Collector : les jouets d’horreur
par Macflan
1ère publication le 28/10/19- MAJ le 29/10/20
Animée par le romancier et l’un des plus grands collectionneurs de jouets vintages en France Macflan, la rubrique COLLECTOR vous propose de revisiter chez Bruce Lit l’histoire du jouet geek dans la culture populaire. Retrouvez-le sur sa page Facebook et/ou celle consacrée à sa collection impressionnante de jouets : MacflanMuseum.
Halloween approchant, mission lui est assignée de nous dénicher les jouets les plus horrifiques des années 80. Question : A l’époque, le fameux Bullshit Detector avait-il été inventé ? Entendons par là, souvent les plus nazes.
Laissons notre spécialiste vous les présenter !
10. La tête à coiffer Farrah Fawcett (1977)
Ma tête à couper que cette tête à coiffer est de nature à flanquer des cauchemars. Déjà, vous ne m’ôterez pas de l’idée que la tête à coiffer est un concept glauque en soi : le côté lifesize et figé de l’ensemble – mais bon, peut-être bien que c’est parce que je ne suis pas une petite fille, me direz-vous. Mais là, la ressemblance troublante avec Farrah Fawcett, la blonde fraîche de « Drôle de dames », en fait un parfait accessoire de film d’horreur. En tout cas, moi, je vois bien comment customiser le jouet pour qu’il ait toute sa place dans un clip de Slipknot… Sérieux, je suis persuadé que c’est le genre de toy avec lequel Norman Bates aurait adoré faire mumuse.
9. Le View-Master de “Thriller” (1984)
Pour prolonger le frisson provoqué par la découverte du clip de Thriller à Champs Elysées un samedi soir de 1983, il y avait non pas une action figure, mais un View Master, vous savez, ces petites visionneuses en forme de jumelles dans lesquelles on pouvait insérer un disque cartonné contenant des mini-diapos. On se collait le VM sur les mirettes, et on faisait défiler les diapos au moyen d’une mannette située sur le côté.
Dans les années 80, View-Master a acquis un paquet de licences, y compris celle de « Thriller ». Ainsi, il existe non seulement une pochette « Thriller », mais aussi un « gift set ». Superbement illustré sur toutes ses facettes, ce coffret (dont il existe une rare version euro) contient une visionneuse ainsi que trois disque cartonnés pour un total de 21 images en relief. Magique.
8. Le jeu du requin des « Dents de la mer » (1979)
Énorme souvenir que ce jeu d’adresse remporté il y a bien longtemps, un jour de kermesse à l’école de mon petit frère. Un produit dérivé des « Dents de la mer », en boîte française qui plus est : ça c’était du lot !
Le principe était simple : on se relayait pour repêcher les objets disposés dans la gueule du requin (ancre marine, lanterne, os…), au risque de la voir se refermer sur vous. Attention les doigts ! Distribué en France par Ideal en 1979-80, le jeu prolongeait le suspense du film sur votre table basse.
À noter que les objets à repêcher, sur la photo de ce qui était dans doute un prototype, sont colorés, tandis qu’ils étaient monochromes, bleus ou blancs, dans la réalité.
7. La poupée « V » (1984)
En septembre 1985, d’étranges visiteurs de l’espace débarquaient à la télé française, en prime time sur la 2. Affichant des intentions pacifiques, il se révéleraient être de monstrueux hommes-lézards venus asservir les terriens. Pour les mômes de ma génération, « V » fut un choc. Et pas un toy à se mettre sous la dent pour récréer le combat de Donovan et la Résistance contre l’envahisseur !
Les petits Américains ont eu un peu plus de chance avec cette superbe poupée-mannequin de 30 cm de haut fabriquée par LJN (également derrière les figurines Cosmocats) représentant l’un des nazis de l’espace. Perso, j’aurais préféré une poupée à l’effigie de cette peste de Diana, la star de la série, mais LJN visait avant tout les garçons. Joliment détaillé, avec son costume matelassé rouge fidèle à la série, le visiteur était équipé d’un masque d’humain, qu’on pouvait lui arracher comme dans la série pour le confondre – le problème, c’est que la tête de lézard paraissait alors trop petite par rapport au corps. Autre fonctionnalité très fun : une langue fourchue rétractile, qu’on pouvait actionner au moyen d’un bouton situé dans le dos de la fig, y compris en mode « masque » grâce à une ouverture au niveau de la bouche. Enfin, le visiteur est évidemment fourni avec son blaster, parfaitement fidèle à la série.
Dommage que le jouet n’ait pas marché, car LJN avait développé tout une gamme de figurines au format 3 » ¾ et de véhicules à l’échelle (dont une superbe navette des visiteurs), hélas jamais produits.
6. La poupée Boy George (1984)
Toujours signé LJN, voici un toy comme seules les eighties pouvaient en engendrer: la poupée Boy George ! LJN s’était fait une spécialité de ces « celebrity dolls », avec une poupée Brooke Shields (1982) et une poupée Michael Jackson (1984). Mais quand j’ai découvert l’existence de cette action figure de 30 cm à l’effigie du flamboyant chanteur de Culture Club, sortie en 1984, j’ai hésité entre le rire et la terreur. Le rire l’a emporté. De justesse. Car en chair et en os, Boy, première popstar transgenre, était déjà une vision étrange. Mais ainsi statufié, réifié, son visage de poupée, justement, devient un masque grimaçant, pas loin de celui du Joker – sauf que c’est plutôt à l’Homme-mystère de Batman qu’il emprunte sa tenue Color by Numbers. Boy est bien sûr livré avec son micro et son chapeau de sorcière.
J’ai bien peur qu’il ne s’en soit pas vendu des palettes, de ce toy. Mais le jouet est un objet transitionnel entre le monde en soi. Si celui-ci a pu inspirer des vocations de chanteur et/ou de coming out, ce sera déjà pas mal.
5. La poupée Chantal Goya (1979)
Grimpons d’un cran dans l’horreur. Plus creepy, encore, que la poupée Boy George: la poupée Chantal Goya !
Ce n’est pas un canular, pas plus qu’un prototype : celle qui chantait, en 1978, « Moi qui ne suis qu’une poupée de plastique et de chiffon / Je voudrais que l’on m’achète pour de bon » se voit exaucée dès l’année suivante lorsqu’elle obtient, consécration ultime, sa propre action figure. D’une hauteur de 29 centimètres, très ressemblante avec son carré de cheveux bruns, ses yeux marron et son sourire figé, cette poupée-mannequin est signée Mattel, qui en fait une espèce de Barbie française. La chanteuse jouera le jeu jusqu’au bout en prêtant son image à la campagne de pub qui la voit manipuler son effigie. Livrée avec un micro, Chantal elle avait une garde-robe de quatre tenues vendues séparément.
Que la firme derrière Big Jim et Musclor ait pu penser qu’elle allait cartonner avec une action figure de l’interprète de « Bécassine » restera sans doute comme l’un des plus grands mystères des annales du toy.
4. Le Kraken et Charon le passeur (1980)
Charon le passeur, squelette encapuchonnée entraperçu dans « le Choc des Titans » (1981), beau film à effets spéciaux signés Ray Harryhausen, est responsable d’un de mes pires cauchemars d’enfant. Mattel a eu la bonne (??) idée de le décliner en action figure 3 pouces ¾ (10cm) dans le cadre d’une très chouette gamme Clash of the Titans, hélas exclusive au marché américain.
Le clou du spectacle : le très recherché Kraken, le monstre marin à qui est sacrifiée Andromède, bête d’action figure de quelque 40 cm et dotée de quatre bras et d’une queue articulés. Tête du petit ricain qui trouvait ça sous le sapin le 25 décembre !
3. Funko ReAction Horror series (2015)
Vous en aviez cauchemardé, Funko l’a fait. Il y a quelques années, le fabricant US sortait une série d’action figures à l’effigie des plus grands affreux du cinéma d’horreur : Jason, le tueur au masque de hockey de « Vendredi 13 » ; Michael Myers, le psychopathe de la saga « Halloween » ; Ghostface, le maniaque cinéphile de « Scream » ; ou encore Pinhead, le cénobite SM de « Hellraiser » (livré avec sa boîte-puzzle magique !)
Du neo vintage, donc, dans le plus pur style des figurines vintage Star Wars de Kenner : 10 cm de haut ; 5 points d’articulation ; des cartes ornées d’une photo extraite du film. Funko va même jusqu’à détourner le logo blanc et bleu ciel de Kenner pour son label « ReAction ». Parce que, de même que les vinyles sont revenus à la mode, les action figures bien rétro sont cool.
Strictement interdit aux moins de 17 ans, comme précisé sur le blister, et réservé aux grands enfants qui ont grandi et flippé avec ces films découverts sur Canal ou loués à la sauvette au vidéoclub.
2. La poupée Freddy (1989)
Ça, mes petits amis, c’est pas du neo-vintage. Il y a vraiment eu quelqu’un chez Matchbox (firme plutôt connue pour ses petites voitures) pour penser que ce serait une vachement bonne idée de sortir un jouet à l’effigie de Freddy Krueger, le croquemitaine à face de pizza des « Griffes de la nuit » qui s’insinue dans vos rêves. Ainsi donc, en 1989, cette poupée parlante de 18 inches (45 cm) a atterri sur les rayonnages de Toys’ R Us. Elle murmure des trucs sympas comme « Pleasant dreams !… », « Let’s be friends », ou encore « Welcome to Elm Street ». Elle peut aussi partir d’un rire sardonique.
Ce qui devait arriver dans un pays aussi puritain que les States arriva : les ligues de vertu appelèrent au boycott de la poupée maléfique et des jouet Matchbox dans leur ensemble. La poupée parlante Freddy fut donc un bide sanglant. Pire : elle signa l’arrêt de mort de MAXx FX une ambitieuse gamme de poupées-mannequins qui mettait l’accent sur la magie des effets spéciaux. Le concept : une action figure de 12 pouces, que l’on pouvait transformer en Freddy, Dracula, Frankenstein, Alien et j’en passe au moyen de costumes, masques et accessoires à clipser. La gamme incluait même un playset « studio de cinéma » qui vous mettait dans la peau d’un réalisateur. Là où la poupée parlante de Freddy glorifiait un tueur d’enfants, la gamme MAXx FX, ode à la magie du cinéma, contribuait au contraire à démystifier les monstres made in Hollywood. Nuance de taille.
Mais la poupée parlante de Freddy aura raison de tout cela. Au final, la gamme MAXx FX se résume à une figurine, celle de Freddy, les autres étant restées à l’état de prototypes. Et ça, pour le coup, c’est vraiment l’horreur.
1. La figurine Alien de Kenner (1979)
En ce Noël 1979, une créature venue de l’espace est tapie dans les magasins de jouets d’Amérique du nord. Un monstre de 45 cm de hauteur, prisonnier de sa boîte bleue. Et là, il faut carrément parler d’accident industriel.
Résumons-nous. Forts du succès interplanétaire des jouets Star Wars, Kenner et la Fox décident de remettre le couvert avec une action figure tirée d’« Alien ». En voilà une idée qu’elle est bonne ! Sauf que non. Le chef-d’œuvre de Ridley Scott n’est pas un gentil space opera familial, mais un film d’horreur interdit aux moins de 16 ans, avec un monstre lovecraftien dont le crâne évoque un phallus et la bouche érectile, une teube turgescente. Bref, le cadeau idéal pour nos chères têtes blondes américaines, vous ne croyez pas ?
Les parents, horrifiés, prennent la plume et exigent le retrait du jouet, qui de toute façon se vend bien mal. Kenner se voit contraint de faire un recall et d’envoyer les stocks au pilon.
40 ans plus tard, le jouet maudit est devenu culte. On peut le trouver sur eBay pour un prix oscillant entre 500 et 2000 dollars, selon qu’il est en boîte ou pas, et l’état de celle-ci. Il faut dire que si le toy, tout en plastique, est fragile, il est incroyablement détaillé et bénéficie de fonctionnalités plus fun les unes que les autres : bras à ressorts (pratique, pour écrabouiller les ennemis) ; queue articulée, pour se suspendre à l’aise et vous tomber dessus quand vous ne vous y attendez pas ; cervelle phosphorescente ; mâchoires mécaniques… Des heures de jeu en perspective ! À côté, le Bigfoot, du même Kenner, c’est du Disney.
Si ça vous fait trop cher, rabattez-vous sur le neo-vintage : la reproduction jumbo (60 cm) sortie par Gentle Giant, qui reprend les mêmes fonctionnalités et la même boîte. Ou encore la gamme de figurines rétro ReAction incluant le xénomorphe, mais aussi Ripley. Dans l’espace, personne ne vous entendra jouer.
BONUS : les Crados (1989)
OK, OK, c’est pas vraiment du jouet, mais des images autocollantes, vous savez, ces vignettes qu’on s’échangeait dans la cour de récré pour compléter des albums. Pas tout à fait du jouet, donc, mais de l’horreur, assurément. Et bien crade, avec ça. Ambiance « Bad Taste ». Souvenez-vous, les images représentaient des gosses affreux, sales et méchants dont les noms étaient autant de calembours : Mathieu le dégueu, qui se cure le nez à s’en transpercer le crâne ; Geo Gerbetout, enclin à la nausée ; ou encore, Agnès Têtedefesses, la bien-nommée. Il s’agissait de l’adaptation française des Garbage Pail Kids (le Gang des poubelles), un concept ricain créé par Art Spiegelman, lequel se voulait une parodie trash des poupées Patoufs (distribuées par Coleco en 1986 – et voilà pour le lien avec les jouets 😉 )
Les mômes font un triomphe aux Crados, d’autant que cet humour pipi-caca-vomi n’est pas du goût de leurs parents : quelque 12 millions de pochettes sont vendues en moins de deux mois. Le phénomène de société tourne à l’affaire d’État lorsque le commandant Cousteau himself, horrifié, avertit Michel Rocard du danger terrible qui guette la jeunesse de France, et joue les lanceurs d’alerte : « Parents, écrit-il, si vous ne réagissez pas immédiatement et énergiquement contre cette pollution de l’esprit, ne vous étonnez pas si vos enfants partent à la dérive et finissent à la cocaïne. » Culte, non ? Allez, je vous laisse, je vais me faire un rail.**
Ah putain Farrah Fawcett c’est l’angoisse.
Sinon ce que je retiens de tout ça, c’est la magnifique citation de Cousteau, qui coiffe au poteau Ségolène Royal.