La bombe par Alcante (Didier Swysen) & Laurent-Frédéric, Denis Rodier
Un article de PRESENCE
VF : Glénat
1ère publication le 18/11/20 – MAJ le 11/08/21
Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Il s’agit d’une bande dessinée en noir & blanc, dont la première édition date de 2020. Elle a été réalisée par Alcante (Didier Swysen) & Laurent-Frédéric Bollée pour le scénario et par Denis Rodier pour les dessins. Il comprend 450 pages de bande dessinée. Il se termine avec une postface de 5 pages de Didier Alcante, une d’une page de Denis Rodier, et une de deux pages de LF Bollée.
Au début, il n’y avait rien, mais dans ce rien il y avait déjà tout ! Une voix désincarnée évoque la formation de l’univers, celle de la Terre. Puis elle explique qu’elle incarne l’uranium auquel Henri Becquerel a donné son nom. À Berlin, dans l’université de Friedrich Wilhelms, Leó Szilárd (1898-1964) est en train de donner un cours à ses étudiants : il leur donne l’exercice dit du Démon de Maxwell. À la fin du cours, il voit les jeunesses fascistes défiler en bas. Puis, il discute avec Otto, un collègue, et lui explique qu’il émigre dans les plus brefs délais. En octobre 1938, Enrico Fermi (1901-1954) se trouve à l’ambassade des États-Unis pour passer les tests d’émigration. Le 10 décembre 1938, il reçoit le prix Nobel de physique, à la Maison des Concerts de Stockholm. Il explique à Pearl Buck (prix Nobel de littérature) le sens de l’épinglette sur les revers de veston des officiels italiens : un Fasces, une hache pour trancher les têtes, entourée de verges pour fouetter les corps. Le 30 décembre 1938 à Hiroshima, le patron d’une usine de motos permet à son employé Naoki Morimoto de rentrer plus tôt chez lui, pour accueillir son fils qui revient en permission. Chemin faisant, il achète deux stylos pour offrir à chacun de ses fils, puis un tricycle pour offrir à une jeune demoiselle avec l’accord de sa mère. Naoki Morimoto dîne enfin avec ses deux fils Kazuki (écolier) et Satoshi (pilote dans l’armée).
En février 1939, Leó Szilárd déjeune avec Enrico Fermi : il lui parle de Herbert George Wells, de ses romans de science-fiction, de ses recherches sur l’émission de neutrons, sur la possibilité d’une réaction en chaîne, sur la création d’une bombe surpuissante. Le 03 mars 1939, Leó Szilárd et son assistant ne comprennent pas pourquoi leur expérience avec de l’uranium et du béryllium ne permet pas d’observer les résultats espérés. La voix désincarnée de l’uranium revient pour évoquer l’invasion de la Bohême et de la Moravie, le 16 mars 1939. À Sankt Joachimsthal, un Oberleutnant inspecte la plus grande mine d’uranium d’Europe. Le 16 juillet 1939, Leó Szilárd et Eugene Wigner rendent visite à leur ancien professeur : Albert Einstein (1879-1955). Ils le convainquent d’écrire à la reine de Belgique pour attirer son attention sur la nécessité de sécuriser l’uranium belge. Une fois de retour à New York, Szilárd réfléchit à la nécessité de convaincre les États-Unis de créer leur propre bombe atomique, afin de ne pas se faire prendre de vitesse par les allemands. Le premier septembre 1939, l’Allemagne envahit la Pologne et l’armée allemande prend le contrôle des recherches sur le nucléaire en Allemagne. Le 18 septembre 1939, Edgar Sengier (1879-1963) effectue une visite des mines d’uranium dans la région de Katanga, au Congo Belge.
Dans sa postface, Didier Alcante explique ses motivations et le défi que représente un tel récit : rendre compte de l’ampleur du projet qui a conduit à l’explosion de 3 bombes atomiques Gadget, Little Boy, Fat Man. Parmi ses influences, il cite GEN D’HIROSHIMA (1973-1985) de Keiji Nakazawa, et il indique qu’il ne souhaitait pas traiter des victimes des bombes, n’ayant rien à apporter au témoignage de cet auteur. Il explique qu’au vu de l’ampleur il a souhaité travailler avec un coscénariste. LF Bollée indique que pour sa part il a été fortement marqué par le film Hiroshima Mon Amour (1959) d’Alain Resnais. Il s’agissait pour eux pour d’aborder aussi bien le contexte historique, que les enjeux politiques et militaires, ainsi que la dimension scientifique, en se montrant le plus rigoureux possible. Cette période de l’Histoire étant fortement documentée, les coscénaristes ont dû faire des choix, et n’ont pas pu parler de tout. Enfin dans la conception même du récit, il est apparu dès sa mise en chantier qu’il s’agirait d’une bande dessinée d’une forte pagination. Ils ont recruté Denis Rodier, un artiste canadien ayant travaillé pour DC Comics sur la série Superman, habitué à réaliser une narration visuelle efficace, allant à l’essentiel.
Les auteurs mettent à profit la pagination conséquente pour passer en revue la genèse de l’idée d’une telle bombe, son développement jusqu’à la création du Projet Manhattan, le contexte historique (en particulier la seconde guerre mondiale), les projets similaires menés par d’autres états dont l’Allemagne, les doutes de certains sur la nécessité de disposer d’une telle arme de destruction massive, les moyens mobilisés pour faire aboutir un tel projet, la nécessité du secret militaire, et les tentatives d’espionnages. Le lecteur retrouve les éléments attendus : Projet Manhattan, participation d’éminents physiciens (Enrico Fermi – 1901-1954, Robert Oppenheimer – 1904-1967, Werner Heisenberg – 1901-1976), décision d’Harry Truman, implication d’Albert Einstein. Il retrouve également les éléments de contexte de la seconde guerre mondiale : nazisme, commandos Grouse & Gunnerside (adapté au cinéma dans Les Héros de Telemark -1965- d’Anthony Mann), relations politiques avec Winston Churchill et avec Staline. En fonction de la familiarité du lecteur avec le projet Manhattan, il peut noter des détails qu’il connaissait déjà et d’autres qu’il découvre. Comme Alcante l’indique dans la postface, il a fallu faire des choix. Ils explicitent l’origine de l’appellation Trinity pour la première explosion à partir d’un poème de John Donne (1572-1631), mais ils ne parlent pas de l’aveugle Georgia Green qui a perçu la lumière dégagée par l’explosion. Ils développent le rôle important de Leó Szilárd, mais ils n’avaient pas la place d’évoquer l’importance de Niels Bohr (1885-1962) sur les différents scientifiques qui ont travaillé au projet Manhattan.
En entamant ce récit, le lecteur a conscience que la tâche du dessinateur n’est pas facile. Le récit est long et il contient beaucoup d’informations, par la force des choses. L’artiste va donc se trouver confronté à illustrer de copieuses discussions, voire de copieux monologues. Effectivement de temps à autre, une page va être composée de cases avec uniquement des têtes en train de parler, des phylactères pouvant s’avérer copieux en texte. Néanmoins ces occurrences sont très peu nombreuses au regard de la pagination. En outre, Denis Rodier se contente rarement de gros plans ou de très gros plans. Il privilégie les pans taille ou des plans italiens. Il représente très régulièrement les arrière-plans, souvent dans le détail, et il varie les plans de prise de vue, ne se limitant pas à des champs et des contrechamps. En outre, les scénaristes ont conscience d’écrire une bande dessinée et ils développent régulièrement des scènes d’action où les images racontent plus que les textes, avec parfois des pages dépourvues de tout texte. L’enjeu pour l’artiste est alors de se montrer efficace, de bien doser son effort pour la narration visuelle.
Les dessins s’inscrivent dans un registre réaliste et descriptif. L’artiste doit faire revivre de nombreux personnages passés à la postérité, et leur ressemblance est satisfaisante, que ce soit pour les scientifiques, les hommes politiques et le général Groves. Il met en œuvre une direction d’acteurs de type naturaliste, et les visages présentent une bonne expressivité, permettant de bien ressentir l’état d’esprit des protagonistes. Le récit se déroule dans de nombreux endroits, et le dessinateur les rend tous uniques : façades d’immeubles, aménagement des pièces en intérieur, lieux géographiques variés. Outre assister à des discussions, le lecteur voyage beaucoup : Stockholm, New York, Hiroshima, Boulogne sur Mer (en 1803), Harvard, le chantier du Pentagone, le plateau de Hardangervidda en Norvège, Chicago, la Thaïlande, le Nouveau Mexique, etc. Il représente également des scènes d’action : l’attaque de l’usine de Vemork en Norvège, des attaques de navires américains par des pilotes kamikazes, l’entraînement de plongeurs kamikazes, et bien sûr l’explosion des deux premières bombes Gadget et Little Boy. Très rapidement, le lecteur apprécie l’efficacité des dessins : ils marient une approche descriptive européenne, avec une touche d’efficacité comics, pour une narration riche, sans être pesante ou fade. Il peut juste se contenter d’absorber la scène représentée sans s’y attarder, tout comme il peut prendre du temps pour regarder les tenues vestimentaires, les véhicules, les meubles, les appareils technologiques ou militaires, en appréciant la véracité historique discrète, mais bien réelle.
© Glénat
Au fil de séquences, le lecteur absorbe de nombreuses informations et observations, il côtoie de nombreux individus tous incarnés, à la fois visuellement, et à la fois par leurs convictions ou leurs compétences professionnelles. Il prend conscience de l’ampleur industrielle du projet (20.000 hommes pour le site X à Oak Ridge), de sa durée, des incertitudes, le plus souvent techniques et scientifiques, mais aussi politiques, et parfois morales. Il retrouve des éléments qu’il connaît, il en découvre aussi qu’il ne connaît pas. Il voit que les auteurs peuvent porter un jugement de valeur moral (par exemple sur les expériences d’injection de plutonium sur des êtres humains), mais c’est très rare car ils utilisent un ton factuel. Parfois, il se dit que d’autres points auraient pu être développés (d’autres sites, ou le nombre total de personnes ayant travaillé sur le projet), mais la démarche reste de nature holistique englobant énormément de paramètres. Puis il se demande quel est le point de vue des auteurs qui semblent être en position de simples journalistes d’investigation. Ce questionnement devient plus important vers la fin du récit où les événements sont plus connus par le public. Ce point de vue apparaît avec la chute de Little Boy sur Hiroshima : tous les efforts financiers, humains et technologiques ont mené à l’anéantissement de 200.000 vies humaines rien qu’à Hiroshima. Rétrospectivement, le lecteur mesure toutes les conséquences du choix des villes cibles, lors de plusieurs réunions dans des bureaux, en voyant l’ampleur de l’anéantissement de vies humaines. Toute cette énergie humaine investie dans un projet pharaonique pour anéantir autant de vies. Les auteurs ne s’étendent pas sur les victimes de la bombe, mais ils ont construit leur récit pour rendre compte de l’horreur indescriptible, inimaginable de cet engin de destruction massive, de mort.
L’ouvrage est présenté comme un reportage historique ambitieux sur la bombe atomique, en particulier celle d’Hiroshima. Le lecteur sait qu’il se lance dans une bande dessinée copieuse en termes de pagination et forcément copieuse en termes d’informations. Il s’agit d’une lecture rendue agréable par des dessins efficaces sans être fades, par une construction vivante, tout en comportant des moments d’explication copieux. Même en 450 pages, les auteurs ne peuvent pas tout caser, mais ils réalisent une présentation très riche, pédagogique et vivante, incarnée et pleine d’émotions, plus parlante qu’un article encyclopédique. Finalement, le lecteur en ressort avec une vision assez complète du projet, chronologique, technique et politique, contextualisée, et une horreur d’un tel investissement pour une destruction plus efficace. Il prend pleinement conscience du poids considérable que fait peser cette menace de destruction massive et planétaire sur l’inconscient collectif.
© Glénat
La BO du Jour
Ah, je suis passé à côté de cet album. Mais sujet comme traitement, il est clairement pour moi !
Au départ, je n’avais pas l’intention de lire : trop épais, une campagne marketing trop appuyée. Et puis, l’ayant feuilleté à plusieurs reprises, j’ai cédé à la tentation.
La BD n’est pas le médium que je privilégie pour m’informer sur des faits historiques.
Je préfère les livres d’histoire ou alors les documentaires télé avec des images d’archives.
Le souci avec la BD ou même les romans c’est, à mon sens, la difficulté à faire la séparation entre fiction et réalité historique. Ou est la frontière ? J’ai beaucoup de mal à faire la part des choses.
Le comic que tu présentes aujourd’hui est bien documenté et tente de rapporter les choses avec exactitude. Je dirai que c’est là où le bas bât blesse ! Selon moi, les informations perdent en crédibilité instantanément du fait du support utilisé pour les véhiculer.
La BD, le roman ou même le cinéma doivent raconter des histoires fictives mais en aucun cas relater l’Histoire !
Je pense que si l’on veut évoquer des faits réels pour dénoncer des choses il vaut mieux le faire en utilisant le contexte.
On peut, par exemple, se servir du cadre de la seconde guerre mondiale pour développer l’intrigue de personnages de fiction.
Mais tout cela n’est que ma manière de penser et on pourra me rétorquer que, par la BD, on veut aussi atteindre le plus grand nombre. Utiliser la vulgarisation de faits historiques de manière ludique.
A cela je répondrai que si une personne est incapable s’ouvrir un livre d’histoire avec des photos d’époque. Il sera d’autant plus réfractaire à une BD de 450 pages en noir et blanc.
La BO: je retiendrai le WAR IS OVER (IF YOU WANT IT) a la fin du clip. Un message bien atypique de la part de John Lennon et Yoko Ono pour souhaiter une joyeux Noël au monde entier.
Je comprends ce point de vue, et ma sensibilité est un peu différente.
En ce qui me concerne, je suis quasiment incapable s’ouvrir un livre d’histoire avec des photos d’époque. Pourtant le média qu’est la bande dessinée me parle et me permet de surmonter mon manque d’envie par rapport à des médias plus classiques comme les livres d’Histoire ou même les documentaires. Ce que j’apprécie dans le support bande dessinée, c’est que la forme me permet de conserver mon esprit critique intact. Je n’ai pas l’impression de devoir me plier au point de vue imposé ou sous-jacent de l’auteur. Connaissant les techniques narratives de bande dessinée, je parviens à prendre le recul nécessaire pour rester critique.
La difficulté à faire la séparation entre fiction et réalité historique. Ou est la frontière ? – Je me pose la même question en lisant un ouvrage historique ou en visionnant un documentaire historique. Mais, à titre personnel, je suis moins à même d’y repérer les raccourcis, d’y détecter les opinions.
Utiliser la bande dessinée pour la vulgarisation – En 2016, Casterman lance la collection Sociorama : parler d’une facette sociologique au travers d’une fiction. La même année, Le Lombard lance la collection La petite bédéthèque des savoirs, des bandes dessinées de vulgarisation sans fiction. Pour en avoir lues pas mal de l’une et l’autre de ces deux collections, chaque approche avec fiction / sans fiction présente des avantages et des inconvénients.
Un exemple de chaque sur le site :
Pour Sociorama
http://www.brucetringale.com/vous-avez-la-carte-de-fidelite/
Pour la petite bédéthèque des savoirs
http://www.brucetringale.com/la-politique-cest-dabord-une-affaire-dimaginaire/
Quant aux bds documentaires, on peut également citer les magazines d’information TOPO et La Revue dessinée
https://www.4revues.fr/topo/
https://www.4revues.fr/la-revue-dessinee/
Ton point de vue mérite un débat, Surfer. Personnellement, je rejoins complètement Présence, comme lui, j’ai du mal à m’intéresser aux choses trop encyclopédiques (ce que je faisais petit via des ouvrages déjà ludiques : les TOUT L’UNIVERS).
Mais de plus, je ne pense pas que cette option de s’attacher aux ouvrages ou aux documentaires suffit pour faire foi. Regarde comme il est facile de détourner les images (le meilleur exemple actuel étant le documentaire HOLD UP), comme n’importe quel auteur didactique peut insérer (même sans le vouloir) un biais cognitif dans son ouvrage historique. C’est plus vicieux et plus complexe à déterminer encore. Au moins, comme dit Présence, dans la BD, tu peux plus facilement t’interroger sur le bien fondé de telle information ou telle anecdote historique.
@Jyrille,
L’argumentation de Présence que tu partages est parfaitement recevable. Pas de problème 😉.
Je ne peux pas vous forcer à ouvrir un livre d’histoire si c’est trop académique pour vous.
Si une BD arrive à mieux vous intéresser à l’Histoire. Tant mieux pour vous.
Attention juste à la frontière entre le véridique et le fictif.
Personnellement je préfère lorsque l’on assume clairement l’œuvre de fiction.
Le livre d’histoire est fait par des professionnels pour justement écrire l’Histoire et ce, depuis l’avènement de l’écriture.
C’est tout un métier, on ne s’improvise pas historien !
Le coté ludique j’en ai déjà parlé. Je ne pense pas qu’une BD de 450 pages en noir et blanc est cette vocation.
Pour exemple, j’ai prêté il y a quelques temps FROM HELL à un proche qui me faisait part de son intérêt pour Jack l’éventreur. Résultat: il a juste lu les 10 premières pages car ça l’a vite ennuyé.
Concernant les problèmes de détournement d’images dans certains documentaires, je te l’accorde , tout les documentaires ne sont pas parfaits.
J’avais plutôt en tête des docs du type APOCALYPSE diffusé sur France télévision.
On ne s’improvise pas historien. – Oui, en y réfléchissant, je me dis qu’il y a peu d’historiens parmi les scénaristes de bande dessinée.
From Hell : bel exemple de mélange entre réel et fiction, avec un tel degré d’intrication que je suis bien incapable de savoir où s’arrête l’un et où commence l’autre. Pour cet exemple, je range cette bande dessinée plus dans la fiction que dans la reconstitution historique, car aussi méticuleux et précis que soit Alan Moore, son intention prime sur les faits avérés, ce qu’il expose lui-même dans le deuxième appendice Le Bal des chasseurs de mouettes.
Ca a l’air sublime, sublimé par un article non moins sublime bravo!
Je suis un grand fan de Gen D’Hiroshima qui est un grand plaidoyer pour la paix, la survie, la recherche du bonheur et une des premières BD caméra sur épaule pour parler des « gens » et non pas des généraux.
Après avoir fini la dernière page, j’ai regretté que l’ouvrage ne soit pas plus long, que le volet industriel n’ait pas été plus étoffé : ça m’a donné envie d’en savoir plus. Donc direction wikipedia. En comparant l’article wikipedia et la BD, je vois bien qu’il manque des éléments d’information dans la deuxième, mais aussi qu’elle apporte une dimension humaine que ne peut pas avoir un article encyclopédique.
Ce n’est pas la même chose de lire le nombre de sites industriels, le nombre de personnes employées, et voir ce projet avancer quasiment pas à pas pour aboutir à la mort de tant d’êtres humains. Du coup, la lecture de la BD m’a permis de mieux appréhender des facettes de la réalité décrite par l’article encyclopédique.
Sans être aussi catégorique que Surfer, je comprends son point de vue et le partage un peu.
Je ne suis pas réfractaire à l’utilisation de la BD pour raconter une fiction qui se déroule dans un contexte historique avec quelques références (c’est techniquement le cas de la série Angel Wings que j’ai chroniquée) mais pour une sorte de reportage avec plein de personnalités historiques, ça me gêne un peu.
Pourquoi ?
Eh bien en fait…ça ne me dérangerait pas si on parlait d’une époque lointaine comme Louis XIV ou un truc comme ça. Parce que de toutes évidences, il n’y avait pas d’images d’archives à l’époque^^
Mais pour une époque encore relativement proche comme la seconde guerre mondiale, dont nous avons des archives, des photos, des videos, le fait de ne pas se baser dessus pour prouver un choix e scénario risque de me déranger tout le long de la lecture.
« est-ce que c’est vrai ça ? » « est-ce que ces personnages se sont réellement rencontrés et ont décidé de ça ? » etc.
Si on n’a pas de preuve, alors je peux accepter l’approximation historique comme c’est le cas pour les lointaines époques. Mais si on a des preuves, des photos, des videos, etc…bah ça me donne envie de les voir. De voir un argumentaire qui s’appuie là dessus pour raconter.
Comme dans un reportage télé quoi, qui utilise souvent une voix off qui t’explique que ceci s’est passé en montrant une photo d’archive,etc.
Techniquement, même pour les époques lointaines, ça me plait de voir des photos d’objets qui ont été retrouvés, un peu comme ce que j’ai posté sur l’article de Last Kingdom il y a 2 jours, sur le peu de choses qu’on sait des vikings. J’aime avoir une source qui permet de se faire une idée de la véracité de certaines choses.
Certes l’histoire évolue, on ne sait pas tout, donc il y a beaucoup de spéculation. C’est pour ça que la BD ne me dérange pas trop pour ces époques dont on ne sait pas grand chose.
Mais pour la seconde guerre…même si la BD est hyper fidèle à l’histoire, le fait de n’avoir aucune possibilité de voir les preuves sur lesquelles l’auteur s’est appuyé va être frustrant pour moi.
Est-ce que c’est vrai ça ? – C’est bien la question qui me trotte dans la tête à chaque fois qu’on me parle d’Histoire, mais aussi d’actualités. Pour le cas présent, les auteurs se sont servis de documents d’archives, photographies, films, discours, etc. La bande dessinée leur a permis de les monter dans une narration d’un format différent, pas forcément réalisable dans un documentaire ou un ouvrage historique ou universitaire. Pour ces derniers, l’opération de montage, de construction narrative est tout aussi présente, moins flagrante à mes yeux. Le réalisateur ou l’auteur part lui aussi avec sa conception socio-économique et culturelle de son sujet, ce qui va l’amener à choisir un ou plusieurs points de vue, à creuser tel ou tel aspect de la question. Le traitement peut s’avérer tout aussi partial.
Tout à fait^^
Il manque juste les photos et les archives qu’on ne peut pas voir en tant que lecteur.
Limite ce serait sympa un petit dossier en fin de BD avec des extraits de vrais documents.
Après ça ne concerne que moi…
Mais je donne mon avis donc forcément je parle de moi^^
En général, j’aime bien aussi un petit dossier en fin de BD, chose que j’ai déjà vu dans des BD où la partie roman prédomine sur la partie Histoire. Par exemple, j’avais bien aimé celui de Monet, Nomade de la lumière. Parfois, c’est une bibliographie, ou une frise chronologique (par exemple Les temps Nouveaux, de Warnauts & Raives).
Pour le cas très particulier de cette BD-ci, j’ai l’impression que la forte pagination faisait qu’un cahier historique supplémentaire aurait renchéri le prix. Par ailleurs, la majeure partie des documents visuels utilisés pour cette BD doivent être trouvables sans trop de difficultés, directement ou dans d’autres ouvrages.
Vous dites : « le fait de ne pas se baser [sur des archives, des photos, des vidéos] pour prouver un choix e scénario risque de me déranger tout le long de la lecture.
« est-ce que c’est vrai ça ? » « est-ce que ces personnages se sont réellement rencontrés et ont décidé de ça ? » etc. »
Qu’est-ce qui vous dit qu’on ne l’a pas fait ? 😉 Nous aurions pu mettre des notes de bas de page disant « authentique » comme le veut la tradition, mais il en aurait fallu 3 à chaque page. C’est lourd, vous en conviendrez.
Quelques exemples :
– L’anecdote où l’oscilloscope de Szilard est débranché = véridique (de plus, nous avons longuement discuté sur l’allure de l’oscilloscope de Szilard. Nous avons trouvé un film fait après la guerre où Szilard recréé l’expérience, mais nous ne pouvons nous y fier totalement, car ils ont peut-être simplement utilisé le modèle qu’ils avaient sous la main pour le film. Par contre, dans sa publication scientifique sur le sujet il y a une photo de l’écran de l’oscilloscope. C’est ce que nous avons utilisé)
– Le général Groves qui s’empiffre de barres chocolatées = véridique (il en avait un tiroir plein)
– Szilard et son amoureuse vont voir Bambi après leur dîner = véridique
– Le dernier pare-feu de la pile de Chicago était un simple mécanisme retenu par une corde. En cas de perte de contrôle de la réaction, un assistant devait la couper à la hache = véridique.
Et j’en passe, bien entendu.
La seule vraie part de fiction, et nous l’indiquons dans la postface, est la famille japonaise. Il fallait illustrer une synthèse de toute la société et la vie quotidienne d’Hiroshima et du Japon en guerre.
Cela dit, oui, il y a probablement des erreurs, c’est inévitable. Par exemple, l’éditeur tchèque qui va traduire la Bombe nous a fait remarquer qu’Hitler n’a pas fait de discours sous l’horloge astronomique de Prague, mais plutôt au château. Nous avons corrigé cette case dans une édition subséquente. Aussi dans la première édition, Szilard est en Angleterre et j’ai dessiné les voitures roulant à droite dans un moment d’inattention. 🙂 Ça aussi, corrigé ensuite.
Le problème n’est pas que nous n’utilisons pas la documentation disponible, mais c’est plutôt quand celle-ci n’existe pas. La pile de Chicago n’a jamais été photographiée (top secret). Tout ce qu’il en subsiste ? Quelques illustrations faites de mémoire et la description dans le papier scientifique. J’ai utilisé les données descriptives du document pour la reconstruire en 3D. Sachant que c’était situé dans un court de squash, j’ai reconstruit la pile dans un modèle de court de squash en 3D trouvé sur internet.
Cela dit, vous avez tout à fait le droit, c’est même tout à votre honneur, de rester sceptique. En fait, comme on le mentionne dans un commentaire précédent, nous devrions toujours conserver un peu de scepticisme face aux documentaires (SURTOUT sur Youtube) 😉 et aux livres d’Histoire. Visuellement, j’ai fait le choix de ne pas me fier aux séries télé ni aux films tel Fat Man and Little Boy. Tout ça est trop loin de la réalité. Une historienne me disait un jour qu’on peut souvent juger un livre d’Histoire sur la bibliographie. À vous de voir si la nôtre est crédible.
Le pire en Histoire est de partir de la conclusion ou du message que nous voudrions livrer (nos biais, quoi) et de choisir les faits qui nous conviennent en passant sous silence ceux qui contredisent notre thèse. Nous avons voulu éviter cela. Je ne dis pas que nous avons réussi, l’objectivité totale n’existant pas.
En espérant que tout cela ne puisse pas vous empêcher de lire et apprécier la BD.
Bonjour,
merci beaucoup pour ces explications détaillées de comment s’y prendre pour un projet d’une telle ampleur, avec tellement de lecteurs susceptibles de formuler des remarques. Je présume que la pression pour être fiable dans la véracité historique doit être énorme et que la bande dessinée ne doit intégrer qu’une petite partie du travail de recherche effectué.
Au plaisir de lire votre prochaine bande dessinée
Ah mais je n’accuse personne de ne pas s’être renseigné ni rien.
Je dis que moi, à titre personnel, ça va me poser problème de ne pas avoir accès aux documents sur lesquels vous vous êtes appuyés. Que ce soit écrit « authentique » ou non d’ailleurs. ça va me rendre curieux et je vais regretter de ne pas avoir la preuve à l’appui.
Ce n’est pas un reproche fait à la BD.
Ce n’est juste pas mon support favori pour exposer des faits historiques.
Mon commentaire n’avait rien à voir avec toi. Plus avec celui de Surfer qui disait « La BD, le roman ou même le cinéma doivent raconter des histoires fictives mais en aucun cas relater l’Histoire ! ».
Le documentaire est né avec le cinématographe. C’est une partie non négligeable de l’histoire du cinéma et, avant d’être à la TV, c’était essentiellement au cinéma. Michael Moore et avant lui Cousteau ont obtenu des oscar et des palmes d’or non entant que réalisateur de documentaires, mais de films, tout simplement. Idem pour la BD. Il existe des BD-documentaire depuis très longtemps (L’HISTOIRE EN BANDE-DESSINEE comme le rappelle Bruce, ainsi que l’actuelle PETITE BOUTIQUE DES SAVOIRS dont Présence tient les comptes). Pour le roman c’est autre chose puisque par définition roman = fiction.
Et là on passe à une autre catégorie, la fiction historique. Ce que LA BOMBE est.
Ok, désolé, j’ai rien dit alors^^
Pour ma part je préfère les documentaires en format film.
ça peut être « manipulateur » certes, avec la musique, la dramatisation, et un parti pris du réal.
Mais ça permet de mélanger mise en scène et images réelles, photos, et c’est davantage ma came.
J’aime bien me regarder des documentaires parfois. Ça dépend des sujets évidemment.
@Tornado
Quand je disais cinéma, j’entendais Film !
Désolé pour la confusion. Je pensais être clair.
Oh pas de soucis, je ne suis pas toujours clair non plus ^^
J’insiste bien sûr Film tout court et non pas Film documentaire.
Il est évident que le cinéma a plusieurs genres et sous-genres.
Et bien, quel entreprise ambitieuse ! Si j’ai envie d’en apprendre plus sur cette histoire (horrible) de la création de la bombe atomique, tout en profitant d’un medium immersif et divertissant, je saurais quel livre ouvrir à présent !
On avait déjà évoqué les limites de certains médiums à propos du comicbook sur DARRDEDVIL ECHO de David Mach. Et non, il n’y a pas de limites à ces mediums que sont la bande-dessinée et le cinéma. Le documentaire est un genre à part entière appartenant au cinéma (palme d’or 2002 pour Bowling for Columbine de Michael Moore). Jamais, il n’a été question de cantonner et de limiter ces médiums à la seule formule de la fiction. Jamais. Si un auteur veut utiliser ces médiums pour le documentaire, pour les seules sensations image (BD) ou image/son (cinéma), ou même pour contredire les canons du genre (les films de Warhol abstraits qui durent plusieurs heures), il a le droit de le faire. La question de savoir s’il va trouver son public est une autre histoire, mais un médium, c’est une expression artistique et, par définition, une expression artistique ça sert à la création, et ça ne doit, à partir de là, souffrir d’aucune limite. Aucune contrainte.
Attention à ne pas confondre le commercial (ce qui séduit, fédère et rapporte de l’argent en plaisant à la plus grande masse) et l’artistique (réservé à la création, l’expérimentation, la découverte, etc.).
La BO : Atroce. Inécoutable. Un pur viol de mes oreilles.
Avec tout ça j’ai oublié de dire le plus important :
Le dernier scan, qui montre les passants japonais juste avant que la bombe ne leur tombe dessus est terrible. Rien que cette image justifie à elle-seule l’exercice pédagogique et « ludique » de cette bande-dessinée.
Concernant la dernière image, Denis RODIER rappelle qu’il s’agit de la seule part fictionnelle du récit. Je n’étais pas forcément convaincu au départ par ce petit (en termes de pagination) fil narratif, mais la chute est imparable : elle m’a fait monter les larmes aux yeux. D’une certaine manière, c’est l’aboutissement d’années de travail de milliers de personnes : un meurtre de sang froid de dizaines de milliers de personnes. Une horreur viscérale dont les pages rendent copte avec une force inévitable.
C’est vraiment très fort d’avoir su ainsi faire ressortir l’inhumanité insensée d’une telle entreprise, sans réaliser de partie dédiée aux victimes après l’explosion.
Mais ça va oui ? Je peux dire que ce n’est pas mon médium favori pour le documentaire la BD sans avoir une horde de gens qui viennent expliquer qu’il ne faut pas cantonner la BD à la fiction, ou que je sous-entend que personne ne s’est renseigné ?
Oh les gars ! J’ai juste dit que c’est pas ce que je préfère !!
@Matt : avec tout ça, as-tu vu que j’avais commenté ton article sur les X-Men Marvel Anime ? ^^;
Et toi, as-tu vu que j’avais répondu à ton commentaire sur mes cowboys fringants il y a 1 an ?^^
Je t’ai répondu.^^
Je crois avoir vu cette BD sur les étals mais la pagination ainsi que mon ignorance quant aux autres travaux des auteurs m’a fait passer mon chemin. Ton article me le fait regretter ! Je reconnais bien ton intérêt pour la physique quantique, et tout ce que tu dis sur cet ouvrage m’intéresse forcément, ne connaissant pas tout du projet Manhattan.
J’aime bien le fait que le dessin mélange franco-belge et comics, je suis sûr qu’on peut trouver beaucoup d’autres exemples.
Merci pour la découverte en tout cas Présence, je note ça dans un coin (avec trop d’autres…)
La BO : très bien.
L’angle choisi par les auteurs est très ambitieux et très impressionnant : donner une vue d’ensemble du projet en abordant chaque facette, avec un savant dosage pour trouver le juste point d’équilibre entre généralités et détails : aller plus loin que les lieux communs, mais ne pas perdre le lecteur dans des éléments trop techniques. Je n’avais pas conscience de l’ampleur de cette entreprise industrielle, et des ramifications géopolitiques complexes.
Quand j’étais jeune, la menace d’une guerre nucléaire était très prégnante dans les informations télévisées. Du coup, la lecture de cette BD a fini par s’imposer comme une évidence dans mon esprit, pour m’en faire une idée moins sensationnaliste que les fictions habituelles.
The Wall (de Pink Floyd) a été été une deuxième couche pour moi : une œuvre dans laquelle la menace de la bombe pèse également très lourd. Mother, do you think they’ll drop the bomb?
je trouve que depuis quelques temps les auteurs de BD et de romans se documentent plus que les journalistes. ils effectuent un travail de recherche tellement pointu pour obtenir l’enracinement et l’immersion qu’ils cherchent à obtenir…
alors que du coté « sérieux » on réécrit l’histoire toutes les 5 minutes au gré du vent….
il suffit d’être vigilant et avertit sur le degré de sérieux du livre.
je sis assez positif sur la bande dessinée et sa capacité à contourner toutes les difficultés possibles
Au fil des années, j’éprouve moins de réticence à lire des BD historiques, et je suis comme toi très impressionné par la qualité de la reconstitution historique de bien des récits. J’avais pris conscience de la somme de travail que représente une BD de ce type pour un dessinateur dans une interview de Jean Dufaux sur la série des Voleurs d’Empires. Il évoquait une scène en particulier, indiquant que dans son script il disait qu’un personnage ouvre un tiroir, et que derrière Martin Jamar devait aller chercher le modèle de commode, trouver des images des boutons utilisés sur les tiroirs à l’époque pour ce type de meuble, sans oublier la tenue vestimentaire du personnage.
Au fil des années, j’éprouve moins de réticence à lire des BD historiques, et je suis comme toi très impressionné par la qualité de la reconstitution historique de bien des récits. J’avais pris conscience de la somme de travail que représente une BD de ce type pour un dessinateur dans une interview de Jean Dufaux sur la série des Voleurs d’Empires. Il évoquait une scène en particulier, indiquant que dans son script il disait qu’un personnage ouvre un tiroir, et que derrière Martin Jamar devait aller chercher le modèle de commode, trouver des images des boutons utilisés sur les tiroirs à l’époque pour ce type de meuble, sans oublier la tenue vestimentaire du personnage.
Comme le fait observer Eddy, je pense qu’on peut se faire assez facilement une idée du sérieux de l’ouvrage et des auteurs, surtout que wikipedia permet de vérifier n’importe quoi dans les grandes lignes de façon quasi immédiate.
Les faits relatés sont-ils réels ? C’est une question que je me pose tout autant pour les documentaires (moins pour les livres d’Histoire puisque je n’en lis pas 🙂 ). Autant pour une BD, je peux m’interrompre comme bon me semble pour aller regarder un détail ou vérifier une assertion, autant je n’ai pas l’envie de le faire dans un documentaire.
Je viens de finir un comics sur les mécanismes de l’accroissement de la richesse du couple Clinton après la fin de son mandat de président. Les révélations sont énormes, les mécanismes mis à jour sont d’une efficacité extraordinaire. Tout ça m’a amené à aller voir qui a écrit le livre dont le comics est l’adaptation, qui a financé le comics (écrit par Chuck Dixon), quelles ont été les suites médiatiques et pénales des révélations. Comme le dit Surfer, on ne s’improvise pas historien, ni même journaliste. Dans le cas particulier de Clinton Cash, le point de vue est biaisé et chaque information est manipulée pour aller dans le sens de l’auteur, avec des doutes sérieux sur sa fiabilité.
Parfois l’auteur n’assume pas la part de fiction… et parfois il indique même qu’il a modifié les faits historiques, au mieux pour condenser leur déroulement, au pire pour les faire coller à sa trame narrative et son point de vue. C’est vrai qu’il n’est pas toujours facile de faire la part des choses, et qu’il ne s’agit pas d’études historiques académiques. Les auteurs de BD historiques comptent peu d’historiens de formation parmi eux. Mais comme le fait observer Tornado, cela ne tient pas au média qu’est la bande dessinée, mais aux auteurs.
Merci pour cette review Présence. Le thème de l’histoire m’intéresse bien évidemment, son traitement graphique a l’air très convainquant (la puissance dramatique de la dernière avec cette bombe qui semble flotter au dessus de ces enfants insouciants) et le fait que cette pagination soit si dense semble témoigner du sérieux de l’entreprise. De même que les auteurs aient pu lire GEN D’HIROSHIMA est bien évidemment un plus.
Si un jour il reste des librairies après ce Covide-grenier, je te promets d’y prêter attention.
Pour le débat lancé par Surfer, je ne me reconnais pas du tout dans cette défiance vis à vis du média.
Parce que l’histoire a été la première matière a être picturée. D’aussi loin que je me souvienne, c’est la BD qui m’a donné mon gout pour l’histoire, notamment l’histoire en Bande Dessinée ou la série IL ETAIT UNE FOIS L’HOMME. Bien entendu des mises à jour s’imposent mais autant qu’un documentaire scientifique ou animalier (les bouquins de cousteau supposaient qu’un grand requin blanc mesurait 12 mètres dans les années 60, soit moitié plus que sa taille réelle désormais).
Je n’oublie pas que Gen d’Hiroshima, Yossel ou Fax de Sarajevo de Joe Kubert, Memoires du Vietnam de Will Esiner ou MAUS bien entendu sont formidablement documentés. Tout comme le From Hell de Moore (cette corde à linge qui maintient les clochards dormant dehors) malgré sa liberté avec le sujet de Jack L’éventreur.
La BD échappe encore aux contraintes du cinéma en tant que budget, distribution production. Non, vraiment à mes yeux c’est un outil formidable.
si défiance il y a, elle vient surtout de la dramatisation et le fait de rendre de parfaits salauds sympathiques, ce genre de chose, la fiction influent à mort sur notre prise des choses.
On en parlait avec Matt sur la série Rome et ses partis pris. et la cas d’école en romans LES ROIS MAUDITS, qui raconte finalement un peu n’importe quoi…
néanmoins la bd tombe dans moins de pièges
Une BD comme WANNSEE de Fabrice Le Hennanff raconte toute l’horreur de l’organisation de La Solution Finale d’un point de vue administratif. Pour le coup ce qui serait vraiment chiant à l’écran passe incroyablement bien sur papier.
@Bruce,
Je viens de répondre à @Jyrille. En gros, les questions que peut se poser le lecteur sont : suis-je en train de lire une œuvre de fiction ? Les faits relatés sont ils réels ? Difficile de faire la part des chose lorsque l’auteur lui-même même ne l’assume pas !
@Bruce
je viens de lire la réponse de l’auteur qui nous éclaire un peu mieux sur son œuvre et je le remercie. Il dit aussi que dans sa BD il y a une part de fiction avec la famille japonaise.
Les faits relatés sont-ils réels ? C’est une question que je me pose tout autant pour les documentaires (moins pour les livres d’Histoire puisque je n’en lis pas 🙂 ). Autant pour une BD, je peux m’interrompre comme bon me semble pour aller regarder un détail ou vérifier une assertion, autant je n’ai pas l’envie de le faire dans un documentaire.
Je viens de finir un comics sur les mécanismes de l’accroissement de la richesse du couple Clinton après la fin de son mandat de président. Les révélations sont énormes, les mécanismes mis à jour sont d’une efficacité extraordinaire. Tout ça m’a amené à aller voir qui a écrit le livre dont le comics est l’adaptation, qui a financé le comics (écrit par Chuck Dixon), quelles ont été les suites médiatiques et pénales des révélations. Comme le dit Surfer, on ne s’improvise pas historien, ni même journaliste. Dans le cas particulier de Clinton Cash, le point de vue est biaisé et chaque information est manipulée pour aller dans le sens de l’auteur, avec des doutes sérieux sur sa fiabilité.
Parfois l’auteur n’assume pas la part de fiction… et parfois il indique même qu’il a modifié les faits historiques, au mieux pour condenser leur déroulement, au pire pour les faire coller à sa trame narrative et son point de vue. C’est vrai qu’il n’est pas toujours facile de faire la part des choses, et qu’il ne s’agit pas d’études historiques académiques. Les auteurs de BD historiques comptent peu d’historiens de formation parmi eux. Mais comme le fait observer Tornado, cela ne tient pas au média qu’est la bande dessinée, mais aux auteurs.
Merci Présence, très belle intervention. Je crois que tu as réussi à mettre d’accord tout le monde.
Je te veux comme médiateur 👍😉 tu es trop fort .
C’est gentil. Tu m’as fait prendre conscience d’une chose à laquelle je n’avais pas réfléchi : il y a peu de scénaristes qui soient historien de formation. J’ai développé plus haut en te répondant sur From Hell.
Arf… Un pavé de 450 pages disséqué avec force détails dans un article qui donne envie…
Parfois, je me dis que je devrais arrêter d’écrire des articles pour le blog. Ca pourrait s’appeler Bruce Lit/Présence commente et ça ferait le taff à 200%. Nan mais c’est vrai, pourquoi essayer de faire de nouvelles reviews ? Présence a totalement tué le Game par sa maîtrise de l’exercice !
Ne rougissez pas trop, Mister Jus de carotte, j’essaye juste de me renouveler dans mes éloges !
Hahaha je suis complètement d’accord !
Je suis complètement pas d’accord : pour prendre un exemple récent, je suis totalement incapable d’écrire un article comme le tien d’hier, ou un article avec un point de vue affirmé et assumé comme ceux de Bruce.
Exact, je suis incapable d’écrire comme Bruce. Et d’écrire comme toi. Et tous les autres d’ailleurs. En fait je pense que chacun a sa patte et ses points forts, ce que met JP en avant, c’est qu’en terme d’efficacité et de réflexion, tes articles font consensus.
Je rougis, mais d’énervement, monsieur Nguyen 🙂 , car ce qui m’intéresse c’est d’avoir d’autres avis que le mien. En plus si tant est que je maîtrise l’exercice (et la lecture de vos articles me prouve que non), ça veut dire que je ne peux plus progresser. Autant que je m’arrête.
Je veux bien reconnaître que j’ai un peu de mérite pour cet article. Pas pour le fond, parce qu’avec 450 pages, il y a forcément des choses à dire. Pas pour la forme, parce que j’utilise toujours la même. Par contre, je me suis astreint à inclure toutes les dates (en particulier de naissance et de décès) et ça m’a pris un temps fou, pour faire un peu plus Histoire (car c’est sûr que je n’ai rien d’un historien, euphémisme du jour), et un peu moins fiction. Par contre, je suis toujours confronté au même phénomène, j’oublie ces dates plus vite que je ne les tape sur mon clavier.
Ah oui j’avais remarqué pour les dates… Ce n’est pas la première fois, mais peut-être un de tes articles où il y en a le plus. Sans doute à cause du sujet lui-même je pense.
Tiens je ne sais plus, as-tu lu LE MYSTERE DU MONDE QUANTIQUE ?
https://www.dargaud.com/bd/le-mystere-du-monde-quantique
Un des auteurs a participé à un tome de La Petite Bédéthèque des Savoirs (le 17 sur Internet)
Non, je ne l’ai pas lu. Mon fils l’a lu et a beaucoup apprécié. Peut-être lui emprunterais-je un jour quand ma pile à lire aura vraiment diminué…
Je pense en effet que ça devrait te plaire.
Les articles de Présence sont tellement denses et complets qu’ils me demandent un certain temps de disponibilité pour aller au bout.
Que dire… Pour ma part, quelque soit le média, j’évite tout ce qui a trait à l’Histoire.
Je crois que je suis autant allergique à l’Histoire que Bruce aux mathématiques. C’est dire…
Je ne sais pas, mon cerveau n’a pas été configuré pour la chose, j’en sais rien.
Donc ok, j’ai ma culture, mais je n’ai aucune envie de connaître les détails de tel ou tel fait historique.
Pour autant, ici, je serais curieuse de savoir ce qui s’est passé pour en arriver à une telle décision.
Si la BD ne relatait que ce passage là, et pas tout un récit de 450 pages (c’est énorme !) alors oui, je pourrais m’y intéresser. Comment on passe de « vite, les Allemands sont en train de découvrir la fabrication de la bombe atomique » à « lançons la bombe H sur le Japon ».
Mais je ne veux pas de détails, pas de fiction, pas d’investissement émotionnel.
Donc je pense que je ferai mes propres recherches, parce que cet article a titillé ma curiosité 😉 .
moi c’est le contraire, ce qui a trait à ‘histoire me passionne, les bds historiques encore plus..
Bon je n’aime les trucs du genre « l’histoire de France en BD » mais ces trucs particuliers comme VASCO (peu après le guerre de 100 ans), La rose de Versailles (Fin de l’ancien régime) , Gen d’hiroshima (la reconstruction japonaise d’après guerre) 300 (la batailles des Thermopyles quoique romancée) Murena (le règne de Néron) les bds de Pratt ont toutes un décor historique très rigoureux (basés sur la mémoire de l’auteur..) mais Les Scorpions du désert sont un chef d’oeuvre.
je suis souvent tenté par ALIX SENATOR qui doit être assez sympa. Les War stories ou encore mieux les Ennemy Ace de Garth Ennis sont mes préférées de cet auteur que je préfère dans ce registre que dans celui du guignol qui dézingue les super héros. Il me semble aussi que Warren Ellis a fait un truc sur la bataille de Crécy assez documenté…
il doit y en avoir des milliers d’autres encore
@Eddy – J’ai lu les 3 premiers tomes d’Alix Senator : une reconstitution historique qui m’a épaté sur le plan visuel. Sur le plan de la véracité historique du scénario, je ne suis pas assez cultivé pour pouvoir juger. J’ai tendance à faire confiance à Valérie Mangin, diplômée de l’École des chartes, avec un titre d’archiviste-paléographe ayant suivi un cursus d’histoire et un autre d’histoire de l’art à la Sorbonne.
Mes commentaires sur les 3 premiers tomes de la série Alix Senator :
https://les-bd-de-presence.blogspot.com/search?q=alix+senator
@Kaori – En ce qui concerne l’Histoire (et c’est encore pire pour la géographie), j’étais parmi les 5 derniers de la classe, tout le long de ma scolarité. Je suis allergique à certaines formes d’apprentissage historique (retenir la lignée des familles royales, la succession des républiques), mais aussi fasciné par certains moments ou personnages (Comment Gengis Khan a-t-il pu conquérir et prendre le contrôle d’une grande partie de l’Asie, avec, outre la Mongolie, la Chine du nord et la Sogdiane ?).
Là cette BD m’offrait la perspective de décoder comment la menace d’une guerre nucléaire est devenue une hantise à l’échelle mondiale, une épée de Damoclès d’une ampleur planétaire, tout en lisant une vraie BD, et pas un texte académique illustré à l’économie.
il y a deux historiens
le romancier et l’archéologue.
L’histoire de France telle qu’apprise à l’école est issu de ce qu’on appelle couramment « LE ROMAN FRANCAIS » c’est à dire une longue suite dynastique romanesque faire de trahison, de complots, d’affaires de cour et ses interactions avec un peuple anonyme qui forcent régulièrement les évolutions à coups d’inventions technologique et de révolutions. Cette histoire là est partiale et arbitraire en même temps que passionnante. Hérodote quand il racontait les exploits grecs les vantait de manière exagérée et pourtant il est déjà bien plus précis et factuel que ses prédécesseurs. la véracité est accessoire parfois. Comment Néron a-til pu être écrit comme un malade mental ivre de massacre? de nombreux historiens ont aujourd’hui de sérieux doutes à ce sujet. cette façon d’apprendre peut être passionnante ayant un héritage immense sur la culture pop. Alexandre Dumas avec ses mousquetaires a fait aimer l’histoires à des millions de gens alors qu’il racontait n’importe quoi. en créant avec deux siècle d’avance le héros de shonen basique (une jeune rejeté de par ses origines modestes va gravir les échelons en forçant le passage Grace à la fois à son talent et son humeur bravache, perpétuellement amoureux d’une fille inaccessible) avec D’Artagnan. suivront dans son sillage, à la Fois les Rois Maudit(qui lui engendra LE TRÔNE DE FER) voir même LADY OSCAR. c’est une Histoire où le romand e personnages fictifs font connaissance avec de vrais figures afin de mélanger encore d’avantage la réalité et la fiction juste pour faire prendre vie à une certaine ambiance « historique » . Stéphane Bern est de ceux là.
L’archéologue a une démarche beaucoup plus documenté et cherche plus à savoir comme pouvaient vivre les gens du communs. la question est « comment vivaient nos grands-parents et leur grands parents et les aïeux de ces derniers. refaire prendre vie à une époque avec le savoir que l’on en a. cette pulsion donna naissance aux docu-fictions comme aux Origines de l’homme par exemple. en bd on pourra donc avoir des intrigues pas du tout vraies mais tout à fait plausibles de par le documentations. le but étant de pouvoir expliquer les us, les coutumes des différents moments ou endroits choisis. a ces « archéologues » répondent pour l »histoire récente cette maniaquerie du reportage. c’est sans doute dans cette catégorie qu’on peut mettre l’ouvrage LA BOMBE. souvent un message d’avertissement s’extrait pour mieux inciter à tirer des leçons des errances passées.
Une façon d’envisager les choses (romancier / historien) très intéressante, à laquelle je n’avais pas pensé. En envisageant les choses de ce point de vue, il me semble que les deux peuvent se combiner dans des proportions variables, et qu’on peu ajouter d’autres saveurs comme une vision sociologique, ou économique, politique, anthropologique, culturelle… Ces sensibilités se détectent parfois quand un scénariste (ou un écrivain) a suivi un cursus d’études dans l’un de ces domaines.
Tout à fait.
d’ailleurs en classe, la matière histoire-géo est déjà un gros mélange de tout cela, puisqu’on y colle le fourre-tout républicain « éducation civique ».
Pour que la BD soit réussie quelque soit la sensibilité, le truc c’est d’adopter les valeurs de l’époque choisie sans vouloir y coller notre morale 21eme siècle…
Pour moi c’est le secret…
une erreur de plus en plus présente dans nos fictions TV depuis quelques temps….