Human Target volume 1 par Peter Milligan, Edvin Biukovic et Javier Pulido
Première publication le 16 octobre 2014- Mise à jour le
VO : Vertigo
VF : Semic, Urban
Cette superbe réédition d’Urban Comics compile les minis série et one shot de Human Target : Histoire de faussaires et The Final Cut.
Puis viennent les arcs l’Homme déchiqueté et le Temple de la Renommée issus de la série Human Target épisodes 1 à 5. Tous les scenarii sont signés Peter Milligan. Urban a conservé la ( très bonne) traduction de Nicole Duclos faîte pour la première édition Semic.
Christopher Chance, la cible humaine apparaît pour la première fois dans les pages d’Action Comics 419 en 1972. Len Wein ( Wolverine et Swamp Thing quand même… ) en est le créateur. Il s’agit de mettre en scène un garde du corps capable d’incarner à la perfection un client en danger de mort. Le héros apparaît de manière sporadique dans des publications DC pour des featurettes d’une dizaine de pages à chaque fois dans des histoires d’espionnage.
Lorsque Vertigo, filiale de DC spécialisé dans la publication de récits matures (Sandman !) décide de faire de Christopher Chance le héros d’une mini série, le scénariste britannique Peter Milligan a un boulevard devant lui. L’assurance de pouvoir écrire ce qu’il veut sur un personnage vierge de toute continuité même si la télévision adaptera le concept génial d’Human Target à deux reprises.
En renfermant ce premier volume, mon coeur palpitait. J’étais éreinté, car Human Target en étant profondément divertissant demande une disponibilité d’esprit importante tant les scénarii de Milligan atteignent des sommets de profondeur, de mise en abîme, de catharsis. Le pitch ouvre libre cours à de multiple interprétations, des relectures fascinantes et touchent de très près aux nouvelles littéraires d’un certain Paul Auster pour ses déclinaisons vertigineuses autour de la construction et surtout de la déconstruction de l’identité au fil d’ enquêtes existentielles !
Mais jugez plutôt ! Dans Histoire de faussaire, Christopher Chance est embauché par un homme défiguré pour enquêter sur le responsable de ce carnage esthétique. Cet homme masqué est en fait le vrai Christopher Chance qui démasque son ami qui l’incarnait lui !
Dans The Final Cut, Chance enquête sur la disparition d’un enfant star à Hollywood. Il va incarner le père de la victime et bien sûr tomber amoureux de la femme de celui-ci. A tel point qu’une fois la mission terminée, Chance en oublie sa véritable identité et continue de vivre dans la peau d’un vieillard.
Enfin, dans mon histoire préférée, l’Homme Déchiqueté, Chance aide un arnaqueur au petit pied surendetté. Pour protéger sa famille, il simule sa mort pendant le 11 septembre. Le jour où il souhaite faire chanter son ancien patron, son passé le rattrape. Et Chance de fausser la donne en incarnant le faussaire !
Quand Human Target commence, Chance est déjà un caméléon expérimenté. Tout indique que ce héros que l’on découvre à peine est en pré-retraite et que son assurance n’a d’égal que des talents exceptionnels d’imitateur. Car Chance ne possède pas de super-pouvoirs. Il n’est qu’un observateur génial façon Sherlock Holmes rompu à l’observation du langage corporel, capable d’adopter n’importe quel visage, n’importe quelle voix ou attitude.
Et Milligan situe l’action à Hollywood, ville du faux semblant où notre imitateur va progressivement perdre le fil de son identité. Comme les comédiens de l’Actor’s Studio dont les frasques célèbres ( Marlon Brando, James Dean, Monty Clift) dénotaient d’un talent exceptionnel au moins égal à de sérieux troubles psychobiologiques, Chance devient littéralement son personnage en pratiquant l’auto suggestion, une forme d’hypnose où lui même va s’oublier.
Milligan explore tous les chemins que sa série lui ouvre : qu’est ce qui légitime notre moi ? Si dans son opinion et celle des autres, Chance réussit à berner son monde, pourquoi ne ferait il pas sienne cette seconde peau qu’il enfile ?
Lorsque Chance est grièvement brûlé, lorsque entre deux opérations esthétiques, il se retrouve littéralement sans visage, il enfile ses prothèses et se recrée ex-nihilo. Sommes nous alors dans le vrai ? le faux ? Et malgré son physique de Play-boy, Chance est diamétralement opposé au type à qui l’on voudrait s’identifier. Lorsqu’il parvient à amener starlettes et vamps dans son lit, il est impuissant et adopte les fantasmes de ses incarnations.
Milligan ne se contente pas de torturer son personnage. Il s’attaque férocement à la cuture de l’avoir sans l’être, revient sur la mort des civils du 11 septembre de manière poignante et raille la culture du héros américain et de ses mythes. Le Mythe américain, encore une imposture. Les personnages d’Human Target évoluent en état permanent de mensonge, de duplicité et de vide émotionnel parfois au détriment du bon sens, puisque les femmes qui couchent avec Chance se contentent de l’imposture et font comme si….
Edvin Biukovic et Javier Pulido avec leurs dessins rétro s’ils ne séduisent pas immédiatement la rétine collent parfaitement à cette atmosphère embrumé où rien n’est jamais réel tandis que les rêves vaporeux cachent de véritables cauchemars éveillés. L’amateur de Darwyn Cooke se sentira chez lui.
On se souvient que même au service d’une licence super-héroïque ( X-Statix), Milligan abordait le thème de l’imposture et de la légitimité de la célébrité. Comme Chance qui endosse ses identités, cette imposture s’étend au scénaristes jonglant entre le vrai et le faux, l’imaginaire et son vécu pour tromper son lecteur dont il connait parfaitement les réactions. Une mise en abîme vertigineuse qui rappelle, on l’ a dit, le Paul Auster de la Cité de Verre, de Léviathan et de… Mr Vertigo !
A mes yeux, l’une des meilleures œuvres de Peter Milligan. Je regrette que Vertigo n’ait pas réédité tous les épisodes. Si tu apprécies les usurpations d’identité qui questionnent celles-ci, je te conseille « Monsieur Ripley » de Patricia Highsmith, où la perméabilité de l’identité de l’imposteur est très bien rendue.
Je viens de voir Plein Soleil pour la première fois d’après M. Ripley. Effectivement il y’ a de l’imposture dans l’air mais pour le coup je trouve quand la BD permet d’avantage l’immersion même si le film reste très réussi.
Comme Présence en ce qui concerne les articles. Je mets juste plus de temps à lire les longs, surtout s’ils traitent d’oeuvres que je ne connais pas. Tant que c’est intéressant, la longueur importe peu.
Pour Human Target, cela donne très envie comme je le disais précédemment. Et je ne connais pas du tout Milligan.
Je ne suis jamais allé à Angoulême non plus, certaines choses dans l’univers de la bd ne me touchent pas du tout. Par contre, j’aime à la fois les histoires (comme toi) et le dessin, qui m’a amené à la bd. J’ai un plus profond respect pour les dessinateurs qui maitrisent la narration que pour ceux qui restent des illustrateurs de talent. De même, un trait peut suffire à m’émouvoir.
Une oeuvre intéressante est sortie il y a quelques années, trop chère pour moi mais dont le concept me parle : 100 cases de maîtres. 100 cases de bande dessinée y sont décortiquées, expliquant leur importance ou leur beauté. En le feuilletant, je suis tombé sur celle de Moebius, tirée du Garage Hermétique : c’est exactement celle qui m’a le plus ému lors de la lecture de cet ouvrage.
http://www.amazon.fr/100-cases-Ma%C3%AEtres-art-graphique/dp/2732441406/ref=sr_1_2?ie=UTF8&qid=1413457595&sr=8-2&keywords=100+cases
Et dire que j’hésitais encore à m’offrir (ou me faire offrir !) cette réédition (complète ! alors que les ricains n’y ont même pas droit !) de la série !
Je sais désormais ce qu’il me reste à faire.
Le croirez-vous aussi : Moi qui suis dessinateur, je ne lis pas du tout les BD pour le dessin ! Ce qui m’intéresse c’est le scénario. Le dessin est complètement accessoire. En revanche il ne faut pas qu’il me déplaise trop au premier coup d’oeil, sinon je repose le livre direct.
Mais je n’achète quasiment JAMAIS de BD pour le dessin. C’est toujours pour le scénariste.
Itou ! Un dessin est pour moi la porte d’entrée. Comme la pochette d’un album. C’est ainsi que j’ai failli passer à côté des Xmen de Aaron parce que rien de ce que peut produire ce pauvre Chris Bachalo ne sied à mes yeux.
A partir du moment où je vois ( et je le « ressens » instantanément ) que les dessins vont contribuer à mon plaisir de lecture je prends.
Ce qui explique mon amour pour Preacher. Dillon est un dessinateur moyen voire mauvais, mais ses pages sont aérées, drôles et épousent parfaitement les propos de Garth Ennis.
A l’inverse, malgré les illustrations de Mc Kean, j’ai revendu Arkham asylum en raison de mes aversions conjuguées pour Morrison et Batman.
Enfin les dessins plus indés comme Mauss me parlent moins qu’un scénario en béton.
Je pense donc être cohérent dans mes propos. Peu importe le médium : ciné, musique, livre, bd. Si les propos de l’auteur me touche, je prends.
Oui ! Peut on imaginer Preacher sans Dillon ? Impossible, pas vrai ?
A peu près pareil que Présence. Le temps passant, je suis par contre beaucoup plus sélectif (et on peut étendre cela aux films, livres, séries…) et fais donc plus attention au scénariste ou au dessinateur, voire au photographe… J’ai donc arrêté les « genres » pour m’intéresser aux « gens », mais je ne suis pas contre découvrir quelque chose même si je ne connais pas le ou les auteurs. J’y jetterai un oeil et voilà. Je reste assez ouvert car dans les comics surtout, les dessinateurs peuvent être vraiment de niveaux différents, mais si le scénariste a mon aval, j’achèterai toute la série. Je pense notamment à The Invisibles de Morrison ou à certains Alan Moore. D’un autre côté, je ne suis pas fan de Buckingham, mais j’ai du mal à imaginer Fables sans lui.
Et on ne parle jamais des artistes de covers : celles de 100 Bullets ou de Fables, c’est quand même quelque chose hein ?
Hola oui, c’est même une des premières raisons pour laquelle j’ai regardé Fables, ces couvertures de James Jean. Et celles de McKean pour Sandman, celles de Bisley et Bolland pour Doom Patrol… C’est beau.
En ce qui me concerne, je ne peux pas lire une BD (un comic book, un manga) si le dessin ne me plaît pas. Mais si le scénario ne me plaît pas non plus, la BD (le comic book, le manga) se retrouve dans mon « sac à échanges », c’est-à-dire en valeur de contre-partie pour récupérer une BD (un comic book, un manga) d’occasion chez un marchand que je connais et qui désespère qu’un jour je lui amène des trucs plus potables ! Pour moi, Steve Dillon, c’est un véritable repoussoir. Il a fallu que je fasse des efforts pour lire son run avec Wolverine en fascicule de chez Panini France.
S’agissant de Moebius, pour les ceusses qui ne connaissent pas, dépêchez-vous d’acheter pour pas si cher du tout la réédition spéciale 40 ans des Humanos de l’intégrale de l’Incal qui sort cette semaine ! Il n’y en a que 2000 exemplaires ! Moi, je n’achète pas, j’ai les albums originaux ;), acquis bien avant amazon.fr
Je vais probablement faire l’acquisition de cette édition en VF de Human Target, œuvre que je ne connais pas. Milligan, pour moi, c’est un coup génial (X-Static etc.), un coup illisible (Shade). Et le « turnover » des dessinateurs pour cette histoire m’a longtemps refroidi…
Salut Stan. Je ne trouve pas qu’il y ait un gros turnover pour HT. D’autant plus que le pauvre Biukovic ne pouvait pas faire autrement, il est mort le pauvre garçon….
Sans Internet et 5 ans d’échange virtuel, je continuerai de considérer Steve Dillon comme le meilleur dessinateur du monde….c’est dire mon niveau d’exigence initial…
Bonjour,
La meilleure blague de la journée « Sans Internet et 5 ans d’échange virtuel, je continuerai de considérer Steve Dillon comme le meilleur dessinateur du monde… ».
Personnellement je trouve que c’est un des pires.
Sinon je viens de terminer la lecture de ce tome et j’ai beaucoup aimé la première partie.
Et je trouve les dessins de Biukovic vraiment sympa et ils collent bien à l’ambiance.
La deuxième partie (à partir de Final Cut) est très sympa au niveau de l’histoire qui reste très prenante.
Pour ce qui est de la partie de Pulido je trouve les dessins un ton en dessous, certaines pages c’est limite des croquis très laid sans aucun détail, et la pleine page avec le baseballeur qui coure est juste horrible.
Je pense pas qu’il soit possible de comparer les dessins de Pulido à ceux de Darwyn Cooke.
Là où Darwyn Cooke à une patte (que j’adore), j’ai l’impression que Pulido est juste limité (pas très bon à mon gout).
Malgré les dessins de Pulido ce tome reste une très bonne lecture.
Première lecture pour ma part d’un récit de Milligan, maintenant je vais me laisser tenter par le deuxième tome et part Fables.
Bonne journée
Bonjour Bastien :
Steve Dillon : je me suis mal exprimé. je voulais dire que sans Internet et l’échange quotidien avec Présence et Tornado, j’aurai pu considérer Dillon comme un bon dessinateur.
Pullido : c’est effectivement moins joli que du Cooke, je le concède volontiers.
Content que tu aies aimé le premier volume.
Bonjour,
J’ai terminé le tome 1 hier soir et je suis allé chercher le second tome durant ma pause déjeuner donc on peut vraiment considérer que j’ai bien aimé.
J’ai commencé à lire le deuxième recueil et à ma grande surprise Cliff Chiang dessine les premiers épisodes, je le trouve vraiment meilleur que Pulido.
Je te remercie de m’avoir fait découvrir ces albums, sans cet article je n’aurai surement jamais lu cette série.
Je suis désolé pour Dillon mais c’est surement le dessinateur avec lequel j’ai le moins d’accroche, je trouve tous ces dessins insipide et je trouve cela très désagréable. (J’avoue même préférer Pulido).
Par contre je suis allé dans différentes librairies et impossible de mettre la main sur Brooklyn 62nd.
Bonne journée