Les super-héros Marvel par Jeph Loeb & Tim Sale 1/4 : Wolverine et Gambit
Un article de TORNADO
VO: Marvel
VF : Panini
1ère publication le 30/10-15 – MAJ le 28/04/24
Cet article est le premier d’une série de quatre sur les œuvres réalisées par le tandem Jeph Loeb (scénario) et Tim Sale (dessin) autour de l’univers des super-héros Marvel. Ce duo d’auteurs a aussi bien officié chez DC Comics que chez Marvel, pour un certain nombre de mini-séries particulièrement réussies et iconiques, transcendées par un style inimitable.
Cette série d’article est par ailleurs complémentaire de l’article sur l’univers de Batman et sur celui de la mini-série Les Saisons de Superman…
Nous avons essayé de démontrer, à propos de Batman, tout l’art de ces deux auteurs parfois injustement critiqués. Nous nous contenterons donc, dans cette anthologie, d’aborder ces mini-séries Marvel sans trop nous attarder sur ce volet… Mais en fait on le fera un peu quand même !
Le sommaire :
1) Wolverine/Gambit – Victimes – 1995
2) Daredevil – Jaune – 2001
3) Spiderman – Bleu – 2002
4) Hulk : Gris – 2004
5/ Captain America : White-2016
L’art du rétro intemporel… C’est pour bientôt !
Wolverine/Gambit: Victimes : Deux X-men à Londres…
Wolverine/Gambit : Victimes est une mini-série en quatre épisodes réalisée en 1995. A ce stade de leur carrière, les deux compères ont déjà œuvré ensemble chez l’éditeur DC Comics (Challengers of the Unknown – inédit en VF- et les Batman Halloween Special réédités chez Urban Comics dans le recueil Batman : Des Ombres Dans la Nuit). Mais il s’agit ici de leur première participation (en tandem) à l’univers des super-héros Marvel, plusieurs années avant les « récits colorés ».
Le pitch : A Londres, à l’époque contemporaine, de nouveaux meurtres sont perpétrés sur des jeunes femmes. La presse parle du retour de Jack l’Eventreur !
Rémy Lebeau, alias Gambit, aperçoit sur un journal le nom d’une victime, qu’il semble avoir connu. Il se rend alors à Londres afin de mener sa propre enquête sur les assassinats. Très vite, il va découvrir que le meurtrier est peut-être quelqu’un qu’il ne connait que trop bien, et qui n’est autre que son co-équipier des X-men : Wolverine !
Les deux mutants sont alors décontenancés car, si Wolverine n’a aucun souvenir des événements récents, Gambit, de son côté, commence à subir d’inquiétantes hallucinations…
Construit comme une énigme mystérieuse et un brin psychédélique, le récit demeure assez opaque jusqu’à la révélation finale. Il s’agit donc d’une lecture plutôt originale, conceptuelle, et d’une construction narrative complexe et sophistiquée.
L’exercice de style est séduisant mais un peu décousu. Et la trame est si alambiquée que le lecteur sort un peu de l’expérience en ne sachant pas trop si ce qu’il vient de lire était d’une virtuosité bluffante, ou si cette lecture souffrait au contraire d’une construction amphigourique et d’une intrigue absconse capilotractée !
Quoiqu’il en soit, il est bon de suivre les aventures de deux X-men dans un récit enfin autonome, et non noyé dans une indigeste continuité comme c’est malheureusement trop souvent le cas avec cette franchise…
Ce qui frappe dans cette mini-série, en plus de ce scénario sibyllin, c’est le découpage des planches. Tim Sale réalise ici un travail incroyable et parvient à contrebalancer le récit sinueux par une mise en forme séquentielle d’une pureté impressionnante, parfaitement lisible, où plane parfois l’ombre de Frank Miller !
On se souvient alors de cette époque (le milieu des années 90) : Les dessinateurs (genre Jim Lee, Alan Silvestri, Andy Kubert) nous livraient des planches bourrées à craquer où les multiples personnages aux muscles hypertrophiés s’empilaient dans un découpage proprement illisible, les vignettes se diluant dans un entassement foutraque d’onomatopées, de phylactères, de soliloques et autres bulles de pensée ! Personnellement, je ne parviens jamais à trouver le courage, aujourd’hui, lorsqu’il s’agit de relire ces comics estampillés 90’s.
Il convient ainsi de remarquer que Wolverine/Gambit : Victimes marque une sérieuse longueur d’avance sur son époque en ce qui concerne le terrain du découpage et de la mise en forme séquentielle. D’une inventivité totale (le récit étant commenté en voix-off par Gambit sous la forme de soliloques en forme de cartes à jouer !), la construction des planches parvient ainsi à tirer le récit vers le haut, en développant une narration très « impressionniste » (parce que le lecteur se laisse porter par la poésie des images), hautement créative, et toujours limpide !
On peut aussi trouver, contrairement à votre serviteur, que les deux écoles sont bonnes (et ce découpage « à la Miller » date même d’avant les années 90). Toujours est-il que d’un point de vue créatif, Tim Sale fait un sacré beau boulot…
Etant donné que ce travail commence à dater (20 ans, quand même), il n’est pas exempt de naïvetés et l’on retrouve les pénibles contraintes éditoriales de l’époque (chaque épisode commençant par une laborieuse répétition, avec rappel des événements précédents et description des personnages).
Les mutants impliqués souffrent également de leur look daté et ridicule (voire infantile), alors que le récit en lui-même est paradoxalement très adulte (et assez violent).
Comme un seul homme, le duo signe chaque introduction des épisodes avec un logo sur lequel on peut lire « scénario et dessin : Jeph Loeb & Tim Sale », témoignant ainsi de l’osmose établie entre les deux artistes, qui abordent leurs créations de manière conceptuelle comme un seul et unique auteur…
Pour leur prochain travail au sein du monde Marvel, les deux compères vont passer au niveau supérieur et initier une ligne éditoriale originale en imaginant, sur la base d’une couleur différente à chaque fois (comme quoi les super-héros emblématiques de la Marvel sont tout de suite plus chamarrés que ceux de Gotham City !), plusieurs mini-séries exceptionnelles.
Ils embrasseront alors l’acte postmoderne afin d’offrir des relectures à la fois rétro et intemporelles, et non simplement « modernisées ».
La nuance est importante, mais nous en reparlerons…
A suivre…
Fichtre, ça fait très longtemps que je ne l’ai pas lu celui-là.
« Amphigourique » ? Il m’a fallu un dico pour ce mot. Intuitivement, j’aurais pensé au moment où le prof se plante devant son amphi d’étudiants, mais ça me semblait pas être la bonne définition 😉 !
Je trouve que dans cette mini, Tim Sale n’est pas encore au top. Son découpage est déjà bon mais son dessin n’a pas encore l’excellence, l’équilibre et « l’évidence » qu’il atteindra plus tard.
Sur la dernière image que tu montres, en revanche, je suis surpris de son choix de montrer les yeux de Wolverine dans l’ombre portée sur le mur, un choix totalement « non réaliste » mais qui fonctionne bien dans cette page !
Et au fait, encore félicitations pour la petite dernière ! (une opportunité plus tard pour lire des Romance Comics ?)
Ahem…
Je faisais partie de ceux qui accrochés à la continuité des personnages n’avait pas envie d’investir là dedans…A l’époque les Xmen des années 90 me passionnaient. Je pouvais vous dire quel héros faisait quoi dans tel série. Drogué à la Jim Lee attitude, les dessins de Sale ne me parlaient pas.
Je vais essayer de me procurer ça pour pas trop cher même si je n’ai pas l’impression à te lire que l’histoire vole très haut.
C’est le seul travail de Loeb & Sale que je n’ai pas eu envie de relire (en fait de re-relire). La dernière fois que je l’ai lu (il y a 7 ans), il m’a laissé une impression de scénario trop facile, donc je pencherais plutôt du côté de l’amphigouri que de la virtuosité. En fait je n’avais pas accroché dès les premières pages à cause de cette évocation facile de Jack l’éventreur, assez superficielle (voire infantile, si je puis me permettre), et peu compatible avec les superhéros (de mon point de vue).
Mais en lisant l’article de Tornado, je suis frappé par la qualité de l’iconographie. Les pages choisies font apparaître avec force tout le travail de composition de Tim Sale, déjà bien évolué par rapport à l’ordinaire des comics (et pas seulement par rapport à Jim Lee).
Le teaser de Présence: « La Tornado attitude » 1/4
Non, Jeph Loeb & Tim Sale n’ont pas fait que du Batman (très bien d’ailleurs). Non, ils n’ont pas fait que des couleurs non plus. Ils ont aussi tapé dans le mutant en 1995 : Gambit & Wolverine : victims. Tornado l’a lu et il le prouve.
Je ne connais pas du tout mais les scans m’intriguent. Je n’ai pas encore investi dans un Long Halloween mais décidément j’ai l’impression de louper quelque chose. Et maintenant allons voir la définition de amphigourique…
@JP : Merci beaucoup. Et pour le reste, d’accord avec toi !
@Bruce : Houlah ! Vraiment pas sûr que ça te plaise ! A mon avis, une perte de temps en ce qui te concerne. Aucun intérêt pour les personnages ni même pour le script. Tout l’intérêt de cette mini réside dans le découpage et l’ambiance !
@Présence : Rien à ajouter. C’est bel et bien le découpage et la mise en forme générale qui tire l’ensemble vers le haut. Le script n’a pas grande valeur en dehors de ça.
@Jyrille : Essaie d’abord Daredevil ou Spiderman. Si tu aimes, alors tu prends le tout ! 😀
J’ai trouvé que ce comics était clairement le plus « faible » scénaristiquement parlant (et même graphiquement d’ailleurs) de leurs travaux pour Marvel… Je l’ai toujours un peu vu comme un brouillon avant de passer aux choses (plus) sérieuses.
Celles dont il sera question dés demain 😉