Interview Présence
1ère publication le 10/07/19 – MAJ le 19/12/19
Une torture accomplie par Bruce Lit
Illustration originale de Tornado
Le monsieur de chez Bruce Lit a quelque chose à vous dire
Je m’en souviens comme si c’était hier : les années Amazon. J’y avais repéré Présence, surtout lorsqu’il s’agissait d’acheter des X-Men en VO. Nous étions en pleine période Matt Fraction et déjà, j’étais surpris de trouver quelqu’un pour aimer ce travail que je jugeais médiocre. Un jour qu’il encensait ONE MORE DAY, je décidais de l’accoster comme dans la vie : de manière vaguement provocatrice, ce qui est un test en soi : soit le mec / la fille s’offusquent et il m’indiffère de continuer. Soit, et ce fut le cas, le type / la fille a de l’humour et il est probable qu’on ne va plus se quitter. Et ce fut le cas.
Présence s’amusait de mes sarcasmes sans se sentir humilié lorsque je le charriais. Inversement, je découvrais un mec qui semblait avoir tout lu et qui avait suffisamment d’indulgence pour ne pas me rabrouer lorsque je me lançais dans des diatribes anti machin et anti bidule sans queue ni tête. Lorsque je quittais Amazon pour fonder le blog, il avait écrit à peu près 4000 articles. C’était il y a 6 ans, faîtes le compte !
Tornado compléta ce trio et nous instaurâmes une curieuse dynamique. Rendez-vous compte : voici plus de 10 ans que nous nous écrivons TOUS les jours. Tous. Les. Jours ! Quelque chose que je n’ai jamais fait pour les femmes que j’ai le plus aimées ! Ces années fondèrent le socle de Bruce Lit basées sur le respect, la confiance, la bienveillance, la simplicité, l’humour, la franchise et la spontanéité.
Je n’ai rencontré Présence en vrai qu’au bout de 5 ans. Pendant des années, je n’ai connu ni le son de sa voix, ni son apparence physique jusqu’à ce qu’avec Tornado nous le poussâmes dans ses retranchements : on lui envoyait nos trombines et l’obligions à nous envoyer la sienne en retour. Peu après je parvins à le convaincre de déjeuner avec moi au Forum des Halles. Deux timides se rencontraient. Il se montra fidèle à sa réputation : simple, souriant, accessible et généreux : rencontrer Présence, c’est la certitude de repartir les bras couverts de BD qu’il ne lit plus. Il ne vous prend jamais de haut, écoute, rit beaucoup, sait noyer le poisson pour éviter de parler de lui et boit du jus de tomate en encaissant stoïquement les quolibets de ses comparses alcoolisés.
Il m’importait de finir cette saison avec cet exercice , vous faire découvrir Présence avec des difficultés quasi insurmontables : l’homme ne veut pas être pris en photo et encore moins interviewé. Il m’importait de comploter une nouvelle fois contre lui avec mon ami Tornado pour le représenter sans le représenter. Le résultat est diablement efficace. Il m’importait enfin de rappeler où et avec qui tout avait commencé. Tornado est devenu un héros de BD cette année et Présence se dévoile (mais pas trop). L’accouchement a été difficile mais c’est un beau bébé.
-Bruce- Juillet 2019
Pour une raison incompréhensible, Bruce estime que son site avait besoin de cette interview. Il a gentiment transmis les questions le 31 décembre 2018 et attendu… et attendu… et supporté des réponses pleines d’atermoiements accompagnées de mesures dilatoires grossières… et attendu… Sois prévenu pauvre lecteur : cette interview ne contient aucune information intéressante, aucun secret, même pas une révélation sur le sens de la vie. Garanti ou remboursé : 0% divulgâcheur.
Présence, je te sais plus que précautionneux quant à la protection de ta vie privée. Que peux-tu nous dire de toi sans mettre tante May en danger ?
Tous les lecteurs de ce site savent bien que May Parker les enterrera tous : rien ne peut la mettre en danger. Par contre les autres… Quant à en dire plus, vous en avez déjà tous rencontré des gens comme ça. Quand on en voit un, on détourne le regard, on observe de biais, pas franchement en face, parce que les troubles obsessionnels compulsifs, ça se sent tout de suite, même si c’est la pratique honteuse de la lecture hors de contrôle, ou une façon de s’exprimer que l’on qualifie pudiquement d’un peu différente. Mieux vaut ne rien dire et s’en tenir là pour ne mettre personne mal à l’aise.
Outre ton identité, perdure le mystère de ton rythme de travail. Tu écris pour Bruce Lit mais aussi ton propre blog, Amazon et Babelio. Quelle est ta méthode de travail ?
Facile comme question : une BD après l’autre. Ensuite, il n’y a qu’à recopier ce qu’a écrit Kaori pour décrire la méthode : d’abord un résumé mise en bouche de l’histoire, puis une étude de l’œuvre graphique et ensuite le ressenti.
Quand tu as commencé ta carrière sur Amazon, quelle était ta motivation et en quoi a-t-elle évolué au fil des années ?
Il se trouve que cette carrière n’a pas commencé sur Amazon. Il y a bien longtemps dans une très galaxie lointaine, internet n’existait pas, les téléphones portables non plus, c’était au millénaire dernier. À l’époque, il était possible de trouver des fanzines (imprimés sur papier) dans des points de vente spécialisés ou par correspondance. C’est ainsi que par des circonstances mystérieuses et oubliées à ce jour, le fanzine Direct Importation (DI pour les intimes) fut amené à accepter des articles. Grâce soit rendue à Franck LÉGER qui avait des pages à remplir et qui accueillit des sujets aussi passionnants et divers que Le gant de l’Infini (déjà), Hellblazer (déjà), Judge Dredd America (déjà) ou encore Grim Jack (de John Ostrander & Flint Henry, tiens une série pas encore recyclée sur Bruce Lit) et quelques autres.
En refeuilletant ces numéros, apparaissent plusieurs contributeurs : Franck Léger, Henry Carson, Bruno Costa, David Francou, Philippe Raphael, Fabrice Vigne, Frédéric Grivaud, Gérard Morvan, Gilles Coin, François Caro, Philippe Bara, Pierre Autexier, Stivy Génie, Camille Benony, Christophe Massuyeau, Jean-Marie Jonqua, Jean-Marc Lainé…
Si j’analyse le style Présence, rien n’a beaucoup changé : un résumé détaillé de l’œuvre, un paragraphe égal entre le travail du scénariste et du dessinateur avec des mentions détaillées pour les encreurs et coloristes. Cette méthode te convient-t-elle ? N’as-tu pas envie de sortir de ta zone de confort et de révolutionner ton écriture ?
Quelle question bizarre… Si la méthode ne convenait pas, elle aurait sûrement changé. Bruce Lit est un site collaboratif où le nom de chaque participant est cité.
(L’interview est brutalement interrompue par l’irruption violente d’une dizaine de lettreurs en colère : Bonjour l’hypocrisie ! Quand est-ce qu’il va parler de nous à la fin ?) – Bruce les fout dehors.
(Reprise)
Il semble légitime qu’il en soit de même pour tout autre projet collaboratif. Pour le résultat, c’est encore les lecteurs qui en parlent le mieux (et puis il n’y a qu’à recopier), JP NGUYEN écrit : Ce commentaire peut être lu indépendamment de tout autre. La lecture d’une review de Présence fait naître des attentes déraisonnables : on voudrait saisir l’intrigue sans avoir à la lire, tout en préservant le plaisir de la future découverte. On voudrait comprendre le dessin à travers un savant décorticage tout en se gardant le droit de ne pas aimer le style, malgré les qualités mises en avant.
Ta culture comics n’a d’égal que ton immense bienveillance. En a t’il été toujours ainsi ou jeune étais-tu plus radical comme Wolverine ?
Rome ne s’est pas faite en un jour. Mais cette prétendue immense bienveillance patiemment développée pendant de longues décennies vient d’être réduite à néant en infligeant la lecture de cette interview à d’innocents lecteurs sans défense.
Tu nous racontes tes premiers chocs comics ?
Uncanny X-Men dans Spécial Strange 16 (été 1979), Warlock de Jim Starlin dans Étranges Aventures, les récits courts traduits et publiés dans Ère Comprimée et L’écho des Savanes spécial USA, Cerebus… Et ça ne s’est jamais arrêté. (Nota bene : surtout ne pas donner cette idée à Bruce : une deuxième interview uniquement sur cette question).
Tu es souvent charrié sur le fait que tu fiches des 5 étoiles à (quasiment) tout le monde. Peux-tu nous en préciser la raison une fois pour toute ? Le travail d’Alan Moore chez toi équivaut à celui de Mark Millar….
Petite rectification : Bruce Lit est un site respectable où personne ne charrie les autres. Le postmodernisme artistique est la réintroduction de l’éclectisme, et le postmodernisme philosophique se fonde sur le concept de différence (avec des définitions variées) ayant pour noyau commun d’échapper à toute objectivation, de se placer dans l’horizon de la vie et du sens eux-mêmes (merci wikipedia : il n’y a qu’à recopier). École de Constance : le texte, ou trace écrite, est fixe, durable et transmissible, alors que la lecture est éphémère, inventive, plurielle, plurivoque (merci wikipedia : il n’y a qu’à…). Sachant qu’il y a autant de lectures possibles d’une œuvre, qu’il y a de lecteur lui-même le fruit de son parcours personnel et de sa subjectivité, à quelle aune estimer la valeur d’une œuvre ? Pour citer un proverbe qu’aime Bruce : la vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s’est brisé ; chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s’y trouve. (Djalâl ad-Dîn Rûmî, 1207-1273).
Au fil des années ta grille de lecture a-t-elle évolué ?
La notion de grille de lecture renvoie à des critères, à la capacité d’envisager ce qui est dit, montré, raconté à partir d’un ou plusieurs points de vue. Fort heureusement elle a évolué avec votre aide : un regard plus critique en provenance de Bruce, une vision moins axée sur la continuité et avec la notion de fond et de forme venant de Tornado, un rappel du plaisir direct de lecture et des faits historiques grâce à Mattie Boy, l’entrain de Kaori, le style de Cyrille M, la culture d’Alex Nikolavitch, la gentillesse d’Eddy van Leffe, le don artistique d’Edwige Dupont, sans oublier l’ineffable joie de vivre de Patrick 6.
La question que beaucoup se posent : mais tu n’en as pas marre de lire des comics ? Tu n’as pas envie de te voir un film ou une série pour éviter l’indigestion ?
Pas possible : madame squatte la télé. Héraclite a dit : on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve (c’est pratique ce truc de recopier pour répondre vite fait aux questions). La capacité d’inventivité de l’être humain est infinie. Comics, BD, mangas, ce n’est qu’un média, mais chaque œuvre porte la marque de la personnalité de ses auteurs issus de milieux culturels très divers, offrant une richesse sans cesse renouvelée. Pour prendre un autre exemple que Moore/ Millar, peut-on comparer Pat Mills à Jeff Smith, ou Dave Sim à Jon J. Muth, John-Marc DeMatteis à Richard Corben, David Mack à Scott Adams ?
Que ce soit en virtuel ou en « vrai » tu ne sembles doté d’aucun égo. Un vrai Goldman de la blogosphère. Tu ne veux pas être reconnu pour tout ce travail fourni ? Il ne s’agit pas de caviar ou de groupies, mais simplement d’une consécration de ta vie virtuelle…
La référence gratuite à JJG est un peu grosse : pourquoi ne pas y coller Pink Floyd, The Cure et Joy Division tant qu’on y est ? Il y a comme une forme d’incompréhension fondamentale : ce sont les auteurs de BD/Comics/Manga ou les artistes qui créent et qui méritent d’être reconnus, voire d’avoir des groupies.
Malgré ta culture tu restes humble et prêt à débattre…
Qui peut prétendre ne rien avoir à apprendre des autres ? Comment ne pas rester humble devant l’humour de JP, l’érudition de Mattie Boy, les dessins d’Edwige.
Tous les styles semblent t’agréer. Quelles sont tes limites de lecteur ?
Le temps et l’argent… et plus de passeurs enthousiastes comme vous.
Si je voulais t’embêter (ce qui n’est pas du tout mon style), je te pousserais à être sélectif. S’il fallait retenir un dessinateur et un scénariste de Comics quels seraient-ils ?
Comment peut poser une question aussi cruelle et sadique dans une telle période d’abondance ?
Tu nous racontes ta version de ta première rencontre avec Tornado et Bruce Lit ?
Ça laisse des traces… 12 août 2009, la traçabilité en question pour One more day (commentaire 5 étoiles bien sûr)
Bruce : Les commentaires de Présence sont toujours très pertinents et argumentés. Mais quand je vois 5 étoiles à ce torchon que constitue One more Day, j’ai eu envie de réagir.
Tornado : Alors là, bravo ! C’est la critique (celle de Bruce) que j’aurais voulu faire ! Moi qui suis un fan absolu du run de Straczynski (que l’on a forcé à produire ce truc : il a claqué la porte immédiatement après) ! Son run était ce qui était arrivé de mieux à Spiderman. Enfin des scénarios denses, brillants, adultes ! Et puis est arrivé ce statuquo pathétique qu’est One more day. Depuis, je refuse de lire la série.
Un dernier mot pour la route ?
Promis : plus jamais ça. Les blagues les plus courtes sont les meilleures (sauf pour Figure Replay).
Oups ! Un dernier point essentiel et vital : merci à tous, au créateur et animateur de ce site, à la femme de l’ombre qui l’a construit, à tous les participants pour leur gentillesse et leur patience, leurs articles et commentaires toujours bienveillants et enrichissants.
PS : c’est bien parce c’est toi et que tu as demandé gentiment : Mon dessinateur préféré : Dave Sim & Gerhard.
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La BO du jour : Présence, un homme respecté
https://www.youtube.com/watch?v=4WsmSgBRUe4
Arf, Kaori, je ne suis même pas sur ta feuille de match ! Vexé comme un (Ji) pou, je suis !
Si vous voulez, on n’a qu’à dire que je serai le préparateur physique pour exercer vos muscles faciaux et abdominaux !
Han comment j’ai fait pour t’oublier !!! Je suis confuse !!! Toutes mes plus plates excuses !!!
Mais en fait je me rends compte que je sèche pour ton poste… Bon, je reprends ça demain…