Encycloplegeek : Godzilla
Par : 6 PATRICK FAIVRE
1ère publication le 23/10/17- MAJ le 13/10/18
Cet article portera sur la longue et (parfois) fructueuse carrière de Godzilla, le roi des monstres, sur les écrans Nippons.
Discussion entre le rédacteur en chef de ce blog et votre aimable serviteur :
-Moi : Hey Bruce j’ai une super idée d’article : détailler la filmographie de Godzilla !
-Bruce (ayant tout les peines à cacher son enthousiasme-Ndr) : Euh t’es sûr ? Tu sais en France tout le monde s’en fout du monstre Nippon !
-Moi : Oui il est vrai que très peu de films sont sortis en France ! Le premier de 1954 n’est d’ailleurs sorti qu’en version Américaine totalement remontée ! Autant dire que si son nom est familier, la plupart des spectateurs de l’hexagone ont fait connaissance avec le Roi des monstres via les films Américains et surtout la redoutable version de Roland Emmerich en 1998 ! Pas étonnant dès lors que la plupart des gens se contrefoutent du Big G et l’assimilent à un quelconque dinosaure tout droit sorti de Jurassic Park ! Mais justement nous avons là une mission culturelle à remplir pour changer cela !
-Bruce (résigné mais fidèle en amitié-Ndr): Bon et bien ok et bonne chance à toi !
La filmographie de Godzilla s’étalant sur 30 films, je ne me livrerai ici qu’à une critique sélective (et totalement subjective je l’avoue, les fans me pardonneront s’ils n’approuvent pas mes choix) des films que j’ai trouvé les plus mémorables – en positif comme en négatif.
Pour plus de clarté je vais diviser les films en 4 périodes distinctes :
1/ Hiroshima mon amour (1954-1975 : 15 films)
Lors de l’été 1945, les forces de l’Axe ont perdu la guerre, l’Allemagne et l’Italie ont déjà capitulés. Seul le Japon résiste. Il souhaite terminer cette guerre mais pas aux conditions des Américains. Le Japon fait fi de l’ultimatum de l’oncle Sam et à sa grande surprise subit une explosion atomique sur la ville de Hiroshima, le 6 aout 1945 ! Trois jours plus tard c’est Nagasaki qui est à son tour bombardée. L’empereur se voit finalement contraint de se plier aux conditions des Américains.
Le traumatisme dans la population est immense.
« A la fin, les Japonais avaient combattu avec toute leur âme, mais c’est la technologie moderne qui les a vaincu, c’était un sentiment très fort à l’époque » comme le déclarera Akira Ifukube, le compositeur de la musique de Godzilla.
Ishiro Honda est l’un des nombreux prisonniers de guerre qui regagne son pays après la capitulation. Il constate en chemin l’ampleur des dégâts causés à Hiroshima. Cinéaste dans le civil, il saisit l’opportunité que lui offre le producteur Tomoyuki Tanaka d’exprimer sa désolation à travers la création d’un film de monstre, enfant de l’atome. Il sera autant inspiré par le film Le monstre des temps perdus d’Eugène Lourié (The Beast from 20,000 Fathoms en VO) que par le King Kong de 1933. Avec un budget confortable le film sort finalement en novembre 1954.
1954 : Godzilla (Gojira) de Ishirô Honda
Initialement le monstre devait être un croisement entre un gorille (Gorira en nippon) et une baleine (Kujira), d’où son nom en VO : Gojira. Au final l’idée sera ne pas conservée et le monstre ressemblera d’avantage à un dinosaure. Le nom sera néanmoins adopté.
De même le souhait initial de la production était de réaliser le film en Stop Motion (cher à Ray Harryhausen) mais une fois de plus, pour des raisons de budget autant que de timing, le procédé est abandonné. Le choix du réalisateur se portera finalement sur un monstre en costumes évoluant dans un décor à l’échelle.
Le résultat aurait pu être désastreux mais le noir et blanc sert parfaitement les trucages. Les images très contrastées, tout en clair-obscur, permettent moins facilement de discerner le faux du vrai !
De nombreuses scènes font ouvertement référence à la seconde guerre mondiale : la destruction systématique, les familles décimées, les villes dévastées… 9 ans après la première bombe H les plaies sont tout sauf refermées et le film l’exprime parfaitement. Le long métrage est un franc succès auprès du public et il lancera la mode des Kaiju Eiga : les films de monstres !
Le film commence par une disparition mystérieuse de bateaux et par un village dévasté par une force inconnue ! La vérité ne tarde pas à se faire jour : le responsable est une créature du jurassique qui a survécu dans une grotte sous-marine, Godzilla ! Des essais nucléaires ont réveillé et libéré la bête. Cette dernière ayant absorbé moult résidus nucléaires a vu sa puissance décuplée.
Le monstre ne tarde pas à se manifester à nouveau et à attaquer Tokyo !
L’armée est impuissante, seul un scientifique, Daisuke Serizawa, semble avoir mis au point une arme susceptible de détruire le monstre « Le destructeur d’oxygène ». Ce dernier redoutant que sa bombe soit utilisée à de mauvaises fins (et fassent plus de mort que la bombe H) refuse de l’utiliser…
Bien que totalement dépassé au niveau effets spéciaux, le film a cependant gardé tout son impact et sa noirceur 60 ans plus tard ! Un classique du cinéma fantastique et du cinéma tout court !
Pour information un fou furieux s’est amusé à comparer les maquettes du film avec la réalité de Tokyo… A voir ici même.
1955 : Le Retour de Godzilla (Gojira no gyakushû) de Motoyoshi Oda
Le succès du premier film est tel que la Toho demande qu’une séquelle soit réalisée dans la foulée.
Godzilla est mort à l’issue du premier film, mais qu’à cela ne tienne, un second saurien géant est découvert sur l’Ile aux monstres !
Et cette fois ci Big G-Bis n’est pas la seule créature mutante puisqu’il va devoir se battre contre Anguirus, un autre dinosaure du jurassique !
Contre toute attente, alors que dans le premier film les scènes étaient tournées au ralenti pour donner une impression de lourdeur et de majesté, les combats sont ici au contraire filmés en accéléré ! Donnant des scènes étranges et vaguement comiques (en tous cas en total décalage avec la noirceur du propos).
Le film reste une suite honorable mais ne possède en rien la splendeur et l’aura de mystère du précédent. Cette tendance se confirmera hélas pour les films suivants, notamment pour le 3éme film King Kong contre Godzilla (Kingu Kongu tai Gojira ) en 1962 par Ishirô Honda. Pour le premier film en couleur de la série, le coté sérieux du premier film a disparu au profit d’un film d’action décomplexé tirant allégrement sur la comédie…
1964 : Mothra contre Godzilla (Mosura tai Gojira) de Ishirô Honda
Lancé sur des rails, la franchise va se voir gratifier de quasiment un film par an pour les dix années à venir !
Pour ce nouvel épisode, après King Kong, c’est au tour de Mothra de partager l’affiche avec le roi des monstres. Il s’agit d’une créature ailée à mi-chemin entre la phalène et la mite géante ! Elle a eu son propre film quelques années auparavant.
L’histoire : deux reporters enquêtent sur un site industriel détruit par un cyclone. Ils y trouvent une matière visqueuse et étrange. Pendant ce temps un œuf géant est trouvé par des pécheurs dans la baie de Yokohama. Toharata un homme d’affaire véreux et corrompu décide aussitôt d’exploiter l’œuf fondant un parc d’attraction autour de ce dernier ! Deux petites fées « des Shobijins » apparaissent à la surprise générale et réclament l’œuf comme appartenant à leur peuple, qui vénère le papillon géant Mothra !
Godzilla ne tarde pas à apparaitre et entreprend de se taper l’œuf géant pour son petit déjeuner…
Ce film est particulièrement intéressant puisque c’est l’un des derniers films avant un moment où l’équilibre entre comédie et mystère est respecté !
On est même touché par le destin tragique de Mothra qui se sacrifie pour sauver ses enfants ! Faire de l’émotion avec une mite géante, voilà un pari risqué qui était tout sauf gagné d’avance !
Le film tarde un peu à se mettre en place, mais lorsque l’action commence c’est un festival où tout explose, hurle et s’effondre ! On regrette un peu la morale écologique naïve, mais le film se laisse largement voir, porté par une musique somptueuse. Ce spectacle réjouira autant notre enfant intérieur que l’adulte au regard critique. Une belle performance.
1973 : Godzilla vs Megalon (Gojira tai Megaro) de Jun Fukuda
Un essai nucléaire ravage l’ile aux monstres et met en danger le monde immergé de Seatopia. Les habitants de ce monde secret craignant pour leur sécurité déclarent la guerre aux hommes de la surface ! Ils envoient leur monstre, Megalon, à l’attaque de Tokyo !
Pendant ce temps-là deux savants (dont l’un d’eux à une jolie voiture évoquant furieusement la Lotus 7 du Prisonnier ) ont construit un robot humanoïde surpuissant appelé Jet Jaguar. Leur création ne tarde pas à susciter la convoitise des habitants de Seatopia : il leur faut en effet un guide pour leur monstre !
Le robot volé, il ne reste plus qu’un seul espoir aux humains : demander de l’aide à Godzilla ! Ce dernier pas rancunier pour deux sous (les humains lui ont quand même pété la moitié de son île avec leurs essais à la con) la leur accorde et se met en route pour affronter Megalon ! Il ignore cependant que les Seatopians ont convoqué un second monstre à la fête : Gigan !
Le coté monstre incompris et pourchassé par les humains est désormais totalement laissé de côté. Godzilla est à présent une sorte « monstre qui fait rire », un Casimir à écailles !
Le film est amusant mais on est loin de la tension du concept de départ. Cette mouture s’adresse avant tout aux plus jeunes avec un aspect comédie prédominant (et disons-le, pas toujours réussi).
1974 : Godzilla contre Mecanik Monster (Gojira tai Mekagojira) de Jun Fukuda
De belliqueux aliens (de forme humanoïde et portant une salopette argentée façon Igor et Grichka Bogdanoff) se sont mis en tête de conquérir la terre ! Leur stratégie ? Construire une version robotisée de Godzilla ! Cette fois-ci le roi des monstres aura fort à faire pour vaincre la version robotisée de lui-même ! Heureusement une ancienne divinité à tête de chien, Kingu Shīsā (traduisez King Caesar), revient à la vie pour l’aider à mettre la pâtée au robot alien !
Le réalisateur Fukuda s’acquitte honorablement de sa tâche, mais sans génie et sans créativité aucune. Une réalisation plate et un manque d’enjeux dramatiques finissent de donner à l’œuvre un coté téléfilm. Le Kaiju Kingu Shīsā au look particulièrement calamiteux contribue à faire sombrer le film dans le ridicule.
Après cela Ishirô Honda reviendra une dernière fois aux manettes de sa franchise en 1975 avec Mechagodzilla contre-attaque (Mekagojira no gyakushu). Mais le film sera un four commercial, l’attrait du public pour les monstres géants s’étant étiolé. Le genre ne fait tout simplement plus recette !
Après 15 films (quand même) la série n’est plus ni effrayant, ni drôle (ni même distrayante). Le genre tombe manifestement en désuétude, il est donc temps pour la Toho (la société productrice) de tourner la page ! Il faudra attendre presque 10 ans pour voir revenir Godzilla aux affaires, non sans un sérieux coup de lifting !
(A suivre)…
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Notre homme Patrick Faivre a visionné TOUS les Godzilla et en retrace pour Bruce Lit la saga, film par film de ses origines tragiques au lendemain de la Bombe à sa conversion au grand guignol annonceur de Bioman dans un article monstrueux, forcément monstrueux !
La BO du jour : Lezard, Iguane, même combat : chercher et détruire !
https://www.youtube.com/watch?v=irskrVvKR1E
Un petit coucou à JP Dionnet qui m avait permis de découvrir Godzilla Vs. Mothra dans Cinéma de quartier sur Canal à l époque. J en garde un très bon souvenir, ravivé par ce bel article.