Starlight par Mark Millar et Goran Parlov
AUTEUR : PRÉSENCE
VO : Image
VF : En attente
Ce tome regroupe les 6 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2014, écrits par Mark Millar, dessinés et encrés par Goran Parlov et mis en couleurs par Ive Svorcina.
Il s’agit d’une histoire complète et indépendante de toute autre.
Il y a 40 ans sur la planète Tantalus, la Reine Attala remercie Duke McQueen d’avoir sauvé le peuple du joug du méchant tyran Typhon. De nos jours sur Terre, Duke McQueen a 65 ans et Joanne son épouse vient de décéder.
À son retour de Tantalus personne ne l’a cru. Ses enfants l’ont pris pour un mythomane. McQueen se retrouve seul, ses enfants le délaissant. Un soir de solitude, avec une pluie battante, il voir arriver un vaisseau spatial devant chez lui. Il en sort un jeune garçon qui s’appelle Krish Moor et qui lui explique qu’il est venu le chercher.
En 2013/2014, Mark Millar lance 4 nouvelles séries avec des dessinateurs de premier plan : Frank Quitely pour Jupiter’s legacy, Duncan Fegredo pour MPH, Dave Gibbons pour The secret service: Kingsman, et donc Goran Parlov pour Starlight.
Le premier épisode est magistral de bout en bout. Mark Millar brode autour de Flash Gordon d’Alex Raymond pour l’histoire de cet américain bon teint qui a vécu des aventures extraordinaires sur une planète lointaine. Millar manie l’ellipse avec dextérité, laissant les images parler d’elles-mêmes. Le lecteur peut alors pleinement apprécier le travail épatant réalisé par Goran Parlov. Il a un peu adouci son trait depuis son travail sur Punisher MAX et Fury MAX.
Dès la première séquence (3 pages sur Tantalus), le lecteur se dit que Parlov s’est inspiré de Moebius (Jean Giraud). Cette impression naît d’abord du choix des couleurs, puis ensuite des formes choisies par Parlov. Son trait n’est pas aussi fin et gracieux que celui de Moebius, mais la filiation est bien là. Parlov dessine des décors plus fournis, et des visages plus marqués.
Chaque image, chaque séquence est parfaite, expressive, présentant les faits avec élégance et efficacité. Parlov réussit à transcrire la bravoure et les décors romantiques de Flash Gordon, en quelques cases, réalisant des images archétypales réveillant les souvenirs du lecteur, ou ouvrant son imagination sur des mondes exotiques, et des hauts faits spectaculaires. Le lecteur termine ce premier épisode charmé par cette narration en état de grâce.
Krish Moor est donc venu chercher Duke McQueen pour le ramener sur Tantalus parce qu’un nouveau tyran Kingfisher y sévit. Le lecteur suit donc cet homme de 65 ans plongé dans des aventures pour lesquelles il a dépassé l’âge.
Au départ, Mark Millar joue le jeu et le montre rater une ou deux interventions physiques du fait d’une forme défaillante. Mais au fil des épisodes, McQueen redevient plus fort, retrouvant une forme d’un homme de 20 ou 25 ans entretenant régulièrement sa forme physique.
Il évite les tirs de pistolet laser avec adresse et souplesse. Il triomphe d’un monstre aquatique sans effort apparent. Le seigneur Kingfisher dirige une armée venue pour soumettre le peuple de Tantalus par la force. Il se montre d’une cruauté systématique, plus qu’il n’est nécessaire pour inspirer la peur au peuple soumis, un peu caricaturale. Il est vraiment très méchant sous son masque.
Malgré ce retour à un schéma narratif plus classique, la lecture reste de bon niveau car Goran Parlov maintient une narration graphique exemplaire. La filiation avec Moebius perdure sans qu’il ne s’agisse de plagiat, avec des moments magiques.
Si le scénario prête une forme physique étonnante à McQueen, Parlov sait donner des expressions de visage à McQueen qui correspondent à son âge, à sa situation de protecteur de Krish Moor, à sa position de symbole de la rébellion.
La narration visuelle fait preuve d’une grande habilité, permettant à Millar de se reposer sur les images. Ainsi quand McQueen pilote le vaisseau de Krish Moor, Parlov réalise un plan fixe sur le poste de pilotage. Il lui suffit d’incliner l’assise du vaisseau pour montrer que McQueen a besoin d’une mise à niveau de ses compétences.
Parlov utilise des cases rectangulaires, avec souvent des cases de la largeur de la page, ce qui donne au lecteur une sensation de grand spectacle. Il utilise toute la largeur de ces cases pour répartir l’information visuelle, proscrivant les cases sans décor avec juste une tête au milieu en train de parler.
Goran Parlov a conçu une civilisation extraterrestre, avec une grande cohérence dans l’architecture, les vêtements, et les vaisseaux (il ne s’agit pas d’un assemblage disparate au gré de sa fantaisie). Il sait insérer des clins d’œil visuels discrets, par exemple la posture de Tilda à la dernière page de l’épisode 3 qui rappelle celle de Han Solo lors de sa première apparition. Les scènes d’action bénéficient d’une chorégraphie simple avec une prise de vue mettant en évidence la logique de déplacements des individus.
Au fil des épisodes, Parlov ne peut faire autrement que de suivre le scénario de Millar, et de mettre en images une aventure qui glisse progressivement vers le moule classique du héros qui triomphe de tous les périls, avec des scènes de bravoure à couper le souffle, et d’une habilité surnaturelle au maniement des armes de tir (couper une corde à plusieurs dizaines de mètres de distance).
Ces séquences dégagent le panache attendu. Néanmoins elles montrent aussi que le récit retrouve le schéma classique du héros triomphant par la force, de l’individu rétablissant à lui tout seul la liberté d’un peuple, de l’américain blanc instaurant les valeurs de courage et de ténacité, la volonté permettant de triompher de tout (et même de s’affranchir des limites physiques venant avec l’âge).
Millar délivre un récit conformiste, et manipule le lecteur pour que dans le dernier épisode il ait oublié la particularité de Duke McQueen (pourtant bien établie dans le premier épisode) : son âge (il refume même le cigare dans le dernier épisode). Au final il reste un récit divertissant, magnifique du point de vue de la narration visuelle, tout public.
Wow, je ne savais pas que Parlov avait adapté son trait pour cette série. On perçoit effectivement une forte influence de Moebius ! Le hic, c’est que je ne suis pas un grand fan de Moebius (shame on me) et que je suis presque allergique à Millar, à cause de son côté prima donna dans les interviews et des facilités scénaristiques dont il use et abuse. Je passe donc mon tour sans trop de regrets.
J’attendrai le retour de Parlov sur la mini-série du Punisher au Vietnam, en espérant que Garth Ennis aura trouvé une idée suffisamment forte pour supporter la mini…
Ouf ! Je craignais avoir fini par m’imaginé des ressemblances, à partir de souvenirs trop lointain, concernant la ressemblance de surface entre ces dessins et ceux de Moebius.
C’est Tornado qui m’a convaincu de relire du Mark Millar, et je l’en remercie car ces récits ne pêchent pas par bêtise. Je reste un grand admirateur de ses 2 premières saisons des Ultimates. Par contre, j’ai de plus en plus de mal avec son idéologie racoleuse et creuse. Je viens de finir MPH (encore dessiné par un artiste remarquable, en l’occurrence Duncan Fegredo, et l’entourloupe sur les valeurs capitalistes reste coincée dans ma gorge.
J’ai beaucoup aimé ce récit, que j’ai acheté en comic books mensuels. Cette présentation de Présence rend très bien la qualité de cette aventure, qui est apparemment en cours d’adaptation pour le cinéma. Avec ce type de récit, et certains de ceux proposés par Rick Remender, on retrouve l’esprit des séries d’aventure de légende, celles qui permettaient véritablement de s’abstraire de la vie de tous les jours pour s’embarquer dans un univers tout autre dans lequel on aimerait avoir des aventures ! Evidemment, le rôle des dessinateurs dans de telles réussites n’est nullement à négliger ! A ce titre les « Chrononauts » de Millar et Murphy sont vraiment quelque chose ! C’est le moment ou jamais de revenir sur des jugements négatifs à l’égard de l’écossais…
Je me rends compte que l’argent du cinéma fait beaucoup pour les comics en général, et pour Millar en particulier. Il a les moyens de s’entourer de dessinateurs très talentueux, parmi les meilleurs de la profession.
Mark Millar a développé un mode opératoire des plus efficaces, et très bien pensé : des histoires courtes (entre 4 et 6 épisodes) pour que les artistes ne se sentent pas embarqués dans un projet trop long, un fort potentiel d’option par des studios de cinéma (donc des sommes d’argent très attractives pour ses collaborateurs).
En effet l’influence est manifeste et le graphisme délicieusement rétro… Je vais me pencher sur la question ! Merci de l’info 😉
En ce moment, tous les projets de Mark Millar sont alléchants, car la qualité des artistes tire ses récits vers, et font passer au second plan les facilités scénaristiques qu’évoque JP Nguyen.
Je l’attends avec impatience en VF.
Moi j’adore Millar (quand il se retient un peu sur la provoc et qu’il est juste talentueux, c’est-à-dire cent fois plus que la moyenne). Et Parlov c’est OK aussi.
Quand à l’esprit du récit, c’est tout ce que j’aime, alors…
C’est quand même un peu difficile d’avaler la démagogie de Millar, sans grincer des dents. Ici : un héors blanc et américain de surcroît, faisant triompher le bon droit (enfin le gouvernement, ou plutôt la régence de ses copains) par la force. Je ne suis pas convaincu que Millar partage ce type de conviction politique, et j’y vois plus les facilités qu’évoquent JP Nguyen pour contenter le marché américain (et la potentielle adaptation cinématographique, financièrement très attractive, avec l’effet positif de permettre à Millar d’embaucher, ou plutôt de convaincre des artistes de premier plan de collaborer avec lui).
Le petit souci que je vois dans cette approche de Millar (débaucher les meilleurs artistes et leur faire dessiner un hit potentiellement adaptable au cinoche), c’est toutes les concessions faites au politiquement correct ou à l’impérialisme américain pour être sûr d’intéresser les producteurs. Et bien sûr un découpage « écran-large » pour bien mâcher le boulot et proposer un storyboard aux producteurs manquant d’imagination.
Rick Remender (même si je n’ai pas tout lu de lui, loin de là) me semble beaucoup plus « sincère » dans son approche. Il écrit des comics, sur des sujets/thèmes qui lui tiennent à coeur, pour accoucher d’histoires qu’il portait en lui (les deux exemples qui me viennent en tête sont Fear Agent et Deadly Class).
A mon sens, il y a quand même une grosse différence entre écrire/produire une oeuvre qui potentiellement sera adaptée et réaliser un produit avec, dès le départ, l’idée de la faire adapter…
Dès le premier scan de la planète Tantalus, on ressent effectivement l’influence de Moebius. Et ta référence à l’univers de Flash Gordon achève de faire de moi un futur lecteur. En matière science-fictionnesque du 9ème art, il y a pire parrrains qu’Alex Gordon et Jean Giraud.
Sur les qualités scénaristiques de Mark Millar, je viens de lire Superior qui, au-delà de son potentiel millarocinematographique, est vraiment un bel hommage au Superman de Richard Donner et Christopher Reeve, ainsi qu’une version intelligente de l’acceptation du handicap. Toujours un plaisir de te lire, Présence.
Pour l’instant, je résiste encore à l’envie de lire Superior et Super crooks, parce que je crains que Leinil Francis Yu n’ait fait comme à son habitude : se concentrer uniquement sur les personnages et se désintéresser des décors. Par contre, j’ai déjà acheté MPH dessiné par Duncan Fegredo, et Jupiter’s Legacy dessiné par Frank Quitely.
Tes craintes sont justifiées. Mais qu’importe, Superior mérite une lecture vierge de tout à prioiri.
Oups:-)
Alors, en ne parlant pas de la couverture, dès le premier scan, la filiation avec Moebius m’a sauté aux yeux, et aucun autre scan ne m’a enlevé cette impression. En fait j’ai vraiment l’impression d’un plagiat 🙂 Mais ça a l’air beau.
J’aime bien Millar mais j’ai laissé tomber ses séries, car vous pointez du doigt ses défauts ; une trop grosse envie d’écrire pour le cinéma, ou d’écrire des comics facilement adaptable, et un discours impérialiste que je ne peux cautionner.
Cela dit, avec Quitely pour Jupiter’s Legacy et un clone de Jean Giraud ici, j’aurai presque envie de tenter ces deux séries…