Focus : Centaur Chronicles
Special Guest : David Brehon
Centaur Chronicles est un ambitieux projet visant à ramener sur le devant de la scène les super-héros de l’éditeur Centaur, aujourd’hui tombés dans le domaine public. Nous vous avions déjà présenté cet univers dans un précédent article.
Aujourd’hui, le quatrième et dernier tome de cette aventure éditoriale est enfin finalisé et la campagne de souscription actuellement en cours ici remporte un beau succès.
Dans le troisième volume, nous en apprenions davantage sur les adversaires de nos héros. Le récit s’achevait sur l’attaque imminente de la Terre par les Martiens. L’ultime volet de cette arche narrative présente donc l’affrontement entre les forces terriennes et les envahisseurs venus de l’espace.
L’ambition première du scénariste Jean-Michel Ferragatti était de sortir des limbes de l’oubli l’ensemble du cheptel super-héroïque de l’éditeur Centaur, non seulement en rééditant une sélection d’épisodes à la valeur historique incontestable, mais aussi en les présentant dans de nouvelles aventures au sein d’un cadre cohérent adapté aux exigences du lecteur contemporain. Si les précédents volumes ont permis de réintroduire les héros et leurs ennemis au sein d’une intrigue globale, les enjeux de la conclusion sont nombreux.
Il s’agit d’abord d’apporter des réponses à toutes les questions encore en suspens. Jusqu’à présent, de nombreux mystères ont été levés et des explications étonnamment concordantes ont été fournies sur l’origine et les motivations de personnages créés il y a 8 décennies. Mais leur destin reste encore très incertain.
Ensuite, il reste toute une galerie de justiciers à présenter en un nombre de pages limité. Les auteurs sont loin d’avoir épuisé la richesse de cet univers et, à défaut de pouvoir tout explorer, ils doivent au moins évoquer nombre de figures s’ils veulent réussir leur pari de proposer une vision d’ensemble des créations de Centaur.
Enfin, ramener tous ces héros pour ne pas les exploiter par la suite serait absurde. Il faut certes s’assurer que les lecteurs ne restent pas sur leur faim à l’issue du quatrième tome mais la porte doit rester ouverte pour de nouveaux récits accessibles aux néophytes.
C’est donc avec une certaine attente (deux ans) et des attentes certaines que l’on aborde ce volume. Au risque de gâcher tout suspense, la conclusion est à la hauteur de ce qui a précédé. La première bonne surprise vient du graphisme. Marti a progressé et, tout en respectant l’homogénéité visuelle avec les tomes précédents, il nous offre un découpage dynamique laissant la part belle à l’action et reste toujours très lisible.
Comme dans les trois premiers volumes, le récit principal est entrecoupé de rééditions des exploits originaux des super-héros, sur le principe de ce que proposait Alan Moore dans Supreme… à la différence près que les ajouts d’Alan Moore étaient des pastiches alors que nous avons droit ici à des histoires datant réellement du Golden Age. Si l’inclusion de pages magnifiquement restaurées par Reed Man permet d’approfondir le contexte de l’intrigue, c’est surtout une merveilleuse occasion de se plonger dans des comics de l’âge d’or, avec leur charme suranné. Ces pépites à forte valeur historique raviront les passionnés et permettront aux néophytes de découvrir un pan méconnu mais fondamental de l’Histoire de la BD américaine. La coexistence des pages modernes et des épisodes classiques ne choque absolument pas, une certaine continuité graphique permettant d’appréhender l’ensemble comme un tout cohérent. Et, bien entendu, on retrouve à nouveau les pages d’éditorial pour contextualiser les comics Centaur.
Rassuré sur le fond comme sur la forme, le lecteur peut donc se jeter sans arrière-pensée dans le récit. Et, comme dans tout comic book de super-héros qui se respecte, celui-ci comporte une bonne dose d’action, de combats homériques et d’affrontements dantesques. Afin de rester accessible, la trame se concentre sur les protagonistes, les nombreux autres personnages de l’éditeur n’apparaissant bien souvent que lors d’une case. Ces apparitions fugaces n’alourdissent pas le déroulé des faits mais permettent de rendre un discret hommage à une galerie de héros oubliés… qui n’attendent désormais qu’un titre leur soit consacré.
Evidemment, les rebondissements s’enchaînent pour maintenir le suspense tout au long de l’action. S’ils sont bien trouvés, ils n’empêchent cependant pas le récit d’être prévisible, du fait même de l’ambition affichée des auteurs : ramener les héros Centaur. On n’est donc pas surpris qu’une happy end soit de rigueur mais, fort heureusement, les épilogues ouvrent des portes sur de nouvelles perspectives qui ne demandent désormais qu’à être explorées.
Derrière ce classicisme de l’intrigue, Jean-Michel Ferragatti développe un sous-texte sur l’évolution des comics (passage de l’âge d’or à l’âge d’argent) et sur la politique américaine de l’époque. Une approche certes déjà tentée par d’autres auteurs, mais l’on reste curieux de voir comment celle-ci sera approfondie dans les volumes à venir, notamment s’ils se déroulent à une période plus proche de nous.
C’est un pari fou qui vient d’être réussi, pari entamé il y a 9 ans et qui se concrétise par une tétralogie mariant inédit et démarche patrimoniale. Le succès de l’opération devrait nous garantir de revoir ces super-héros qui ont inspiré tant de justiciers masqués qui nous sont familiers. Ce qui semble le plus étonnant, finalement, c’est de voir que cette aventure éditoriale a eu lieu en France et non aux USA. Espérons que les héros Centaur traversent à nouveau l’Atlantique et revivent dans le pays qui les a vus naître, que ce soit par l’adaptation de Centaur Chronicles dans la langue de Shakespeare ou par la réédition des récits classiques qui sont libres de droits.
Que sont-ils devenus ? Un an et demi plus tard voici donc le deuxième article qui répond à la question de cette aventure éditoriale.
Pari entamé il y a 9 ans et qui se concrétise par une tétralogie mariant inédit et démarche patrimoniale : très belle phrase synthétique. Je suis également très admiratif d’une équipe qui a réussi à mener un tel projet à l’échelle de 9 ans quand on pense à tout ce qui peut survenir d’imprévisible au cours d’un tel laps de temps (une crise sanitaire au hasard, mais on peut aussi citer des gilets jaunes).
C’est très ambitieux cette cohabitation entre des pages d’époque restaurées, et des pages originales contemporaines : une mise en valeur du patrimoine sans filtre, avec un écrin sur mesure.
Merci beaucoup Présence. Oui, beaucoup de péripéties qui mériteraient un petit livret à elles toutes seules, la crise sanitaire n’ayant en réalité que retardé le vol. 4 d’un an car il était déjà prêt avec un projet de campagne de financement participative en mars 2020 😀
L’aspect historique du projet m’intéresse.
Les intrigues de super-héros des années 30 un peu moins.
En gros, je préfère les ouvrages purement encyclopédiques pour évoquer le sujet des comics du golden âge.
Désolé, je ne suis pas la cible.
« Ce qui semble le plus étonnant, finalement, c’est de voir que cette aventure éditoriale a eu lieu en France et non aux USA. »
Pas vraiment en fait ! Malibu comics ( Maison d’édition Étasunienne) a tenté la même aventure dans les années 90. Tout juste après que les super-héros de l’éditeur Centaur soient tombés dans le domaine public.
Cela n’a pas fonctionné.
Je vous souhaite plus de réussite 😉
Rigolo Surfer. J’ai écrit la première étude de fond sur les super-héros Centaur en 2008 soit plusieurs mois après l’étude de référence publiée dans le prozine Alter Ego de mon ami Roy Thomas (qui a toujours dans ses tiroirs un article sur les versions françaises).
Et j’en discutais hier avec Jean-Marie Minguez (notre cover artist) et je disais que je devrais sans doute la ressortir en bonus sur un 48 pages dos carrés.
Pour Malibu que je connais très bien, la différence est notre respect du matériel original et de la continuation (et également de ne quasiment pas mixer les personnages d’autres éditeurs du golden age). Non pas que leur approche ait été irrespectueuse (loin de là R. A. Jones étant hyper fan des personnages) mais c’est qu’ils n’avaient pas à l’époque un accès aussi simple que nous aux comics originaux.
A bientôt peut être dans un festival pour en discuter et te montrer nos réalisations.
Hello Jean Michel,
Alors là oui, je suis un peu plus preneur d’études de fond sur les super-héros.
Je ne connais pas le contenu de ton essai , mais si cela tient sur 48 pages, c’est un format idéal.
Et, si tu peux l’agrémenter de belles illustrations c’est encore mieux.👍
Au plaisir de te rencontrer peut-être un jour dans un festival.
J’en fais pas beaucoup…mais qui sait 😉
Bonjour Surfer,
Je pense que lorsque cela se fera tu le verras passé sur les réseaux sociaux.
Au plaisir donc par le net ou physiquement.
JMF
PS : Dans mon post précédent il fallait lire avant et pas « après » 😉
Oui, Présence, c’est une démarche ambitieuse. Pour avoir échanger avec l’auteur, son ambition ne s’arrête pas là et il y a fort à parier que l’on n’ait pas fini d’entendre parler de ces héros du Golden Age.
Merci Surfer pour l’info sur Malibu. Je comprends ta préférence pour les ouvrages encyclopédique. Je les adore également mais, au final, je les lis rarement. Et j’aime me confronter à la matière première. Après, les comics des années 30 ne sont clairement pas destinés à tout le monde, c’est certain.
Je n’avais jamais capté cette histoire de personnages américains oubliés.
il y a eu une mode de cet exercice d’ailleurs Dynamite avait bien tenté le coup aussi avec des Green Lama, Madame Masque etc…
il y avait ce personnage fascinant graphiquement qu’est le premier DAREDEVIL devenu le « death defying Devil » …
j’ai été un peu échaudé parce que la sauce n’a jamais pris sur moi.
Ici on sent l’entreprise de passionnés et si je me sens en fonds je vous commanderais ces volumes…
Bonjour Eddy,
Oui il y a toujours beaucoup de projet autour des personnages historiques aux USA. Notre approche est différente mais surtout elle ne mixe pas les personnages de différents éditeurs US du domaine public et nous restaurons également les épisodes d’époque pour rendre hommage aux artistes qui les ont créés.
En effet, Eddy, Dynamite avait lancé une vague de. comics avec des personnages libres de droits avec des couvertures signées Alex Ross. J’avais pris la version française de Panini
Merci David ! Je trouve l’aventure ambitieuse, originale, et historiquement très intéressante. Je ne connais vraiment pas ces personnages et n’ait pas eu la curiosité d’aller à leur rencontre mais je reste curieux de lire ça (un jour peut-être…).
Les scans sont plutôt attirants, le style de dessin rappelant les premières bds américaines sur le scan Girl Power. C’est de l’archéologie !
Bravo en tout cas pour le travail mené jusque là.
Pas de BO ? Je propose ceci : https://www.youtube.com/watch?v=zbn7yxULAIg
Oui, c’est de l’archéologie. Personnellement, je prends du plaisir à découvrir les sources qui ont inspiré les comics que j’aime, qu’il s’agisse de textes mythologiques, de romans, de pulps ou de vieux comics. Archéologue de l’imaginaire est un métier qu’il faudrait inventer.