Jean Grey 1 – Nightmare Fuel par Dennis Hopeless et collectif
PRESENCE
VO : Marvel
VF : Panini (Kiosque)
Ce tome fait suite à la série All new X-Men qui était écrite par Dennis Hopeless et qui suivait les aventures des jeunes X-Men, rapatriés du passé par Brian Michael Bendis dans Yesterday’s X-Men.
Il comprend les épisodes 1 à 6 de la série, initialement parus en 2017, écrits par Dennis Hopeless, dessinés et encrés par Victor Ibánez (épisodes 1 à 3, avec un découpage réalisé par Al Barrionuevo pour le 3), Harvey Tolibao (épisode 4), Anthony Piper (épisode 5), Paul Davidson (épisode 6). La mise en couleurs a été réalisée par Jay David Ramos, avec l’aide de Chris Sotomayor pour l’épisode 2 et de Dono Sanchez-Alamara pour les épisodes 3 & 4. Les couvertures ont été réalisées par David Yardin.
La jeune Jean Grey venue du passé effectue un bref bilan de qui elle n’est pas : elle n’a jamais été habitée par la Force Phénix, elle n’est pas devenue Dark Phoenix, elle n’est pas morte dans les bras de Cyclops, il ne l’a pas trompé avec Emma Frost. Au temps présent elle est en train de prendre un bol de ramen à Kyoto, où elle est arrivée par téléportation grâce à Pickles (un bamf, un diablotin issu d’une race infernale). Elle réfléchit à sa situation d’individu déplacé à une époque qui n’est pas la sienne, et aux 4 autres jeunes X-Men déplacés avec elle. Sa réflexion et sa dégustation sont interrompues par 3 des Démolisseurs (Wrecker, Thunderball et Piledriver) qui sont en train d’essayer de piller un fourgon de transport de fonds. Jean Grey ne voit pas comment faire si ce n’est intervenir pour essayer de les arrêter avant qu’ils n’occasionnent des dommages collatéraux.
Bien sûr, Jean Grey se heurte à forte partie. Il s’agit d’un groupe de criminels qui a réussi à en remontrer à Thor. Elle réussit à tenir bon, mais elle se rend compte que ses attaques provoquent ce qu’elle voulait éviter : des dégâts matériels et la mise en danger des civils. Elle finit par coincer Piledriver dans un parking souterrain, tout en ignorant une voix qui s’immisce à plusieurs reprises dans sa tête sans qu’elle n’arrive à savoir d’où elle vient. Alors qu’elle s’apprête à l’assommer, la Force Phénix lui apparaît sous la forme d’un oiseau de feu. Une fois rentrée à l’établissement Charles Xavier, elle décide de se mettre à la recherche d’individus ayant déjà été habités par la Force Phénix, comme Hope Summers et Namor.
En 2012, dans la série All-new X-Men, Hank McCoy a une drôle d’idée : aller chercher les jeunes X-Men dans le passé, les ramener dans le présent, pour contrebalancer le cynisme et le défaitisme des X-Men (plus particulièrement de Cyclops) usés par les combats, et les victoires à la Pyrrhus. Il apparaît un temps que la logique de la coexistence des versions jeunes et plus âgées d’un même personnage puisse s’expliquer par le fait que les jeunes viennent d’un passé alternatif, ce qui sera confirmé dans la deuxième série All-new X-Men écrite par Dennis Hopeless. Ne sachant pas de quel univers alternatif ils viennent, il ne reste plus aux tout nouveaux X-Men qu’à s’installer dans le temps présent des X-Men originaux.
Le changement d’époque leur a fait vivre des événements différents des X-Men originaux, et a en particulier provoqué l’émergence prématurée des pouvoirs de Jean Grey. Celle-ci se rend bien compte qu’elle va devoir à plus ou moins court terme déterminer si elle est destinée à recevoir la Force Phénix, ou si sa vie pourra être différente. Dennis Hopeless a donc sa lettre de mission toute écrite, il ne lui reste plus qu’à continuer à étoffer le personnage pour qu’il justifie son existence en devenant autonome du modèle original.
La couverture indique tout de suite au lecteur que le scénariste n’a pas d’autre choix que de confronter le personnage à la Force Phénix, peut-être avec un retour prévu de ladite Force, ou de la Jean Grey original dans les plannings de parution éditoriaux. Évidemment si le lecteur est opposé à priori à l’existence de la jeune Jean Grey et à une nouvelle utilisation de la Force Phénix, il passe son chemin sans regret, avec un mépris affiché pour ce produit industriel. S’il n’éprouve pas ce dégoût, il peut même trouver pertinent que le scénariste aborde de front cet élément incontournable dans l’histoire personnelle de Jean Grey, quelle que soit sa version. Dennis Hopeless s’était fait remarquer précédemment pour l’honnêteté de sa version de Jessica Drew dans la série Spider-Woman: Shifting gears. Le lecteur constate qu’il décrit Jean Grey comme une très jeune femme, une adolescente, ne maîtrisant pas complètement ses pouvoirs, et écrasée par la perspective d’être possédée par une force incontrôlable. Cette entité semblant l’avoir contactée, elle décide de prendre les choses en main et d’anticiper en allant se renseigner auprès de personnes ayant été manipulées par cette entité.
Dennis Hopeless jongle alors avec les étapes de développement de Jean Grey, et avec les éléments de continuité de l’univers partagé Marvel. Jean Grey rencontre de nombreux personnages, à commencer par ceux avec qui elle souhaite discuter, d’abord avec Hope Summers, puis avec Namor, puis encore avec d’autres à découvrir dans ce tome. Au départ, l’exercice est assez compliqué pour le scénariste puisqu’il ne peut que mettre en évidence des coïncidences troublantes, comme les ressemblances entre Jean Grey et Hope Summers, ou encore avec la situation de Rachel Grey, elle aussi déplacée temporelle, mais en provenance du futur. Il n’a visiblement pas les mains libres pour en dire plus sur l’une ou l’autre, ce qui rend ces passages artificiels.
L’épisode suivant avec Namor revêt une forme de transition entre ces rencontres obligées, et la suite du tome. D’un côté, le scénariste n’a pas d’autre choix que de mettre en scène l’un des principaux personnages étant devenu l’hôte de la Force Phénix ; de l’autre côté cette rencontre ne se limite pas à des échanges sur des événements passés majeurs de l’univers partagé Marvel. Namor prend plaisir à faire tourner en bourrique Jean Grey et à la prendre de haut. Cette dernière fait de son mieux pour se montrer héroïque. Cet épisode se termine avec un constat sur la nature de Jean Grey qui n’est pas aussi téléphoné que le lecteur pouvait s’y attendre et qui établit que cette Jean Grey dispose du potentiel nécessaire pour être un personnage autonome, à part entière.
Par la suite, Dennis Hopeless continue donc sur cette base : Jean Grey rencontre d’autres superhéros d’expérience, et elle apprend d’eux à chaque fois, devant supporter la conception très particulière et très différente de la pédagogie de chacun d’eux. Le lecteur finit par éprouver de l’empathie pour cette adolescente bien décidée à ne pas subir un destin tout tracé, à tirer au clair cette histoire de voix dans sa tête et à se préparer pour éviter le pire s’il devait advenir. Pour ces 6 épisodes, les responsables éditoriaux du titre ont donc réussi à affecter un seul dessinateur pour les 3 premiers épisodes (ou presque pour le troisième). Par contre, chacun des 3 autres est mis en image par un dessinateur différent. Le lecteur commence par apprécier les couvertures de David Yardin, la première lorgnant franchement du côté d’Art Adams, les suivantes utilisant des techniques différentes de dessins avec une discrète touche humoristique qui se marie bien avec le caractère enjoué de Jean Grey, malgré ses craintes pour son avenir.
Chacun des 4 dessinateurs réalise des pages en embrassant les conventions spécifiques aux récits de superhéros : costumes moulants aux couleurs vives (avec une mention particulière pour le costume rétrograde de Rachel Grey sous le nom de Prestige), des scènes d’action qui en jettent et des effets spéciaux à la couleur qui viennent compléter les dessins. Victor Ibánez se montre le dessinateur réalisant le plus de détails, que ce soit à Kyoto, sur le site où se trouve Hope Summers, ou sous l’océan avec Namor. Il s’économise un peu sur les décors pendant les scènes de combat. Il ne faut pas attendre une très grande variété dans les décors sous-marins ou une grande exactitude dans pour la faune sous-marine. De la même manière, le combat à Kyoto donne l’impression qu’il ne disposait que d’une ou deux photographies du site. Il n’exagère quasiment pas la morphologie de Jean Grey qui conserve une silhouette fine et élancée. Il réussit à trouver des solutions graphiques pour le troisième épisode qui constitue surtout un long dialogue entre Jean et Namor, avec un combat prétexte contre un gros monstre pour apporter le quota d’action.
Les dessins d’Harvey Talibao reposent sur un détourage plus acéré que celui de Victor Ibánez, avec un niveau de détails très fluctuant en fonction des éléments dessinés, mais suffisant pour donner corps au superhéros que Jean Grey est allé chercher dans un endroit inattendu, ainsi qu’au combat dans une étrange taverne. À nouveau le scénario d’Hopeless repose sur un combat prétexte, pour servir de support à la discussion entre Jean et son interlocuteur avec une nouvelle leçon appliquée sous une forme très personnelle. Le lecteur passe ensuite à une nouvelle leçon à Madripoor avec un autre héros, et des dessins plus épurés. Ils racontent bien l’histoire et la forme légère de sarcasme planant entre maître et élève, mais ils ne donnent pas beaucoup de consistance aux lieux ou aux personnages.
Anthony Piper n’arrive pas à rendre visuellement mémorable cette leçon dont la forme sort pourtant de l’ordinaire. Enfin, Paul Davidson montre Jean Grey bénéficiant de l’aide d’un autre superhéros qui l’aide à rechercher l’entité qui lui susurre à l’esprit. Les dessins sont plus personnels du fait d’une exagération des morphologies qui relève plus de la déformation anatomique, et de citations visuelles des années 1990. Le résultat n’est qu’à demi convaincant.
Ce premier tome n’est pas le désastre que le lecteur était en droit de craindre. La partie visuelle s’inscrit dans les normes de la production industrielle mensuelle des comics, un peu au-dessus même en ce qui concerne Victor Ibánez, et Harvey Talibao. Chaque dessinateur se révèle en mesure d’introduire un soupçon de fantaisie en phase avec la bonne humeur de Jean Grey. Dennis Hopeless construit son récit sur un fil conducteur simple et pertinent : Jean Grey a pris conscience de l’inéluctabilité de l’arrivée de la Force Phénix dans sa vie, et elle fait tout pour se préparer à ce moment. Le scénariste arrive à la faire exister indépendamment de la Jean Grey originelle. Il n’arrive pas complètement à générer une empathie suffisante pour le lecteur, car il est obligé de privilégier les événements, au détriment de l’état d’esprit et des nuances des émotions de son héroïne. Le lecteur souhaite qu’il soit plus à l’aise dans le tome suivant.
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Il y en a pour s’intéresser pour la version chouinarde et tête à claque de Jean Grey version teenage ? C’est un scénariste sans espoir qui vous conte ses aventures passées en revue chez Bruce Lit. Si notre contributeur Présence n’est pas plus convaincu que ça, il reste au moins les couvertures de Stéphanie Hans.
La BO du jour : quel est le vrai visage de Jeannie ? Une autre rouquine répond.
Par hasard masochiste j’ai jeté un oeil à des épisodes récents des X-men.
Houlàlà…au bout de 3 pages j’ai fui.
Non seulement il y a mantenant une Jean Grey et un Cyclope gamins…qu’on est surement censé apprécier à la place de ceux qui sont morts, mais il y a aussi 2 versions de Tornade (une « années 80 punk » et une plus classique), et 3000 persos secondaires.
Jamais je n’ai autant eu la sensation que les comics sont une vitrine pour acheter des figurines. « vos versions préférées des personnages tous ensemble à faire équipe, choisissez vos préférés sur leur look, on n’a plus rien à développer sur leur psychologie, ils sont trop nombreux »
ARGH !
Le plus sinistre (sic), c’est que tout ceci arrive après le Secret Wars censé faire le ménage hein…
J’ai jamais senti que ça ferait le ménage quand on m’a dit que ça mélangeait les univers parallèles^^
Tiens et le plus marrant c’est que le machin que j’ai feuilleté mettait en scène Mojo qui capturait les X-men et les envoyait dans différents lieux, comme des sortes de Battleworld, avec Storm qui se retrouvait en déesse asgardienne comme avant et tout…
Punaise Mojo est réel, il est sorti des pages ! Avant ce méchant que je trouve très fun était utilisé comme métaphore critique de l’industrie du spectacle et des coups marketing. Maintenant il EST Marvel. Il n’est plus utilisé pour critiquer, mais juste pris au premier degré.
J’aime beaucoup cette idée : Mojo est devenu réel et il est devenu Marvel. J’avais déjà assisté à cette évolution avec la télévision hertzienne, nivelant de plus en plus vers le bas, en utilisant tous les dispositifs considérés comme vulgaires ou racoleurs, les uns après les autres, sans honte du moment que ça marche. Mais, dans le même temps, il reste possible de trouver des programmes ambitieux, exigeants, toujours plus inventifs.