Zombies : Néchronologies par Peru et Petrimaux
VF : Soleil
Zombies : Néchronologies est un spin-off de la série Zombies. Le scénariste Olivier Peru travaille pour l’occasion avec Nicolas Petrimaux qui assure le dessin et la couleur. Quant à Sophian Cholet, le dessinateur de la série mère, il assure l’illustration de la couverture.
Zombies : Néchronologies raconte des récits indépendants de la série mère. Il est donc tout à fait possible de déguster cette histoire en ignorant tout de la saga de Peru et Chollet. Il suffit juste de croire un peu aux Zombies et aux politiciens véreux…
Des Spoilers bien pourris peuvent venir gâcher la joie salace de celui qui souhaiterait dévorer cette histoire.
La fin du monde et les invasions Zombies ont souvent touché les Etats-Unis mais rarement notre beau pays ! Olivier Peru venge l’honneur et prouve dans ce premier volume de Néchronologies que la France est capable d’agoniser comme tout le monde ! Cet ouvrage a même déclenché un début de polémique en représentant le président Hollande, une arme au poing flinguant un mort vivant ! Mais ne sautons pas les étapes et commençons par le commencement (et admirez au passage mon art de la mise en bouche -putride, forcément putride-).
Lorsque commence cette histoire, Paris est en plein Zombillénium. Nous faisons la connaissance de Charles, un vieux garde du corps de l’Elysée ayant servi Mitterand, Chirac, Sarkozy. Sa mission, qu’il n’a pas acceptée mais bien forcé d’accomplir est d’escorter François Hollande sur le toit du palais assiégé par les morts vivants pour une évacuation en hélicoptère.
Ce prologue d’une dizaine de pages est la séquence choc de l’album : on y voit Manuel Valls dévoré vivant par trois zombies, Hollande vendre chèrement sa peau et placer ses intérêts avant ceux des parisiens : en se considérant comme l’espoir de la reconstruction française, il souhaite mobiliser l’armée pour l’escorter au lieu de sauver la population civile.
Après avoir convaincu l’armée de destituer Hollande, Charles part à Genève accompagné d’un éventuel vaccin dans une cité qui utilise les civils désemparés comme bouclier humain. Charles parviendra t’il à sauver la vie de milliers d’innocents ?
Ce qui frappe tout au long de la lecture de ce volume, c’est la colère et la virulence de l’écriture de Peru. Au delà de l’histoire que d’aucuns ont vu comme une aimable série B, il faut reconnaître au jeune scénariste de trouver la formule qui choque. Charles est un garde du corps dévoué qui dissocie la fonction présidentielle de l’homme qui l’habite. Alors qu’il est prêt à mourir pour le président, son opinion sur les hommes reste impitoyable (et jouissive) :
Mitterrand ? Un arriviste et un manipulateur hors du commun
Chirac ? Un type qui n’en avait rien à foutre de rien
Sarkozy ? Un narcissique libéral à 9h00, ultranationaliste à 10h00, plus rose que les socialistes à 11h00 qui fait de la politique pour passer à la télé
Hollande ? Un bourgeois moraliste portant les oripeaux du peuple, un peu couille molle avec le débit d’un bègue devant les caméras…Ouch !
Pourtant on aurait tort de ne voir dans ces mots cruels qu’une attaque démagogique. Au contraire. Peru sait ce qu’il fait et cette violence, bien pire que celle des morts vivants est au service du récit. Car il y a du Garth Ennis chez notre homme, celui-là même qui décrivait une histoire similaire avec The Boys : Hérogasme où le garde du corps d’un président débile estimait avoir été floué dans ses idéaux démocratiques.
Ce qui est montré dans ce Zombies est la crédulité des masses populaires à l’égard de leurs dirigeants. Quels que soient les crimes commis par les pires connards de l’Histoire, l’expérience a souvent prouvé que le Peuple est incapable de prendre la mesure de ce qui se passe, n’imaginant pas qu’il soit humainement possible d’ouvrir des camps de la mort, des goulags ou de former des enfants soldats. La plupart des victimes de la Shoah avaient quitté le Ghetto de Varsovie en pensant sincèrement que les nazis leur offriraient une vie meilleure dans un camp de travail à Auschwitz….
Peru décompose ici à la sauce Zombie, la trahison des idéaux démocratiques du Peuple par une Oligarchie persuadée que la mort et le sacrifice de milliers d’individus est un mal nécessaire pour construire une société meilleure à celle qu’ILS ont laissé pourrir… Une société dont ILS n’ont finalement que faire, les citoyens n’étant là que pour sacrifier leur vie. Une décomposition métaphorique à laquelle ILS n’ont aucune solution si ce n’est de laisser crever les autres.
Une série B ? Faut-il être aveugle à ce point pour ne pas voir dans les hordes de civils terrorisés cherchant asile dans un pays riche (La Suisse) qui les parque sans nourriture, sans logement, sans considération et surtout sans espoir, une allégorie de la tragédie des réfugiés Syriens à laquelle l’Europe assiste impuissante ? Que les solutions proposées (balancer du pognon aux pays concernés pour qu’ils se démerdent) sont aussi inutiles et inhumaines que les Zombies sans conscience ? Que tout à notre confiance paresseuse en nos irresponsables politiques, nous nous transformons à notre tour en Zombies confortablement paralysés ?
Peru ne se contente pas d’une écriture réactionnaire : il nous cause aussi d’anarchie et d’anomie et propose toujours comme dans Zombies une riposte, une occasion de mourir debout pour ce qui est juste. Ici, les militaires ne sont pas forcément des corniauds d’extrême droite mais des hommes entraînés et compétents prêts à aller jusqu’au bout de leur mission. Comme chez Garth Ennis.
Quant à Charles, il est présenté comme un Ronin, un type qui, arrivé à la fin du monde, n’a plus de seigneur à servir quand bien même fut-il le dernier des connards. Ce sens de l’honneur sera bien entendu perverti par Hollande qui ne voit en lui qu’un chien en laisse, une laisse que la fin du monde a tranchée.
Alors Zombies : Nechronologies une série B ? Au sens que John Carpenter lui donna, oui ! C’est à dire une production modeste, appuyée par des dessins efficaces à défaut d’être révolutionnaires qui s’engage plus que que n’importe quel blockbuster sans âme. Certes nous ne sommes pas dans V pour Vendetta, mais bien dans un New-York 1997 qui pourrait être écrit par Garth Ennis.
Au final peu importe de savoir si notre Hollande est une ordure cynique comme celui de Zombies : Néchronologies ou pas. Il suffit de se dire que depuis un siècle maintenant, cinéma, littérature et BD n’ont cessé d’alerter l’opinion publique sur la dégradation des valeurs humaines, les dangers du libéralisme, les risques écologiques,le spectre du retour du Fascisme, l’oppression des minorités et le blâme des victimes. Malgré les avertissements de ces artistes tout juste bons à être médaillés, les rapports les plus alarmants les uns que les autres, la menace de Zombies est chaque jour moins fictive…Et ce n’est malheureusement pas une série B….
« Manuel Valls dévoré vivant par trois zombies » : ah, c’est aguicheur !
Malgré mon aversion aux zombies, je tenterai peut-être cette lecture, rien que pour le côté satire politique. Je trouve qu’en France, les medias sont trop respectueux du pouvoir en place et exercent une censure bienveillante à l’égard de la classe politique.
Bien qu’intrigante je n’avais pas lu la série principale, surtout à cause du graphisme qui me semblait (de prime abord) trop simpliste… Ici le dessin me parait bien plus réaliste ce qui colle mieux à mon sens à une histoire de zombie. De plus le contexte politique me semble relativement inédit pour le genre… Bref une nouvelle fois tu nous l’as bien vendu je vais me la procurer de ce pas !
Petite question : et si cette BD était la suite du film « 28 semaines plus tard » qui se conclue dans notre belle capitale ? 😉
Article passionnant. La métaphore du pouvoir qui sacrifie le peuple pour… garder le pouvoir tout en lui faisant croire qu’il travaille pour le peuple est édifiante. Sur les migrants je reste plus circonspect parce que c’est un sujet trop compliqué et tragique sur lequel je ne sais vraiment comment me positionner.
Bon, ça va faire un trou dans le budget, ma femme va râler, mais après avoir lu l’article que faire d’autre qu’aller acheter la bête ?
Et, coup du sort, je vais passer devant une librairie BD cet après midi !
Le Facebook du jour :
« Maximum security » 4/6 :
Les classes sociales subsistent’elles en cas d’Apocalypse Zombie ? Charles a été le garde du corps de Mitterand jusqu’à Hollande lorsque l’épidémie attaque Paris. Il découvre que nos seulement le bon François n’en a rien à fiche des parisiens mais aussi qu’en Suisse, la classe moyenne sert de bouclier humain aux nantis…
Zombies Néchronologies par Oliv Peru, Sophian Cholet et Nicolas Petrimaux: une charge sociale féroce à découvrir chez Bruce Lit !
La BO du soir : Hollande tue des zombies, mais surtout ne fait rien pour sauver son peuple….Nos politiques se cachent d’une guerre qu’ils ont déclenchée / aucune raison d’aller se battre puisque ce seront les pauvres qui le feront à leur place.. Paranoiaque moi ? Demandez l’avis des War Pigs ! https://www.youtube.com/watch?v=LQUXuQ6Zd9w
@Thierry : Bruce Lit relance l’économie en asservissant la working class. On est raccord avec l’article du jour….
@Tornado : Mon opinion (qui n’engage que etc.etc.) : notre Europe paie au prix fort des décennies de non anticipation de ce qui devait finir par arriver. En l’occurrence de pauvres gens qui ont envie de vivre…. Comme un jour une catastrophe écologique nous rappellera les avertissements répétés autour du réchauffement climatique. Non seulement les accords envoyant les réfugiés en Turquie, un pays encore plus dangereux que la France en terme d’attentats est honteux puisqu’il annihile le droit d’asile, mais il fabriquera aussi les terroristes de demain. Des gens qui auront eu tout à loisir de haïr une europe qui aura envoyé à la mort des famille entière,s pour protéger son confort matériel au détriment de l’idéal de liberté. Des milliards d’Euros dépensés pour ne pas accueillir ces gens…Ca me bouffe la vie quand j’y pense….
@Patrick : le graphisme de cet album m’a pour le coup moins séduit que celui de Sophian Chollet. Il me rappelle un peu celui rigide de Ben Oliver pour Ultimate Xmen. Mais l’histoire est suffisamment prenante pour faire avec. Et de réaliser qu’il serait temps de faire un article sur New York 1997…Qui s’y colle ?
@JP : la séquence de la mort de VAlls est très discrète. Par contre Hollande est bien présent sur une partie de l’album.
Ca ne me tentepas trop mais tu m’intrigues quand même. C’est marrant je pensais à NY97 avant que tu ne le cites ouvertement. Je pose une option sur la chro de ce film !
Encore un article remarquable de synthèse et d’analyse : j’ai l’impression d’avoir ainsi lu la BD, et d’avoir bénéficié d’une explication éclairante.
Une série B au sens de John Carpenter – Une production peut-être modeste (parce les dessins m’ont l’air très aboutis) qui s’approprie les conventions d’un sous-genre (le récit de zombie) pour parler de ce qui tient à cœur aux auteurs, c’est à la fois divertissant et intelligent, mes récits préférés.
Charles et ses sentences lapidaires – Il n’y a pas de héros pour son valet de chambre (maxime de la sagesse populaire). Je comprends bien l’intention de l’auteur et le développement qu’il en fait par la suite, que tu expliques de manière claire. Au-delà des exactions commises par ces versions de papier (sacrifier le peuple pour éponger les erreurs qu’ils ont commises), je pense qu’il est irréaliste d’attendre des politiques d’être parfait, de pouvoir prévoir l’avenir, de ne pas se tromper en anticipant les conséquences sur les années à venir, voire à l’échelle de décennies. En outre, chaque action est critiquable, il suffit de choisir le bon point de vue, de changer de repère pour trouver une imperfection, un acte qualifié d’erreur impardonnable par certains (mais accepté par d’autres).
« C’est à la fois divertissant et intelligent, mes récits préférés » : Punaise ! Je suis enfin ressorti du cinéma aujourd’hui en me disant ça ! Et pour un spectacle populaire en plus ! Je suis allé voir le remake du « Livre de la Jungle » avec mon fils et j’ai été bluffé : C’est magnifique, pas racoleur (les chansons sont les originales du dessin animé de 67 (du jazz !)), intelligent (le héros doit renoncer à son animalité afin d’assumer son humanité, il triomphe ainsi de la force par l’intelligence, et nivelle par le haut tous les autres animaux en les rendant plus humains !). Que du bonheur !
Je partage ton avis sur la complexité des pouvoirs politiques, tout en estimant que ce n’est pas une raison pour leur pardonner leurs erreurs les plus impardonnables.
J’aime aussi beaucoup les chansons originales du Livre de la Jungle, avec une préférence pour « Aie confiance, crois en moi » chanté par Ka le serpent.
Sans vouloir être trop taquin, l’expression « pardonner leurs erreurs les plus impardonnables » comprend déjà la réponse (impardonnable) dans la question. Mon observation toute personnelle est que les chambres d’écho médiatiques se limitent souvent (pour ne pas dire tout le temps) à un discours quasi systématique de dénigrement permanent. J’ai conscience qu’on ne parle que des trains en retard et jamais des trains à l’heure, mais ça finit par renvoyer une image de tous pourris, sur un mode démagogique, aussi idiot et bas de plafond qu’un discours générique de politicien qui n’a pas bossé son sujet.
Je suis d’accord avec toi. Je pense juste que, à contrario, s’ils ne sont pas tous pourris, ils ne sont pas tous réglos non plus. Je suis d’accord pour que l’on essaie d’éviter de tomber dans la démagogie. Mais un politicien qui fait une crasse pour ses propres ambitions s’expose a des sanctions auxquelles il ne doit néanmoins pas échapper. Combien d’années Victor Franco est resté au pouvoir ? Et Poutine ? Quand c’est malsain, c’est malsain. Alors voilà quoi…
@Présence : je confirme que ceci est un récit divertissant et intelligent qui m’a d’ailleurs d’avantage convaincu que la série mère. Et c’est du comics à la française, cocorico (et pour de vrai, sans aucun interêt) ! Concernant la politique, même pour un pacifiste désengagé, il est difficile de ne pas se sentir concerné par le lot des tragédies qui frappent le monde dernièrement. Cet article est, je crois le dernier ou l’avant dernier de mon cycle colère froide post 13 novembre entammé avec Mutant Massacre. Il est indéniable que les politiques ne sont pas responsables de tous les maux de notre vie. Il n’empêche que lorsque leurs choix -ou pire- leurs non choix en terme de vente d’armes, d’écologie, de drogues, d’argents détournés et de promesses non tenues (je parle même pas du chômage) entraînent le naufrage des petites vies chères à Brian Azzarello, que leur conduite offensent les plus dignes d’entre et que leur mépris est de moins moins dissimulé, la colère des peuples est on ne peut plus légitimes…non ?
@Jyrille : yeah Escape from NY, un film unique ! Hâte de lire ça !
@TOrnado : je vais voir ça avec la petite la semaine prochaine. Et un article me plairait bien…
« Il en faut peu pour être heureux, vraiment très peu pour être heureux. Il faut se satisfaite du nécessaire… »mon Disney préféré avec Robin des bois et le bonheur d’entendre Claude Bertrand pour le doublage de Baloo (et Petit Jean) ma voix inoubliable qui trouvera sa partition la plus achevée avec l’inimitable Tuco du Bon, la brute et le truand de Sergio Leone. Content de savoir que le film de Favreau est réussi.
La chanson de Baloo serait sûrement plus réconfortante pour François Hollande que la lecture d’Olivier Peru, l’exercice du pouvoir à l’air aussi éprouvant qu’un tête à tête avec des zombies épicuriens. Chapeau pour le timing, tu étais raccord avec le passage TV présidentiel du jour. On sent bien le plaisir que t’a procuré cette lecture.