High Roads par Scott Lobdell et Leinil Francis Yu
AUTEUR : JP NGUYEN
VO : DC Comics (Wildstorm/Cliffhanger)
VF : /
Cliffhanger, ça vous évoque quoi ? Le dispositif narratif qui fait terminer un épisode par une scène à suspense pour faire revenir le lecteur/téléspectateur la fois suivante ? Le film d’alpinisme des années 90 avec Stallone ? Hey, on est sur un blog comics, ici !
Alors Cliffhanger, il faut se rappeler que c’était aussi un label de Wildstorm, de 1998 à 2004. C’est sous ce label que furent publiés des séries comme Danger Girl de J. Scott Campbell, Battlechasers de Joe Madureira ou Crimson d’Humberto Ramos.
Mais à côté de ces poids lourds, il y eut aussi quelques mini-séries, dont High Roads, série en 6 épisodes, écrite par Scott Lobdell et dessinée par Leinil Francis Yu, publiée en 2002.
Le récit s’ouvre sur une pleine page d’un soldat escaladant une forteresse de glace. Il transporte des explosifs dont la minuterie est déjà en marche. Aux prises avec des soldats nazis et un avion de chasse allemand venu l’abattre dans son ascension, le GI Nicolas Highroad décroche de la paroi et amorce une chute vertigineuse. L’intro se termine là et on a ensuite droit à un flashback se déroulant 48 heures plus tôt.
Nous sommes en mai 1945, à quelques jours de la capitulation nazie. Nic Highroad, débarquant de l’Amérique profonde, profite d’une soirée de permission à Paris. Sa route va croiser celle d’Arthur Bombridge III, un acteur nain sosie d’Hitler et de Sloan, une américaine, ancienne maîtresse d’Hitler ayant échoué dans un bordel parisien. Le trio sera rejoint dans le numéro 4 par Oki, un kamikaze déserteur. Ensemble, ils vont partir à la recherche du collier de Morpheus, antique artefact de grande valeur, et leurs péripéties les amèneront à changer le cours de la guerre, en empêchant l’Allemagne nazie de déclencher une attaque nucléaire depuis leur forteresse polaire.
Au cas où ce résumé ne vous aurait pas mis la puce à l’oreille, High Roads est l’équivalent comics du Nanar. Un nanar bien mis en images, mais un nanar quand même. Tout d’abord, certains décors fleurent bon le carton-pâte. La forteresse de glace du début ressemble plutôt à une cathédrale et, si elle est plutôt bien dessinée, manque grandement de crédibilité…
Mais ce n’est rien à côté du Paris totalement factice qui nous est présenté : image obligatoire de la Tour Eiffel et enseignes ou banderoles bidons écrites en mauvais français (« Viva le France! »). Quand Nic Highroad se rend au théâtre pour sa soirée détente, il assiste à une pièce jouée en anglais (à Paris en mai 1945 ? oui, oui !). La tenancière du bordel s’appelle Madame Eugena (comment ça, c’est pas trop typiquement français ? chuuuttt !!!) et, elle aussi, parle parfaitement la langue de Shakespeare.
La vraisemblance est aux abonnés absents dans cette série, où nos héros affrontent des ninjas nazis (oui, des ninjas, un nanar, que je vous disais !), rencontrent un pilote de chasse japonais (fourni avec avion) dans un bar du nord de la France, et sont capturés par Madame Blanche Noire, une résistante française ayant changé de camp.
Oui, les frenchies ne sont franchement pas épargnés dans cette histoire, entre les femmes de petites vertus présentées comme le trait le plus typique de la Capitale, la langue de Molière martyrisée les rares fois où elle apparaît et des personnages gaguesques comme Madame Noire. Et sans vouloir être un chauvin, j’ai trouvé cet humour très facile et peu pertinent (mais il faudrait peut-être un point de vue plus neutre sur la question…). Entre cette série et son arc de Daredevil se déroulant en France (« Flying Blind« ), Scott Lobdell doit avoir une relation d’amour/haine avec notre pays.
Si le récit n’est pas tendre avec l’Hexagone, il est quand même loin d’être carré (l’Allemagne est en train de perdre la guerre mais construit des superforteresses au Pôle ? un avion de guerre garée dans l’arrière cours d’un bar du nord de la France en 1945 ? une américaine ancienne maîtresse d’Hitler ?). Les incohérences sont hénaurmes et il faut abandonner tout espoir de réalisme pour pouvoir se laisser porter par l’intrigue. Mais même dans ce cas, on a l’impression de lire un sous-sous-Indiana Jones, écrit pendant une grève des scénaristes. Bon, ok, l’actrice principale serait jolie, tout comme un certains nombre de choses dessinées par Leinil Francis Yu, mais cela ne suffit pas à compenser l’indigence du scénario, qui donne vraiment le sentiment que Scott Lobdell ne s’est vraiment pas foulé.
Comment l’auteur des Uncanny X-Men des années 90, connu pour des histoires à la caractérisation réussie, a-t-il pu pondre une telle bouse avec des personnages aussi insipides ? C’est peut-être le vrai mystère d’High Roads, en tout cas une question qui fait davantage réfléchir que le pseudo-mystère/chasse au trésor qui nous est proposé dans cette série. Au final, il vaut mieux l’aborder frontalement comme un nanar pour suivre distraitement les pérégrinations des héros. Restent alors de belles planches, par un Leinil Yu pas avare de détails lorsqu’il s’agit de dessiner les véhicules mais moins inspiré pour les décors.
Le principe du cliffhanger, c’est effectivement de capter son lecteur pour qu’il ait hâte de connaître la suite. En cela, « High Roads » en est l’antithèse, avec un récit certes bien illustré, mais dont la fin n’arrive pas trop tôt : on accroche jamais vraiment à l’histoire, truffée d’invraisemblances et d’éléments rocambolesques aussi lourdingues qu’une des pantalonnades jouées par Pierre Richard ou Aldo Maccione dans les années 80. Il n’y a pas d’alchimie entre les personnages, qui sont caricaturaux sans être attachants.
Je n’ai rien contre les récits mêlant absurdité et dérision mais il faut que le dosage soit bien fait (comme dans Bill Baroud, de Larcenet, par exemple), ce qui n’est pas le cas dans High Roads. La dernière page de la série montre un épilogue donnant des pistes pour une suite mais celle-ci n’a jamais vu le jour (on se demande pourquoi, tiens !).
Ages of Apocalypse: Finale
Ce n’est que justice : toute la semaine, je ne vous ai dis que du bien de Scott Lobdell, le principal artisan des Xmen des 90’s. Et parce que Bruce Lit ne verse pas dans l’idolâtrie, même le dimanche, Jean-Pascal Nguyen vous dit tout le mal qu’il a pensé de High Roads réalisé avec Leinil Francis Yu aux dessins. Kill your idols !
La BO du jour: si seulement Lobdell était resté sur le bon chemin… https://www.youtube.com/watch?v=XKT1PScntxU
Très drôle ! 😀 Mais en même temps, je n’avais jamais entendu parler de ce truc. Il faut dire aussi que je ne me suis jamais vraiment intéressé aux créations du label Wildstorm, à part The Authority et Planetary. Et un peu les Wildcats, qui dorment sur mes étagères parce qu’une partie de la série est écrite par Alan Moore (pas sûr que ça me plaise ce truc 90’s).
Je ne suis pas très fan du style de Leinil Yu. Je lui trouve un côté un peu vulgaire.
Le nanar en comics, je n’y avais pas pensé ! Je me demande si les créations du lqui ont récemment exhumé les vieux super-héros (Doc Savage,
Très drôle ! 😀 Mais en même temps, je n’avais jamais entendu parler de ce truc. Il faut dire aussi que je ne me suis jamais vraiment intéressé aux créations du label Wildstorm, à part The Authority et Planetary. Et un peu les Wildcats, qui dorment sur mes étagères parce qu’une partie de la série est écrite par Alan Moore (pas sûr que ça me plaise ce truc 90′s).
Je ne suis pas très fan du style de Leinil Yu. Je lui trouve un côté un peu vulgaire.
Le nanar en comics, je n’y avais pas pensé ! Je me demande si les créations du label First Wave, qui ont récemment exhumé les vieux super-héros de l’âge des pulps (Doc Savage, The Spirit), ne peuvent pas concourir à la distinction…
Je n’ai lu que peu de trucs de First Wave… Dans mon souvenir, c’était plus un relaunch bâtard et raté qu’un pur nanar…
Je n’ai pas lu non plus cette histoire, et l’article de JP n’en est que plus précieux. En termes d’intrigue, je pense que j’ai déjà lu bien pire comme nanar en comics, et c’est vrai que les séries de type pulp s’y prêtent à merveille (comme le fait observer Tornado). Quand on relit la première histoire des Danger Girls, le scénario est du même tonneau.
A lire ton article, on a l’impression que Scott Lobdell a mélangé tous les trucs cool auxquels il pouvait penser (Hitler, ninja, avion, train, forteresse…) pour que Leinil Yu ait des trucs cool à dessiner. Je n’avais jamais remarqué que cet artiste avait un petit goût pour les belles mécaniques, mais effectivement les illustrations choisies en attestent.
» j’ai déjà lu bien pire comme nanar en comics, » : des noms, des noms !
J’ai bien ri ! En fait des qu’on parle de nanar on sait qu’on va se marrer. Merci donc pour ce truc dont je n’avais jamais entendu parler, et pour les scans que je trouve pourtant beaux.
Par contre je ne dirai pas que Pierre Richard faisait des pantalonnades…
Pierre Richard n’a pas fait que des pantalonnades, mais quand même un joli paquet…
Par exemple, « C’est pas moi, c’est lui » avec, d’ailleurs, Aldo Maccione ou encore « Je suis timide mais je me soigne ».
J’adore « Je suis timide mais je me soigne », un film que je regardais en boucle en VHS quand j’avais 10 ans ! 😀
« C’est pas moi, c’est lui » je l’avais vu au cinéma avec ma mère. C’était moins bien, je crois.
Amusant cet article.
Je ne connais pas du tout cette série. ça semble en effet…nanardesque.
Je ne suis pas contre de temps en temps un scénario léger et délirant mais encore faut-il que ce soit drôle (pas nécessairement hilarant mais amusant) Et volontairement. C’est mieux.
Selon toi ça semble too much. ça se prend peut être trop au sérieux aussi ? Tu parles de Danger Girl comme poids lourd mais est-ce très différent ? C’est pire ?
Je n’ai pas grand souvenir de Danger Girl mais il me semble que le comique était mieux dosé et assumé, aidé par le trait un brin cartoony et caricatural de J Scott Campbell.
Dans High Roads, le dessin « réaliste » de Yu fait supposer une ambition et un « sérieux » en décalage avec la nullité de l’intrigue et toutes les invraisemblances.