Parker : Fun Island par Darwyn Cooke
Special Guest : DAVID BREHON
VO : IDW
VF : Dargaud (intégrale sortie le 10/07/2020)
1ère publication le 28/05/20 – MAJ le 10/07/20
Cet article traitera du graphic novel PARKER: SLAYGROUND, traduit en français sous le titre PARKER : FUN ISLAND chez Dargaud et qui va prochainement être réédité chez le même éditeur au sein d’une intégrale.
Parker est un personnage de roman inventé par Donald Westlake, plus connu sous son pseudonyme de Richard Stark. Cet écrivain légendaire qui a révolutionné le polar en 1962 en créant Parker, un voleur dur-à-cuire qui deviendra un archétype, une référence qui influencera nombre d’auteurs. Le personnage aura droit à toute une floppée de romans et même quelques tribulations cinématographiques (LE POINT DE NON-RETOUR, PAYBACK…). Mais si Stark a accepté qu’on utilise sa création, il a toujours refusé que les adaptations utilisent le nom de Parker. Jusqu’à ce que Darwyn Cooke se pointe.
Darwyn a commencé dans l’animation sous l’égide du maître Bruce Timm. Il se fait ensuite remarquer avec des comics au parti pris graphique audacieux telles que BATMAN : EGO et CATWOMAN : LE GRAND BRAQUAGE. Son style conserve la simplicité et la stylisation marquée des dessins animés associées à un sens de la narration époustouflant. Mais le plus impressionnant est le contraste entre ses traits aux accents cartoonesques et la maturité, voire la noirceur de ses œuvres qui les destinent clairement à un public adulte. La consécration vient avec THE NEW FRONTIER qui lui vaut pléthore de récompenses. Auréolé d’une carrière exemplaire, multiprimé et d’une intégrité artistique sans faille, il parvient à convaincre Donald Westlake de lui laisser transposer ses romans en graphic novels… avec le nom de Parker en gros sur la couverture. Le romancier a le nez creux puisque ces adaptations s’imposent comme un succès artistique incontestable.
Darwyn Cooke s’est attaqué à 4 romans de la saga Parker : THE HUNTER (LE CHASSEUR), THE OUTFIT (L’ORGANISATION), THE SCORE (LE CASSE) et SLAYGROUND (FUN ISLAND). Le fait que Dargaud soit l’éditeur de ces BD en France et que ces titres s’éloignent des codes des comics mainstream a pu les faire passer sous les radars de certains fans. C’est regrettable car il s’agit véritablement de bijoux du 9e art.
FUN ISLAND est le 4e et dernier récit de Stark adapté par Darwyn Cooke. C’est est aussi le plus court et celui qui possède le scénario le plus anecdotique. Cependant, aucun de ces points n’a la moindre importance ; cela n’affecte en rien la qualité finale.
Si vous n’avez pas lu les précédents tomes, ne vous inquiétez pas. Comme pour James Bond, Astérix et bien d’autres héros récurrents, chaque aventure peut se lire indépendamment, sans prérequis. Il vous suffit juste de savoir que Parker est un pro du braquage. C’est un expert des gros coups, ceux qui demandent une préparation extrêmement minutieuse et qui peuvent rapporter gros. Ceux qui demande une maîtrise absolue et des cojones en acier. Ceux qui deviennent très compliqués à gérer lorsqu’un grain de sable vient enrayer la machine. Et c’est justement ce qui se passe ici.
L’histoire commence en pleine action. Parker et son complice font sauter une voiture blindée pour s’emparer du butin. Percevant les sirènes de la police, ils rejoignent en hâte leur chauffeur et s’enfuient sur les chapeaux de roues. Hélas, la route est gelée et le conducteur perd la maîtrise du véhicule. S’en suivent de spectaculaires tonneaux dont seul Parker sort indemne. Il n’a d’autre choix que de s’échapper à pied avec le fruit de son casse, un sac rempli de billets. Dans cette ville déserte et enneigée, il ne trouve qu’un seul endroit où se planquer : Fun Island, un parc d’attraction fermé pendant la saison basse. Malheureusement, quelques témoins dont deux flics assistent à son intrusion. Le voici donc piégé dans un parc dont la seule issue est surveillée par la police. Il n’a d’autre choix que de se préparer au pire et attendre. Mais la police ne vient pas. Car ce n’est pas la police qui s’apprête à débarquer pour récupérer le butin, mais une bande de gangsters avertis par les flics corrompus. Parker se retrouvent donc à jouer aux chats et à la souris avec les plus dangereux criminels de la région dans un parc d’attraction. Pour s’en sortir, il n’a que son flingue, son instinct de survie et un talent unique pour préparer des plans.
Lorsque les mafieux pénètrent dans le parc, Parker a eu le temps de préparer le terrain. Mais ses adversaires sont nombreux. Très nombreux. Assez pour donner du fil à retordre même à un gaillard coriace dans son genre. Assez pour rendre sa situation désespérée.
Vous l’aurez compris, l’intrigue tient sur un timbre-poste. Ici, point d’étude psychologique ou de scénario alambiqué. Tout est dans la simplicité. Unicité de temps, de lieu et d’action. Et l’action n’est pas ce qui va manquer.
Ce minimalisme pourrait faire craindre le pire aux lecteurs sophistiqués. Qu’ils se rassurent, ils auront droit à un exercice de style où l’auteur, privé des artifices des rebondissements factices, n’a d’autre choix que de déployer des trésors d’imagination pour rendre le récit haletant. Et il y parvient magistralement. Une fois tous les éléments mis en place, l’affrontement inéluctable commence et n’offre aucun répit jusqu’à la dernière page.
Et pour notre plus grand bonheur, l’exercice de style ne se limite pas au scénario. Darwyn Cooke allie le fond à la forme. Au dépouillement scénaristique répond un trait épuré dans une recherche continue de la plus grande efficacité visuelle possible. En effet, le véritable tour de force de cette adaptation ne réside pas tant dans la fidélité à l’œuvre originelle que dans la créativité graphique dont fait preuve l’artiste.
Comme pour les précédents tomes, il ne garde que l’essentiel : du noir, du blanc et une couleur d’accompagnement, la même sur toute l’histoire. Si la monochromie peut rebuter le béotien qui feuillette distraitement l’ouvrage, elle s’avère au contraire parfaitement adaptée à une lecture approfondie, instaurant une ambiance froide et complétant le dessin épuré à l’extrême. En effet, les touches de bleu-gris n’ont pas pour but d’embellir les planches conçues en noir et blanc mais font partie intégrante de l’illustration. C’est une vraie couleur narrative se substituant au trait, tantôt pour marquer les contours d’un objet ou des cases à l’encadrement inexistant, tantôt pour représenter la volute d’une fumée ou une explosion.
Tout ce qui est superflu ou susceptible de ralentir la lecture a été supprimé. Heureusement, cette sobriété est savamment dosée : à aucun moment ne se fait sentir un dénuement ou une pauvreté visuelle. Au contraire, c’est un vrai foisonnement de trouvailles. Par exemple, après une somptueuse double page d’ouverture présentant le lieu et l’année du récit, nous avons droit à un accident de voiture spectaculaire. La scène s’étale sur une double page découpée en cases allongées de même taille et avec une perspective unique. Dans ce plan fixe, seule la voiture entre dans le champ de vision et évolue au gré des tonneaux, le tout sans la moindre onomatopée, bulle ou indication de bruit. Le rendu cinématographique qui s’en dégage est saisissant.
Après un premier chapitre contenant bon nombre de planches silencieuses, Darwyn Cooke densifie sa narration en alternant petites cases et gros pavés de texte avec, en point d’orgue, le plan détaillé du parc d’attraction permettant de situer chaque scène. Le but évident est de condenser les informations en un minimum de place pour laisser ensuite libre court à l’action. Il n’est cependant pas question de faire dans le tape-à-l’œil. Le découpage reste souvent sobre, bien que varié, et ne laisse finalement que peu de place pour les cases qui s’étalent sur toute la hauteur ou la largeur de page.
Au final, PARKER : FUN ISLAND s’impose comme une réussite grâce à une parfaite maîtrise de la narration et des partis pris graphiques audacieux jusqu’à la dernière page, presque blanche.
En bonus, Darwyn Cooke nous offre un second récit, bien plus court, l’adaptation d’une autre aventure de Parker : LE SEPTIEME (THE SEVENTH). L’artiste fait le choix radical d’adapter ce roman en seulement 11 pages. Plus surprenant encore, il résume toute l’intrigue en 2 pages, l’intégralité des 9 planches suivantes étant consacrées à la conclusion sans concession de l’histoire. Bien qu’on reste frustré de voir expédier l’essentiel des rebondissements en quelques cases, l’expérience reste malgré tout concluante. Un supplément bienvenu pour enrichir un volume plus léger que les précédents et pour lequel on saluera le choix d’un orange malsain comme couleur complémentaire ; ce qui tranche radicalement avec le bleu-gris de FUN ISLAND.
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Il y a 4 ans ce mois-ci nous quittait Darwyn Cooke. En son hommage et à l’orée d’une réédition à venir chez Dargaud, David Bréhon présente chez Bruce Lit le dernier album de la série Parker, LE gangster Badass de Richard Stark !
Je garde un excellent souvenir de ces 4 adaptations en BD, avec une préférence pour L’Organisation et le Casse. J’avais également beaucoup aimé la dernière œuvre de Darwyn Cooke, avec Gilbert Henrnandez : Twilight Children (article soumis à Bruce). Il est vrai que j’ai découvert et lu des romans de Donald Westlake, avant de découvrir ces comics, en particulier la série des John Dortmunder.
Le scénario le plus anecdotique – C’est une caractéristique qui m’avait frappé et qui m’avait retenu de mettre 5 étoiles à ce tome (d’ailleurs je ne parviens pas à savoir si tu en as mis 4 ou 5 en haut de l’article). Ton article m’a fait prendre conscience que Darwyn Cooke s’avère aussi habile et élégant que Donald Westlake pour rendre l’histoire intéressant grâce à la narration.
J’ai enfin lu l’intégrale de Parker. Il ne me reste que les textes introductifs à lire, qui comporte une interview de Darwyn Cooke et une critique de Jean-Patrick Manchette (le père de Doug Headline, qui supervise toute cette intégrale et a traduit une des quatre bds de Cooke sur Parker). Comme JP et Présence, je ne pense pas que ce FUN ISLAND soit ma préférée (L’ORGANISATION et LE CASSE sont incroyables, fouillés, complexes) mais le fait de déplier le plan du parc fait toujours un peu d’effet. Pour le reste je suis totalement d’accord.
« le véritable tour de force de cette adaptation […] réside […] dans la créativité graphique dont fait preuve l’artiste. »
C’est évident que toutes ces planches muettes, c’est de la bande dessinée pure et dure et qui fonctionne parfaitement dans le genre du polar. Il suffit de voir les films de Melville ou bien l’intro du premier Jack Reacher avec Tom Cruise (très bien, alors que le second est d’une nullité sans fond), dix minutes de silence et beaucoup d’informations et de changements de points de vue.
Je n’ai lu aucun roman de Westlake ni de Stark, mais forcément j’ai envie d’essayer désormais.
Il faut que je trouve celle dont tu parles avec Hernandez, Présence.
Présence, effectivement il y a un bug dans les étoiles. J’en ai mis 5, malgré l’absence de base scénaristique solide, ou peut-être à cause de cela. Car pour cette adaptation, Cooke ne pouvait pas se cacher derrière l’histoire. Il ne lui a fallu compter que sur son talent de narrateur. Et de ce point de vue, le maestro nous donne une leçon magistrale.
Tu as donc lu les romans de Westlake. Comment arrives-tu à lire autant et à écrire tant d’articles si complets en parallèle ? Si je ne t’avais pas rencontré, je te prendrais pour une légende urbaine.
J’aime bien ce point de vue : Cooke ne pouvait pas se cacher derrière l’histoire. C’est assez rare chez les lecteurs d’estimer que la narration visuelle est assez forte pour compenser un scénario simple ou basique. Je me souviens que j’avais été également fortement impressionné par le talent de narrateur visuel de Cooke pour ce récit.
Pour la lecture : rien de surnaturel. J’ai arrêté de lire des comics pendant une dizaine d’années, et j’ai compensé avec des livres. Avec le recul, je n’étais pas un si gros lecteur que ça, loin derrière quelqu’un comme Darkseid Sam, l’un des chroniqueurs de Comixity. Chaque semaine il évoque les romans qu’il a lus et la pagination correspondante me donne le tournis.
Ah, tu avais arrêté un rôle dizaine d’années ? Qu’est-ce qui t’a fais replonger ? Je connais Darkseid Sam de nom mais je n’ai pas suivi des reviews. Je vais voir ça. Il y a des gens assez effrayants par leur capacité à lire vite et beaucoup. Après, isi on est célibataire et gardien de nuit ou rentier, c’est plus facile. Un Brice, avec sa famille et son job, ça m’impressionne. Tenir un blog, écrire des articles, animer sa communauté, ses contributeurs et faire plein de sorties à côté, ça force le respect. Bref, vous me filez tous des complexes et c’est pour ça que je suis ravi de jouer les rédacteurs invités : c’est flatteur d’être au milieu de talents.
Ce qui m’a fait replonger : mes enfants avaient grandi, j’avais plus de temps, un peu plus de sous aussi et je suis passé à Album.
Album, lieu de perdition. Je suis trop faible pour te juger. Personnellement, je n’ai jamais réussi à décrocher. Un jour peut-être. J’y crois.
Je ne connais le travail de Darwyn Cooke que par son : Before Watchmen Minutemen.
C’est l’un des artiste qui s’en sort le mieux dans tous ces préquels à l’œuvre mythique de Moore
Tu nous vends bien ce graphic novel.
Et je suis d’accord, quelques fois il vaut mieux faire dans la simplicité avec un dessin et un scénario dépouillés que de s’embourber dans quelque chose de trop complexe.
Je conçois, avant tout, une BD comme une œuvre de pur divertissement et de détente.
Le minimalisme dont tu parles permet d’atteindre facilement ce but.
Vouloir nous retourner le cerveau avec de la complexité inutile et maladroite me fait souvent sortir du récit.
En fait, je suis du genre à apprécier me retourner le cerveau sur un comic book ou un film et j’apprécie modérément les oeuvres de pur divertissement car on nous y prend souvent pour des imbéciles. Mais quand un divertissement est bien fait, comme ici, j’adore. Pouvoir se prendre au jeu d’une histoire à suspense sans qu’il y ait mille détails absurdes qui nous fasse décrocher, c’est jouissif. Merci à Westlake et Cooke.
@David,
Attention, j’apprécie aussi les comics ambitieux quand ils sont fait avec intelligence !
Ce n’est pas ce que j’ai voulu dire 😉
Nonobstant, ma principale attente lorsque je lis une BD c’est le côté divertissant !
Je suis complètement réfractaire à certaines œuvres prétentieuses qui essaient de se la « jouer » !
Souvent elles ne mènent à rien…à aucune réflexion constructive. Cela devient pathétique !
Cela m’ennuie, m’énerve et du coup c’est vraiment là où j’ai l’impression d’être pris pour un con !
Pour finir je citerai ce proverbe pour résumer ce que j’ai voulu faire comprendre:
« La simplicité n’est pas un but dans l’art, mais on arrive à la simplicité malgré soi, en s’approchant du sens réel des choses »
Très jolie formule.
Je suis assez d’accord avec ça aussi…
le truc c’est que l’on place tous le curseur détente/idiotie à des endroits différents…
j’y réfléchis beaucoup depuis mon intégration à l’équipe.
si je devais faire un top 10 de mes auteurs favoris, je ne suis même pas sûr d’y mettre Alan Moore par exemple.
C’est le meilleur dans sa partie mais je n’y trouve aucun plaisir et pourquoi? parce que si à un moment je ne lisais que du comics dans une fringale intense, ce n’est plus le cas. plus du tout.
si je ferme les yeux et que je cherches 10 noms on a: Claremont-Hôjô-Takahashi-Comès-Pratt-Ellis-Terry Moore-Ikeda-Miller-Kishiro-Stan Sakai-Philippe Tomé, Yann ou Greg.
certains sont purement divertissants, d’autres plus philosophes mais l’âge me fait réaliser que les thèmes de Moore ou de Gaiman ne me parlent pas du tout. que la provocation de Morrisson ne fonctionne qu’une fois sur deux. j ne range pas Garth Ennis parmi les auteurs profonds mais au moins il me fait marrer etc…
le panthéon du landerneau comics me laisse de plus en plus sur le bord de la route.
Cooke? j’adore, il est intelligent, concérné, lucide, pas angéliste mais pas hautain, il parvient à une simplicité en surface mais en fait très travaillée, quelque part il me rappelle les grands comme Hergé…
J’aime beaucoup ton proverbe, Surfer. Il y a du vrai même si je pense que le beau et le vrai n’est pas obligatoirement simple. Mais c’est souvenir le cas. Beaucoup de choses vraies s’imposent comme des évidences.
Eddy, j’adore Moore, pas par snobisme mais par plaisir. La plupart du temps, il est accessible et il sait jouet non seulement sur l’intellect mais aussi sur l’aspect émotionnel. Il sait ajouter une âme à ses créations. Par exemple, dans Top 10,il arrive à insuffler une vive émotion à partir d’un accident de la circulation. Ses personnages sont crédibles, humains, touchants, là où Moisson est plus dans la branlette intellectuelle avec ses concepts froids et déshumanisés la plupart du temps ( sauf We3 ey
We3 et quelques autres récits)
Attention, je ne dis pas qu’aimer Moore est un snobisme, simplement que je suis incapable de me calquer sur les centres d’intérêts de ces auteurs… ils sont par exemple très politiques…
TOP 10, j’ai trouvé que c’était un de mes Moore préférés.
je m’interroge par contre sur l’effet panthéon dans les auteurs américains, devenus comme les molière, Hugo ou Zola qu’on fait à l’école parce qu’ils sont incontournables…
J’ai mon propre bagage et mis à part Killing JOke, je ne garde pas grand chose dans mon dernier carré…
un mec qui arrive à être totalement dans le divertissement intelligent actuellement c’est Fed Van Lente.
Pour le coup, je suis conformiste car j’admire la plupart des auteurs du Panthéon. Il y avait Eisner que je n’avais jamais lu. J’ai tenté pendant le confinement et je suis tombé amoureux de son travail. Après, je reste hermétique à Chris Ware même si je comprends l’admiration qu’il suscite. Il y a sans doute quelques auteurs surfaits mais, dans l’ensemble, le temps fait bien son oeuvre et ne garde que le meilleur.
Le soucis c’est que le panthéon gonfle des lecteurs qui, du coup, réagissent avec un effet ras-le-bol. Souvent parce qu’ils sont un peu vexés de ne pas avoir leurs auteurs préférés dedans.
C’est effectivement le temps qui passe qui décide qui fait partie du panthéon. Le temps est objectif, il juge sans affect…
Moore et Miller restent pour moi le panthéon absolu. Il y a tout chez eux, le fond, la forme, et le petit plus qui les rend uniques. C’est la classe.
Il y a plein d’auteurs que je n’ai pas lus et qui en font sûrement partie (Eisner, probablement). Et d’autres que j’ai lus, qui semblent également en faire partie, mais dont je ne suis pas particulièrement fan (Morrison).
Jamais je ne mettrais Claremont dans le panthéon. Il laisse un run marquant sur les X-men, mais surtout pour les lecteurs de son époque. Autour il n’y a pas grand chose, c’est beaucoup trop inégal et laborieux, notamment dans la forme.
D’autres semblent être au panthéon et pour moi c’est incompréhensible tellement je trouve que c’est de la BD mineure : Starlin, voire Gerber. Pour moi il est évident qu’à terme ils ne peuvent pas tenir ce panthéon. Leur création n’est pas assez universelle (il faut être fan hardcore de super-héros pour lire des trucs pareils. A part sans doute Howard the Duck). Même si c’est du cosmique ! 😀
Il y a enfin des auteurs qui n’y sont peut-être pas, où qui n’y resteront pas, mais que je mets personnellement au dessus des autres. Ennis et Ellis en font partie.
A l’arrivée, on a le panthéon de Eddy qui me fait bondir parce que je vois Claremont, et probablement le mien qui le fait bondir parce qu’il y voit Ennis… 😀
Bon, je m’arrête là parce que sinon je vais encore recommencer avec « tout ne se vaut pas » on ne peut pas comparer ci et ça, Marlon Brando avec Jackie Sardou, etc… etc…
Heureusement que nous n’avons pas tous le même Panthéon. Après, aucun des auteurs que tu cites n’est mauvais. Claremont est celui qui m’a fait aimer les comics. Il fait donc partie du mien mais je reconnais volontiers qu’il n’a pas l’envergure d’un Moore. Mais il a à lui seul sauvé l’industrie des comics dans les années 80. Ellis est capable du meilleur comme du pire. Mais je ne amuserais pas à comparer un Starlin à un maître du médium comme Hal Foster ou un Jack Kirby. Au final, il y a peu d’auteurs encore vivant qui peuvent se comparer aux génies qui ont créé le genre. Moore et Miller, oui, mais leur carrière est quasi-finie. Alex Ross aussi, dans son genre, est un grand. Il a changé le regard des lecteurs sur les comics. Je pense que Darwyn Cooke avait l’étoffe d’un grand, à défaut d’être un géant. S’il y a beaucoup de talents aujourd’hui, il y a peu d’artistes disruptifs comme Sienkiewicz l’a été. Je pense que les Panthéon retiennent ceux qui ont marqué un tournant.
Je suis totalement d’accord avec « nous avons tous des panthéons différents »
et heureusement, c’est ça qui est sain.
c’est aussi ce qui me fait dire sans caricaturer non plus sur » tout se vaut » parce que nous savons très bien que ce n’est pas vrai (un truc moche torché en dix minutes sera toujours moins bon qu’un truc travaillé pendant des années…), c’est bien plus compliqué que ça…
Je suis aussi d’accord (je suis ad’accord avec tout le monde j’aurais du participer à la campagne présidentielle de Macron^^) avec le fait que le temps est objectif mais justement le temps n’est pas notre allié et n’importe quel dico reparlera de Stan Lee et de Jack Kirby en leur donnant leur place de pères fondateurs n’en déplaise à tous leurs détracteurs.
Personnellement, j’écrirais peut-être les choses différemment, mais bon voilà l’histoire retient les choses d’une certaine manière.
je suis bien content en tout cas d’être fan de bd en général et d’avoir d’autres repères que le comics de super héros ou non.
Darwyn Cooke d’ailleurs fait un bien fou à lire.
je vais m’investir dans cette réédition; c’est certain!
j’ai souvent voulu entamer le cycle de Parker sans jamais trouver le premier tome…
Dortmunder, c’est pas un cambrioleur malchanceux?
super article qui redonne l’envie (il aurait fallu mettre Johnny pour la BO^^)
Merci Eddy. Tu ne devrais pas être déçu. Pour la BO, c’est au Grand Manitou qu’il faut se plaindre. Moi, je n’ose pas car il m’écrase côté culture musicale.
Voilà un article qui me parle avec cette analyse sur la mise en forme conceptuelle du récit. Exactement ce que je recherche.
Les quatre tomes de PARKER m’attendent sur mes étagères. Jusqu’ici l seul truc qui m’a retenu c’est ce papier mat dont j’ai horreur (je ne sais pas comment sera l’intégrale mais je suis capable de racheter toute la série s’il y a un changement de maquette). Car je suis fan de Darwyn Cooke.
J’ai écrit ici-même l’article sur son BEFORE WATCHMEN (MINUTEMEN). Le seul que j’ai lu de cette opération préquelle. Et c’est une pépite absolue dont trop de gens ce sont privés en snobant toute l’opération BW par principe.
La BO : Super ! Dommage que le morceau se délite en distorsions au bout d’un moment. C’est le but ? Je préfère les versions courtes pour les Stooges (mon préféré sur le même album : DOWN ON THE STREET).
Merci Tornado. Pour le coup, le papier de l’édition Dargaud m’a semblé adapté mais je sais que c’est une question qui peut parfois être sensible. Ça m’est arrivé de ne pas réussir à avoir du mal avec un bouquin parce que le papier me gênait. Je suis fétichiste avec les livres, le toucher et l’odeur sont essentiels dans le plaisir que j’éprouve.
Oui, c’est ça. Là je chipote parce qu’objectivement, la maquette est adaptée au style (alors que parfois, on voit que c’est imprimé selon la mode du moment sans discernement). Mais je suis assez allergique à ce papier mat pour des raisons de ressenti personnel : Couleurs et noirs délavés, effet peau de pêche, odeur désagréable. Mon truc en BD c’est vraiment le papier glacé. Ou alors du papier mat de bonne qualité avec un grammage pas trop dense (nos Astérix sont très bien comme ils sont. C’est très fin et bien dosé comme impression). Le semi-glacé est parfait en fait (comme sur les TINTIN qui sont publiés aujourd’hui). Tout devrait être comme ça. 🙂
Je n’ai jamais lu Donald Westlake ni Darwyn Cooke bien que NEW FRONTIER attend sur mes étagères. Je suis donc totalement intrigué mais surtout enfin éveillé à cette série que je vois depuis longtemps sans savoir de quoi il s’agit. Merci donc pour la présentation, qui donne très envie et qui va sans doute me faire craquer bientôt. J’aime bien ces histoires de survival en milieu urbain. Et le dessin a effectivement l’air excellent, je pense que Brüno s’en est inspiré pour ses INNER CITY BLUES (non ?).
La BO : magnifique.
pour brüno ( le dessinateur de Tyler Cross?) oui, on est dans la même cuisine en effet, une narration impeccable et une épure cartoony qui confère au génie.
Lui-même !
Je ne connais pas Inner City Blues mais j’espère que tu aimeras Parker et New Frontier qui est un chef-d’œuvre. Finalement, tu as de la chance d’avoir des bijoux à découvrir.
Merci. Ce ne sont pas les seuls, loin de là… j’ai une bibliothèque à lire sans parler de tous ceux que je n’ai pas encore.
Tiens, Inner City Blues : https://www.bedetheque.com/serie-6751-BD-Inner-City-Blues.html
Personnellement, j’ai la version intégrale.
Merci, je ne connaissait pas. Oui, il y a une proximité avec le travail de Cooke dans le traitement du polar à l’ancienne.. J’ai également une immense bibliothèque à lire (Bruce a vu la bête, il te confirmera qu’il y a de quoi faire) et le confinement n’a pas suffi. Il me faudrait quelques années de plus pour en arriver à bout. Ce qui ne m’empêche pas de continuer à cumuler les acquisitions. Mais bon, c’est surtout dans les romans qu’il me reste des merveilles à découvrir.
J’avais il y a quelques temps envisagé d’écrire un article sur le formidable travail d’adaptation de Cooke sur Parker. L’inspiration m’a manqué, ton article me soulage de cette « dette » en le mettant à l’honneur pour le blog.
J’ai lu environ une quinzaine de romans de Westlake, dont une demi douzaine de Parker. J’avais également vu Payback, l’adaptation avec Mel Gibson.
Ce quatrième volume m’avait légèrement déçu, je le trouvais trop simple mais ton article met en valeur toutes ses qualités .
J’ai toujours ce pincement au cœur lorsque e tombe sur la mention « Parker will return in 2015 » à la fin de l’ouvrage…
Oui, il y a des suites qu’on n’aura jamais, hélas. Ravi de t’ôter un poids des épaules. Il reste trois tomes à chroniquer, si tu veux quand même culpabiliser. Mais bon, les figure replays, ça occupe déjà pas mal. Et je t’imagine bien chroniquer Fox et Pol de Lefeuvre dans quelques mois (j’ai vu que tu avais toi aussi craqué).
Mes excuses David pour la mise en forme due au degré d’urgence d’avant mon Move On.
Je me retrouve assez dans ton article qui permet au novice de se faire une idée assez claire du travail de Cooke pour la franchise. C’est l’album que j’aime le moins, sans doute parce que les autres étaient psychologiquement plus intenses. Tu m’as donné envie de le relire. J’avais adoré le Volume 3. Exceptionnel.
Oui, Bruce, c’est le moins bon des 4, mais je l’ai lu bien après les autres, pendant le confinement, et j’ai eu envie d’en faire un article dans la foulée. C’est difficile de défendre un bouquin avec un scénario rudimentaire et le pari m’a semblé intéressant. Ravi que ça t’ait donné envie de le relire.
Je viens de terminer l’intégrale et c’est un sommet absolu.
Depuis que Miller es devenu l’un des géants du 9e art en mixant les ADN des comics de Will Eisner ou Jack Kirby à celui des romans noirs de Mikey Spillane, Dashiel Hammet et quand même énormément ce Richard Stark (pour Sin City, c’est flagrant quand même…au hasard la chirurgie plastique du héros commune avec celle de Dwight). Miller est devenu une influence majeure graphique et scénaristique, un élément infusé dans l’art de Darwyn Cooke, nouveau maitre du monochrome, des ombres et de la narration à son tour. Parker est donc un retour de balancier autant qu’une synthèse de tout un pan du comics de grande facture… une merveille pure, un truc qui ne fait pas dans le post moderne, auto-analyse qui se renifle le trou de balle, un vrai récit plus grand que nature, avec des héros, des gueules des vraies.
Un soulagement, une cure de désintox, une vraie source de jouvence. une leçon!
Salut Eddy.
Cela fait un moment que je me dis que je dois me pencher sérieusement sur ce Parker. Je crois que ton intervention valide cet achat pour 2023.
C’est en effet merveilleux mais il faut avouer que ce personnage de Parker est plus grand que nature et anachronique de nos jours. C’est une sorte de James Bond du braquage, les deux personnages apparaissent dans les années 60. Il est macho, insensible, frappent les femmes, un tueur sans pitié si besoin, un gars absolument pas fréquentable.
De plus, il a cette caractéristique propre à beaucoup de personnages libres comme l’air que je croise beaucoup depuis quelques années : il n’a aucune attache, aucun bien, aucune possession. Ce sont des clochards qui vivent dans des palaces, bougent sans cesse, profitent du temps présent et n’ont pas de lieu de vie, voire aucune existence officielle (sans papiers, sans téléphone, sans nom même). C’est le cas de Reacher (Jack Reacher, je le cite dans un autre commentaire), des personnages de PREACHER (c’est encore plus flagrant dans la série télé), des truands de HEAT etc… ce fantasme de liberté totale, de ne rien posséder mais de tout avoir ou profiter de tout, ça nous parle, à nous, pauvres sédentaires qui croulons sous les dettes. Je suis certain que vous en connaissez d’autres, des personnages comme ça, que je ne connais pas ou que j’ai oubliés.
Pour les bandages et la chirurgie plastique, c’est également un des meilleurs arcs de 100 BULLETS. Cela doit être un classique des fictions de truands (tiens, tu as aussi ça dans POLICE PYTHON 357).
Dans son analyse présente dans l’intégrale PARKER, Manchette va plus loin que moi : ce fantasme du clochard riche, de l’indépendant, c’est celui du cowboy libre tel que visible dans « Seuls les indomptés ». Je le cite : « la civilisation moderne, c’est-à-dire le salariat, les a rattrapés partout ».