Hawkmoon tome 2 – La bataille de Kamarg, par Le Gris, Dellac, Tatti, Lofé et Rodrigues
Un papier de notre correspondant de guerre CYRILLE MVF Glénat
1ère publication le 20/06/23 – MAJ le 05/01/24
HAWKMOON – La bataille de Kamarg est une bande dessinée de Jérôme Le Gris à l’adaptation et au scénario, de Benoît Dellac aux dessins, et de Bruno Tatti et Greg Lofé assistés de Angélina Rodrigues aux couleurs. Il s’agit du second tome du premier cycle prévu en quatre albums. De grand format, elle compte soixante-deux planches en couleur.
Il vaut mieux avoir lu Le joyau noir avant de lire la suite.
Parce que oui, c’est une suite directe du premier tome. La page de garde en fait d’ailleurs un court résumé : après avoir été manipulé par les scientifiques granbretons, Dorian Hawkmoon, duc de Köln en Germanie, se retrouve affublé d’un joyau noir sur le front qui permet d’espionner tout ce qu’il voit mais également de l’occire à distance. Ils l’envoient en Kamarg, dans la cité d’Aigues-Mortes dirigée par le Comte Airain, afin d’enlever la fille de ce dernier, Yisselda.
L’épisode précédent se terminait donc sur un cliffhanger efficace : Dorian, contraint et manipulé, se dirigeant seul vers Aigues-Mortes. Ce nouvel album débute avec l’arrivée de notre héros et champion éternel en Kamarg, où il doit s’infiltrer auprès du Comte Airain. La tension est palpable.
Ne vous fiez pas à la première planche, sa lumière aveuglante du sud de la France du Tragique Millénaire, ses majestueux oiseaux et le décor de vacances : dès le début de cette seconde partie, les péripéties s’enchaînent sans aucune baisse de rythme. C’est d’ailleurs la principale inquiétude de la plupart des protagonistes : auront-ils le temps ? Les troupes du Comte Airain seront-elles prêtes avant l’attaque des Granbretons ? Ces derniers arriveront-ils à lancer leurs kamikazes au bon moment ?
L’histoire enchaîne ainsi les moments plus ou moins attendus avec un savoir-faire infaillible : comme dans toute aventure d’infiltration, l’intégration de Hawkmoon ne se fera pas sans heurts, puis les préparatifs de la bataille font monter la pression des deux côtés et l’affrontement final remplit toutes ses promesses. Le lecteur venu pour une guerre autant psychologique que tactique ne sera pas déçu. Du suspense rondement mené qui m’a rappelé les films de guerre américains à grand spectacle des années 60.
Surtout que la narration reste au service de ces jalons qui nous mènent inexorablement aux combats. Avec soixante-deux planches, les auteurs ont tout le temps de bien exposer les forces en présence mais également d’illustrer avec grandeur ce qui doit l’être. Les planches chargées de cases, souvent de l’ordre de neuf ou dix, alternent avec les pleines planches iconiques. Certaines doubles planches ne le sont que sur la moitié supérieure, les autres cases se suivant de la première à la seconde. Certaines cases prennent toute la largeur de la planche, soit pour poser le décor soit pour la pression psychologique. Les cases sans texte sont légion.
Tout comme dans l’album précédent, le dessin semble un peu trop sage, excellement exécuté, mais sans surprise, manquant toujours d’une certaine personnalité qui semble pointer par moments : l’encrage assez épais des personnages détonne avec celui des décors et éléments technologiques, bien plus fin, qui magnifie toutes ces trouvailles architecturales ou futuristes. On voit quelques nouveaux animaux des castes granbretonnes – mais pas encore assez je trouve. Cela devrait arriver plus tard si mes souvenirs ne sont pas manipulés ou implantés…
Les couleurs sont à l’avenant et la lumière se plie parfaitement au moment de la journée. Que ce soit au crépuscule ou à l’aube, on est loin d’une mise en avant de toutes les pièces du dessin et elles peuvent aisément assombrir son personnage où l’on devine une armure plus qu’on ne la détaille. Ce parti-pris inscrit HAWKMOON dans une bd plus adulte qu’adolescente : quel ado de 2023 pourrait s’intéresser à cette vieille légende de Moorcock ?
Malgré sa linéarité, cette aventure dévoile l’univers du Tragique Millénaire au détour de quelques dialogues et rebondissements. Par exemple, la science se lie à plusieurs sources magiques, aux origines floues car perdues. On pourrait penser que l’ensemble soit une sorte de nouveau Thorgal, mais il n’en est rien. Le ton laisse constamment peu d’espoir, les personnages ne se délivrent que peu et la méfiance règne. Pour le moment, Dorian reste avant tout un homme guidé par la vengeance, sans passé ni attaches, il n’existe que dans sa fuite et son instinct de survie, jusqu’à un nouveau cliffhanger efficace. Il en va de même pour les autres protagonistes, sauf peut-être un scientifique aux dialogues plus ciselés que ses pairs : ce dernier gagne immédiatement notre sympathie. Pour ce qui est des représentations physiques, des costumes et décors, on pense parfois au DUNE de David Lynch.
Il me semble que les œuvres de fiction (romans, nouvelles, films, séries télés, bds (quel que soit leur format ou moyen de diffusion)) s’empruntent les méthodes d’écriture et de narration pour gagner en efficacité. Ce second tome se dévore d’une traite et on voudrait avoir la suite tout de suite malgré des personnages peu avenants et avares en sentiments. Sans prendre le temps, comme si nous étions en retard.
La BO du jour nous rappelle que les Granbretons, on les aime surtout pour le rock
Arf… Ma décision de ne m’acheter des nouvelles BDs qu’en cas de coup de coeur MAJEUR me tient encore à l’écart de cette série qui semble partie pour durer et dont le graphisme, effectivement, ne fait pas spécialement rêver. Mais toutes ces grandes batailles… ça a l’air sympa quand même…
J’ai pensé aux CHRONIQUES DE LA LUNE NOIRE pour ça, mais dans une version améliorée (parce que, quand même, les CHRONIQUES DE LA LUNE NOIRE c’est tout pourri…).
Je surveillerai ça en médiathèque.
La BO : Pas mal (connais absolument pas). Ils sont surtout très drôles les membres de ce groupe ! (sauf pour cette idée glauque du gel dans la bouche)
Merci Tornado. Oui, il manque encore quelques trucs pour que ce soit bluffant comme la série ELRIC. Note bien que le premier cycle tiendra en quatre tomes. Je ne me souviens que vaguement des CHRONIQUES DE LA LUNE NOIRE mais en effet, je n’ai jamais voulu retenter l’expérience. Dans mon souvenir, les premiers tomes sont tout de même très enfantins dans le ton avec des dessins tape à l’oeil.
Pour la BO, c’était une de mes recommandations de l’an passée, Patrice connaît bien, et en concert c’est adorable. Elles sont toutes jeunes et tout jeunes. L’album est nickel et file la pêche.
Yes ! Michael Moorcock est de retour sur Bruce Lit !
L’encrage assez épais des personnages détonne avec celui des décors et éléments technologiques, bien plus fin : je me souviens avoir lu une interview de Dave Sim (Cerebus) qui expliquait qu’il avait adopté un mode de rendu des personnages plus simplifié avec des traits de contour parfois plus gras que pour les décors, afin qu’ils se détachent mieux et qu’ils apparaissent plus animés, plus vivants.
J’ai également beaucoup aimé ton analyse de la mise en œuvre de la lumière, et la mise en lumière de cette sensation de lutte contre l’écoulement du temps, de retard.
Merci Présence ! En y réfléchissant, ça fait sens, merci pour l’explication de Sim. Je verrais les choses différemment lorsque je me relirais ça à la suite.
Ce n’est pas simple pour moi de faire un article didactique sans partie créative, à écrire une chronique un peu journalistique, mais j’ai tout de même trouvé cet angle sur le temps qui est compté.
Je suis curieux, j’ai envie de comparer cette adaptation avec celle de First Comics (je crois ?) au trait beaucoup moins fin et recherché, davantage dans les codes comics que dans ceux de la BD francobelge. Va falloir que je me relise tout ça !
Merci JB, oui, je crois que Présence a lu la version First Comics (lien dans le premier article), moi pas du tout. J’ai les Corum à lire dans ce format, et quelques épisodes de Conan avec Elric. Mais pour une lire une vraie réussite en franco-belge sur Moorcock, il faut lire ELRIC. J’ai bien aimé les deux CONAN chez le même éditeur (tu trouveras un article de Bruce sur le blog).
LA LUNE NOIRE est une BD très étrange, outrancièrement gore avec des femmes à poil partout (donc je ne dirais pas enfantin mais plutôt immature) mais bon de mémoire, c’est juste Froideval qui raconte une de ses campagnes de Donj’ avec son perso qui devient une sorte de demi-dieu…
Les 5 premiers tomes dessinés par Olivier Ledroit sont quand même vachement sympa…après c’est très répétitif.
Cette BD me donne surtout envie de lire les romans. j’ai lu peu de Moorcock,(Von Beck et Elric) mais j’ai toujours aimé cette ambiance presque onirique et plus grande que nature de son univers.
Les adaptations en BD, j’y vais à reculons… surtout en Franco-belge que je trouve souvent très beau mais aussi très impersonnel et froid
C’est ce que j’allais répondre à Cyrille sur LES CHRONIQUES : Bah… les premiers, ce sont les meilleurs (ou les moins pires), donc si déjà tu les trouves infantiles… ^^
Je viens par nostalgie de me relire les commentaires de mon article sur LES CHRONIQUES, L’ÉPÉE DE CRISTAL et Cie. Punaise, comment on s’était pris le bourrichon tous ! 🙁 Pas tout à fait un dialogue de sourds, mais pas loin ! 😅
Je me souviens d’une discussion sur un possible érotisme dérangeant dans le graphisme de certains auteurs comme Crisse…^^
Je ne surenchéris plus, je suis devenu sage avec une barbe…
J’ai même pas réagis quand j’ai lu un commentaire la semaine dernière qui comparait les héroïnes de Jim Lee avec des actrices porno…( ce que je trouve totalement absurde..j’ai jamais eu le moindre « émoi » même en lisant WITCHBLADE, et je ne vois pas le mal dans ces dessins olé olé… il est vrai que je me suis blindé avec le manga depuis ^^ )
J’ai relu il y a un an ou deux les Chroniques…en médiathèque par pure nostalgie la larme à l’oeil… ^^ C’est vraiment pas ouf! Bon je concède un dénouement sympa (le prêtre de la Lune noire est une telle ordure, que c’est quand même jouissif de le voir prendre cher^^!)
Ce n’est pas le olé-olé qui pose problème. C’est le mauvais-goût involontaire. Mais il se trouve aussi ailleurs, chez les mecs trop musclés toutes burnes dehors par exemple. Le talent ça ne s’invente pas. Si tu n’as pas le sens de l’équilibre, le sens de l’humour, le sens de la dérision, est-ce que ne tu tombes pas forcément à côté ? Ou bien alors tu es consensuel et c’est encore autre chose…
Je ne me rappelle pas le dénouement des CHRONIQUES. À un moment donné, le statuquo incessant m’a fait sortir du récit. Reste les dessins et les grandes reconstitutions de batailles, avec des moments très iconiques. Mais dans l’ensemble, c’est pas terrible. Dommage parce que ça aurait pu être génial justement comme univers de BD !
Perso, j’ai souvent une vision rigolarde de mes lectures….du moment que je m’amuse dans mes lectures… (même dans le dark ou le trash…j’ai pas d’exemples en tête!^^)
Et tu as bien raison. Je ne sais pas pourquoi j’ai développé cette obssession du chef d’oeuvre quand je découvre une BD (enfin si, je le sais un peu mais je ne suis pas certain que ce soit si logique…). Je n’ai pas cette approche en musique (où il n’y a que l’émotion qui compte) et encore moins en cinéma, où j’adore tout comme toi m’amuser devant tout ce qui touche au fantastique, à la SF ou à l’action connotée. Mais tu le sais déjà.
J’ai lu les CHRONIQUES DE LA LUNE NOIRE en fin d’adolescence je crois, enfin à l’époque je trouvais ça déjà immature oui, je n’ai aucun souvenir de filles dénudées. Tu as raison Eddy, c’est plus un scénario de D&D avec tout ce qui va avec (magie, augmentation des compétences, personnages iconiques sans fond etc…). Bref, c’est flou mais aucune envie de relire ça.
Par contre je relirais ton article Tornado, j’en ai un vague souvenir. Et comme lecteur, je suis plutôt comme Eddy.
Pour le coté D&D, c’est sourcé, Froideval était un régulier de l’époque Casus Belli et il avait décrit son processus de création pour les Chroniques… Les plus attentifs ont pu même détecter à quelle version du jeu il jouait puisque Pile ou face qui change d’alignement selon l’épée qu’il utilise n’est plus un truc possible à jouer dans certaines versions du jeu. Il a casé dans le scénar deux de ses personnages (Wismerhill et le paladin aux cheveux bleus) et il y a casé aussi le perso de Gary Gygax lui même.
Oui je me souviens de Pile ou Face, c’est exactement le genre de perso dont je parlais au-dessus. Mais le reste est flou et si je trouvais déjà ça pas terrible à 16 ans, imagine maintenant…
Cette BD est restée dans les mémoires je pense parce que ce fut la première à citer explicitement l’univers du JDR et pour son gigantisme graphique, certaines doubles planches sont à se taper le cul par terre…
je reviens au fun dans la BD, quand on on ouvre et que pour quelque raison que ce soit, on se dit WOUAOUH!
En manga on a BERSERK qui déboîte les rétines sur certaines planches
Je suis d’accord, c’était la première de ce genre je pense, mais c’était du tape à l’oeil. Je viens de commencer Berserk, pour l’instant je n’ai lu que le premier tome, mais pour moi c’est d’un tout autre acabit dans la caractérisation des personnages et dans les histoires.
Bonsoir.
comme le premier tome, les planches et ton résumé me donne une impression de facilité que tu résumes très bien : Tout comme dans l’album précédent, le dessin semble un peu trop sage, excellement exécuté, mais sans surprise, manquant toujours d’une certaine personnalité qui semble pointer par moments
Graphiquement c’est beau mais sans réel folie. J’ai l’impression d’avoir vu ces planches des centaines de fois, une sorte d’uniformisation dans la BD actuelle.
Mais je pourrais craquer, Benoit Dellac est en dédicace sur Bordeaux vendredi 30 juin.
J’apprécie par contre ton article : court, précis, efficace. Une réelle évolution, une capacité d’adaptation dont tu as fait preuve cette saison : je suis impressionné. Bravo.
La BO : j’ai kiffé le clip (ce qui est rare, n’étant pas très clip). Son intéressant.
Merci beaucoup Fletcher, toujours gentil avec moi ! Dis-nous si finalement la dédicace t’auras fait changer d’avis. Mais je le répète, fonce sur les Elric (et quelques Conan).
La BO : le clip est marrant et bien dans l’esprit du groupe. Les autres clips sont un peu dans le même genre, des jeunes qui s’amusent, et ça fait du bien. Sur scène, la chanteuse principale sourit tout le temps, c’est un petit bonheur de les voir.
Pour la dédicace je ne sais pas encore si j’aurais le temps mais cela m’intrigue (j’avoue apprécier d’avoir des albums personnalisés dans ma bibliothèque ou pour offrir). J’en ai déjà deux très belles ce samedi et qui sait peut être quelques questions à la clé pour deux futurs articles :
– Cécile BECQ pour 3 chardons
– Florent SILLORAY pour Un tournage en enfer, au coeur d’Apocalypse Now
Je ne connais pas du tout la première et ai vu passer la seconde. Je crois que je dois surtout me trouver l’édition DVD avec le documentaire sur le tournage de Apocalypse Now (à l’époque je l’avais achetée juste avant qu’ils le rééditent avec ce documentaire en bonus).
Achat coup de coeur pour la première.
Cadeau de fête des pères pour la seconde (je me régale).
Bon je l’ai eu entre les mains et j’ai eu du mal à me sentir impliqué, sorry Cyrille.
Du coup, merci de t’être assuré de cette review en des temps records. Tu as assuré durant toute cette S10 !
Merci boss ! Je sais plus si tu as essayé les Elric ? Parce que les Conan, si, non ? Et tu avais lu le premier tome avant ?
Et donc alors je gagne la coupe, j’ai un trophée (faites pas attention je suis en plein TED LASSO, c’est absolument génial) ?
Adaptation appliquée d’un classique de Moorcock version grand public.
Y a rien qui dépasse, c’est ennuyeusement joli.
Ca finira dans les bacs à soldes.
Il y a tellement mieux à faire dans l’exploration de la richesse de l’univers moorcockien plutôt que de tomber dans ces produits sans âme made in Glénat.
L’influence de Moorcock est tellement grande que ça me chagrine toujours un peu quand elle est réduite à ces produits de consommation sans saveur. Enfin, peut-être Moorcock l’a-t-il lui-même un peu cherché en produisant souvent de la fantasy calibrée à la chaîne à côté de ses oeuvres plus ambitieuses.
Quand on voit ce qu’un immense auteur comme Bryan Talbot est capable de faire avec l’héritage moorcockien dans sa sage de Luther Arkwright, on est dans quelque chose qui possède une toute autre ambition.
Merci Zen pour ton retour ! Je pense en effet qu’ici on vise le divertissement calibré mais qui fonctionne. Je dois toujours lire Luther Arkwright en BD et des autres romans de Moorcock (je ne connais que ses Elric, Hawkmoon et Le navire des glaces, en gros). Par contre si tu as l’occasion de lire les Elric made in Glénat, je pense que tu serais surpris.