Avengers – Time runs out 4 par Jonathan Hickman et collectif
AUTEUR : PRÉSENCE
VO : Marvel
VF : Panini
Pendant ce temps là – Depuis Avengers 1 et New Avengers 1, il s’est passé énormément de choses dans ces 2 séries qui cumulent un total d’environ 80 épisodes, sans compter la minisérie Infinity (6 épisodes), en 2 ans (2013/2015).
Jonathan Hickman a intégré des personnages du New Universe (Star Brand et Nightmask) et les Spaceknights (dont Rom est le plus célèbre représentant, mais absent pour cause de droits de propriété intellectuelle bloqués).
Hickman a envoyé Steve Rogers à la fin des temps. Il a intégré les Fantastic Four dans l’intrigue, ainsi que le corps des Captain Britain et Otherworld. Il a remis Thanos en vedette dans Infinity (pour cause de célébrité accrue dans le film Avengers). Il a également intégré les gemmes de l’Infini (voir Infinity Gauntlet) et des voyages dans des Terres parallèles.
Avec élégance, il a réussi à éviter de participer aux crossovers Original Sin et Axis.
Ce scénariste a développé de nombreux personnages entièrement nouveaux, les Black Swans, mais aussi le Cull Obsidian (groupe d’individus peu fréquentables gravitant autour de Thanos). Il a intégré tant et plus de personnages Marvel : les Inhumans, le Squadron Supreme (= Justice League déguisée), le Wakanda, les Superadaptoïdes, les Ultimates, etc. Le récit met en scène une distribution d’une bonne soixantaine de personnages Marvel issus de tout horizon. L’histoire globale repose sur 2 constats : la cohésion du multivers Marvel se dégrade, et des Terres parallèles essayent de prendre la place de la Terre principal (numérotée 616), phénomène qualifié d’Incursion. Tout ceci semble être lié à l’activité des Jardiniers (gardeners), des Tuteurs (caretakers), et des Constructeurs (builders = ingénieur + créateur/architecte).
En fonction de la sensibilité du lecteur et de sa connaissance de du multivers partagé Marvel et de son historique sur plusieurs décennies, le lecteur est soit perdu (= salmigondis baignant dans un sabir impénatrable), ou au contraire une intégration osée de la facettes connues ou méconnues de ce multivers foisonnant (un rêve humide de fan transi, dans un mouvement expansionniste sans fin).
Time runs out 4 –
Ce tome comprend les épisodes 43 et 44 de la série Avengers, ainsi que les épisodes 31 à 33 de la série New Avengers. Ceux sont les derniers épisodes de ces 2 séries, initialement parus en 2015, tous écrits par Jonathan Hickman. Le récit continue dans Secret Wars, également écrit par Jonathan Hickman, avec des dessins d’Esad Ribic
New Avengers – Épisode 31 (dessins et encrage de Kev Walker) – À la tête des Black Priests, Doctor Strange a réussi à remonter la piste des Black Swans, jusqu’à atteindre Rabum Alal. Épisode 32 (dessins et encrage de Mike Deodato) – Thor, Hyperion, Nightmask et Star Brand font face à une première apparition des Beyonders. Épisode 33 (dessins et encrage de Mike Deodato) – Doctor Doom (Victor von Doom) et Molecule Man (Owen Reece) ont une longue discussion. En parallèle, l’histoire des Black Swans est révélée.
Avengers – Épisode 43 (dessins et encrage de Kev Walker) – Les Avengers doivent décider du sort de Tony Stark. Gladiator (Kallark) annonce aux terriens que l’armada extraterrestre s’apprête à détruire la Terre dans l’heure qui suit. Épisode 43 (dessins et encrage de Stefano Caselli, avec Kev Walker) – Tout finit comme cela a commencé : par une franche discussion entre Steve Rogers et Tony Stark.
Le premier épisode sert à ramener l’un des Avengers à découvrir l’identité d’un acteur découvert dans les derniers stades de l’intrigue : Rabum Alal. Ainsi le scénariste connecte ensemble ce personnage, un élément des Avengers, et les Black Swans. Le deuxième épisode introduit les Beyonders. Le troisième explique le rôle d’Owen Reece. Les 2 derniers précipitent les événements vers Secret Wars.
Ainsi tous ces épisodes servent la Grande Intrigue pour amener tout ce joli monde vers le crossover 2015. Comme dans les tomes précédents, les artistes ont fort à faire pour donner de la consistance à cette intrigue. Ils doivent à la fois savoir concevoir des mises en scène visuelles pour les passages d’exposition sous forme de dialogue, et donner forme aux concepts échevelés du scénario, sans compter les affrontements physiques (qui font partie de l’ordinaire des comics de superhéros). Globalement ils s’en sortent tous bien, chacun avec leurs points forts, et leurs particularités.
Kev Walker impressionne le lecteur par la clarté de ses cases, la qualité des costumes (les détails sur ceux des Prêtres Noirs), l’ampleur de l’armada de vaisseaux extraterrestres et leurs détails, la consistance des décors, ou encore le rythme visuel qu’il sait donner à chaque séquence. Comme dans les tomes précédents, il persiste à donner des visages juvéniles aux personnages, ainsi que des expressions exagérées (les visages étonnés font grincer des dents par la fausseté de l’expression).
Mike Deodato donne à voir une réalité plus noire que celle de Kev Walker, plus en phase avec le ton solennel et dramatique du scénario. Les 2 épisodes qu’il dessine lui permettent de s’économiser sur les décors (dans l’espace, ou dans des zones désertiques), par contre il fournit un effort plus important pour donner une forme visuelle aux concepts exposés.
Pour le dernier épisode, Stefano Caselli (et Kev Walker) réalise du comics de superhéros traditionnel, avec des visages à nouveau un peu juvéniles. Par contre il excelle à rendre compte de l’ampleur des séquences, qu’il s’agisse de l’armada extraterrestre ou des scènes de destruction.
Pour être complet, il faut mentionner l’incroyable consistance de la prestation de Frank Martin, le metteur en couleurs. Il aurait mérité que son nom figure sur la couverture, tellement son travail participe à donner du volume et de la consistance à chaque épisode, quel que soit le dessinateur. Son apport est d’autant plus évident que les arrière-plans se vident. Il construit alors des ambiances, voire des impressions de décors, juste par le biais des couleurs. Dans des cases plus denses en information visuelle, son travail permet d’en améliorer la lisibilité, et conserver la même ambiance tout au long d’une même séquence.
Avec cette dernière partie, avant Secret Wars, Jonathan Hickman a tenu son pari d’utiliser les séries Avengers et New Avengers pour le plus grand crossover jamais écrit pour Marvel (de par son ampleur). Il a impliqué des dizaines de personnages, plusieurs pans des diverses mythologies du multivers partagé de l’univers Marvel. Il a ramené des superhéros qui n’avaient plus le droit de cité (ceux du New Universe). Il a bâti une intrigue tentaculaire, dont toutes les pièces s’assemblent, apportant une justification aux comportements étranges (ceux des Black Swans par exemple). De ce point de vue, ce dernier tome achève de manière convaincante et spectaculaire ces 2 séries.
À bien y regarder, le lecteur constate que les échanges entre les personnages évoquent à plusieurs reprises un autre niveau de lecture. Pour commencer, le travail d’Hickman n’a rien de superficiel. Alors qu’il met ici en scène Doctor Doom, le lecteur familier de Marvel constate que le scénariste n’a rien oublié de ce qui le place à part des autres supercriminels. Plutôt que de jouer sur sa qualité de chef d’état (caractéristique souvent employée), il se souvient que Doom est également un praticien des arts occultes, et qu’il dispose d’un outil très particulier (une machine à remonter dans le temps). À l’évidence, ces références pointues aux spécificités des personnages et à leur historique ne peuvent pas être appréciées par tous les lecteurs.
Jonathan Hickman impressionne également par sa compréhension des personnages. Le duel final entre Tony Stark et Steve Rogers apparaît comme un procédé habile pour boucler la boucle, et revenir à la scène d’ouverture du premier épisode de la série Avengers, quand Tony Stark présente sa machine Avengers à Steve Rogers. Mais c’est également l’occasion pour le scénariste de faire émerger un nouveau point de vue sur le caractère irréconciliable des philosophies de vie de ces 2 personnages. Tony Stark a menti et il l’a fait sciemment.
C’est bien joli tout ça, mais ça ne constitue pas une thématique philosophique, ou un point de vue sur la société. Pourtant à plusieurs reprises, le lecteur remarque que les dialogues dépassent le simple niveau de l’échange d’information. Par exemple, dans l’épisode 33 des New Avengers, Doom interpelle Owen Reece, en lui indiquant qu’il le connaît bien, car il connaît son histoire. Ce à quoi Reece répond : « Vous savez ? Que savez-vous exactement ? Des récits rapportés de seconde main qui sont devenus une forme d’origine. Une histoire acceptée qui renferme magiquement tout ce que j’étais et tout ce que vous pensez que je deviendrai ? ». Il y a là une remarque pertinente sur le fait que les relations interpersonnelles se développent à partir de l’image très partielle que l’un se fait de l’autre. À condition d’être attentif, le lecteur peut donc remarquer quelques observations sur la nature humaine.
À un autre niveau, toute cette histoire a commencé avec Reed Richards déclarant aux Illuminati : « Tout meurt« . Dans l’épisode 32 des New Avengers, Nightmask observe que tous les systèmes sont défaillants, qu’ils s’enrayent. Tout au long de ces séries, la fin de toute chose a plané, comme une issue inéluctable (du fait des Incursions). En parallèle, tout au long de la parution de ces épisodes, l’éditeur Marvel a sous-entendu que tout son multivers partagé se dirigeait vers sa fin programmée, débouchant peut-être sur sa réinitialisation totale, à partir de zéro (en termes comics, un reboot).
Avec ce contexte en tête, le lecteur regarde différemment ce récit qui s’achemine vers l’extinction potentielle des superhéros Marvel (du moins sous cette forme). Lorsqu’il voit apparaître les Beyonders qui déclarent avoir le pouvoir d’anéantir les réalités, il y voit à la fois les responsables éditoriaux (qui peuvent décider du sort d’un personnage, et l’imposer à un scénariste), mais aussi les lecteurs dont les goûts (au travers des achats) peuvent décider de la vie et de la mort d’une série. Ce niveau de lecture est renforcé par un Beyonder déclarant à Hyperion : « je crée les étoiles, je les détruits ». Hyperion étant un superhéros de type solaire, le lecteur comprend que le Beyonder peut le détruire comme il l’a créé, que les étoiles qu’il évoque peuvent s’entendre comme les superhéros Marvel.
Jonathan Hickman a écrit une histoire sur le jugement de valeur de la communauté de lecteur de comics : l’univers Marvel se délite parce qu’il est devenu trop compliqué. Les jardiniers, et autres bâtisseurs n’arrivent plus à assurer la cohérence de ce multivers, comme les scénaristes et les dessinateurs n’arrivent plus à assurer la cohérence de la continuité. Il a transformé cette critique en un concept narratif qui sous-tend son histoire. Les différentes réalités se percutent les unes les autres se détruisant, parce qu’elles sont devenues incompatibles entre elles. L’univers va vers sa destruction ultime, s’écroulant sous son propre poids, et vers une remise à zéro inéluctable (en réalité, seulement la disparition temporaire du multivers Marvel, le temps du crossover Secret Wars 2015). Du coup ce récit crée des résonances pour le lecteur de comics qui y retrouve des préoccupations qui sont les siennes vis-à-vis du multivers Marvel.
Avec cette métaphore en tête, ce tome, encore plus que les précédents, évoque le fait que les lecteurs et les critiques estiment régulièrement que ces superhéros sont usés, que les auteurs les ont vidé de leur substantifique moelle, qu’il n’y a plus rien à en tirer. L’intrigue menant à leur anéantissement devient un métacommentaire sur les médias spécialisés dans les superhéros, qui les déclarent moribonds depuis des décennies, qui ne voient comme unique salut leur effacement, et leur remplacement par des versions plus neuves, plus en phase avec aujourd’hui.
Du coup, le lecteur contemple d’un autre œil, les actions d’Owen Reece, la créature qui se rebelle contre ses créateurs, et Doctor Doom qui énonce leur faiblesse (They are linears, compréhensible uniquement dans le flux de la lecture).
Sous réserve d’accepter ce niveau de lecture, ce dernier tome constitue à la fois une aventure tonitruante, et un regard analytique porté sur la pérennité des héros de papier et leur rapport avec leur public. Jonathan Hickman y incorpore également un paradoxe insoluble. D’un côté, ces 2 séries ne servent que de prélude à la potentielle extinction finale de ce multivers. De l’autre côté, le scénariste repousse les frontières de ce multivers à chaque épisode, en y intégrant de nouveaux personnages (Marvel en a profité pour ressortir des mondes et des héros jamais dépoussiérés, comme Weirdworld, ou Skull the slayer).
Bonjour;
Encore une fois un commentaire très intéressant.
Cet article me donne envie de laisser sa chance à ce tome, jusqu’ici j’ai tout le run de Hickman mais c’est plus par complétisme que par gout car cela fait un petit moment que le monsieur m’a perdu au vu de ses intrigues souvent faussement compliquées.
Tu m’as donné envie de reprendre son run et surtout de lire cette partie pour pouvoir apprécier ces commentaires métha.
Bonne journée.
Merci. Je ne cache pas mon admiration pour les Avengers d’Hickman, depuis le début, et à chaque tome. Je trouve que dans ce dernier tome l’analogie avec le questionnement sur l’usure des héros récurrents et sur la complexité des univers partagé affleure de manière apparente, rendant la métaphore plus compréhensible, et plus savoureuse.
Bon…..je suis emmerdé parce que ton article vend bien le machin. Cela a l’air brillant, cohérent, construit, tissé plein de méta etc. Sauf que malgré ton effort de pédagogie, je n’ai rien compris à cette histoire, tout simplement parce que -peut être- je n’ai pas envie de comprendre. Il est très probable que la prochaine Marvel evolution se fasse sans moi, parce que elle arrive trop tard, que j’en ai ai marre des events, parce que ça n’a rien de sincère, et que les Xmen, la seule série qui me rattachait à Marvel a été exterminée par vous savez qui…..Je ne comprends rien à ce Secret War, et en voyant les centaines de déclinaisons, je n’ai pas envie de me coller des terres alternatives, des milliers de Spider-man, non ça me rebute… Tout comme l’annonce de Civil War 2, comme évolution on repassera…. Comme cette couverture où Tony Stark affronte-encore- Steve Rogers.
Donc chers lecteurs, il est très peu probable que je signe un billet en 2016 made in Marvel (sauf les classiques du vieux gronchon). Par contre, je suivrais avec attention ceux de Présence dont j’admire la ténacité de vieux lecteur capable d’ignorer les multiples doigts d’honneur de cette compagnie à l’égard de son lectorat le plus fidèle depuis des années…..
Ça n’a rien de sincère. – Marvel (et DC) ne sont pas dans le commerce de l’art, ce sont des entreprises qui existent pour fourguer leur camelote, ou plutôt pour dégager du profit, comme n’importe qu’elle entreprise. De ce point e vue, il y a une forme de sincérité à demander aux auteurs de créer des événements artificiels, construits pour augmenter les chiffres de vente, en multipliant les séries dérivées éphémères (oui, je suis peut-être un peu cynique).
Du coup, je recherche une forme de sincérité chez le scénariste, ainsi qu’un niveau de compétences certain. Pour moi, Jonathan Hickman est compétent : il connaît sa continuité Marvel, et il sait construire un épisode pour qu’il y ait suspense et superpouvoirs. Il est également sincère dans la mesure où il s’approprie le format (histoire de superhéros) pour développer un commentaire sur l’usure des héros récurrents, et sur les attentes des lecteurs (blasés ou non par un univers partagé hors de contrôle, avec une continuité impossible à tenir).
All new, all different Marvel – Je vais continuer comme le vieux Marvel tout pareil : suivre des auteurs. De ce côté, le départ de Jonathan Hickman et celui de Rick Remender laissent un vide que les équipes créatives à venir ne comblent pas.
Je partage un peu l’avis de Bruce.
Hickman semble inspiré, ça semble bien construit. Mais tout ça me fatigue !
J’ai essayé de plonger dans Marvel Now. J’ai lu le début de Uncanny Avengers. Et pareil, même si je reconnais le talent de Remender, toutes ces intrigues à base de réalités alternatives me fatiguent.
C’est surtout que chaque série « principale » du label Marvel Now joue là dessus. Et sur les voyages dans le temps et les 3000 versions de chaque personnage.
Remender avec Kang et les multiuples réalités, Hickman avec toutes ces réalités alternatives, même Bendis avec ses jeunes X-men d’une autre réalité etc.
Alors je sais que tout ça, c’est à cause de ce Secret Wars qui joue là dessus, mais voilà j’y comprend rien et ça ne m’intéresse même plus. J’en ai assez de toutes ces intrigues qui font péter la terre et qui détruisent des réalités à chaque fois. On se croirait dans DBZ avec les tonnes de morts, d’explosions de planètes et les résurrections successives.
Les explications fichent mal au crâne et on sent bien qu’on cherche à noyer le poisson pour nous faire croire à n’importe quoi et justifier surtout n’importe quoi. « woah l’univers a rebondi sur un autre et fusionné 3 fois avec un autre futur, mais il y a eu une anomalie dans la 32eme réalité, donc toi t’es ressuscité, et toi t’es resté mort » (je noircis le trait mais vous me suivez)
J’ai déjà râlé à ce sujet, mais ce n’est plus possible de raconter des histoires avec des menaces moins abusées, plus réalistes qui permettent de mettre en avant des persos plutôt que nous noyer dans un bordel sans nom de terres/futurs/univers alternatifs ou inversés ?
Je n’arrive plus à avancer dans la continuité Marvel.
Depuis 4 ans, j’ai rattrapé un gros retard parce que j’en étais resté à de vieux comics et j’ai acheté plein de séries, des bonnes et des moins bonnes. Je suis toujours fan des persos, j’aime Marvel…mais là je n’arrive plus à avancer depuis ce fameux AvX (bon à part une série Black Widow assez déconnectée de la continuité).
Dans un sens, ça me fait chier parce qu’on finit par être accro et on s’imagine qu’on va rater plein de bonnes choses…mais bon…ma bibliothèque n’est pas dédiée à Marvel non plus et faut faire des choix. Là j’ai essayé, mais ça m’a fatigué. Et plus ça va, moins je reconnais les persos qui me plaisaient depuis des années (caractérisation super fluctuante, équipes improbables, versions alternatives qui viennent remplacer les classiques etc) Donc à force on se dit « à quoi bon continuer ? » Autant chérir les anciennes histoires qui nous plaisent et/ou attendre leur réédition.
Bonsoir Matt,
Je trouve qu’il y a une certaine logique pour Remender et Hickman de concevoir des défis à la hauteur des capacités des équipes qu’ils mettent en scène. L’un comme l’autre m’ont épaté par leur manière de contourner le cadre rigide et castrateur de la continuité 616, en sortant tout simplement du cadre par le biais des réalités alternatives et des futurs potentiels.
J’apprécie également que Marvel conserve quelques séries (beaucoup moins nombreuses) à hauteur de personnage, avec moins de crossover, et plus de caractérisation, comme Black Widow d’Edmondson, ou Iron Fist de Kaare Andrews, Hawkeye de Fraction & Aja. J’ai été moins convaincu par She-Hulk de soule, et carrément déçu par Howard the Duck de Zdarsky.
Je comprends qu’on apprécie. Tu mets très bien en valeur les aspects intéressants de ces séries.
Je dis juste que moi ça me fatigue.
C’est peut être le côté « too much »
Oui les réalités alternatives permettent de se lâcher. Mais en comparaison, j’ai préféré Remender dans Uncanny X-force où il fait voyager X-force dans l’ère d’apocalypse et ou il s’amuse à faire mourir, évoluer des persos. Dans son uncanny Avengers j’ai trouvé ça « too much » par contre. Trop de futurs. Au point que ça file mal à la tête, et où tout semble trop exagéré. Trop de personnages aussi du coup avec les versions alternatives.
Après ma lassitude vient peut être du fait que justement chacune des séries principales s’amuse avec ces réalités. ça fait trop. On ne trouve rien à hauteur de personnage comme tu dis. Oui tu cites Black Widow ou Iron Fist. Mais faut avouer que ce sont des héros de second rang. J’entends par là que j’aurais aimé des histoires à hauteur de personnage avec les personnages bankables. Pourquoi pas ?
ça me donne cette désagréable impression qu’il faut toujours faire plus, aller toujours plus loin dans le plus gros bordel possible avec des menaces toujours plus immenses, des méchants toujours plus puissants. Comme si le lecteur était blasé des choses plus simples et parfois plus intimistes qui laissent plus de place aux personnages. En gros si on aime les persos bankables, faut accepter qu’on ne verra que des séries comparables à des blockbusters hollywoodiens avec eux ?
Je comprends le besoin de menaces sérieuses, mais on a tendance à oublier qu’une « simple » guerre entre 2 peuples par exemple, ça peut être une sacrée menace. Sans avoir besoin d’explosions d’univers entiers.
Pour moi, le run cosmique d’Abnett et Lanning est un modèle dans le genre grand spectacle qui trouve un bon équilibre entre l’ampleur des menaces et le développement des personnages au sein de chaque équipe. Et mis à part le dernier arc avec le Cancerverse qui envahit le notre, ce ne sont « que » des guerres cosmiques qui ne menacent pas la création tout entière à chaque fois.
Re-bonjour Matt,
je comprends ton propos. Je pourrais m’amuser à citer encore un contre-exemple (Daredevil de Mark Waid & Chris Samnee), mais en fait je me rends compte que que ton constat très pertinent ne me dérange pas. En creusant un peu, ça ne me dérange pas que les superhéros Marvel majeurs soient condamnés à la surenchère permanente parce qu’il existe une alternative.
Pour un vieux lecteur de comics comme moi (accro depuis 32 ans), j’ai l’impression de vire un âge d’or des comics. Image Comics et Dark Horse offrent une telle diversité dans l’alternative, que je peux me contenter de choisir de suivre quelques comics de superhéros, sans avoir peur d’être en manque. Tant pis si plusieurs sont sur le même moule de la surenchère parce qu’en fait j’en lis moins, et plus d’indépendants. Je sais par avance qu’Hickman ne s’attachera pas aux caractères des personnages, mais que je serai servi côté action et intrigue sophistiquée. Pour varier les plaisirs, je peux ensuite lire Usagi Yojimbo, Sunstone, Roche Limit, Manifest destiny, BPRD… le choix est sans limite. Au final, c’est pour ça que je n’ai pas trop souffert d’arrêter les X-Men de Bendis.
Superbe article. Pour avoir suivi tes commentaires sur Amazon, celui-ci est particulièrement abouti tel qu’il est remanié et complété par les images.
« En fonction de la sensibilité du lecteur et de sa connaissance de du multivers partagé Marvel et de son historique sur plusieurs décennies, le lecteur est soit perdu (= salmigondis baignant dans un sabir impénatrable), ou au contraire une intégration osée de la facettes connues ou méconnues de ce multivers foisonnant (un rêve humide de fan transi, dans un mouvement expansionniste sans fin) ».
Je fait quant à moi partie de la première catégorie. J’ai essayé de lire ce run impressionnant. Mais j’ai fini par lâcher l’affaire arrivé au prologue à « Infinity », et j’ai revendu mes tomes « Avengers & New Avengers Marvel NOW » dans la foulée.
Je tenterai peut-être encore de lire la totalité de cette saga, mais je n’achèterai plus les tomes.
Je reste très impressionné par l’ampleur de la saga et l’ambition abyssale du scénariste, qui abat ici un travail conceptuel sans précédent, tellement colossal qu’il en devient vertigineux.
La toile de fond telle qu’elle apparait dans cet article est monumentale et passionnante, en phase totale avec notre temps et ce que les lecteurs exigeants attendent de leurs lectures (plus que de la baston entre des mecs en slip).
Maintenant, je n’adhère pas du tout à la FORME choisie…
J’ai subi une véritable torture en lisant ces épisodes pré-Infinity. Hickman se la joue à présent « Grant Morrison » en balançant des intrigues hyper-compressées qui sont disloquées et qui finissent par former un puzzle cubiste, où chaque élément ne s’enchaine pas avec le précédent, à charge du lecteur de tout rassembler à la fin.
Je n’ai pas du tout accroché avec le style narratif aussi à cause des scènes d’actions qui s’accumulent uniquement pour balancer de l’action, jusqu’à la nausée, ainsi que les notes d’humour que j’ai trouvé lourdingues, et qui sont amenées également pour remplir un cahier des charges (Action + humour = large public).
Enfin, je n’ai pas du tout apprécié le manque de consistances des personnages. A force de trop en mettre, Hickman a accumulé les enveloppes creuses. Et toutes les scènes où il essaie de faire exister tous ces surhommes (il n’y plus autre chose que des surhommes à présent dans l’univers Marvel ?) amènent en définitive un remède pire que le mal, car, au même titre que l’action et l’humour, tout est factice. Car en définitive Hickman n’arrive pas à tout faire.
Certains lecteurs ont trouvé que les personnages existaient, et je ne suis pas d’accord. Certains ont également apprécié les notes d’humour, je les ai trouvé ratées. D’autres, enfin, adorent les bastons et, quoiqu’il en soit, seront toujours content de lire des bastons. Mons avis est donc strictement personnel et subjectif…
Chapeau en tout cas pour cette analyse presque aussi vertigineuse que le contenu de cette saga ambitieuse, dont le développement très particulier n’aura pas réussi à faire l’unanimité.
Merci beaucoup pour cette longue réponse.
Intrigue bourrée de personnages inconnus, ou intégration exceptionnelle – Je dois te remercier pour m’avoir fait observer que ces épisodes ne sont pas accessibles au commun des mortels, qu’ils ne sont auto-contenus qu’en surface, et qu’en réalité il faut une connaissance étendue de l’univers partagé Marvel pour pouvoir les comprendre (je ne sais si cette connaissance étendue est nécessaire pour les apprécier).
Toile de fond en phase avec son temps – C’est saisissant quand on arrive au moment où on se rend compte qu’Hickman parle en fait de la question de fond : recommencer à zéro ou pas, assurer une cohérence dans un univers partagé trop étendu, respecter une continuité vieille de plus de 50 ans. Il adresse de front la question des attentes du lecteur.
Intrigues hyper-compressées – Pour le coup j’apprécie qu’il y ait quelque chose à lire en 20 pages, plutôt qu’une décompression étirant les affrontements physiques dépourvus de sens pour remplir des pages.
Manque de consistance des personnages – Je pourrais toujours essayer d’argumenter contre ce point de vue, j’aurais du mal à être convaincant. Au vu de la distribution pléthorique, même avec beaucoup de mauvaise foi, il n’est pas possible de prétendre que les personnages sont très développés, même pas la moitié, même pas le quart, 2 ou 3 au maximum. Hickman se repose sur le fait qu’il s’agit de personnages récurrents pour bénéficier de leur personnalité sous-entendues, et de procéder par ellipses (pour être gentil). J’ai quand même trouvé qu’il arrivait à renouveler le point de vue relatif à des relations bien établies comme celle entre Steve Rogers et Tony Stark.
Une belle mise en perspective… Mais je réalise que j’ai pas mal décroché de l’univers Marvel. Le dernier event que j’ai à peu près suivi doit être Siege…
Mais qui sait, peut-être tomberais-je dessus un jour en médiathèque ? (mais il faudrait alors que je dégage du temps pour une session de lecture marathon…)
J’ai un certain attachement pour cet univers et un scénariste respectueux de toute cette continuité m’intéresse davantage qu’un type bordélique comme Bendis.
L’exemple de dialogue entre Molecule Man et Doom que tu donnes s’applique certes aux relations inter-personnelles mais j’y vois aussi un meta-commentaire de l’auteur sur la propension des fans à enfermer les personnages dans des rôles/schémas bien définis, les empêchant ainsi d’évoluer…
C’est un peu l’impasse des histoires de super-héros au long cours. On leur demande d’évoluer, mais en fait pas trop et finalement ils tournent en rond. La seule niche qu’il reste serait à mon sens d’utiliser un personnage/une série pour explorer des thèmes sans tout baser sur la destinée du personnage (vu que cela sera toujours insignifiant à long terme) mais en respectant son essence. Pas si simple…
Utiliser un personnage/une série pour explorer des thèmes : il me semble que c’est ce qu’à fait Jonathan Hickman avec ces 2 séries Avengers, avec adresse, en incorporant un événement imposé (Infinity).
Je ne suis pas loin de me laisser convaincre par tes arguments, même si encore une fois la logique commerciale de Marvel est ancrée dès le silver-age de Stan Lee. Je dirai simplement ceci: les super héros Marvel me manquent de moins en moins. Tant que les morts ressusciteront et que les events se multiplieront, on pourra écrire la meilleure histoire du monde qu’elle sera annihilée. On pourra développer pendant 15 ans les conséquences de l’identité publique de Matt Murdock, pour tout effacer et lui coller un sidekick, non, je ne veux vraiment pas donner l’impression d’être amer mais plutôt éveillé…
Des histoires comme Civil War ou Original Sin ont sali les héros à jamais. Cyclope est devenu le Phénix noir sans être plus inquiété que ça. Murdock a rasé New YOrk et se ballade impunément. Comme Iron Man. Comme Steve Rogers. Quant à Charles Xavier, il était tellement pourri que personne ne pleure sa mort…Ce que Brubaker, Whedon et Bendis en ont fait, c’est un peu comme si on découvrait que Ghandhi avait violé ses enfants ou que Luther King avait du sang sur les mains….
Et ce changement tant vanté n’est jamais total puisque les héros sont toujours excusés…Les meilleures histoires gâchées…Les runs brillants interrompus par des flatulences comme Axis…
En lisant ta remarque, je viens de me rendre compte que je ne cherche pas à convaincre mais juste à exprimer mon plaisir de lecture, de manière très égoïste. Pour répondre à ta remarque, je reprends un des arguments de Tornado : la personnalité des protagonistes n’a qu’une importance très relative dans cette histoire, ce qui est à double tranchant. Tu ne cours pas le risque de te retrouver face à une trahison de leur personnalité, ou de leur histoire, mais d’un autre côté tu auras bien du mal à t’impliquer pour des individus peu étoffés, et pour des enjeux peut-être trop conceptuels.
Merci beaucoup Présence pour ce formidable article, qui se goupille bien car je viens d’acheter l’absolute Infinity de panini ainsi que les 1ers tomes de avengers et new avengers de Hickman…Je vais à la chasse aux infos depuis plus d’un an pour savoir si je renoue avec l’univers des super-héros…et un gars qui sait ou il va depuis le début (soit plus de deux ans avec un rythme d’épisodes effrénés ) m’a plut. Ca fait peur d’entamer ce gros cycle mais ton article confirme mes impressions même si je sais que je vais en chier au niveau des repères récents (avec le retour de captain(e) universe j’étais ébahi car je me rappelais de cette force cosmique dans un épisode de Spider man des 80’s ou celui-ci se transforme en captain universe le temps d’un épisode) ou le retour de Rocket et Solar des nouveaux mutants bref je suis pas aussi paumé donc….Un immense merci à toi Présence, car tu contribues grandement (tout comme Tornado et Bruce pour d’autres séries) à cette nouvelle lecture !
Bon, je crois que je vais passer alors. Tout ceci me rappelle l’émission Arrêt sur image: un émission de tv qui parlait de TV…..et qui finalement s alimentait de tout ce qu’elle critiquait. Tiens d’ailleurs, Arrêt sur image aurait fait un bon titre adapté à cet article.
@Yuan : welcome back mec
Je trouve cette comparaison avec Arrêt sur images très appropriée : un comics à l’échelle de l’univers partagé Marvel, qui parle des critiques sur ce même univers partagé.
La méthode employée par Tornado semble raisonnable : commencer par un tome ou deux de chaque série (Avengers & New Avengers) pour déterminer sur le mode de narration répond à son attente, avant de signer pour l’intégralité des épisodes.
J’en profite pour te remercier d’avoir intégré tous ces liens, une tâche fastidieuse mais qui souligne de manière concrète la densité de la narration.
Impeccable, comme toujours. Plus qu’impeccable en fait car ton analyse et ta vision des choses, pour un néophyte comme moi, sont totalement savoureuses et profondes. Elles reflètent le monde d’aujourd’hui et le traitement sans respect de ces être de papiers qui sont pourtant des icônes, quasiment de nouveaux dieux. Nous leur insufflons une personnalité, tout comme nous vivons au travers de certaines artistes (acteurs/actrices, réalisateurs/réalisatrices, chanteurs/chanteuses, dessinateurs/dessinatrices, scénaristes, peintres, auteurs etc…) en nous attachant à leur vision ou leur personnalité ou leur credos. En tant que tels, les Jedi et autres super-héros pourraient former une nouvelle religion. D’ailleurs, il y a une dizaine d’années, j’avais été épaté par le recensement australien : comme plus de 10 000 personnes avaient répondu Jedi à la question « Quelle est votre religion ? », elle était entrée dans les statistiques…
Evidemment, je ne lirai sans doute jamais tout ça, ne connaissant pas ma continuité et ayant été totalement refroidi par un magazine mensuel Marvel plutôt récent sur les Avengers où je n’ai strictement rien compris. Alors oui, les nouveaux dessinateurs et nouveaux scénaristes insufflent du renouveau, dans le ton, le dessin, les couleurs moins criardes, mais ils ont également un mal fou à les faire exister en tant que tels sans avoir besoin d’une énorme suspension de crédulité. C’est contradictoire non ?
A mes yeux, tout récit de superhéros nécessite une forte suspension consentie d’incrédulité, parce que quelqu’un qui se fait piquer par une araignée radioactive à zéro probabilité d’obtenir des superpouvoirs. Je pense que cet aspect merveilleux participe pour beaucoup à la puissance d’évasion que j’associe aux comics de superhéros. Je retrouve chez Hickman la liberté de création que j’apprécie également dans les auteurs de science-fiction, s’appuyant aussi sur cette suspension consentie d’incrédulité pour générer des mondes impossibles qui font rêver.
Très franchement, je ne me vois pas recommencer à lire du Marvel de manière régulière. La direction qu’ils choisissent de prendre à la suite de « Secret Wars » étant très exactement celle que je ne voulais pas.
Je me contenterai de guetter d’éventuels one-shots et autres elseworlds (Spiderman NOIR, c’était chouette !). Mais lire des crossover entre « spidermen & girls » et des aventures inspirées par les blockbusters ciné, ça ne me branche pas. mais alors vraiment pas…
Cette direction est surtout celle d’une aristocratie de personnages déconnectée du monde qu’ils protègent. La vie humaine y devient statistique. La représentation des civils et de leur vie absente. Les leçons de vies sociales oblitérées. Il ne reste qu’un club de mecs qui prennent des décisions d’un monde invisible. Quant à la métaphore raciale, c’est un comble, Bendis l’a annihilée pour faire des Xmen, des Fantastiques, des héros solitaires…. des Vengeurs ! L’univers super héroïque a été uniformisé par ce type qui fait la pluie et le mauvais temps chez Marvel depuis 15 ans. Un univers si autocentré que les Super Vilains ont disparu vu que les héros détruisent et tuent plus qu’ils ne l’auraient fait. Chez Walking dead, cela ne me dérange pas cette ambiguïté puisque il s’agit d’une série empêchant tout retour en arrière. Cette position chez Marvel étant impossible, le désintérêt ne peut être que croissant pour un média dont la culture n’a pas toujours été celle du pop corn….
Je ne me sens pas trop concerné par cette continuité dont vous parlez tous vu que ça fait 20ans que j’ai coupé les ponts avec quasi tout l’univers Marvel. Et je m’arrêterai au cycle de Hickman donc ce qui se fera après c’est à dire une remise à zéro de ce qui a été fait par le précèdent auteur ne me gène pas, cela a quasi était toujours ainsi avec Marvel. Mais je comprends grandement le dégout et la résignation que ça inspire, je l’ai ressenti avant, et pour les « historiens » comme vous cela doit être décuplé. Je suis ravi de la lecture du 1er tome des Avengers sachant qu’une énorme saga se prépare derrière, la condition sine qua non pour moi pour me remettre temporairement dans l’univers Marvel.