Hang’em high par Ted Post
Une execution de BRUCE LIT
VF : MGM Vidéo
1ère publication le 19/10/16 -MAJ le 19/10/19
Hang’em high est un film de 1968 réalisé par Ted Post, par ailleurs réalisateur de la série Rawhide où débuta le jeune Clint Eastwood et une bonne partie du casting de ce film. Le titre français Pendez les haut et court est approprié et la VF d’époque très correcte puisque le DVD ne propose pas de VOSTFR !
Pour l’anecdote, il s’agit du premier film hollywoodien du Clint, spécialisé jusque alors dans le Western Spaghetti. Très motivé par le scénario de Hang’em high, Eastwood refusera le rôle d’Harmonica du non moins légendaire Once upon a time in the West de son ami Sergio Leone.
Résumé : Il était une fois dans l’Ouest, Jed Cooper, un ancien flic injustement accusé de vol et pendu en pleine cambrousse par une dizaine d’hommes. Il survit miraculeusement et accepte de devenir le Sheriff pour traquer les 9 hommes qui ont voulu sa mort. Pourtant, tout en accomplissant sa vengeance Cooper va réaliser l’horreur que représente la peine de mort et la justice expéditive.
Souvent critiqué pour son rythme à deux vitesses, certaines fautes de script et sa longueur, Hang’em high reste un film exemplaire en terme d’histoire sans concession et de plaidoyer contre la haine. Qu’on se rappelle seulement à quel point le Western Spaghetti, comme les Comics ou le Rock, était considéré comme un sous-genre abêtissant comparé aux films de Bergman, Visconti ou Fellini. Rien que l’appellation Western Spaghetti, est un superbe emblème de dénomination méprisante… Aurait’on idée de dire aujourd’hui Mélo Cantonais ou Horreur Sushi ?
Hang’Em High propose son lot de scènes d’action, d’homme à cheval libre au crépuscule et de duel au soleil. Mais l’essentiel se situe ailleurs. Tout d’abord, il y a le choc de voir le héros se faire pendre au bout de dix minutes. Il y a toute l’injustice de cette condamnation partiale. Et l’étrange rythme imposé par son réalisateur : un générique qui intervient 10 minutes après le début du film, un montage épileptique par moment et enfin plusieurs chapitres dans l’histoire comme autant d’épisodes télévisuels accolés les uns aux autres pour une trame générale.
Et tout ça est étrangement cohérent : le voyage de Cooper est d’avantage intérieur qu’une chevauchée dans les hautes plaines. Jed Cooper est fidèle à la réputation que se fera Eastwood au long de sa carrière : un gros dur taciturne increvable. C’est le cas ici : notre héros survit à une pendaison pour être aussitôt jeté aux fers, érant dans le désert assoiffé avant de survivre à 6 coups de feu à bout portant. On peut comprendre qu’avec ce genre de scène Eastwood s’est taillé auprès de plusieurs générations de geeks : du Punisher, ancien flic reconverti en vigilant sociopathe à Hartigan de Frank Miller qui, abattu à bout portant survit aussi à une pendaison, à Kenshiro laissé pour mort dans le désert, les héros s’inspirant directement de Clint sont légion.
Et beaucoup prennent racine avec Hang’em High. Qui engendrera par la suite sa propre mythologie entretenue par Eastwood via son Pale Rider qui pourrait être la suite des aventures d’un Jed Cooper vieillissant. Un cavalier sans nom arrive en ville pour affronter à nouveau 9 cavaliers. Désormais nommé Preacher (comme un certain Jesse Custer), notre héros sème la bonne parole et les coups de feu. Lorsqu’il se déshabille, il porte les mêmes cicatrices que celles de Hang ’em High.
Dans le film de Post, Clint n’est pas encore un justicier solitaire juge, jury et bourreau. Il incarne au contraire un homme de bon sens, intègre, obsédé par la justice mais sans la folie de Rorschach. C’est un héros raisonnable, capable de faire des compromis avec son employeur le Juge Fenton.
La relation empreinte de respect et de conflit entre la loi et sa main armée vaut à elle seule le visionnage du film. Le Juge Fenton est aussi bonhomme qu’impitoyable dans ses sentences. Son travail est d’envoyer tous ceux qui désobéissent à la loi à la Potence. D’employer la force pour dissuader l’anarchie. La force du film est que Cooper est distrait de sa quête de vengeance pour arrêter des voleurs adolescents. Malgré tous ses efforts, il ne pourra les empêcher leur condamnation.
Autrement dit, Cooper en voulant aider la loi se fait le complice d’une erreur judiciaire. Une erreur assumée sans haine par le Juge qui considère qu’on ne fait pas d’omelettes sans casser des oeufs. Et de délivrer un message toujours parlant à nos sociétés engluées dans l’ultra libéralisme : Comment rendre la justice en étant le seul juge sur un territoire grand de 18000 Km2 avec des hommes mal payés et trop peu nombreux ? Et pourquoi, une fois attrapés ces meurtriers deviennent insupportablement humains face à la foule assoiffée de sang.
Le point d’orgue de Hang’em High, ce n’est pas la confrontation finale entre le vilain et le héros, mais les 20 minutes que dure la pendaison publique. Le film rappelle qu’avant de disparaître dans des cachots sordides, la mort était délivrée en place publique où une exécution faisait office d’attraction dominicale. Le personnage d’Eastwood ne peut que constater médusé que l’appétit pour le sang de l’homme des rues ne diffère pas de celui du meurtrier. Et que les enfants intègrent cette violence faisant d’eux les criminels de demain.
Post propose ici une exécution en temps réel : la potence est préparée sous les yeux de la foule en délire avec des enfants chantant entre des vendeurs de glace. Après que la corde ait été placée au cou des condamnés, les malheureux doivent attendre terrorisés la fin des chants religieux et du sermon du prêtre pour enfin passer de vie à trépas. Avant de mourir, les condamnés sont réduits à l’état d’objet.
Mieux que la messe, la pendaison dominicale !
Post et Eastwood ne font pas des criminels des victimes qu’il faut absoudre. Ils se contentent de montrer la perversion de cette messe de mort qui ritualise l’émotion bestiale de la vengeance en tentant de lui donner un aspect raisonnable et contrôlé. Un axiome qui sera repris par le Juge Fenton qui demandera à notre héros si une justice, même imparfaite ne vaut’elle mieux pas qu’une anarchie meurtrière ?
D’abord amer et en colère, Cooper réalise qu’il sera le meilleur contre-pouvoir à une justice arbitraire. Le personnage de Cooper est encore porteur d’espoir en la société à l’inverse d’un Punisher qui se positionne comme un prédateur corrigeant ses failles, de Hartigan qui sait que la justice s’achète comme le vice de Sin City ou d’un Jesse Custer qui substitue ses propres valeurs morales à celles d’un monde qui veut sa peau.
Porté par des acteurs habités (Pat Hingle n’est pas loin de faire jeu égal avec Eastwood), une réalisation parfois pataude mais totalement au service de son propos et un acteur qui deviendra l’icône des choix drastiques, Hang’em high reste un film d’actualité dans notre monde choqué par la barbraie terroriste et assoiffée de vengeance. Une vengeance qui se mange froid avec un plat de spaghettis pas très loin à partager avec ses enfants qui apprendront ici le sens du mot mythique.
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LA BO du jour : non, je ne mettrai pas Gorillaz, parce que trop facile et que je déteste cette chanson ! Voyons….un groupe dangereux quoi….Les Stranglers, au moins aussi flippants que Clint et Badass que l’Inspecteur Harry….
Merci Bruce pour les anecdotes sur Brando et Tornado pour la liste des westerns ! Beaucoup manquent à ma vision. J’ajouterai aussi Dead Man de Jarmusch. Je n’ai beau ne l’avoir vu qu’une fois à sa sortie (on devait être cinq dans la salle), j’en garde toujours des images fortes.
Brando ?
Je pourrais écrire un article dessus comme dirait Miller….
Mais il faudrait déjà m’attaquer à celui de Gainsbourg….
Dead Man est également un de mes films phares, que bizarrement je ne pense jamais à qualifier de western ! De même que La Poursuite Impitoyable ou encore Il Était Une Fois la Révolution, puisque ça se déroule au XX° siècle !!!