Je Suis Doctor Strange, anthologie par divers auteurs
Par : TORNADO
VO : Marvel
VF: Panini
Ici, chez Bruce Lit, on aime les comics. C’est la raison d’être du blog, depuis le début. Et la plupart des contributeurs de notre blog bien aimé aiment les comics de super-héros old school ; ceux qui ont bercé notre enfance dans les publications LUG, à commencer par Strange et Special Strange (il revient souvent ce nom étrange !).
Mais moi… non. Je n’aime pas ça. Ou en tout cas, je ne l’aime plus. Car j’ai aimé ça quand j’étais gosse. Je collectionnais ardemment les « magazines de l’Araignée », ceux des X-men et des Quatre Fantastiques. Les Titans, les Spidey et les Nova. Et puis même les magazines Artima avec Hulk, Thor et les Vengeurs. Mais ça, c’était avant.
Aujourd’hui, bien que je garde un souvenir attendri de ces lectures de jadis, je n’arrive plus à relire cela avec un regard adulte. Ça me tombe des mains. Et rares sont les comics en questions que j’aime encore me relire. J’ai toujours des vieux Strange, des Titans et des Nova dans ma cave, et il m’arrive parfois de me refaire la Mort de Gwen Stacy ou encore la première Saga du Clone sous cette formule de vieux magazine, car la nostalgie supporte encore le poids de l’âge. Mais sans la nostalgie, ça ne fonctionne plus du tout.
C’est à ce moment là que je parle de lecture infantile. Et ça, ce n’est pas très gentil pour ceux qui aiment encore lire tout ça, j’en ai bien conscience. Pour autant, c’est la sensation que me procurent ces vieux comics. Je les trouve imbitables pour un adulte. Il me semble qu’ils ne lui sont pas destinés. C’est exactement pareil que lorsque je revois certains des dessins animés de l’époque qui passaient à la TV. Par exemple Mighty Mightor ou David & Goliath
Je conçois ainsi parfaitement que l’on puisse aimer replonger dans les sensations de son enfance en toute connaissance de cause. En sachant à l’avance que l’on va retrouver des histoires gentiment tartignolles avec des héros fringués de manière improbable, avec des slips par dessus le pantalon (il y aurait probablement matière à tergiverser longuement sur cet attrait incongru pour le slip flashy, non ?), des héros qui se comportent comme des présentateurs TV au sourire Colgate, qui prennent des positions ridicules en parlant d’eux à la troisième personne tel le premier Alain Delon venu, qui déroulent fièrement un vocabulaire moyenâgeux tout en se battant bêtement avec tout autre bonhomme en slip qui passe par là, comme un chien qui marquerait son territoire, et qui entament des amourettes sirupeuses à faire pâlir le moindre soap-opera pour ménagère de moins de 65 ans. Et cela tout au long d’une série d’histoires grotesques à base de méchant d’opérette cherchant à dominer le monde tout seul, avec sa bite et son couteau…
Oui, je peux comprendre que l’on aime retrouver ces « oldies » ou ces « funnys », comme disent les fans qui tentent presque maladroitement de s’excuser comme s’ils savaient quelque part que tout cela est bien kitsch. Je le comprends d’autant mieux que, de mon côté, j’éprouve une affection sans bornes pour les vieux films fantastiques WTF à base de King Kong robotisés ou même pour les blockbusters déviants de type Flash Gordon !
Je comprends donc parfaitement bien tout ça. En revanche, ce que j’ai du mal à avaler, c’est lorsqu’un péquin vient me faire la leçon en me disant que le Batman d’Alan Moore c’est du chiqué, tandis que celui de Steve Englehart c’est nettement au dessus. Un peu comme si je tentais de vous convaincre qu’un opéra de Mozart, franchement, ça ne vaut pas le tam-tam d’un homme des cavernes, ou que les plats de chez Bocuse c’est surfait, alors qu’un donut bien gras de chez Bobonne, c’est la classe internationale. Ou encore que pour votre problème cardiaque, un grand cardiologue, ça ne vaut pas un bon vieux druide gaulois…
Ainsi vont les choses. A présent que j’ai grandi, que j’ai appris et que j’ai lu un grand nombre d’œuvres remarquables, je ne peux plus lire un comi book de super-héros old-school en me disant que c’est génial. Un peu comme si, après avoir mangé des huitres accompagnées d’une bonne coupe de champagne, j’avalais une fraise Tagada. Le goût va soudain me paraitre un peu naze et, au bout du compte, infantile…
Je vous raconte tout cela afin de m’excuser par avance à propos de mes coups de gueule et de mes airs de mépris à destination de ces vieux épisodes de Marvel dont je m’apprête à parler dans les lignes qui suivent. Car je tenais à expliquer la raison de ce déni pour les oldies.
On peut cependant regarder la chose pour les seuls dessins, comme un beau livre illustré qui s’imposerait comme la trace de son époque. Parce que du côté du dessin, comme nous allons le voir, la série qui nous intéresse aujourd’hui a été gâtée…
Le livre sur lequel nous nous penchons est un recueil de la collection Je Suis Marvel Précisons une fois encore que cette collection d’albums au prix abordable (ce qui est plutôt rare chez Panini Comics) ne regroupe qu’une sélection d’histoires très sélective et qu’elle ne constitue en rien un récit complet et encore moins une intégrale. Il s’agit donc d’une suite de petits récits choisis, parfois des extraits puisés au milieu d’une saga culte. L’idée est de présenter le personnage aux néophytes et, une fois n’est pas coutume, Panini a agrémenté la chose d’un rédactionnel substantiel avec une belle présentation pour chaque morceau choisi.
Le tout est publié en papier mat, ce qui sied parfaitement aux anciennes histoires datant des années 60, 70 ou 80, mais nettement moins aux plus récentes…
– La sélection débute par l’incontournable premier épisode (Strange Tales #110) suivi du tout aussi incontournable épisode consacré aux origines du personnage (Strange Tales #115), tous deux publiés en 1963 sur un scénario de Stan Lee et des dessins de Steve Ditko . Soit les deux créateurs du héros.
Ces deux épisodes historiques de neuf pages chacun doivent impérativement être replacés dans leur époque tant ils sont archaïques. Steve Ditko dessinait ses planches en roue libre et Stan Lee ajoutait par dessus une tonne de texte (cellules, phylactères et bulles de pensée) afin d’en raconter un maximum en un minimum d’espace. Le style de Ditko est encore précipité et l’ensemble rappelle les petites histoires des anthologies fantastiques publiées dans les magazines de l’éditeur EC Comics dans les années 50, comme Tales From the Crypt ou Crime Suspenstories . Deux petites histoires qui mettent en place, l’air de rien, une mythologie interne, ici au stade de fœtus. Bref, c’est simple, sans fioritures et historique.
– Panini insère en deuxième position un épisode de la série dédiée à Spider-man (Amazing Spider-man Annual #2) datant de 1965 (« Le Monde Enchanté du Dr Strange »), toujours coréalisé par Lee & Ditko. Un épisode spécial où les auteurs en profitent pour opérer une rencontre entre leurs deux personnages et ainsi offrir une visibilité optimale au Dr Strange (qui ne bénéficiait pas du même succès que l’Homme-araignée !). Une forme de crossover archaïque, finalement.
Plus encore que les épisodes précédents, celui-ci n’a guère de valeur en dehors de son intérêt historique et de sa place dans la continuité, puisqu’il marque la rencontre entre deux personnages destinés à se rencontrer à l’occasion de maintes sagas importantes pour la suite de leurs « carrières » respectives. Il s’agit néanmoins d’un matériel old-school réservé aux aficionados car ce style de comics très naïf souffre désormais d’une narration théâtrale et ampoulée qui a vraiment très mal vieilli, servie par un dessin un peu abrupt, même s’il convient de reconnaitre que Steve Ditko est bien plus à l’aise dès qu’il s’agit de s’immerger dans le monde psychédélique du Dr Strange !
Panini n’ayant pas refait la traduction, il faut en plus supporter le travail calamiteux de Geneviève Coulomb sur cet épisode, parsemé de formules inadmissibles issues de la bouche de Spiderman (« Ils sentent que dalle », « Con de moi, comment j’ai pas compris ?! », etc.).
– La sélection se poursuit avec le dernier arc narratif de la série illustré par Steve Ditko (Strange Tales #142 à 146), datant de 1966. A cette époque, les relations entre Stan Lee & le dessinateur se désagrègent pour cause de divergences artistiques et l’éditeur en chef de la Marvel passe donc les commandes à ses collaborateurs, c’est-à-dire Roy Thomas et Dennis O’Neil, qui se succèdent sur cette saga.
C’est l’époque où les auteurs définissent en profondeur la mythologie interne de la série en opposant le héros à ses ennemis emblématiques qui se nomment le Baron Mordo, Dormammu, Eternité ou Cauchemar. Pour autant, les histoires souffrent d’un caractère particulièrement infantile qui reflète la politique éditoriale de l’époque, soumise à un comics-code rigoureux qui destinait ces publications aux enfants. Très difficile à lire aujourd’hui avec un regard adulte entant que lecture pure, en dehors de l’effet nostalgie !
– L’épisode suivant, Dr Strange #177 (« Asmodeus et la Malédiction »), daté de 1969, nous sort la tête de l’eau, non pas grâce au scénario mainstream de Roy Thomas, mais bel et bien par la grâce des planches extraordinaires de Gene Colan. Ce dernier réussit l’exploit de donner une tonalité plus adulte à la série, alors que Roy Thomas fait tout pour la plonger au fin-fond de sa sphère infantile en affublant Stephen Strange d’un costume grotesque, dans le pur esprit des super-héros de l’époque, dans l’espoir d’attirer plus de jeunes lecteurs.
Et pourtant, on se surprend à tourner les pages avec un intérêt réel, tant le dessinateur parvient à conférer une atmosphère sinistre incroyable à une histoire somme toute complètement inepte !
– C’est un autre dessinateur de premier plan qui est mis à l’honneur avec Marvel Premiere #3 (« Le Monde Perd la Boule ! »), publié en 1972, à savoir Barry Winsor-Smith. Celui-ci imagine lui-même un one-shot intimiste et original opposant le héros à l’un de ses ennemis récurrents. Hélas, entretemps, l’inénarrable Stan Lee s’empare des planches de l’épisode soi-disant pour en peaufiner les dialogues et, si l’on en croit le rédactionnel, sans rien dire à Mr BWS, change complètement le déroulement de l’histoire ! Reste une curiosité dominée par le trait raffiné du co-créateur de la série Conan le Barbare.
– On retrouve le grand Gene Colan avec Dr Strange #13 (« La Terre A Disparu ! ») publié en 1976 (la série ayant été rebootée en 1974), sur un scénario de Steve Englehart. Il s’agit du dénouement d’une saga publiée précédemment et, pris entant que lecture seule, l’épisode, un peu abstrait et tarabiscoté, est plutôt soporifique (et très ampoulé). Mais les planches de Colan, qui reprennent l’esprit psychédélique et chamarré des délires de Steve Ditko, assurent le spectacle.
– S’ensuit un grand classique avec le crossover « Le Tombeau du Dr Strange » (Tomb of Dracula #44 et Dr Strange #14 de 1976). Marv Wolfman & Steve Englehart, respectivement scénaristes sur les deux séries, nous content la première rencontre entre le Dr Strange et le Conte Dracula, qui s’affronteront à plusieurs reprises dans des combats de très haut niveau, par exemple dans Spider-man team-up #6 de 1997 (Spiderman extra N°9 en VF), où le scénariste J.M.DeMatteis réalisera un hommage direct au présent récit, sous la forme d’une suite référentielle.
Si Gene Colan (qui dessine les deux séries) nous offre encore un superbe panel de planches gothiques et iconiques, le scénario n’en demeure pas moins guindé, répétitif et pétri de clichés, assez hasardeux, alourdi encore par une narration ampoulée où les personnages commentent tout ce qu’ils font à haute voix en parlant d’eux à la troisième personne.
Reste le charme suranné d’un récit semblant sortir des studios Hammer …
– L’épisode suivant (Dr Strange Annual #1 de 1976), intitulé « Et Il Y Aura des Mondes Nouveaux », est encore dévolu à un dessinateur de premier plan : P. Craig Russell. L’artiste est crédité au scénario, bien que le rédactionnel indique que Marv Wolfman, alors rédacteur en chef de Marvel, a repris le récit pour lui donner une nouvelle orientation. Le résultat ne satisfaisait apparemment pas Russel, puisqu’il réalisa, en 1997, une sorte de remake de cet annual en forme de one-shot (alors intitulé « What Is It That Disturbs You, Stephen ? »), beaucoup plus proche de sa vision initiale.
Pour le coup, le scénario de cette version de 1976, où l’on voit Strange (à la recherche de sa bien-aimée Cléa) attiré dans un monde de fantasy dominé par deux sœurs illustrant la lutte entre le bien et le mal, ne vaut pas tripette et se révèle d’un ennui abyssal tout au long de ses 37 planches. C’est vraiment dommage car le style de Russel, qui évoque le raffinement décoratif tout en volutes végétales de l’Art Nouveau, est un régal pour les rétines.
L’autre volet intéressant de cet annual apparait dans sa mise en forme narrative : P. Craig Russel a choisi d’utiliser une voix-off qui restitue les pensées du Dr Strange et qui fonctionne ainsi comme un soliloque, évacuant de ce fait toute forme de cellule de texte ou de bulle de pensée. Ce procédé est exactement le même que celui qu’utilisera plus tard Frank Miller sur la série Daredevil (au début des années 80), qui révolutionnera la manière de raconter une histoire dans un comic book de super-héros ! C’est donc avec une très grande surprise que le lecteur découvre cette forme de narration sur un épisode datant de 1976. Certes, le style d’écriture conjugué de Russel & Wolfman est loin de posséder la classe et la force de celui de Miller, mais il s’agit là d’une surprenante découverte à une époque où les scénaristes sont encore cantonnés à une formule plutôt envahissante formée par la conjugaison et l’entrecroisement d’une multitude de procédés narratifs pas toujours très élégants.
(pour le dessin).
– Avec l’arc narratif « Epée & Sorcellerie » (Dr Strange #68), on fait un bon dans le temps pour se retrouver en 1984, au moment où la série est sous l’égide du scénariste Roger Stern et du dessinateur Paul Smith. Soit un autre run culte en ce qui concerne l’historique de notre personnage.
A cette occasion, notre bon docteur vient en aide au Chevalier Noir, un super-héros de seconde zone mélangeant le genre avec la chevalerie médiévale (!) ayant appartenu aux Avengers.
Bien que l’association de Roger Stern & Paul Smith possède un large panel d’admirateurs, il convient de reconnaitre qu’avec le recul, nous avons, là encore, du matériel old-school très médiocre, une histoire ridicule et une narration aussi légère qu’un troupeau de baleineaux. La relation sous forme de triangle amoureux entre Strange, Black Knight et Victoria Bentley est tartignole au possible et, l’espace d’un instant, on croirait lire un mélange entre l’univers Marvel et la série TV Amour, Gloire et Beauté
Quant au dessin de Paul Smith, j’avoue n’avoir jamais compris comment le bonhomme pouvait à ce point fédérer autant d’admirateurs. Des personnages figés ayant tous la même tête et les mêmes expressions… Voyons, voyons… N’aurions-nous pas trouvé l’ancêtre de Steve Dillon ? Mais il est de coutume de célébrer, depuis la réhabilitation d’Alex Toth, les dessinateurs prônant le parti-pris de l’épure… Toutefois, le dessinateur ne s’en sort pas trop mal ici grâce à l’encrage extrêmement élégant de Terry Austin, qui rehausse grandement le trait monotone de son collègue.
– On touche le fond avec « Le Retour des Défenseurs » (The Return of the Defenders part 4 : Dr Strange : Sorcerer Supreme Annual 2), réalisé en 1992 par le scénariste Roy Thomas et le dessinateur M.C. Wyman. Il s’agit d’un crossover entre quatre séries, histoire de mettre en scène, comme indiqué dans le titre, le retour des quatre membres originels de cette équipe super-héroïque (Dr Strange, Hulk, Namor et Silver Surfer).
On se doutait bien que cette compilation ne pouvait pas faire l’impasse sur les Defenders, car Stephen Strange a été un membre actif de cette formation (fondée en 1971 par le même Roy Thomas) qui représente ainsi une partie non négligeable de sa « carrière ».
Voilà une autre histoire particulièrement indigeste, dont on ne nous montre ici que le dénouement. Soit 23 pages de cacophonie en forme de bagarre de bac à sable, nos quatre puissants héros (accompagnés du jeune Rick Jones) affrontant un certain Savage, lui-même flanqué de deux sbires belliqueux (deux autres vilains nommés l’apprenti-sorcier Lucian Aster et le sorcier-alien Shanzar), pour une suite ininterrompue de bastons insupportables, où les personnages s’échangent leur corps, font des blagues en plein milieu de l’action, illustrant à merveille le principe de la partouze super-héroïque, superbe métaphore, quand on y pense, de cet étrange fantasme qu’ont les fans à vouloir voir un maximum de bonshommes en slip se vautrer les uns sur les autres…
Le dessin, fonctionnel, ne nivelle pas vraiment l’ensemble par le haut et, si l’on ne fait pas partie du club (ceux qui trouvent cela fun, divertissant ou je ne sais quoi d’autre), on tourne les pages avec un ennui abyssal le long d’une succession de combats sans aucun suspense ni aucun enjeu dramatique.
L’horreur ! De la matière fécale bruyante et vulgaire. Au secours. A l’aide. Sauvez-moi.
– S’ensuit une petite récréation sympathique avec un court one-shot de 10 pages écrit en 2006 par Stan Lee et illustré par le grand Alan Davis (Stan Lee Meets Dr Strange #1). On fait un saut de plus de vingt ans en avant car le personnage n’étant pas très populaire, il n’a bénéficié d’aucune série régulière pendant tout ce temps.
Stan Lee se met ici en scène lui-même et joue avec malice de sa réputation de démiurge mégalomane. On le voit flâner distraitement un soir d’hiver dans les rues de New York. Apercevant dans un comic-shop une figurine du Dr Strange, il décide soudain de se rendre dans le domicile de ce dernier. Il découvre alors une boutique de souvenirs où tout est payant, y compris la rencontre avec le sorcier suprême, même pour son créateur !
La mise en abîme est sympathique et Alan Davis nous fait un beau cadeau en livrant dix planches somptueuses, dans lesquelles la mythologie du personnage est illustrée comme autant de divagations référentielles à destination du lecteur.
– On termine la compilation avec un one shot publié en 2014 (New Avengers Annual # 1), intitulé « Automédication ». Le scénariste Frank Barbiere et le dessinateur-illustrateur Marco Rudy imaginent un récit alternant le souvenir douloureux du premier échec de Stephen Strange entant que neurochirurgien avec un combat mené au temps présent contre une entité démoniaque ayant pris possession d’une jeune princesse dans une région reculée du monde (probablement le Tibet). Le récit illustre alors le point jusqu’auquel le personnage est capable d’aller afin de remporter ses combats et d’acquérir davantage de pouvoir, même lorsqu’il s’agit de plonger dans la magie noire…
Depuis longtemps, déjà, l’univers du Dr Strange flirte avec celui de l’écrivain HP Lovecraft. Cet épisode est la concrétisation parfaite de cette confluence, mêlant les deux mythologies dans une osmose pleinement accomplie.
Le récit, déconnecté de la série New Avengers, peut se lire de manière totalement autonome et justifie à lui-seul l’achat de ce recueil tant il est somptueux, autant dans le fond que dans la forme. Si le scénario en lui-même est à la fois profond et fédérateur dans la perspective d’illustrer le mythe du personnage (dont les résonances du passé apportent du sens aux actions du présent), la mise en image offre une vertigineuse plongée dans ce que l’art séquentiel peut posséder de plus abouti entant que medium artistique pur. Le découpage et la construction des planches, aussi virtuoses que splendides, sont un pur enchantement et Marco Rudy rivalise ici avec J.H. Williams III, dont on se souvient encore du travail éblouissant sur la série Batwoman. On prend alors, n’en déplaise aux puristes pour lesquels les premières histoires sont toujours les meilleures malgré leur qualité narrative épouvantable, la mesure des progrès effectués en matière de mise en forme artistique depuis quelques années au rayon des comics de super-héros.
Au final, ce recueil consacré à l’histoire éditoriale du personnage de Dr Strange est une entrée en matière plus ou moins intéressante pour le néophyte. Si la compilation peut se justifier dans sa volonté d’illustrer les diverses périodes de cette publication, elle nous propose néanmoins un panel d’épisodes à la qualité souvent calamiteuse au rayon du scénario. La partie graphique est cependant très appréciable, et le livre en lui-même est assez bien fait. On regrettera tout de même, au niveau du rédactionnel, la participation des sbires de Panini Comics qui, autour de Christian Grasse, ne peuvent s’empêcher de faire, toutes les trois lignes, de la pub pour les autres livres parus chez leur employeur, voire même pour le film de Scott Derickson sorti cette année. Ultra factice attitude…
En bref, un bouquin réservé soit aux amateurs de comics old-school pas très regardants sur le contenu du scénario et sur le style de la narration, soit aux curieux ne souhaitant pas investir dans la collection des Intégrales. Soit, enfin, à ceux qui sont venus là pour regarder les beaux dessins…
Pour terminer, je précise que j’aime les histoires enfantines et les simples divertissements innocents. Mais je pense sincèrement que l’on peut faire la différence entre ce qui est enfantin et ce qui est infantile.
Le monde de l’enfance offre un merveilleux refuge pour nous autres adultes en quête de douceurs nostalgiques et de terreurs inoffensives ; les Peter Pan du monde réel ayant refusé de grandir complètement et aimant se ménager une échappatoire bénéfique vers le Pays Imaginaire. Mais ce n’est pas une raison pour opérer un nivellement artistique vers le bas.
Pour un adulte mature et raisonnablement cultivé, regarder un classique de Disney ou même lire un Picsou par Carl Barks ou Don Rosa , c’est parfaitement jouable. C’est extrêmement bien fait, élégant, empreint de finesse, de poésie et souvent profond. Mais supporter un vieux comic book de super-héros datant de l’âge d’or, de l’âge d’argent ou de l’âge de bronze, c’est franchement une autre affaire. Tout simplement parce que, techniquement, c’est très mauvais.
Mal racontés, mal dialogués, risibles, publiés à la va-vite et soumis à un comics-code authority sclérosant, ces comics étaient d’un niveau littéraire assez catastrophique et formellement laborieux, écrits avec un bonnet d’âne par le dernier de la classe dont on ne voulait pas ailleurs.
Ainsi, malgré l’embryon d’une toile de fond fédératrice de l’ordre de la dimension mythologique (je parle d’embryon, parce que la parabole raciale chez les X-men à la sauce Stan Lee, purée qu’est-ce que c’est tarte !), ces séries étaient d’une qualité de l’ordre du reader-digest destinées aux enfants. Certes, au-delà de leur stade larvaire, elles possédaient un sacré potentiel puisqu’elles sont toujours là, Hollywood prenant aujourd’hui le relais de ce qui semble d’ailleurs être devenu la poule aux œufs d’or. Mais quant à leur niveau artistique, je campe sur mes positions car, lorsque l’on s’adresse aux enfants et qu’on le fait de manière aussi minable, sans élégance dans l’écriture, on cesse d’être universel et l’on s’enfonce dans la médiocrité. Et c’est bien cette stagnation dans la médiocrité qui me fait employer le mot… infantile.
Alors… Aimer lire ces vieux comics, quel est le mal ? Diantre ! Aucun !
Mais, quand même, Que ce soit Dr Strange ou Batman dessiné jadis par Steve Ditko ou Paul Smith, écrit par Steve Englehart ou Tartempion, ne venez plus me dire que, artistiquement parlant, c’est meilleur que du Alan Moore et du Frank Miller…
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LA BO du jour : un fan de comics qui n’aime plus les comics…Des jours étranges nous attendent ! Rouvrons les portes de la perception…
https://www.youtube.com/watch?v=-NSz-9qqgKE
Il y a aussi doctor Strange v2 #55 « To Have Loved… and Lost! » qui est souvent cité comme lecture valant le coup.
Publié dans la collection Comics USA en VF sous le titre « pour l’amour de Cléa »
Je le répète, j’ai commenté le Wolverine sizon ouane sur la Mazone… (tout le monde s’en fout apparemment)
J’ai lu l’origin story de JMS sur Strange. A l’époque j’avais bien aimé. Mais c’est au début où je me remettais aux comics et j’étais moins exigent qu’aujourd’hui. En général, les connaisseurs du personnage disent que c’est naze…
Pour moi qui trouve que le Strange old-school est imbitable, ça offre une bonne entrée en matière.
Bah j’ai pas demandé pour Wolverine, donc ouais je m’en fous un peu^^ En plus t’as déjà dit que c’était nippon ni mauvais donc…ça veut dire bof quoi.
Je ne suis pas attiré par le dessin de la mini de JMS.
Le dessin de Emma Rios sur le Season one m’attire davantage (même si c’est un style qui peut faire brouillon, mais très adapté au personnage selon moi), mais aucune idée de la qualité de l’histoire de Greg Pak.
J’ai plus ou moins lu par ci par là que les meilleurs « season one » étaient ceux des X-men et de Strange. Et que le Spider-man était tout pourri.
Ayé j’ai lu « une réalité à part »
Ah ouais c’est…pas mal perché comme truc.^^
On dirait un bon délire cosmique à la Gerber ou Starlin.
Et je me demande si les rumeurs comme quoi Englehart sniffait de la drogue à l’époque ne seraient pas vraies^^
C’est assez délirant mais pour un comics de Dr Strange, ça colle bien.
J’aime bien l’histoire de Sise-Neg, et aussi les épreuves de Strange dans l’irréalité du globe d’Agamotto (certains ont du lire Alice au pays des merveilles avant de faire ce comics^^)
Et la mise en forme de Frank Brunner est très belle.