45 tours rock par Hervé Bourhis
AUTEUR : CYRILLE M
1ère publication le 26/09/15- MAJ le 04/01/19
VF : Dargaud
45 tours rock n’est pas une vraie bd et sera peut-être suivie par d’autres tomes, par Hervé Bourhis.
Mes Gaston Lagaffe ont vécu, ils tirent la tête, déchirés, trop utilisés, trop lus, mais je n’en changerai pour rien au monde car ils ont bâti mes fondations.
J’ai vu qu’ils étaient réédités par thème, notamment celui sur la musique. Dans la préface, Antoine de Caunes y sort une évidence que je n’avais jamais remarquée : Franquin avait fait entrer, par le biais du Gaffophone et des diverses formations musicales que Gaston tentait de mettre au point pour des résultats constamment catastrophiques, le rock dans la bd. Sa part la plus importante en tout cas : l’esprit de rébellion, d’insouciance et de non-conformisme, son hédonisme, son partage.
Les pochettes de disque faites par des dessinateurs reconnus sont légion (Cheap Thrills en est l’exemple parfait, la pochette de Crumb valant à elle seule l’envie d’acheter le vinyle) et les magazines de rock se sont toujours échinés à produire quelques bds dans leurs pages, la plupart du temps en détournant des stars pour en faire des héros de bd (comme Les Closh de Rock & Folk – ou était-ce Best ?). Et bien sûr, les affiches de concert sont une grande page pleine de promesses de liberté pour un auteur de bd.
Ces liens se multiplient ces derniers temps, des concerts-bds voient le jour, et les ouvrages mixant les deux mondes apparaissent sans cesse. Je citerai les inégaux Rock Strips qui donnent le point de vue de nombreux auteurs sur un de ses groupes fétiches et le récent Liverfool qui illustre les Beatles d’un point de vue inédit.
Hervé Bourhis multiplie les projets d’illustration du rock : il poste sur Facebook des photos de ses vinyles accrochés au mur triés par année, il a créé un blog qui revient sur la sortie d’un disque d’il y a pile vingt ans, a écrit des miscellanées sur les Beatles (Le petit livre des Beatles) et continue de dessiner d’autres planches inspirées du Petit livre rock dans des magazines spécialisés ponctuels, telles les dernières éditions de Pilote, et tient une liste à jour des disques importants par année depuis le début du siècle dernier. Ça s’appelle une passion.
Alors que Le petit livre rock proposait un format carré de 45 tours pour intégrer des anecdotes retraçant tout le rock depuis ses débuts, ce 45 tours rock prend les atours d’une classique bande dessinée franco-belge pour rendre hommage à des chansons remarquables.
Un 48 pages cartonné couleurs regroupant non pas un gag par planche mais un 45 tours par page, avec une trame constante : titre, pochette, fiche technique, description et zones variables. J’aime beaucoup celles nommées « C’est quoi le rapport ? », puisqu’elles lient la chanson à un autre groupe, un autre titre, pour donner un point de vue complémentaire.
Deux éléments constants expliquent la réussite de ce livre. Tout d’abord la précision des informations, l’érudition maniaque de Hervé Bourhis envers ces objets, ainsi que la concision avec laquelle est décrite la chose la plus indescriptible : la musique. Television a effectivement fait le solo de rock le plus échevelé, Elliott Smith est un des meilleurs enfants de Big Star bref, toutes les présentations sonnent juste et font gagner un temps précieux.
Le second élément consiste dans l’intention inverse à Franquin : faire rentrer la bd dans le rock. Car tout est sérieux ici, tout est vrai, tout est vécu. Mais tout est dessiné et redessiné, et les quelques strips imaginant les rockers (comme le renvoi de Brian Jones des Rolling Stones) servent uniquement de décompression, comme la blague que le prof de maths lâche une fois par heure si il est sympa et s’il veut garder l’attention de ses élèves.
Au-delà de l’envie de présenter des disques marquants, des singles historiques ou obscurs, de parler de groupes reconnus ou oubliés, Bourhis aborde ainsi selon divers moyens une autre composante du rock : son illustration. Elle est indissociable de la musique depuis que le producteur de Dalida a décidé de mettre une photo de la chanteuse sur son 45 tours. Elle donne une couleur au contenu, constitue un espace supplémentaire de créativité artistique, donne des indices sur les intentions des auteurs.
Si vous vous penchez sur les pochettes de Led Zeppelin et de Pink Floyd, vous vous rendrez compte qu’elles ont toutes été créées par le studio photo Hypgnosis, et qu’aucune n’est laide. Qu’en alignant les pochettes de Blur ou des Smiths, leur cohérence et leur style évoquent fortement la musique qu’elles contiennent, que la plupart des genres possèdent leur propre bible graphique. Ces illustrations font partie de l’identité des groupes.
45 tours rock est donc une chouette idée autant qu’une collection subjective intéressante. Si tous les groupes suivaient Gorillaz (auteur : Jamie Hewlett) et abandonnaient l’envie de se montrer pour être représentés réellement par des dessins aussi réussis, on aurait moins de modes idiotes, moins d’icônes en carton, et des supers posters.
Je passe mon (33) tour 😉
Je note que de plus en plus la bd est utilisé comme un support didactique (ex plaquette de prévention, bio…) et c’est tant mieux. Mais je trouve que dans l’illustration choisie (3 cases), il y a bcp de blabla et une idée d’illustration faible. Bref que le support bd n’est pas maîtrisé.
La couverture est très belle.
Tu n’as pas tort quant à l’utilisation de la bd comme support didactique. Mais ce n’est pas si nouveau. Je te trouve un peu dur, Bourhis a fait beaucoup d’autres choses et le support bd ne lui est pas inconnu (je vous conseille soit Comix Remix, soit Le Teckel). Mais ici, il fait un peu comme ses miscellanées qui ont fait sa renommée : Le petit livre Rock, Le petit livre Beatles, Le petit livre de la 5ème République et Le petit livre de la Bande dessinée. De l’illustration et du texte parfois concis parfois un peu bavard (mais moins que le X-Men de Claremont par exemple 🙂 ).
Merci pour ton message. Tu as raison j’ai sans doute été un peu trop expéditif dans mon jugement. J’ai souvent trouvé ce type d’ouvrage « catalogue » un peu faible mais à te relire il semble y avoir un vrai projet éditorial derrière et qu’il mérite d’être parcouru.
« Tout pour la musique » 1/6
Un disque, c’est de la musique, mais aussi une image, un message à passer. Arty, narcissique, racoleur ou minimaliste, Hervé Bourhis raconte le rock à travers les pochettes de singles. C’est Cyrille M. qui les affiche !
La BO du jour : Pour une fois, ne donnons pas donc pas de bo du jour, mais une vidéo faite de pochettes de disques en guerre. Toute une histoire ! » https://youtu.be/9dOKlSrh8-8
Bruce : A tous les lecteurs, si vous aimez le rock, vous DEVEZ lire la vidéo en lien ci-dessus !!!
En publiant cet article, je fais acte de contrition, car c’est le seul que j’avais refusé jusqu’à présent, ne voyant pas de lien direct avec la bande dessinée. Il aura fallu, la création d’Encyclopegeek, pour que je fasse machine arrière.
Ceci dit, si l’initiative est sympathique, les dessins ne m’attirent pas forcémment. Preuve en est que je n’ai reconnu ni Mc Cartney, ni Damon Albarn sur le scan : vous me reconnaissez.
Sinon, complètement d’accord avec ton propos : les pochettes de disques racontent toutes une histoire. Gamin, je passais des heures au disquaire du coin à explorer ces univers graphiques, sans rien connaître à la musique. Et toujours, toujours, c’était les covers de Pink Floyd qui m’intriguaient avant même de savoir qui c’était. Pour les gosses des années 80, voir celles de Maiden (que je n’ai jamais supporté), c’était comme voir un film d’horreur !
Allez, petit Quizz ! Vous rappelez vous de votre premier 45 tours acheté avec votre argent de poche ? Moi, ce fut Al Corley, le héros de Dynasty….et son Square Room. La chanson reste pas trop mal je trouve….
Merci beaucoup Bruce d’avoir fini par accepter ! C’est vrai que cette oeuvre s’éloigne de la bd, et je trouve que tu as été courageux sur le coup là. En même temps, si cela permet d’ouvrir une nouvelle rubrique, ce n’est pas plus mal non ?
Je suis totalement d’accord avec toi quant aux pochettes, celles de Maiden me faisaient le même effet, gamin. Si j’avais su que c’étaient des gentils hardos en fait, je n’aurai pas mis autant de temps à écouter quelques titres (ce n’est pas du tout ma tasse de thé mais c’est marrant parfois).
Je n’ai pas de vrai premier 45 tours, j’ai écouté de la musique d’abord sur K7 (Beatles, Vivaldi et Mozart). Avant , mes vinyles d’enfants étaient des dessins animés sur disque, où leurs génériques. Je les ai encore, un coffret Disney, un Goldorak, deux Ulysse 31…
Etant donné ma culture musicale limitée et mes affinités variables avec le rock, je ne pense pas être le public visé par cette BD. Déjà, les jaquettes redessinées risquent de moins me parler qu’à ceux qui connaîtraient les vraies.
En revanche, l’article est très bien fait et formule clairement l’importance de l’illustration de la musique. Au delà des jaquettes, le video clip permet de faire raconter des histoires aux chansons (soit la même, soit une histoire parallèle ou totalement décalée…)
Merci beaucoup JP ! Je dois ajouter que cet article date (comme en témoigne ma référence à Liverfool, qui n’est plus récent, enfin, selon l’espace-temps dans lequel on se pose) et que Bruce m’a suffisamment motivé pour en écrire de nouveaux passages dont je suis finalement très content. Au départ, je pensais qu’il n’y avait rien à dire de plus, et maintenant je pense que c’est un sujet très vaste. C’est cool d’avoir un rédac-chef.
Cet article est captivant parce qu’il transcrit bien l’intention de l’auteur, et sa volonté de refuser de se laisser cantonner à un mode d’écriture texte ou BD, pour établir sa propre forme d’écriture. Je serais assez preneur d’une lecture de ce type pour ce qu’elle recompose des souvenirs musicaux. Mais les images choisies me montrent qu’il s’agit d’un versant du rock qui ne me parle pas (sauf Buddy Holly et Led Zeppelin).
Tu es toujours d’une gentillesse incroyable, Présence, et ton commentaire me touche, car c’est toujours un plaisir d’avoir un compliment de ta part. Surtout que tu as vu juste, c’est vraiment une recherche graphique et narrative différente qui est proposée ici. Bourhis et comme moi plutôt fan de indi rock (on a sans doute le même âge et avons découvert le rock un peu grâce aux Inrocks) mais il est devenu également un vrai archiviste du rock, en témoigne sa liste des 500 meilleurs albums depuis 1951. Certains titres ne me parlent pas non plus, mais c’est vraiment très intéressant. J’adorerai, si tu la lis, avoir ton avis en tout cas !
J’avais reconnu Mc Cartney mais pas le gars de Blur !
Merci pour cet article qui m’a donné envie de me pencher sur cet ouvrage qui pourtant ne m’avait pas du tout attiré de prime abord ! La démarche me paraissant rigolote mais un peu vaine…
Mais après tout nos années vinyles valent bien cet hommage 😉
@ Bruce : Mon premier 45t ? Ouch ! Le tout premier ça devait être un truc d’Henri Dés donné dans Pif Gadget :)) « eau eau eau H2o » ! Du grand art :))
Ah oui, toi ça va te plaire, Patrick ! Tu me diras ce que t’en penses ? En tout cas, si tu ne l’as pas, son Petit Livre Rock est une bible. Et son Petit Livre Beatles une perle… J’attends tes avis 🙂 Et merci !
Chouette chronique pour laquelle la longue gestation a manifestement été profitable. Le petit livre du rock avait été une bonne surprise lors de sa parution et la variation de Bourhis sur les 45T à l’air du même tonneau, enthousiaste et curieux.
@Bruce: premier 45, j’étais comme Voulzy, je voulais passer mes nuits avec elle…
http://ring.cdandlp.com/jlrem/photo_grande/115030907.jpg
La classe, Lone ! Kim Wilde, je dis oui. Merci beaucoup pour ton compliment et ton commentaire !
P’tain ! Le quizz de Bruce m’a soudain foutu une madeleine de Proust sous le nez !
Je me rappelle parfaitement de mon premier 45 tours acheté par moi-même. C’était Starshooter : « Quel Bel Avenir » ! A quel âge ? 10 ans en gros…
Le truc c’est que je ne me souvenais plus du tout de ce que ça donnait. Alors je suis allé l’écouter sur Youtube. Ça m’a fait trop bizarre !
https://www.youtube.com/watch?v=n0arhURYjYo
Merci pour cet article, Cyrille. Mais il y a une réflexion que je me fais souvent en te lisant… C’est trop court !
Il ne faut surtout pas prendre ma remarque pour une critique négative, car c’est l’inverse. Parfois je me dis que certains articles sont trop longs (je n’ose même pas imaginer les réactions que les miens doivent susciter chez certains internautes !). Mais là, je finis la lecture en ayant envie d’en avoir encore ! Tu ne veux pas nous faire la deuxième partie ? 🙂
Je suis tout à fait d’accord Tornado ! Je suis sans cesse en train d’intervenir en coulisse pour que l’ami Cyrille, spécialiste des articles sensibles, rajoute plein de paragraphes de sa belle prose….
Starshooter ? Kent ? Ils avaient fait une super reprise du « Poinçonneur des Lilas »….
Ce qui tournait pas mal effectivement à la maison était les 33 tours de films avec les voix de Dominique « JR » Paturel : Les Star Wars mais aussi le « Trou Noir » !
Tornado, Bruce, merci beaucoup pour cette requête. C’est un sujet récurrent chez moi, la longueur des articles… En fait, Tornado, la première version (visible sur la zone et Babelio) était bien plus courte et grâce à Bruce, cette nouvelle version étendue est bien meilleure je trouve. Mais il y a au moins deux aspects qui font que je fais naturellement des articles plutôt courts : d’abord, je pense sincèrement qu’être lu est un véritable cadeau, et par déférence et de par mon éducation, j’ai toujours le sentiment qu’il ne faut pas déranger ou ennuyer le lecteur. J’essaie donc d’être concis, de ne pas me répéter (et même ça je n’y arrive parfois pas), d’aller à l’essentiel. L’autre aspect, c’est que je suis également certain que je n’ai pas tant de choses à dire que ça, je pêche par la profondeur et la réflexion qui vous va très bien.
Enfin, même si cette partie évolue désormais, l’écriture est pour moi un vrai travail douloureux. C’est toujours compliqué lorsque je me lance. Du coup, je préfère être totalement sûr de pouvoir aller au bout et en général, je fais ça d’un trait, presque sans me relire, à fond, à bloc. JP pourra confirmer. Revenir sur un jet me demande beaucoup d’efforts. Comme tu dis, Tornado, ce serait presque un second article si je devais compléter celui-ci.
Merci en tout cas pour vos compliments.
J’ai passé une partie de la journée à essayer de me rappeler mon premier 45 tours…
Dans un premier temps, j’ai pensé qu’il n’y en avait aucun : mes soeurs en achetaient, les voisins nous en donnaient, et moi je demandais plutôt qu’on m’achète des BD…
Et puis, là, il y a cinq minutes, ça m’est revenu…
J’ai trouvé le morceau sur Youtube avec la jaquette de l’époque…
https://www.youtube.com/watch?v=cc1OrUmxnmM
Révélateur, non ?
Fascinant ! JP Savelli…..Une carrière incroyable…. Maintenant, je trouve certaines chansons de Goldorak, Albator, Captain Flam, même Jayce bien écrites….
J’ai commencé à acheter des 33t avant des 45t. Mon premier 33t : Rainbow Rising (le deuxième album du groupe de Ritchie Blackmore après son départ de Deep Purple, avec une superbe pochette de Ken Kelly). Mon premier 45t : Pincess of the night, de Saxon. De toute ma vie, j’ai dû acheter moins de 10 45t.
Hardos dès l’enfance ? Incroyable Présence ! Aucun plaisir coupable ? (Dorothée, San kou kai, JJ Goldman).
C’est plutôt que j’ai commencé à acheter des disques vers 13/14 ans. Avant j’écoutais la radio, et je retenais par cœur les génériques de Goldorak, et les chansons de Dorothée, entre autres.
Quel étrange OVNI. Je me demande même ce qui m’a amené sur cet article, moi qui ne sait pas trop parler de musique et qui ne retient quasiment jamais le nom des chanteurs. Je n’ai aucune idole, que des titres que j’aime bien et dont j’oublie les auteurs parfois.
Par contre le concept de ce livre est sympa. Et j’aime bien le fait que tu mentionnes Jamie Hewlett pour Gorillaz car en tant que fan de dessins, c’est bien le seul truc que je connais dans tout ça.
J’aime bien le style de dessin de Jamie Hewlett. Quelqu’un a déjà lu et sait ce que vaut son Tank Girl ?
@Matt: Pour Tank Girl, c’est un peu foutraque, mais ce n’est pas déplaisant pour autant.
Merci Matt ! J’ai lu quelques épisodes de Tank Girl dans une vieille tentative de refaire des comics à la française via le magazine Gotham!, au milieu des années 90. C’est foutraque effectivement, mais sur une dizaine de planches, c’est très marrant. D’ailleurs j’ai vu qu’une intégrale était sortie ces derniers temps.