Encyclopegeek: Lobo
1ère publication le 16/10/16-Mise à jour le 15/10/23
TEAMUP : PRÉSENCE et JP NGUYEN
VO : DC Comics
VF : Comics USA, Semic, Urban
Cet article sera consacré au personnage de Lobo, le biker cosmique déjanté de DC Comics. A travers ses deux premières mini-séries, écrites par le duo Keith Giffen/Alan Grant et dessinées par Simon Bisley et via quelques autres apparitions notables, nous vous proposerons le portrait d’un anti-héros ultra-violent, fondamentalement irrécupérable mais source de récits souvent désopilants.
Pour profiler ce personnage hors-norme, nos reporters sont allés recueillir des témoignages des deux côtés du quatrième mur.
Mutilations ! Exterminations ! Spoilers ! Cet article n’est pas pour les pieds tendres ! Capisce ?
Témoignage de JP Nguyen, lecteur de comics :
J’ai découvert Lobo via Bob, un camarade étudiant (il s’appelait en fait David, mais je le surnommais Bob, cherchez pas…) qui connaissait ma passion pour les lectures à super-pouvoirs. Alors qu’il avait feuilleté des Wolverine et des Spawn dans ma « turne », il m’amena un jour un exemplaire de Lobo, Le Dernier Czarnien, édité par Comics USA. Nous étions dans la seconde moitié des années 90 et, rétrospectivement, je ne saurais dire quel était le point de vue de Bob ni son intention dans le prêt de ce bouquin. Si cette histoire avait été sa porte d’entrée sur les comics, il avait du en garder une impression bien singulière. Je réalise même que Lobo représente jusqu’à la caricature tous les ingrédients typiques et outranciers d’un certain type de comics de l’époque.
Jugez-plutôt : Lobo, gros dur à cuire de l’espace, dernier représentant de sa race dont il a exterminé tous les autres spécimens, découvre qu’il reste encore un autre Czarnien vivant : son ancienne institutrice ! Et il va devoir la ramener vivante à Vrill Dox, commanditaire à qui il doit un service. Et aussi bourru, violent et mal élevé que soit Lobo, « The Main Man » n’a qu’une parole !
Lobo est taillé comme une armoire à glace et possède une musculature aussi hypertrophiée qu’improbable. Il trimbale son arsenal sur lui : pistolet, couteau et crochet de boucher accroché à une chaîne sur l’avant-bras. Sous une tignasse ébouriffée, percent des yeux écarlates, qu’on dirait maquillés par Gene Simmons ou Alice Cooper. Lorsque sous les imposantes moustaches de ce « Macho Man », surclassant celles du cowboy des Village People, se dessine un sourire, on ressent toujours un petit côté malsain, dangereux. À côté de Lobo, Wolverine et Sabretooth sont à la limite de faire efféminés… Il partage d’ailleurs avec eux un pouvoir auto-guérisseur, sauf que celui du Main Man est encore plus performant et lui permet de récupérer de blessures très sévères à une vitesse ahurissante.
Mais alors que les attributs du personnage semblent le destiner à un récit ultra-bourrin, les auteurs du Dernier Czarnien vont l’embarquer dans une comédie, rythmée par les rapports tendus entre le mauvais garçon et son ancienne enseignante et ponctuée de moments cocasses comme, par exemple, un concours d’orthographe où la moindre erreur d’épellation est fatale. C’est le décalage entre ce personnage de brute épaisse quasiment invincible et les situations auxquelles il se trouve confronté qui fait de Last Czarnian une lecture drôle et irrévérencieuse. A défaut de révolutionner les comics, cette histoire pointait certains travers de l’industrie de l’époque et s’en amusait tout en restant, somme toute, assez bon enfant.
Mais ce que j’ignorais lorsque j’ai découvert cette mini-série, c’est que c’était un reboot pour le personnage de Lobo !
Témoignage de Présence
Pour moi, tout commence en 1985/1986, avec Crisis on infinite earths de Marv Wolfman & George Perez. Il est vrai que Lobo est apparu pour la première fois l’épisode 3 de la série Omega Men (1983), réalisé par Roger Slifer & Keith Giffen. Mais à la suite de Crisis, l’éditeur DC Comics fait redémarrer à zéro la majorité de ses personnages dont Superman et Wonder Woman (y compris Lobo comme le fait remarquer JP). Cela a pour effet de rendre le redémarrage de la Justice League compliqué parce que les auteurs ne peuvent pas utiliser ces personnages majeurs de l’univers partagé DC. Du coup Andy Helfer, le responsable éditorial, choisit la proposition de Keith Giffen et John-Marc DeMatteis sur la base d’une idée élégante pour contourner cette difficulté. C’est ainsi que naît la Justice League International (JLI), avec une forte tonalité de sitcom, et un humour dérapant régulièrement vers l’absurde.
Totalement accro à la JLI et de nature obsessionnel (voire compulsif), je me mets à suivre ce que fait Keith Giffen (parce que je suivais déjà les travaux de DeMatteis). Comme en plus c’est l’époque où je bascule de la VF à la VO, un univers immense m’attend. Keith Giffen n’en est pas à son premier forfait puisqu’il a longtemps illustré les aventures de la Legion of SuperHeroes (dont The great darkness saga, en 1982) en collaborant au scénario écrit par Paul Levitz. Il avait également déjà créé un personnage loufoque Ambush Bug (en 1982) pour DC comics avec un ton parodique et absurde. Par la suite il devient un scénariste très prolifique (Annihilation 2006, c’est lui) et un professionnel très rapide (il a réalisé toutes les mises en page de la série hebdomadaire 52 de DC), assurant ainsi une unité narrative tout au long des 52 épisodes.
À l’époque, Alan Grant est loin d’être un inconnu puisqu’il a participé à définir Judge Dredd en en coécrivant les premières histoires avec John Wagner. En 1987, il devient le scénariste de la série Detective Comics, consacrée à Batman, dessinée par Norm Breyfogle, pour des épisodes à la saveur très particulière (à tel point que les responsables éditoriaux de DC demandèrent à Grant & Breyfogle de lancer une troisième série mensuelle consacrée à Batman, appelée Shadow of the Bat). De l’autre côté de l’Atlantique, Simon Bisley fait ses preuves dans le magazine hebdomadaire 2000 AD, avec quelques épisodes des ABC Warriors (scénario de Pat Mills), et une histoire longtemps indépassable (en termes graphiques) de Sláine (toujours avec Pat Mills) : The Horned God (le Dieu cornu, 1988).
Autant dire que quand les pages de publicité intérieures dans les comics DC annoncent une minisérie consacrée à Lobo (personnage que je n’avais vu que dans les 2 épisodes 18 & 19 de la JLI), réalisée par Giffen, Grant et Bisley, la question ne se pose pas de savoir si c’est susceptible de m’intéresser.
Vous le voyez, la rencontre avec Lobo reste un souvenir vivace pour nos deux contributeurs… Mais qu’est-ce qui rend ce personnage si spécial ? Pour en savoir plus, partons à la rencontre d’experts aussi pointus que le crochet du Main Man…
Jacques Attoulu – Historien et économiste des comics
A priori, Lobo est un personnage qui était destiné à rejoindre les limbes des personnages secondaires (voire très secondaires) oubliés par tout le monde, les lecteurs comme les auteurs. Mais voilà, Keith Giffen (cet artisan génial des comics) avait besoin de personnages pour remplir les rangs d’une série appelée L.E.G.I.O.N. (coécrite avec Alan Grant), une déclinaison de la Légion des SuperHéros (qu’il avait dessinée pendant plusieurs années) au temps présent (les aventures de la Légion se déroulant dans un lointain futur, au trentième siècle) croisée avec l’approche humoristique de la JLI (dont il était le coscénariste et dans laquelle Lobo avait fait 2 apparitions dont une face à Superman). En conséquence de quoi Vril Dox joue un tour pendable à Lobo qui se retrouve à bosser contre son gré pour la L.E.G.I.O.N. dès le troisième épisode. Après une apparition dans la JLI, les responsables éditoriaux autorisent un projet de minisérie, autant dire que les risques financiers sont minimisés, réalisée par Giffen & Grant (donc un respect assuré des caractéristiques de Lobo tel qu’il apparaît dans L.E.G.I.O.N.).
A posteriori, il est facile de comprendre l’attrait qu’a pu exercer le personnage de Lobo sur le lectorat. Débordant de virilité, érigeant la violence comme un mode de vie, il était taillé sur mesure pour cette décennie marquée par la finance folle (spéculation outrancière sur les comics) et la perte des valeurs (les muscles saillants et les poitrines opulentes constituaient des arguments de vente imparables).
De quelle décennie je parle ? Hé bien des années 90, voyons ! (avec quoi pourriez-vous les confondre ?).
Wolverine, le mutant griffu au pouvoir auto-guérisseur, était alors ultra-populaire. Lobo n’est qu’une déclinaison du X-Man canadien, version « biker de l’espace » avec un niveau de pouvoir supérieur, démesure made in DC oblige (Lobo est capable d’entièrement se régénérer à partir d’une unique goutte de sang), et une inclination à utiliser des solutions définitives comme le premier Punisher venu… L’étymologie lupine de son nom évoquait d’ailleurs les caractéristiques de son rival marvélien à rouflaquettes.
Cependant, il faut mentionner que les auteurs avaient abordé Lobo comme une parodie et qu’ils furent quelque peu pris à leur propre jeu, n’ayant pas anticipé une adhésion aussi forte des lecteurs, ni une lecture premier degré du personnage (ils sont cons ces amerloques).
Jack Allgood – Linguiste
Bien qu’étant un homme d’action, les mots ont aussi de l’importance chez Lobo.
Dans sa langue maternelle, le prénom « Lobo » signifierait « celui qui dévore vos entrailles et aime ça », soit un réjouissant programme assez représentatif de son porteur.
On néglige souvent l’apport de Lobo à la langue anglaise avec la réactualisation de termes comme « Bastich » et « Frag » (et tous ses dérivés). Contractant « Bastard » et « Son of a bitch » ou se substituant à « Fuck » ; ces mots peuvent sembler gentillets mais ils ont contribué à forger l’identité du personnage. Se jouant habilement des contraintes du Comics Code, encore en place dans les années 90, ils ont doté leur anti-héros d’un vernaculaire sagement transgressif qui participe à le rendre unique (d’autant que toutes les expressions ne sont pas forcément intelligibles – Feetal’s giz – mais elles transmettent quand même bien l’état d’esprit de ce personnage hors du commun).
Il n’est pas possible de déterminer les trouvailles venant de Giffen (cet individu à l’esprit tordu) et ce qui vient d’Alan Grant (ce dernier palliant une maîtrise déficiente de l’anglais du premier). Il n’en reste pas moins que la première minisérie attribue un rôle de premier plan à une professeure de langue, et que Lobo participe (dans des circonstances délirantes) à un concours d’orthographe (spelling bee) qu’il gagne (finalement, elle avait plutôt bien fait son travail madame Tribb).
Chris Cross – Spécialiste des crossovers
En 1996, dans le grand crossover DC versus Marvel, Lobo rencontra en quelque sorte son créateur, en la personne de Wolverine. Ils purent même se bastonner joyeusement dans un bar mais l’issue de leur duel fut soumise à un vote des lecteurs, qui favorisèrent le Canadien au dépend du Czarnien. Mais lorsque les univers fusionnèrent dans Amalgam, ce n’est pas avec le griffu que Lobo fut apparié mais avec… Howard the Duck ! Ainsi, au-delà du look et des pouvoirs, c’était bien le rôle un peu à part du personnage dans l’univers DC qui fut reconnu.
Le côté « over the top » de Lobo se prête assez bien à l’association avec un autre héros, souvent pour exploiter un certain décalage entre les personnalités comme en 2007, dans la série The Brave and the Bold, en team-up avec Supergirl.
Une telle bête de concours ne pouvait échapper au spécialiste-ès crossover de DC : l’inévitable Batman. Ils se croisèrent à plusieurs reprises mais leur duo le plus comiquement réussi est sans doute le one-shot daté de 2000, un Elseworld où le Joker manipule Lobo en se faisant passer pour son frère longtemps perdu de vue et où Alfred est commissaire tandis que Gordon est majordome…
Benoît 16-64 – Théologien
Est-il une vie après la mort ? Si tel est le cas, à quoi ressemble cet au-delà ? Ce questionnement taraude l’homme depuis fort longtemps. Des personnages comme Lobo, quasiment immortel, permettent aux auteurs de s’amuser autour de cette question pourtant d’une grande gravité. La violence cathartique et la désinvolture de « l’Homme » lui fournissent un exutoire, pour se confronter de façon décomplexée à la Grande Question.
Souvenez-vous de « Lobo’s Back » chapitre 2 : Lobo se rend au Paradis puis en Enfer et finit par être expulsé des deux endroits, tellement il se révèle ingérable. Cet élan vital, cette puissance dionysienne, on la retrouve aussi dans « Lobo-Deadman : The Brave and the Bold » (1997 – Alan Grant/Martin Emond). Engagé par le Doctor Kroolman, un sbire de Darkseid, pour capturer Deadman, le héros pouvant prendre possession des défunts, Après un intermède assez hilarant sur une plage californienne, Lobo se retrouve au centre d’un complot visant à percer le mystère ultime de l’après-vie et à accéder au Royaume Céleste, afin que le seigneur d’Apokolips puisse y régner. Mais Deadman et Lobo s’accrochent à la vie et font échouer les plans de Darkseid.
Ainsi, Lobo, ce désastre ambulant, se trouve une nouvelle fois l’instrument de la sauvegarde du monde. Tout semeur de mort qu’il soit, Lobo incarne aussi la puissance du principe vital. Tel est son paradoxe. Pourquoi le Tout Puissant a-t-il permis la création d’un personnage aussi iconoclaste, désacralisant l’Enfer et le Paradis ? Les voies du Seigneur sont décidément impénétrables…
Jean-Paul Egouttier – Créateur de mode
Ayant fait sa première apparition en 1983, même le physique d’un individu aussi parfait que Lobo a évolué au fil des années.
Malgré tout le respect que m’inspire son parcours personnel (et ses beaux biceps si fermes et luisants), il faut reconnaître qu’il n’était pas du tout aidé pour ses premières apparitions (pré Crisis, donc ça ne compte pas) : un costume moulant orange et violet, quelle faute de goût !. Affreux !
Le seul bon point, c’étaient ces yeux rouges dépourvus de pupilles, avec des marques de maquillage noir autour des yeux. Par respect pour la grande coiffure parisienne, je ne m’étendrais pas sur sa coupe de cheveux de l’époque. Une horreur ! La période L.E.G.I.O.N. et JLI n’est pas beaucoup mieux fichue, même s’il porte une tenue plus en cohérence avec sa personnalité : un jean, une veste en jean, un teeshirt blanc, et des bottes de moto. Il commence également à arborer une coiffure en pétard, plus rebelle dans l’âme. Là, ça commençait à ressembler à quelque chose !
Avec le recul, le relooking opéré par Simon Bisley fait enfin apparaître le moi intérieur de ce parangon de masculinité. Les rouflaquettes se font viriles et évoquent forcément Lemmy Killmister de Motörhead. Le jean est conservé comme matériau préférentiel, mais avec des coupes plus sauvages. Les bottes de moto ont été faites sur mesure par un artisan inspiré. Les genouillères arborent des décorations métalliques en formes d’étoiles ou de crâne, selon l’inspiration des dessinateurs. Ces ornements, de même que la Croix de Fer portée au cou, martèlent un message non subliminal : cet Homme est dangereux. Lobo lui-même a revu son régime alimentaire et investi des heures à la salle de sport, sans compter. Il passe d’un registre costaud, à une force de la nature. Il est passé d’un rocker mal dégrossi, mais propre sur lui, à un rocker sévèrement burné, tendance hard rock. J’ai a-do-ré !!!
Cette musique bruyante et remuante continuera d’avoir une influence sur l’Homme, son maintien et ses choix capillaires pouvant faire penser à Slash (alors guitariste des Guns ‘n’ Roses), puis à Rob Zombie (un hard rocker plus conscient de son état). D’ailleurs, dans ses histoires, Lobo est clairement la bête noire de l’Establishment et l’anathème des punks. Mais Lobo possède une personnalité suffisamment forte pour devenir lui-même une référence. Ce n’est pas donné à tout le monde d’arborer avec prestance un look aussi ostentatoire, tutoyant le mauvais goût et le politiquement incorrect.
Mais Lobo n’en a cure, il laisse aux autres super-moutons les uniformes, les collants gentillets et les capes surannées car lui, il a le grand méchant Look ! Lobo est le seul individu de la galaxie à rester menaçant en chemise hawaïenne.
John-Louis Halte-Tu-Sers – philosophe et sociologue
Lobo a beau être d’origine Czarnienne, il est profondément américain. Il incarne remarquablement tout une facette de l’Amérique, dans ses aspects outranciers, machistes, simplistes et, bien sûr, ultra-violent. Si Superman est le symbole de l’Amérique profonde, avec un Clark Kent passant son enfance à Smallville et débarquant en godelureau dans la moderne Metropolis, Lobo est le rebelle « without a cause », le chien fou, qui vit sans limites et sans entraves. Il a une moto spatiale et le cosmos est sa route 66.
Cette liberté, il la donne à ses scénaristes, qui profitent souvent de ses aventures pour écrire des histoires décalées et hors continuité.
Toutefois, il faut bien insister sur le malentendu initial : les créateurs de Lobo souhaitaient dénoncer la bêtise crasse et la violence gratuite de ses contemporains. Devant le succès commercial, Lobo est devenu la figure de proue des excès dont il était supposé se moquer. Les histoires les plus réussies de Lobo sont celles où les auteurs n’oublient pas la dimension parodique du personnage et en tirent parti pour placer des messages satiriques…
Le crossover « Lobo The Duck » est un des exemples les plus jouissifs d’utilisation du personnage. Suite à la fusion (temporaire) des univers Marvel et DC, Lobo se retrouve fusionné avec Howard The Duck : le personnage est donc en proie à une violence coutumière mais aussi à un certain détachement ironique. Alan Grant se fait plaisir en brisant régulièrement le quatrième mur et en démontant les mécanismes des récits superhéroïques sérialisés. Sur du long terme, de tels récits seraient lassants mais dans le cadre d’un one-shot de l’event Amalgam, cela fonctionne très bien et amène une certaine distanciation : le héros tout comme le lecteur savent bien qu’il ne faut pas prendre cela trop au sérieux…
Sigmund Fraude (nom d’emprunt) – Psychologue
De toute ma carrière, je n’ai jamais croisé un tel individu incarnant virilité et machisme. Les maîtres mots de son comportement sont l’exagération, la testostérone débridée, l’absurde, la caricature et le second degré. En tant que czarnian, Lobo a la capacité de guérir de n’importe quelle blessure (imaginez le pouvoir guérisseur de Wolverine, multiplié par 100, jusqu’à l’absurde), l’agressivité d’un Hulk d’un mauvais jour, et le machisme d’un Frank Castle en mode « je tue tout ce qui bouge ». Pour parler franchement, Lobo est psychopathe, un poison pour la société. Il ne reconnaît bien sûr ni dieu, ni maître. Il lui faut se montrer plus fort que toute autorité, plus fort que tout adversaire, plus fort que tout. Cette volonté de toute puissance s’exprime également par son besoin d’être unique, ce qui l’a conduit à tuer tous les autres représentants de sa race.
Cela aboutit une forme de violence brutale et sadique, à la mort de ses ennemis, à la mutilation de ceux qui osent manifester la plus légère forme d’hésitation allant à l’encontre de ses envies. Lorsque Lobo se rend compte que Miss Tribb reste capable de lui fausser compagnie, il lui coupe les jambes au-dessus des genoux et elle passe les 2 épisodes suivants avec les moignons à l’air. Lorsque quelqu’un le fait attendre à un distributeur automatique de billets, il lui arrache les 2 bras que le lecteur voit voler en l’air le temps d’une case. Il n’existe personne d’encore vivant qui pourrait se vanter de s’être moqué de lui.
En tant qu’individu de sexe mâle, Lobo dispose d’une virilité et d’une vitalité, forcément supérieures à tous les autres. Lorsqu’il se retrouve dans le plus simple appareil au Paradis, les anges s’évanouissent à la vue du calibre de son engin et ils éprouvent toutes les difficultés du monde à trouver une feuille de vigne à sa taille. Il boit comme un trou, et il fume comme un pompier, ce qui à nouveau évoque le mode de vie de Lemmy Killmister de Motörhead.
En parlant de virilité, je n’ai jamais rencontré un tel homme à femmes. Elles lui tombent toutes dans les bras et il sait les combler jusqu’à les rendre folles, voire dépendantes de son corps (et de son gros calibre). Étrangement, Lobo lui-même n’est pas dépendant d’une activité sexuelle permanente. Je me demande s’il s’agit vraiment d’un aspect de sa personnalité, ou si les éditeurs responsables de ses apparitions ont préféré passer sous silence cette activité, pour préserver la modestie du grand homme, et pour épargner la sensibilité de lecteurs impressionnables.
En tant qu’individu, Lobo adopte un comportement à la logique d’une cohérence sans faille. Être viril signifie ne pas avoir de faiblesse, donc il n’en montre aucune. Si d’aventure, il se retrouve face à des manifestations associées à l’enfance, il les exterminera avec le plus de dommage possible. C’est ainsi qu’il a massacré le Lapin de Pâques, et qu’il a éventré le Père Noël, toujours avec des actes de violence les plus extrêmes possibles (pour une démonstration de force sans équivoque, dans Lobo/Authority).
La cohérence de son comportement repose sur un code de l’honneur simple et absolu. Il ne tolère pas les emmerdeurs. Il méprise tout le monde parce que personne n’est capable de se montrer aussi fort que lui. Il n’a de respect que pour une race d’animaux : des dauphins de l’espace. Gare à celui qui fera du mal à ses dauphins. La vengeance sera à la mesure de l’offense.
Par ces aspects, le personnage fait honneur à son créateur. Giffen ne ment pas lorsqu’il indique que son intention était de monter en épingle les aspects bas du front, réactionnaires et extrémistes des superhéros ténébreux et brutaux. Au premier degré, Lobo est un individu à la violence pathologique, au style de vie égocentrique, avec une absence totale d’empathie pour son prochain (= une menace pour la société). Au second degré, il s’agit d’un défouloir irrésistible contre toutes les petites frustrations de la vie en société. Est-ce que vous connaîtriez l’adresse d’un chirurgien esthétique et d’un bon psychiatre ? Je ne peux plus supporter ma médiocrité et je ne peux plus dormir à l’idée que Lobo me retrouve.
Karl Subzero – Grand Reporter
Il était impensable de parler de Lobo sans lui offrir un temps de parole. Ne reculant devant aucun danger, nos 2 vaillants contributeurs ont dépêché quelqu’un d’autre (Karl Subzero, en abrégé KS), pour porter leurs questions au sympathique et sémillant Lobo, l’amabilité personnifiée, dont la promptitude des réponses n’a d’égal que leur franchise. Pour recueillir les propos de Lobo, Karl portait un micro-espion et l’interview qui suit est une retranscription de l’enregistrement…
KS – Salut Ô grand Lobo ! Puis-je vous offrir un verre ?
Lobo – Oui, mais du bon et vite. Et me fais pas chier avec des questions, je ne suis pas d’humeur !
KS – Merci vôtre seigneurie. D’où vous vient cette humeur chagrine, un autre czarnien ?
Lobo – Je t’ai dit quoi, avec tes questions d’abruti heureux ? Tu crois peut-être que Mrs. Tribb est revenue d’entre les morts pour demander son reste ? Et puis, tu peux me tutoyer, je n’aime pas ces grandes manières…
KS – Oh non grand Lobo qui nous enterrera tous, je me souviens bien de ton acte de pitié à la fin du Dernier des czarniens (histoire à lire absolument). Comment s’est passé ton dernier séjour sur Terre ?
Lobo – Je pense qu’il y en a que je vais enterrer plus vite que d’autres, surtout une fois que je m’en serais occupé personnellement. Je n’ai aucune envie de retourner sur Terre pour voir tous ces guignols en costume moulant, avec des noms ronflants d’enfants attardés. Qui peut avoir idée de se faire appeler Superman ou Lanterne Verte ? Quel bouffon ce Guy Gardner ! (voir Justice League International 18 & 19)
KS – Un autre verre ?
Lobo – Ca, c’est le seul genre de question que je t’autorise à poser. Fais péter une bouteille de Booker’s et plus vite que ça !
KS – Ca marche ! Sinon, il paraît que Vril Dox est de retour et que…
VLAM !!!! (il semblerait que, ayant reçu un soufflet un peu marqué, Karl ait dégringolé de son tabouret de bar…)
KS (reprenant difficilement conscience) – La vache, j’ai eu un sacré coup de mou tout d’un coup. J’ai dû me tromper pour Vril Dox et sa L.E.G.I.O.N. (voir la première année de LEGION ’89). Et sinon, Ambush Bug, c’est toujours ton pote ? (voir Lobo unbound)
SKRUSHHH !!! AIIIIIIIEEEEE !!!!!! KRAAAKKKK !!!!
(Il semblerait alors que Lobo ait adressé des réprimandes plus appuyées à Karl, causant un certain inconfort à notre grand reporter…)
Pendant plusieurs minutes, on entend plus que le bruit de fond de la salle et le son des bouteilles que l’on vide pour remplir frénétiquement un verre…
KS (surmontant un problème de diction provoqué par la perte des trois quarts de sa dentition) : Diche, Lo’ho, ça te di’ait de pacher au Rhum, pour changer ?
Lobo (souriant et assénant une grande claque dans le dos de KS) – Pourquoi pas ?, c’est pas de refus !
Lobo – C’est l’alcool, ça me rend nostalgique, je repense à la fois où j’ai réglé ce petit souci avec Satan en personne en remettant de l’ordre aux Enfers, avec ce fils de p*te qui gère ça comme une tarlouze (voir Lobo: Highway to Hell). On s’est bien marré. Tiens j’ai même gardé des photos souvenir.
KS – T’as l’ai’ d’avoi’ une fi chympa ?
Lobo – Tu sais la vie c’est pas compliqué. Il te faut un petit pied à terre tranquille chez toi, où personne ne vienne t’emmerder, la compagnie d’animaux sauvages pour te rappeler la beauté de la nature (des dauphins de l’espace), des petits boulots sympas pour te faire un peu d’oseille, et surtout ne jamais te laisser marcher sur les pieds, jamais ! Même par des moins que rien qui, sous couvert de te rincer la dalle, te posent des questions en loucedé.
KS – Ben, ch’koi que ch’fai y aller…
Les derniers instants de l’enregistrement étant difficilement audibles, en voilà une interprétation. Nous vous prévenons que ce passage est susceptible de choquer les plus jeunes lecteurs…
VLAM !!!! – Splurt… – KRASHHHH !!!! – Hunng – BOOONNNNG !!!! – Ouch – BADOOOMMM !!!!! – Aïe – WHAKOOOOMMMM !!!!! – Splouch – SNAP !
Le mot de la fin :
Dans un souci d’équité, la rédaction a souhaité laisser le mot de la fin à Lobo.
—–
LOBO ! Un peu d’Alice Cooper,de Lemmy et de Rob Zombie. Le Healing factor de Wolverine ! Une testostérone à faire péter la braguette ! Des auteurs prestigieux ! Et un psy, un styliste et un sociologue pour se pencher sur son cas ! C’est le dossier du WE par Présence et Jean-Pascal Nguyen qui hululent pour vous chez Bruce Lit.
La BO du jour
Lobo s’est aussi lancé dans la chanson en chantant les mérites d’un confrère….
Lobo, un homme, un vrai!
Il a quand même la peau un peu blanche, et en plus c’est un étranger qui n’est même pas de notre Terre.
Article fort intéressant sur un personnage dont je n’ai jamais rien lu mais que je connais de vue.
On peut également jouer avec lui dans le jeu de baston Injustice Gods among us. Et c’est un vrai plaisir.
J’aime surtout cette différenciation que vous faîtes sur la portée des histoires lorsqu’elles se prennent au sérieux ou lorsqu’elles sont parodiques.
L’ultra violence et les excès en tous genres passent beaucoup mieux pour moi lorsqu’on sent que c’est du second degré qui se moque un peu de tout ça. On en revient à ce qui me gêne avec le personnage de Kratos qui évolue pour moi dans un contexte beaucoup trop premier degré.
Si je devais lire du Lobo, je me contenterais de ses histoires plus parodiques donc.
P.S : 21 images ! Vous avez fait comment pour que Bruce ne vous tape pas sur les doigts ?
Si tu en as l’occasion, tu peux lire le recueil publié par Urban qui reprend les 2 premières miniséries de Keith Giffen, Alan Grant et Simon Bisley : ça débite.
The Authory/Lobo : Le cahier special vacances (publié par Pnini) est réalisé par la même équipe, et ça débite tout autant, tout aussi parodique.
@Matt : pour les images, soit Bruce a tenu compte du fait qu’on était deux, ce qui doublait notre quota, soit il a succombé lui aussi au charme du Czarnien. Dernière hypothèse : il ne souhaitait pas déplaire à Lobo et subir le sort de Karl Subzero…
Sinon, j’adresse un grand merci à Présence, pour avoir accepté ce nouvel exercice de style, sur un personnage qui le vaut bien.
Ce fut un vrai plaisir, comme d’habitude, mon cher JP.
Je note que personne n’a évoqué le crossover Lobo/The Mask, concentré de débilité jouissive qui pour ma part me comble d’aise. lecture hautement recommandée par de grandes marques de crochets de boucher.
@Nikolavitch – De façon étonnante, même la réunion de nos lectures à JP et moi ne couvre pas ce crossover.
il était sorti il y a bien longtemps chez Semic (dans un des premiers Special DC, de mémoire). C’est au moins aussi con que ne le laisse présager le titre, Lobo vs The Mask. Si ce n’est plus. en tout cas, ça ose tout.
Quel article fleuve. j’imagine que l’on ne dit pas non à Lobo. Je me suis pris au jeu des interviews avant de réaliser qu’elle venaient de l’autre côté de la page. un article très créatif qui fait honneur à la fougue de ce héros… (ce qui me rappelle les figure replay qui me manquent 😉
Mince ! Je suis démasqué : ça s’est vu que c’est JP qui a tout fait.
Punaise, j’ai mis un moment à le finir ç’ui-là ! Et moi qui fait des articles ultra-longs, je ne me rends pas compte de l’aspect chronophage de la chose ! 🙁
Je suis passé complètement à côté de LOBO, dont le cahier des charges (défouloir, antihéros, défonceur de slips) me correspond pourtant parfaitement.
Super article, conceptuel, drôle, plein d’esprit et complètement roboratif. J’ai l’impression de connaitre l’univers du personnage par coeur au bout du compte ! Impressionnant.
Comme le fait observer JP, la grande heure de Lobo se situe plus dans les années 1990. Le recueil édité par Urban correspond à cette montée en puissance hallucinante des 2 premières miniséries réalisées par Keith Giffen, Alan Grant et Simon Bisley.
invoquer Alice Cooper pour m’intéresser à Lobo est un coup bas pas permis !
En temps normal, je dirais que je ne suis pas client, ayant en horreur la culture biker et les héros à moto voire les motos tout court dans la vie de tous les jours.
Then again.…m’étant pris de passion pour Judge Dredd sous la coupe du seigneur Sith Présence, sait on jamais….
@Alex N: Ah non ! toi pas Patrick M. Toi pas chipoter !
Sigmund Fraude: en quoi dois je y voir un sobriquet Nguenesque là dedans? Ainsi que Mortal Kombat pour Karl Subzero ? JAck All Good est le cousin américain d’Albert ?
En tout cas une belle complémentarité pour nos deux spécialistes du teamup même si je suis surpris de retrouver JP sur un truc aussi bourrin.
si-si. Patrick est le chipotus Rex, mais je suis pas loin en dessous, genre dux chipotum.
Jack Allgood : c’est bien sûr JP qui a créé ce nom, mais j’avais cru y voir un allusion à un autre Jacques qui est tout bon, avec peut-être au vu de l’orthographe du prénom une évocation d’un ministre doté d’une bonne langue.
Pour les noms : Jack Allgood se voulait une référence à un ancien ministre de la culture, de droite, qui avait tenté, un peu maladroitement, de défendre notre langue face aux anglicismes (combat de nos jours totalement abandonné en France, c’est dommage, j’aime bien les nouveaux mots que ça peut donner comme divulgâcheur, qui nous vient du Québec…). Mais il est vrai qu’en l’orthographiant Jack, cela évoque aussi un autre ancien ministre, de gauche…
Pour Karl (Sub)zero, il me fallait un vrai nom de Grand Reporter à détourner et Google m’a appris que Karl était supposé en être un… Le fait que, dans l’article, le personnage soit un peu naze m’a encouragé à lui coller une étiquette liée à Mortal Kombat (niark niark)
Et sinon, évidemment, il ne faut surtout pas croire Présence, car il amène en général la majorité de la matière des articles, rassemblant exhaustivement toutes sortes d’éléments. Mon rôle se situe davantage dans le montage et l’enjolivage, ainsi que l’ajout de quelques mentions anecdotiques… Je suis plutôt content du résultat, même si je pense que notre meilleur Team Up reste encore à ce jour celui des crossovers Batman/Indés…
http://www.brucetringale.com/crossing-crusader-2eme-partie-batmanindependants/
D’ailleurs, je viens de faire un custom d’Alfred ce matin…
Présence a accepté de remettre ça pour Grendel, il faut maintenant que je propose une approche digne du perso…
Je trouve votre tandem super bien équilibré. Le haut de gamme assez inégalable, si je puis me permettre…
Je ne suis pas sûr que tu puisses te le permettre. D’abord il faut nous laisser l’espoir de pouvoir faire mieux, sinon à quoi bon tenter un autre team-up entre nous. Ensuite je prends toujours beaucoup plus de plaisir à lire les autres team-ups qu’à relire ceux auxquels j’ai participé et dans lesquels je ne vois que les efforts que j’ai pu faire sans réussir forcément à formuler assez bien ce que j’avais envie de dire.
Zéro empathie et un refus de la frustration : c’est tout Lobo !
Ça y est ! Trois jours après sa parution j’ai enfin pu lire ce fantastique team up ! Comme vos précédentes collaborations c’est du grand art, original et drôle. Les noms des intervenants est savoureux et extrêmement pertinent comme le souligne Omac. Je ne suis pas sûr pour le philosophe : Hedern Allier ?
Je dois avouer que je ne connais que ce qu’a publié Urban, il me manque pas mal d’épisodes donc, et je ne pensais pas que l’on pouvait faire aussi long avec un personnage aussi parodique. Mais en le replaçant dans son contexte éditorial, vous soulevez tous les points, et de façon ludique via les témoignages de personnages facilement caricaturaux, qui font de Lobo une œuvre plus intéressante qu’elle ne le semble au premier abord (du grand n’importe quoi qui tient lieu de défouloir). Vous me donnez envie de me relire mon tome, car j’aurai désormais un autre point de vue.
Comme JP je pense que pour l’instant votre meilleur reste le dernier sur Batman, mais cela est très relatif : lier le fond à la forme en invitant Lobo à massacrer un journaliste via onomatopées et utiliser un scan pour casser vous-mêmes le quatrième mur était inédit ici je crois ! Encore bravo et maximum respect !
Pour le philosophe : Louis Althusser (1918-1990) est un philosophe français, membre du Parti communiste, à l’origine d’un important renouvellement de la pensée marxiste dans une perspective généralement associée au structuralisme, théorie caractéristique du Zeitgeist des années 1960, avec notamment Roland Barthes et Claude Lévi-Strauss. – Merci wikipedia
AAAH! Lobo!
je viens jsute de m’offrir le volume Eaglemoss en kiosque et je dois dire que bien avant Deadpool ou Harley quinn et surtout bien plus drôle, dégueulasse et subversif….
Les deux dernier font pale figure, juste totalement inoffensifs…
Le look de Lobo est vraiment magique, on dirait le condensé de tous les metalleux américains des 80’s…