Le beau bizarre (Suspiria)

Suspiria par Dario Argento

1ère publication le 21/06/15-MAJ le 24/11/18

Un article soupiré par BRUCE LIT

Une terreur menstruelle ?

Une terreur menstruelle ?

Tourné en 1977 , Suspiria est le premier volet de la trilogie des trois mères : Inferno et Mother of tears.

Réedité chez Wild Side sous forme de coffret double DVD, cette édition propose des bonus intéressants, notamment les interviews des décorateurs et directeurs de la photographie ainsi que la musique intégrale du film par Goblin , aussi importante que les dialogues, et dont les ambiances oppressantes feraient passer Trent Reznor pour Christophe Mae.

Notons pourtant que la perfection absolue de ce film reste entachée par des problèmes de synchronisation des lèvres et des dialogues et ce, même en VO.

Suzy, une jeune danseuse (Jessica Harper sortie de Phantom of the Paradise) arrive sous une trombe d’eau dans une inquiétante académie. La veille, une jeune femme qui s’en est enfuie est morte dans des circonstances abominables. A l’issue d’un parcours initiatique onirique envoûtant, notre jeune héroïne découvrira le secret de cette étrange bâtisse.

C’est d’abord la beauté plastique du film qui retient l’attention de son spectateur hypnotisé. Visconti du film d’épouvante, Argento plante un décor baroque et gothique, filmé comme l’intérieur d’un corps humain et qui est finalement le protagoniste principal de Suspiria. Gravures hébraïques, symboles de la Kabale, murs rouge sang, musique assemblée de bruits inquiétants, mises à mort d’une beauté poétique hallucinante, Suspiria à défaut d’être terrifiant peut se targuer d’être réellement oppressant.

Comme le Shining de Kubrick , Argento délaisse l’horreur pure pour mettre en scène un conte de fée macabre : une jeune femme pure et seule contre une sorcière et ses sbires dans un palais. Comme Alice , Suzy va côtoyer des personnages étranges et se perdre dans un labyrinthe fantasmagorique.

Escape fom the paradise

Escape fom the paradise

Au delà de l’histoire, Argento sait planter un malaise existentiel qui parle à son spectateur: il oppose la grandiloquence de ses décors à la petitesse de ses acteurs,  la solitude absolue de l’être humain dans un univers trop grand pour lui : les meurtres se déroulent après tout dans des lieux publics où les victimes ne peuvent compter sur personne. Dès sa sortie d’aéroport, la violence se déchaîne contre la douce Suzy littéralement noyée sous une pluie torrentielle qui ouvre et clôt le film.

Enfin, Argento avec ses rideaux volants, ses portes coulissantes, ses passages secrets joue sur la différence ténue entre la réalité et l’illusion. Si Suspiria alterne entre scène diurnes et nocturnes, le jour n’est nullement un espace de repos, mais le prélude de l’horreur à venir. Lynch saura s’en rappeler au moment de Blue Velvet et plus particulièrement pour le décor de la « Waiting Room » de Twin Peaks. Suspiria est enfin un film d’horreur totalement féminin où les hommes ont peu de place.

Voici  un film qui continuera de vous hanter longtemps après son visionnage et qui influencera des productions majeures par la suite : Lynch et Kubrick donc , mais aussi Le labyrinthe de Pan ou Le projet Blairwitch voire Pink Floyd The Wall ! Une horreur élégante confinant au dandysme baudelairien certainement pas à la portée du tâcheron lambda. Côté comics, que ce soient Wolverine and the Xmen, Umbrella Academy ou encore Deadly Class ou Morning Glory, enfin toutes ces histoires d’écoles dirigées par des psychopathes prêts à tuer leurs élèves, toutes donc ont un lien de parenté avec Suspiria !

Quant à la musique de Goblin lugubre et inquiétante, elle sera remise au goût du jour par le dandy gothique Marilyn Manson en intro de ses concerts. Et 90 % des clips à l’esthétisme raffinée de Fiora Sigismondi lui paieront leur tribut.  Un incontournable de la culture geek.

Quelle ambiance !

Quelle ambiance !

24 comments

  • Matt  

    Je crois que je ne suis pas fan de Argento en général. J’ai vu quelques uns de ces films récemment et…ça prend pas. Je ne dirais pas que c’est nul mais ça prend pas quoi.
    Son utilisation de la musique me laisse perplexe aussi. Du Iron Maiden dans des scènes lentes d’ambiance dans Phenomena…non, quoi, ça colle pas du tout. Alors les fans de Iron Maiden vont surement dire que c’est Iron Maiden alors c’est forcément bien et que ça change de mettre des musiques qui ne collent volontairement pas aux scènes…mais moi je dis juste que j’aime pas^^
    Et je n’aime pas vraiment Suspiria non plus.

  • Eddy Vanleffe....  

    Sur Phénoména, la musique metal qu’ils ont foutu, c’est merdique.
    Ca colle pas du tout comme tu dis et puis quoi, depuis quand tu te lèves de ton fauteuil dans un film d’horreur pour headbanger?
    Suspira a super vieilli, mais les scènes me restent en mémoire à vie.
    POur Tornado, je crois que le seul film de Argento qui pourrait plaire, c’est PROFONDO ROSSO.

    j’ai rien compris à Inferno, non plus… 🙂

  • Tornado  

    Je viens de le revoir. J’ai enfin réussi à aimer ce film !
    Le fait d’avoir enchainé les gialli et notamment les autres films d’Argento, en particulier en me repassant PROFONDO ROSSO juste avant, m’a permis de saisir une forme de continuité. Pour la première fois, le côté rachitique du récit (qui ne semble intéresser ni le réal, ni les acteurs !) ne m’a pas empêché de me glisser dans l’atmosphère du film. Et apparemment, en revoyant d’autres films d’Argento récemment, j’ai fini par m’habituer aux Goblin. Faut dire aussi que je l’ai revu dans la copie restaurée en HD et, ma foi, c’est quand même un très gros plus !
    Reste quelques kitsheries (le sang fluo, le chien, la chauve-souris, la voix de la sorcière…), mais pas plus que pour un autre film de l’époque.
    Je vais aussi retenter INFERNO. Vais-je enfin y comprendre quelque chose ? 😅

    Avec Matt, on prépare une nouvelle série d’articles sur le giallo pour le blog C.A.P. Cette fois en team-up (je n’ai pas participé aux trois articles qui sont ici). Il n’y aura pas SUSPIRIA parce que ce n’est pas un giallo. Mais du coup je me suis occupé des 5 gialli réalisés par Argento entre 1970 et 1982.

  • Bruno. :)  

    Mon ex était tout heureux de me le faire découvrir, il y a des années de ça…
    Mais j’avoue être complètement passé à côté. Bon, le sang, même rouge groseille, j’apprécie moyen de le voir répandu à seaux, déjà ; mais c’est surtout la « transparence » des personnages qui m’a laissé sur le carreau, Jessica Harper en tête, perpétuellement hagarde et désemparée, et un peu crispante, pour le coup. Le twist est infantilement traité (clairement bâclé : tout le monde s’en fiche), prétexte super léger aux mises en scène théâtrales des spectaculaires épouvantes, pleines de couleurs, de Dario Argento ; et si outrées dans leur traitement esthétiquement artificiel, qu’elles suffisent sans doute à justifier l’existence de ce film ; œuvre un peu à part du cinéma Fantastique.
    Je comprends bien qu’un visionnage plus « culturel » de la chose (la compréhension des symboles et/ou des hommages qui, d’après ce qui est dit dans les commentaires, parsèment le long métrage) valide aussi, ainsi, la démonstration artistique ; mais, n’étant pas du tout sensible à cet argument-là, au delà du simple clin d’œil anecdotique, ça ne me suffit pas pour fonctionner.
    Je m’étais aussi ennuyé devant Phenomena, malgré l’approche d’avantage S.F. -infantile, là aussi- de l’intrigue (et la présence de Jennifer Connely, qui incarne à elle-seule toute la sensibilité esthétique qu’on peut espérer trouver dans ce genre de film « d’auteur » !).
    Peut-être que, à l’occasion, je réessayerais.

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