1ere publication le 31/05/14- Mise à jour le 30/09/23
Daredevil par Mark Waid, Paolo Rivera et Chris Samnee
Par BRUCE LIT
VO : Marvel
VF : Panini
Attention, ce commentaire révèle des moments clés de l’histoire.
Lorsque Waid arrive sur la licence, il ne tire aucune leçon du médiocrissime Shadowland qui voyait notre héros transformé en démon avec langue fourchue, cornes et en destructeur de New York. S’il en tient compte de manière sommaire, il est surtout question pour Waid de redonner à Matt Murdock une légèreté inattendue.
Plutôt que de le morfondre dans l’auto-apitoiement et la dépression qui caractérise le personnage depuis Miller, Waid rappelle l’intelligence exceptionnelle du héros, sa lucidité et n’éloigne jamais le spectre de sa psychose.
Oui, DD prend tout à la légère : il plaisante, tombe les filles, se ballade avec un Tee-Shirt Je ne suis pas Daredevil et croque la vie à pleine dents. Ce qui aurait été particulièrement médiocre sous une plume moins douée, sonne juste avec Waid. Comme Murdock, Waid est le scénariste du détail au détriment parfois du général. Murdock sait que s’il examine sa vie, sûrement l’une des plus misérables du Marvel Universe avec Spidey et le Punisher, il risque de sombrer dans la folie. Cette légèreté surprenante va être contre toute attente une source de suspense insoutenable pour qui lira le run dans son intégralité.
Car les menaces vont aller crescendo : complot terroriste mondial, profanation de la tombe de son père, retour de Milla Donovan, turbulences de l’amitié avec Foggy et un cancer à l’horizon ! Et Waid prépare une intrigue assez géniale où un ennemi retrouve l’origine des radiation qui l’ont aveuglé.
Dès lors deux hypothèses pas forcement incompatibles : Matt se ment à lui-même et sa dépression va finir par l’engloutir. Ou de toute façons les événements qu’il va subir vont de nouveau craqueler le vernis. Ô fan sadique, laisse une chance à ces épisodes ! Contrairement aux apparences, Murdock va vivre une page sombre de son existence ! Mais, ce qui est surprenant venant d’un vétéran comme Waid, c’est le torrent de nouveautés que le scénariste introduit à chaque épisode, à la manière de Dan Slott dans son Superior Spider-Man !
Et chaque situation dans laquelle le lecteur attend Matt au tournant va se révéler sous un angle inédit ! Et au final, tout ceci est très excitant ! Un peu à la manière de Grant Morrison sur Xmen, Waid fait du neuf avec du vieux malgré de nombreuses incohérences ; à la différence que Waid connait parfaitement le personnage et sa continuité !
Les enquêtes et les procès sont loin d’être passionnants, l’arc consacré aux données terroristes est insipide et les réactions de Murdock frôlent la stupidité ! On ne citera pas même pas un Crossover avec Spidey et le Punisher d’une rare médiocrité. Mais la force du run ne vient pas de là ! Mais d’avantage de la trame de fond que Waid tisse patiemment sur ces 36 épisodes où un final éblouissant vient changer la vie de Murdock à tout jamais !
Non seulement, Waid conclut la saga entamée par Bendis et Brubaker, mais également son propre run voire la série pour qui voudrait arrêter là ! Et ce côté old school est diablement efficace renforcé par les dessins magnifiques de Rivera puis de Samnee. Certaines couvertures sont sublimes, et loin de la surcharge propre aux comics, nos amis proposent des planches aérées à la lecture jouissive.
Une séquence me touche beaucoup. Celle où Rivera met en scène un NY grouillant de vie avec un découpage à la Miller. Chaque sens de Murdock est discrètement mis en valeur tandis qu’il poursuit la conversation, qu’il renifle une crotte de chien , d’une musique qu’il entend ou d’un shampoing qu’il respire. Waid rappelle que mettre en scène l’univers de Matt et ses sens aiguisés est une entreprise difficile mais passionnante ! Et un clin d’oeil adorable à Born Again où Murdock porte les mêmes vêtements qu’à la fin de la saga où après avoir connu l’enfer, Matt retrouvait le sourire et l’espoir. Approprié hein ?
Et finalement, lorsque DD affronte l’homme taupe ou Klaw, Waid se permet de jouer sur les sens de DD comme jamais. Sa vison du sens radar est formidable et le lecteur attend à chaque épisode sa séquence Radar Sense. Non exempt de défauts, le run de Waid rafraîchit l’univers de DD sans l’édulcorer. Son Murdock est un être sensible, profondément attachant où à sa compassion entraîne souvent sa perte.
Waid se rappelle en effet, qu’au fond de l’abîme Matt a toujours aidé les autres au mépris de son salut. Dans Born Again, mourant, il venait en aide à Karen Page et lui pardonnait sa trahison ! Il peint ici une adorable personnage secondaire, Kristen, avec qui la tension sexuelle va atteindre des pics.
Waid réintroduit du social dans l’univers de spandex : un superbe épisode où Murdock participe à une sortie scolaire avec de jeunes aveugles, il évoque sans détour depuis Jim Starlin la cruauté du cancer. Notamment celui des enfants. D’autres pages sont consacrées à l’homophobie et à la haine anti-musulmane…
Ce faisant il retrouve toute la verve du run d’Ann Nocenti, scénariste trop ignorée qui se servait d’un héros avocat pour aborder l’injustice aux Etats Unis. Il parvient à cet équilibre rare entre l’univers réaliste à la Miller et l’adéquation super héroïque. En s’attardant longuement sur la personnalité de notre héros, en sortant DD de la médiocrité où il avait de nouveau plongé avec Shadowland.
En se limitant à un casting réduit et en ne faisant jamais machine arrière sur les intrigues tourmentées que traversent Matt Murdock, Waid écrit une des plus belles pages du justicier aveugle pour peu que le lecteur ferme les yeux sur quelques défauts mineurs. Une mine d’or de savoir faire et d’intelligence quand on sait que l’empereur des tocards, Charlot Soule, viendra souiller comme à son habitude notre héros préféré.
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Enfin réédité par Panini, le début du run de Mark Waid pour DD vient d’apparaître en Omnibus. L’occasion pour Bruce Lit de revenir sur ce run important dans la vie du Diable Rouge.
La BO du jour : d’autres adorateurs de Diables se réjouissent de la tournure optimiste des aventures de DD…
Bravo pour ce commentaire détaillé, analytique et passionné.
Je n’ai pas lu autant d’épisodes que toi, je viens tout juste de terminer le tome 5.
J’ai bien apprécié les criminels de seconde zone, avec une nette préférence pour The Spot.
Mes réactions à ton commentaire – De ce que j’en ai lu, l’aspect social reste assez léger, on est loin d’Ann Nocenti. L’originalité de Waid est assez relative : aller piocher l’isotope de l’origine pour Dardevil pour créer une série de nouveaux ennemis correspond pour moi à du recyclage. De même Daredevil qui se retrouve encore une fois face à un double inversé qui porte son costume jaune et rouge ne respire pas l’originalité.
Chaque situation dans laquelle le lecteur attend Matt au tournant va se révéler sous un angle inédit. – Je n’ai peut-être pas identifier certains passages de ton commentaire, j’aurais bien aimé que tu donnes un ou deux exemples de ces angles inédits.
La double page où Matt Murdock chemine dans la rue – Je reconnais que je n’avais identifié la référence à Born Again, merci pour la preuve par l’image. Ce dessin est à la fois splendide et emblématique de l’ambivalence de Waid. Il est splendide parce que sous des dehors simples (ce que tu mets bien en avant), il montre un parcours complexe, avec de nombreux exemples de l’utilisation du sens radar. Par contre, j’ai du mal à me projeter dans cette version un peu simplifiée d’une rue de New York (les chaussées ne sont pas crédibles, trop étroites, sans aspérité), dépourvue de textures et d’ombres, avec un côté enfantin.
Toujours dans cette double page, concernant Matt Murdock, l’idée de faire ressortir visuellement ce qu’il perçoit par ses sens est très habile (mais ce n’est pas la première fois q’une équipe artistique le fait). Par contre, Waid (ou alors je ne m’en suis pas aperçu) ne raconte pas son histoire de ce point de vue. Il s’agit juste d’un moment ponctuel, sans développement sur les conséquences que ce mode de perception a sur la vie psychique de Matt Murdock.
J’ai le même ressenti pour les séquences avec sens radar. C’est joli et perspicace, mais finalement sous-exploité (sauf dans l’image que tu as mise où Murdock a besoin d’un peu de temps pour se convaincre qu’il s’agit bien de Mila).
Waid rappelle l’intelligence exceptionnelle du héros, sa lucidité et n’éloigne jamais le spectre de sa psychose. – Je te rejoins entièrement sur cet aspect là. J’apprécie également énormément qu’il se cantonne à une distribution d’une poignée de personnages. Je trouve qu’il développe avec délicatesse la relation entre Matt et Foggy, réhabilitant avec intelligence et doigté ce dernier.
Ceci dit, mes remarques sont à prendre avec des pincettes dans la mesure où je n’ai lu que les épisodes 1 à 27 et qu’il me manque encore un quart de cette série.
On sera clairement d’accord pour être en désaccord sur ce run et sur celui de Rucka sur Punisher que j’ai personnellement trouvé très bon !
@Bruce – En y réfléchissant, ton commentaire fait clairement apparaître l’intention de l’auteur, ses objectifs, ses axes structurants, ainsi que la complémentarité des dessins, avec leur parti pris rétro. Il fait également émerger la progression dramatique structurant ces 36 épisodes. C’est un excellent guide lecture de ces épisodes, pour comprendre comment les prendre.
@Xabaris : welcome back : oui je ne les ai qu’en anglais. Je ne crois pas que les albums soient sortis en français. DD n’est pas le héros le plus vendeur.
@Sam : Je n’ai pas lu grand chose de Rucka. Comme je n’achète rien chez DC, je suis très mauvais juge. Son Elektra était assez lamentable. Peut-être que son punisher est bon hors crossover, je n’en sais rien.
@Sam+ Présence : Voilà un run où je suis parti du pied gauche. J’ai lu cela sur ma tablette en vacances et je ne pouvais plus m’arrêter. Ce qu’on oublie souvent, est que DD était un héros enjoué avant l’arrivée de Miller.
L’épisode Shadowland a montré clairement que cette formule dépressive était épuisée. Matt est passé pour mort au moins deux fois, a perdu son boulot, toutes ses copines sont mortes, suicidées etc.
Son attitude de stopper l’auto apitoiement est magnifiquement amenée : est ce un déni de dépression ou la réaction d’un héros nettement plus mature que le reste du marvelverse. ? Je m’identifie bcp à lui. J’ai eu un décès récemment m’ayant bcp affecté et sa réaction de ne pas sombrer dans le chagrin me parle. Il est raccord avec le fameux Never Give Up du personnage.
Waid joue avec nos nerfs et je me rappelle que certains épisodes de Miller avait la même construction. La personnalité de Murdock prenait le dessus sur les affrontements contre l’homme aux échasses ou le Dr Octopus.
Bcp de passages m’ont ennuyé, mais la conclusion du run est tellement brillante que tout prend sens à l’inverse de Bendis et Brubaker partis comme des malotrus.
Le volet social : Waid insiste moins lourdement que Nocenti dont la narration n’a pas resisté au temps. Les petites touches sociales sont légères mais éloquentes : réinsertion au travail de travailleur handicapés, traitement des enfants cancéreux , recyclage d’avocats professionnels n’ayant pas le droit d’exercer, tout cela nous parle quand même un peu de la société américaine.
Le vilain et l’isotope : une idée tellement simple qu’elle n’a jamais été utilisée. D’ici que l’isotope devait servir à un Weapon XIV, ce serait pas mal non ? Ce n’est pas plus ridicule pour moi que les itérations des mauvais costumes de Spidey contre lui même !
La traversée : si toutes les planches mensuelles marvel avaient cette ambition et ce rendu, je me contenterais de petit trottoirs sans problèmes :).
Je retiens de cette scène le sous texte puissant de l’amitié entre Matt et Foggy qui m’a beaucoup touché. En le relisant la semaine dernière, j’ai trouvé des indices que lance Waid par le biais de Murdock sur le fait que l’alimentation de Foggy finira par l’empoisonner !
Waid s’est t’il inspiré de la dernière saison de House où le Dr génial devait mettre son égo de côté pour aider son ami atteint d’une tumeur au cerveau ?
Je suis très admiratif de l’écriture de Waid : voici un vétéran marvel qui reussit là où a échoué mon idole Clarmenont : raconter de bonnes histoires après 30 ans de carrière n’ayant rien à envier aux jeunes loups de l’industrie.
Comme il me reste à lire 2 tomes, je ne peux pas juger de la conclusion (mais je te fais confiance).
Je me souvenais bien que DD avait débuté comme un héros enjoué, Jeph Loeb l’avait rappelé dans Yellow (avec Tim Sale).
Concernant rucka, oui le reste de son run sur Punisher en dehors de ce crossover sans intérêt est tout simplement splendide. Il y décrit un Punisher en guerre silencieux, comme on imagine Frank Castle l’être. Il crée un petit cast autour du personnage (policiers, et surtout la mariée). C’est vraiment une étude de caractère très poussée qu’il accomplit sans négliger l’action.
Pour ses meilleurs travaux, je te conseillerai :
– Queen And Country (chez Oni Press)
– Gotham Central ( et son run sur Batman en général)
– Batwoman (l’arc elegy)
-son dernier creator owned Lazarus
Rucka est personnellement un de mes scénaristes préférés, et je te conseille vraiment de lui donner sa chance !
Jamais je n’aurais pensé que ce run pouvait être aussi intéressant. Ton commentaire fait vraiment bien ressortir la profondeur du traitement, de la part d’un auteur qui a su manifestement respecter la mythologie du personnage.
Le parti-pris « léger » m’avait fait craindre une énième déclinaison enfantine comme Marvel les affectionne ces derniers temps (voir le Thor de Chris Samnee, ou le Rocket Racoon de Skotie Young), et qui me gonfle sévère. Mais apparemment ce n’est qu’un voile derrière lequel se dissimule le background incontournable de la série.
@Tornado : les comics c’est encore meilleur quand c’est une bonne surprise ! Avec Superior Spider Man, je garderai des souvenirs inoubliables de ces lectures en Grèce seul dans mon hôtel avec ma femme et ma fille !
Oui, comic-book adapté au ciné il y a quelques années à travers un film qui souffre d’une très mauvaise réputation.
Ça me conforte dans l’idée que je ne perdrai sans doute jamais mon temps devant ce film.
J’ai commencé la lecture du run de Waid sur DD avec les premiers numéros de Marvel Knights mais j’ai dû stoppé l’expérience au bout d’un an, faute de moyen. J’espère que Panini envisage sérieusement d’ouvrir la collection des Marvel Deluxe à cette série dont les quelques numéros que j’ai lu ont suscité un intérêt certain, notamment pour la partie graphique qui est un petit bijoux d’inventivité. Le choix de Waid de proposer un DD souriant qui nie sa déprime est bien vu, il fallait vraiment couper le cordon avec le côté désespérant qui a fait le succès des runs précédents pour pouvoir faire rebondir le personnage après l’ignoble passage Shadowland.
Avec le recul, je crois que je ne pourrais pas résister à cette série si Panini décide de la rééditer dans la collection deluxe.
36 épisodes = 3 albums. Ce serait parfait.
C’est le passage où tu expliques que Waid a écrit un aboutissement parfait pour les runs de Miller, Bendis & Cie qui m’a décidé en définitive.
bonjour, je voulais savoir si le run de waid était sorti en france (si c’est le cas je les complètement loupé). Au passage félicitation pour le blog, je viens de le découvrir et j’arrive pas à déscotcher une vrai mine d’information que je prend plaisir à lire chaques jours)
ben il y a la serie punisher 100% marvel (comme pour daredevil ou elektra):
http://www.comicsvf.com/fs/17861.php
ensuite il y la série punisher max (ce que vous m’avez conseillé):
http://www.comicsvf.com/fs/18232.php
et enfin une autre série punisher max:
http://www.comicsvf.com/fs/19112.php
J’ai 2 questions:
– quelle est la meilleur série/arc/run entre les 100%marvel et les max
– quelle est la différence entre les 2 séries max
Par contre je comprend pas, les commentaires précédents ont disparu du coup j’ai perdu tous les liens que vous m’avez fourni. Pouvez-vous me les mailés au pire?
Merci
Nico,
Ils n’ont pas disparu, ils sont sur la page précédente ;). Justa au dessus clique sur Older Comments et tu nous retrouveras.
Je te conseille d’investir d’abord dans Punisher Max : lien du milieu. La série en dessous, est Punisher MAx signé Jason Aaronqui est la suite…et la fin du Punisher !
Donc le lien du milieu sans hésiter !
Oui ! Mis à part la guerre des taxis, tout est bien. Tu y trouveras des allusions dans le dossier de Presse que j’avais consacré au Punisher pour Scarce. Clique sur Presse ou ici si tu es un gros paresseux ( ça restera entre nous ;)).
Aurais tu un facebook à me communiquer pour suivre l’actualité du blog ?
Je comprend parfaitement que pour des raisons professionnelles facebook est indispensable,
J’ai connu ton blog au travers de « forumcomics.com » ou je lisais une critique (je ne sais plus lequel) de quelqu’un (je ne sais plus de qui) et un autre forumeur était intervenu en disant que l’article méritait d’être sur ce blog (l’auteur de l’article avait l’air d’être flatté ) et ben du coup me voila…