcheuse tendance à accentuer tous les effets de brillance et les éclats, même de nuit.
Une édition en noir & blanc aurait plus rendu justice au travail de BWS (mais se serait moins bien vendue). Par contre, les 9 couvertures de l’édition Marvel de 1987/1988 sont magnifiques, avec une mise en couleurs de BWS. Le deuxième petit reproche dans cette édition est qu’elle ne contient que la préface de Roy Thomas couvrant les épisodes 9 à 13 et 16, et pas les autres (dommage) qui sont disponibles la série Conan Chronicles.
Vous avez toujours voulu découvrir par vous-même pourquoi les premiers épisodes de Conan des années 1970 ont marqué tant de générations de lecteurs : ce tome vous permet de découvrir le meilleur de cette période dans une édition avec de belles finitions.
L’épisode 23 et « Red nails » méritent à eux seuls les 5 étoiles pour la délicatesse exquise des illustrations de Barry Windsor Smith, couplée à l’inventivité de Robert Erwin Howard.
Heu, « dès le début », l’originalité de Smith, c’est vite dit: dans le n°1, BWS est encore dans la phase Kirby de ses débuts (utilisée pour ses X-Men, Daredevil et Avengers). Il y mêle déjà un peu d’Art nouveau et s’en dégage très vite (au 4, « La Tour de l’éléphant », il a commencé à bien trouver son style), mais le premier Conan est quand même plutôt loin d’être original.
Toujours originalité, le chapeau d’Elric ne l’est pas non plus. Smith reprend le curieux chapeau qu’a donné Jack Gaughan à Elric sur les couvertures de l’édition poche des romans de Moorcock, tout simplement.
La mise en couleurs ordinateur est assez pénible, oui — on est dans le syndrome Photoshop. Malgré l’abus d’effets de flare, j’aime bien quand même celle de « La Tour de l’éléphant », qui marche pas mal avec les joyaux sur la tour de Yara. En revanche, si mon souvenir est bon, les traits noirs sont parfois bouffés dans cette édition Dark Horse. Dans un passage, Roy Thomas parle des mouches dans la chambre qu’occupe Conan. Si on les voit bien dans l’Essential Marvel en noir et blanc, elles sont quasi effacées, sous la couche de couleurs dans l’édition DH.
Dès le début – Je parle du début de ce tome, c’est-à-dire l’épisode 12. Effectivement les premiers épisodes ne m’avaient pas très impressionné, et j’avais été surpris de voir une telle prépondérance de l’influence de Jack Kirby. C’est pour ça que j’ai proposé à Bruce un article sur la deuxième moitié des épisodes réalisés par BWS.
Ayant lu les romans d’Elric dans la collection Presses Pocket, je ne connais pas les illustrations de Jack Gaughan. Merci pour cette référence.
La nouvelle mise en couleurs – Quitte à faire hurler Tornado, s’il n’est pas possible d’avoir du noir & blanc, je préfère les couleurs d’origine qui n’écrasent les dessins de BWS. Richard Isanove ne réalise la mise en couleurs que d’un seul épisode, et les autres n’ont pas son intelligence chromatique, ni son degré de détail. Ils ont collé des effets de volume dans toutes les cases, sans grand sens de la profondeur de champ, ou de la hiérarchisation des différents plans. Enfin tous ces trucs qui brillent et qui luisent systématiquement même en absence de source de lumière produisent un effet factice idiot, juste pour attirer l’attention du lecteur sur les trucs qui brillent…
Effectivement, j’ai été épaté par les épisodes où BWS s’encre lui même. « La fille du géant du gel » et les « Clous Rouges » sont magnifiques de ce point de vue. Mais ils sont très bons de toute manière.
Au niveau du scénario, je suis étonné de voir que Présence en ait été agacé. Car j’ai trouvé ça moins lourd que du super-slips de la même époque. C’est tout aussi ampoulé, mais nettement moins infantile.
Etant donné que je suis tout sauf un puriste, et que j’aime aussi être un peu provoc, je dirais que j’ai adoré la version Dark Horse avec les couleurs refaites ! Tout simplement parce que je trouve les couleurs d’époque épouvantables, et que j’aime beaucoup le travail d’Isanove. Les couleurs d’époque étaient des couleurs d’imprimerie aujourd’hui obsolètes. ce n’était pas des oeuvres d’art.
Ainsi, ceux qui veulent absolument garder ces vieilles couleurs sont, soit des puristes (c’était comme ça à l’époque et puis c’est tout), soit des nostalgiques (c’était comme ça à l’époque et puis c’est tout). D’un point de vue artistique « ultime », la seule manière de s’en sortir avec cette histoire est de les publier en NB.
Je continue de penser que le choix d’une mise en couleurs qui ajoute des volumes sur chaque surface nuit à la lisibilité de dessins qui ont été conçus pour des aplats de couleurs unis.
En particulier pour les 3 cases où Conan chevauche sur une route, le metteur en couleurs n’a aucune idée de comment hiérarchiser les plans, de comment rendre compte de la luminosité. Il veut à tout prix que les couleurs portent des informations qui sont déjà contenues dans les traits tracés par BWS. Au lieu d’être complémentaires, les couleurs donnent l’impression de vouloir s’imposer au premier plan, de masquer l’encrage comme s’il était insuffisant.
Je te rejoins sur une préférence pour une édition noir & blanc.
La vignette où l’on voit « Son-ya » entrain de danser semble tout droit sortie du film « Saturday Night Fever » !!! 😀
Merci pour cet historique que je ne connaissais pas et qui permet de se souvenir que la traduction et l’adaptation sont fortement dépendantes des intérêts économiques en jeu (= sur des comics américains, personne n’y verra rien).
Dans un autre domaine, j’avais été stupéfait de découvrir qu’à une époque il était monnaie courante de procéder à des adaptations, plutôt des trahisons voire des réécritures (coupure, suppression de certains passages, changement de registre lexicale), dans les traductions de romans (policiers par exemple, mais pas seulement).
J’étais assez inquiet hier quand je me suis rendu compte que mon article allait être lu par des passionnés qui en savent beaucoup plus que moi sur Conan, et sur ses traductions VF (je comprends le trac qu’a pu éprouver Patrick Faivre).
J’aime bien ces épisodes. Effectivement, à l’époque de la première parution en France en BD, outre le côté « risqué » de la mention « réservé aux adultes », il y avait un univers alors sans précédent ou véritable équivalent dans ce qui était disponible à un pré-ado. Thorgal, me semble-t-il est plus tardif que la série Conan de chez Marvel. Ce qui m’a toujours frappé chez BWS, c’est le nez très fin et très droit de Conan. Et ces vues trois-quarts de profil dans lesquelles le visage s’aplatit.
Le côté risqué – Je me souviens encore de cet épisode dans lequel Conan découvre une femme dans un chalet isolé et perd son pucelage (effectivement inattendu dans un album Arédit-Artima de l’époque), réédité dans le tome 7 des « Chronicles of Conan » (épisodes 43 à 51) par Dark Horse.
Un des inconvénients majeurs du blog de Bruce quand même c’est qu’on peut pas « liker » !
Tarim !
Je ne suis pas certain d’avoir envie de lire ceci mais il faut avouer que les dessins de BWS sont effectivement impressionnants. La planche titrée Cimmeria est incroyable.
J’aimerai quand même lire l’épisode avec Elric…
Il est possible de lire les 5 planches de Cimmeria sur le site de Barry Windsor Smith.
http://barrywindsor-smith.com/studio2/cimmeriapg1.html
http://barrywindsor-smith.com/studio2/cimmeriapg2.html
http://barrywindsor-smith.com/studio2/cimmeriapg3.html
http://barrywindsor-smith.com/studio2/cimmeriapg4.html
http://barrywindsor-smith.com/studio2/cimmeriapg5.html
@Cyrille : Les épisodes avec Elric, au niveau scénario, sont loin d’être les meilleurs, même s’ils sont co-écrits par Moorcock en personne !
Mes préférés demeurent les deux qui sont encré par BWS : « La fille du géant du gel » et « Les Clous Rouges ». Ils sont vraiment très bons même au niveau du scénar. Ils sont réédités en NB dans http://www.amazon.fr/Chroniques-Conan-T01-1971-1974/dp/2809400571/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1425669025&sr=8-1&keywords=les+chroniques+de+conan+1971
Mais même en couleurs (refaites), ils sont superbes. Et même s’ils sont encore plus beaux en NB… Au moins il y en a pour tous les goûts, et en VF de surcroit. Bon, cela-dit, ces albums sont aujourd’hui introuvables… (on en reparle demain…)
Attention quand même : tous les dessins en sont pas extraits de la série mensuelle Conan, à commencer par le dessin avec les couleurs de BWS (avec la légende « Son meilleur dessin de Conan ») qui a été réalisé pour les rééditions années 1980.
Comme le fait observer Manticore, les graphismes de Barry Windsor Smith évoluent fortement au cours de cette période, passant d’un artiste très inspiré par Kirby, à un artiste commençant à utiliser des techniques Art Nouveau et du préraphaélite.
Je pense (les autres experts me reprendront si je me trompe) que cette série offrait également une alternative bienvenue aux superhéros de l’époque, dans un genre peu ou pas existant en comics, ce qui a pu contribuer à sa popularité.