Take On Me de A-ha
Quelques bricoles rassemblées par JP NGUYEN
Cet article sera consacré à une chanson emblématique des années 80, TAKE ON ME, que l’on doit au groupe de synthpop norvégien A-ha. En tête des hit-parades de 1985, vendu à 7 millions d’exemplaires, le tube a connu son lot de reprises et a été pas mal utilisé par le cinéma ces dernières années. Retour sur un hit qu’il vaut mieux ne pas s’amuser à chanter sans échauffement des cordes vocales…
Spoiling away, I don’t know what
I’m to say I’ll say it anyway….
Bon, à la base, A-ha, c’était plutôt un groupe pour ma grande sœur Angèle. Elle craquait carrément pour Morten Harket, le beau chanteur du groupe. TAKE ON ME, je l’ai entendu un paquet de fois dans ma prime jeunesse, mais malgré l’intro ultra reconnaissable, ce n’était pas forcément un morceau qui me bottait des masses. Du même groupe, je préférais HUNTING HIGH AND LOW. Que voulez-vous, je suis tourné vers la mélancolie.
N’ayant eu qu’un accès restreint et contrôlé à la téloche à cette époque, je n’ai qu’un très vague souvenir du clip de la chanson, qui mélangeait prises de vues réelles et images animées par rotoscopie (procédé consistant à recopier image par image les contours d’une image réelle pour reproduire en dessin le réalisme des mouvements). On y voyait une jeune femme tomber amoureuse d’un personnage de BD, pilote de course, qui l’invitait à le rejoindre dans la page. Réalisé par Steve Barron, le clip fut le détonateur du succès de TAKE ON ME, qui était sorti dans une première version en 1984 sans vraiment cartonner. Il a fallu un réenregistrement et de nombreuses diffusions sur MTV pour que les ventes décollent.
La première version, pas assez pêchue…
Jusqu’à il y a peu, je ne connaissais pas la version d’origine, produite par Tony Mansfield. Musicalement, on perçoit bien qu’elle est moins efficace, avec un synthé qui sonne un peu trop façon Bontempi et une transition un peu foireuse entre le deuxième et troisième couplet. En gros, elle ne donne pas autant la patate que la version réenregistrée, produite par Alan Tarney. Et pour ce qui est du clip, il est totalement quelconque, avec un Morten qui lance des regards langoureux à faire pâlir de jalousie n’importe quel acteur des studios AB Productions.
Du coup, les qualités du clip de la seconde version sautent aux yeux : il y a une vraie narration et l’utilisation de la rotoscopie est très pertinente, puisqu’il s’agit d’évoquer l’immersion dans un univers dessiné. Et comme à l’époque, les ordinateurs n’étaient pas encore taillés pour ce genre de tâche, les dessins du clip furent réalisés à la mano, nécessitant 16 semaines de travail !
Pour ceux qui voudraient savoir ce qui se passe dans le clip, il y a une version littérale qui s’amuse à chanter la description pure et simple des images :
Rions un peu avec A-ha
D’aucuns disent que les paroles de cette parodie sont supérieures au texte original… En fait, comme l’anglais n’est pas la langue maternelle des A-ha, certaines tournures de phrases sonneraient étrangement aux oreilles des anglophones… Pour ma part, je reconnais au texte une grande honnêteté, puisqu’il démarre en disant texto qu’il ne sait pas trop quoi dire mais qu’il le dira quand même. Pour le reste, ça me semble parler de dragouille, potentiellement de râteau et d’invitation à jouir de l’instant présent parce que la vie est courte et que dans un jour ou deux, on s’ra parti…
Dis comme ça, j’ai l’air de me moquer mais, sans receler de trésors philosophiques, les paroles de TAKE ON ME sont loin d’être les plus honteuses de la pop. En fait, s’aventurer à traduire les tubes des années 80, c’est partir à la rencontre de la déception et de l’absurdité. Par exemple, DE DO DO DO, DE DA DA DA de Police, peut vous plonger dans la perplexité dès le titre. Tout comme SUSSUDIO, de Phil Collins, ne cherchez pas, l’auteur lui-même a reconnu que ce mot ne voulait rien dire…
Et puis, les paroles importent moins que la façon dont elles sont chantées : en entonnant son refrain, Morten Harket amorce une montée de 2 octaves et demi pour terminer en voix de fausset, ce qui constitue une petite performance vocale, qui incite fortement à chanter ce morceau dans sa salle de bain plutôt que sur la scène d’un bar karakoké…
Le « morceau de bravoure » du refrain, ça pourrait être un élément expliquant l’utilisation répétée de TAKE ON ME dans des séries ou des films. S’attaquer à cette chanson, c’est l’occasion pour n’importe quel personnage de voler la vedette.
Exemple tiré de l’épisode final de la série CHUCK
« Take on me », ça sonne aussi comme un air de défi et le clip de Steve Barron évoquait déjà une course en moto pour le héros de papier. En 2018, un remix a été utilisé dans le film READY PLAYER ONE de Spielberg, en fond sonore d’une scène de course automobile. C’est alors autant l’air entraînant de la chanson que l’évocation des années 80 qu’elle suscite qui rende ce choix de BO totalement pertinent. En effet, le film de Spielberg joue pas mal sur la nostalgie et il semblerait que 2018 ait été une année faste pour TAKE ON ME, utilisée dans trois autres films ! Si je passerai sur BUMBLEBEE et TEEN TITANS GO ! TO THE MOVIES, je m’attarderai sur DEADPOOL 2, puisque c’est la version entendue dans ce film qui m’a poussé à écrire cet article.
Vers la fin du film, Deadpool est sur le point de rejoindre sa dulcinée dans l’au-delà et ces retrouvailles sont l’occasion d’une scène étonnamment émouvante, dans un film rempli de blagues et d’humour un peu lourdingue. TAKE ON ME, pour une scène intimiste ? A-ha (sic), vous ne vous y attendiez pas ! Et moi non plus, du reste… Mais ici, c’est la version acoustique, enregistrée lors d’un concert MTV Unplugged de 2017, qui a été utilisée ! Débarrassée des synthés mais avec la voix magnifique de Morten Harket, qui ne monte plus forcément aussi haut dans les aigus, elle est parvenue à toucher la corde sensible chez cet auditeur.
Sortez les mouchoirs…
Et c’est ainsi qu’une chanson rendue célèbre par son clip où un personnage de BD voulait passer de l’autre côté de la page s’est vue joliment recasée dans un film dédié à un anti-héros connu pour briser le quatrième mur. L’adéquation de la BO est renforcée par les paroles, qui rentrent étrangement en résonance avec l’histoire de Wade Wilson et son difficile travail de deuil dans ce 2ème opus. A noter que dans la version director’s cut du film, la scène ne bénéficie pas de la même BO, la chanson des A-ha étant remplacée par une version de ASHES chantée par Céline Dion et du coup… ben pour moi, ça fonctionne moins bien…
C’est donc la reprise de 2017, un peu tristounette mais touchante, de TAKE ON ME qui m’a fait m’intéresser à ce tube des années 80. . Que voulez-vous, je suis tourné vers la mélancolie… Quoique, avec les recherches effectuées pour les besoins de l’article, j’avoue à présent également apprécier la version de 1985. Il m’aura fallu bien du temps pour l’aimer mais quelque part, c’était écrit, non ?
« I’ll be coming for your love, OK ? »
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La BO du jour :
Say after me
It’s no better to be safe than sorry
Merci à tous pour vos retours !
Les articles sur la musique sont plus difficiles à écrire pour moi car je suis moins outillé pour en parler. Impossible de causer dessin, encrage ou découpage, il me faut trouver un angle différent. J’ai besoin que ça me parle suffisamment pour me motiver à écrire dessus. Et ça me demande aussi plus de travail de documentation. Et puis, il y a aussi l’appréhension d’être trop en décalage avec les grilles de lecture (ou plutôt d’écoute) des vieux routards de la team…
Néanmoins, j’ai pris beaucoup de plaisir à écrire celui-là et également à lire vos réactions.
Et via un commentaire Facebook, j’ai pu découvrir une autre jolie chanson de A-ha, « Summer moved on ».
@Bruce : j’ai tenté l’écoute de « There’s never a forever thing » mais je n’ai pas eu de déclic sur celle-là
@JP Grrrr !
Bon, je tente mon va-tout : le refrain le plus impressionnant des capacités vocales de Morten (et une très belle chanson inspiré d’un poème de Lauren Savoy, la femme de Paal Waaktaar
https://www.youtube.com/watch?v=qHYlWp–qA4
Sorry Bruce, il faut croire que nos goûts divergent souvent en matière de musique…
Je relance avec « Forever not yours », avec son clip évoquant l’arche de Noé…
Je ne connaissais pas, je n’aime pas du tout…
Alors, première version de Take On Me : jamais entendue. Horrible cette orchestration !
Version littérale du clip : c’est drôle. C’est le même principe que les vidéos « shreddées », certaines sont des pépites.
La version de Chuck : ça fonctionne, mais je suis surtout intrigué par la série du coup. Elle peut être marrante et divertissante.
Version acoustique : ça marche mais je préfère l’originale.
The Sun Always Shines On TV : super chanson ! J’adore en fait.
There’s Never Forever A Thing : j’accroche pas du tout. Il y a pourtant de jolies envolées dans le refrain.
Scoundrel Days avec Ian McCulloch : pas mal, assez étonnant.
Out of Blue Comes Green : trop épique pour moi, et trop de synthés cheap. Mais la chanson est de bonne facture.
Je vais tâcher d’écouter l’album dont parle Patrick !
Il y a aussi Hunting High and Low qui est magnifique, et le clip est fabuleux aussi…
A noter la superbe utilisation de « Take On Me » dans le jeu The Last of Us 2, à la guitare chantée par l’héroïne, par contraste ça colle parfaitement avec l’ambiance désespérée du jeu, j’en ai fait un mix avec une des bandes-annonces officielles du studio :
https://www.youtube.com/watch?v=2ZJfeYzaK7g
Puis sur ma lancée j’ai utilisé trois autres chansons, absentes du jeu (« Hunting High and Low », « Sun Always Shine on TV » et « Stay on These Roads ») sur deux nouvelles bandes-annonces (gameplay puis cinématique), n’hésitez pas à me donner votre avis :
https://www.youtube.com/watch?v=MG8Bw0Pixes
https://www.youtube.com/watch?v=drX_Bo99bfY
Très beau boulot Postscriptom ! Tu as raison, la reprise faite pour le jeu est très bien. Les chansons aussi, dommage que la prod gâche un peu le truc.
Tiens, oui : c’est assez inattendu, ici, un article sur un groupe aussi représentatif du « easy listening » de l’époque. Merci bien : ça me permet de tchatcher à propos d’une période que je connais pas mal -d’un point de vue d’addict à la Pop de ces années-là, en tous cas.
Mais même moi, qui suis pourtant amateur du genre, je dois dire qu’au plus fort de leur carrière, je n’avais pas ressenti de vrai déclic, tout en constatant -à mon humble niveau d’accro à la fois de son et de mélodies- la qualité manifeste de leurs réalisations. Et même l’interprétation sublime de Morten Harket, tout en me séduisant derechef (Hunting high & Low), ne parvenait pas à me fidéliser. Probable qu’à force d’aisance, sa voix m’ait moins ému que celle d’autres, moins virtuoses, et donc obligés d’explorer plus en profondeur leur expressivité ?!
Ils sont arrivés pile au moment où la Pop anglo-saxonne, terriblement diversifiée et originale jusque là, -et même dans sa qualité intrinsèque (!)- opérait une sorte de virage (en douceur) vers une uniformisation officielle de ce qui devait plaire.
Un jour (une saison ?) d’ennui musical, où je devais, pour la dix-millième fois, m’être passé les mêmes albums d’un même groupe -ça va de Genesis pour le plus officiellement adoubé jusqu’aux Pet Shop Boys pour le moins « sérieux » (en passant par les Streisand des débuts jusqu’aux foisonnantes créations de Sondheim, le tout entrecoupé de crises francophones, selon l’humeur…)-, je me suis fait une presque intégrale de leur carrière, en fond sonore…
J’ai trouvé ça vraiment pas mal, avec beaucoup de jolies trouvailles mélodiques dans leurs débuts et quelques expérimentations plus ou moins prenantes par la suite. Très facile d’écoute -même si, il me semble, Morten semble avoir la voix pas mal cassée, vers la fin : on souffre un peu avec lui, en l’écoutant (Corine, des Swing-Out Sisters, a le même problème sur un album ou deux des plus récents, il m’a semblé…).
Il y a certainement une réelle identité musicale dans leur production, et pas seulement grâce à ce chanteur si doué : on reconnais immédiatement leur « vibe ». Mais j’avoue que le son des premiers albums, si connoté années quatre-vingts, continue de déclencher des réactions positives au sein du peu de neurones qu’il me reste. Réflexe conditionné par ma jeunesse frustrée de n’avoir pas tout pu écouter, probablement : à l’heure d’aujourd’hui, hormis les deux tubes vraiment trop diffusés, à l’époque, j’apprécie pleinement leurs premières compositions. « Train Of Thoughts », c’est lyrique, carrément et, dans le genre minimaliste, je pourrais encore danser longtemps sur les trois notes de « The Blue Sky » : complètement anecdotique mais, houlàlà ! Ce que ça fait du bien, cette « légèreté »-là !
Le gros problème d’A-Ha n’était tant pas le talent mais leur image de gentils petits minots qu’ils not pas su casser à l’inverse des Depeche Mode. A-Ha n’a jamais sorti son Violator pour interpeller la planète Rock. De l’aveu du groupe lui-même, ils ont préféré jouer la sécurité du boys band à leur grand regret. Quand ils ont tenté de radicaliser leur son, il était trop tard : la déflagration grunge allait tout emporter.
Ma foi : je me suis toujours un peu fichu de « l’image » d’un groupe -ou de son appartenance à un milieu/une culture musicale précise (beaucoup de mal à sélectionner qui va où, pour les formations situées à la frange de plusieurs genres…). Mes affections ne connaissaient que peu de limites de jugement -et je ne suis pas du tout mélomane ou même « musicien ». Tout est flou, dans ces domaines, pour moi.
Par exemple, j’ai adoré Wham tout en ayant une conscience aigüe ET de leur statut « officiel » de groupe pour filles, ET du coup de foudre (franchement inattendu !) que j’avais eu pour Georgino : tout ce qu’il irradiait, jusqu’au timbre de sa voix et le tonus/enthousiaste de ses interprétations d’alors, m’avaient complètement subjugué. Ceux-ci disparus dès l’album Faith, et remplacés par cette exploitation ô combien magistrale (mais qui me stimulait bien moins) de ses capacités vocales « Soul ». Oui, c’était léger, mais le talent d’interprète du gars était énorme et, quelle que soit sa musique choisie, absolument impossible à contester. Le gars était hors-normes et, fatalement, taillé pour la scène ; ça n’est pas donné à tout le monde. Mon obsession pour le personnage s’est vue justifiée avec le temps et sa progression vers plus de profondeur artistique, et ce malgré l’enrobage très commercial du tout.
Morten, par exemple, et sans que son talent soit remis en cause, n’a jamais eu cette potentialité-là ; et, pourtant, les compositions du trio, bien que participant d’un autre esprit, valaient bien celles des deux hurluberlus à chorégraphies, dans les Eighties.
Il n’est pas si grave que les A-Ha aient hésité à quitter leur niche privilégiée. Je ne crois pas qu’ils aient forcément eu envie de faire autre chose : la variétoche de qualité, ça peut représenter aussi une grande liberté créatrice, avec le succès, et on ne peut décemment pas juger les artistes sur leur seule mine.
Quand au virage pris par Depeche-Mode, ils n’ont pas été les seuls à le négocier, à l’époque : on est passé rapidement des claviers tsoin-tsoin-tacatac du Clarke des Eighties (et de Erasure : berk!) à de vraies chansons portées impeccablement par Dave Gahan -mais je reste partial à Martin Lee Gore : je suis accro à son timbre et sa sensibilité, et me suis très récemment acharné à m’approprier « Home »… Ça faisait une éternité que je n’avais plus essayé de chanter de trucs nouveaux (pour moi).
Purée de boulot !
Puisque tu évoques George Michael, tu peux aller lire cet article là :
brucetringale.com/george-et-matt-older-de-george-michael/