Le Bel âge par Merwan
Un article de BRUCE LIT
1ère publication le 27/01/15 – MAJ le 29/01/22
Le Bel âge est une histoire complète en trois volume écrite et dessinée par Merwan chez Dargaud.
Le Bel âge suit le destin de trois adolescentes que tout sépare : une franco-libanaise déchirée par ses origines ( Leïla ) , une thésarde qui sacrifie sa vie à des études dont elle ne voit pas la fin ( Hélène ) et une jolie franco-vietnamienne qui a peur de l’échec ( Violette ) .
Construit sous forme de courts chapitres individuels qui amène nos amies à se rencontrer et à prendre une coloc’ ensemble, le Bel âge est une chronique douce amère de l’errance adolescente après le lycée .
Aucune souffrance majeure, mais une incertitude angoissante face à cette croisée des chemins où toutes les bifurcations sont possibles : l’envie de profiter de la vie et de ne pas la gâcher en même temps.
C’est ainsi que lecteur ne peut que s’attacher au destin de ces trois jeunes femmes et y trouver des échos aussi bien spécifiques au sexe féminin qu’à l’universalisme de l’être humain. Leïla se fait appeler Lila pour cacher ses origines. Elle a honte de la soumission de sa mère maltraité par son père. Elle revêt alors un masque emprunt de liberté sexuelle pour coucher avec les mecs de ses copines. Traitée de salope et abandonnée par son entourage, Leïla est profondément malheureuse et fait tout ce qu’elle ne veut pas faire. Comme tous les autres filles de Merwan, elle accomplit un chemin initiatique l’amenant à se découvrir, ce qu’elle veut et ce qu’elle ne veut plus.
Hélène pourrait être l’exacte contraire de Lila : issue de Perpignan, elle a fui l’ennui de la province pour se noyer dans ses études auxquelles elle sacrifie sa vie amicale et sexuelle. Elle découvrira progressivement que cette discipline qu’elle s’impose est sa propre soumission à ne pas affronter sa vie.
Enfin, l’adorable Violette qui décide d’abandonner ses études pour mener une vie indolente rythmée par le sexe et les copains. Elle sait au fond d’elle que son destin d’adulte dépendra de ce qu’elle joue et en est terrifiée. Ce trio au caractère aussi bien trempé qu’opposé se retrouve alors sous le même toit.
Merwan décrit avec brio des vignettes de petits riens de la vie quotidienne d’une jeunesse en France ni extravagante, ni atypique. Dans le tome 1 le lecteur les découvre séparement. Le tome 2 présente les joies et les galères de la cohabitation. Le Volume 3, plus conséquent en pagination envoie les trois amies en pèlerinage à la montagne où chacune va être amenée, loin de sa vie et de ses masques, à prendre la décision qui déterminera le reste de leur existence.
C’est vraiment chouette de voir que Terry Moore n’a pas l’apanage du scénariste-dessinateur masculin excellant à trouver la voix de ses caractères féminins au détriment des hommes qui ne semblent guère l’intéresser . . .
Hélène, Violette et Hélène sont faillibles, font de vraies conneries à la fois graves dans le présent et dérisoires sur l’échelle d’une vie. Nos trois amies sont immédiatement attachantes, empathie accentuée par le trait séduisant de l’auteur qui comblera les amateurs de Bastien Vivès, même si Merwan rappelle dans ses interviews qu’il était là avant. Il excelle autant à dessiner l’infiniment petit rendant crédible le souvenir de tous ceux qui ont vécu sous les toits : le rideau séparant la cuisine de la chambre, les corvées de vaisselle, les gâteaux avec bougies fauchées, les petites cafetières italiennes du matin….
Si certains dialogues sonnent parfois un peu plaqués, on se rend compte que Merwan n’est pas un homme de mots. Car finalement l’émotion passe presque à l’insu de ses personnages, de leur attitude et d’un langage corporel élaboré : de la première vignette, où avec l’aide d’un découpage quasi cinématographique, Violette , en larmes dans une voiture, regarde dehors, un lampadaire, ses pieds et son mec avant de le plaquer à l’excursion en montagne où tout sonne juste : l’épuisement mêlé au plaisir d’avoir surmonté un obstacle aussi bien physique que mental, les chaussures ôtées et jetées en vrac pour laisser respirer les panards.
Enfin, Merwan croque des femmes dans le Bel âge : nos amies ne sont ni siliconées, ni ultra sexuées. Mais leur féminisme est irrésistible orné de tenues chaque fois renouvelées, de pyjamas et de sous-vêtements à croquer. Les rondeurs des ventres, des seins et des culs sont sensuels sans être aguicheurs. Les scènes sexuelles sont suggérées et n’humilient jamais nos héroïnes. Il n’y a finalement pas grand chose de ces petits riens de la vie. Juste ressentir.
Ni mièvre , ni snob , ni sitcom façon Hélène et les garçons, ce Bel âge constitue une lecture charmante porté par des femmes adorables et un auteur amoureux que l’on quitte comme un ami que l’on abandonne…
Bd d’une certaine maturité qui donne envie de se laisser tenter. Ton article rappelle qu’il est difficile d’être un homme de mots et d’images. On aurait tendance à l’oublier tant ce blog est plein de contre exemples brillants.
Un article plein de sensibilité qui change des super-héros !
La même histoire avec un trio de mecs serait sympa aussi. Mes années de vie étudiante, importantes dans mon parcours, étaient aussi assez bohême et j’aimerais bien m’y replonger façon BD…
Ma première réaction a été de me demander à celle de quelle jeune femme, ma jeunesse a le plus ressemblé. Puis je me suis rendu compte que je me pose plus la question sur celle de mes enfants dont l’un a obtenu son bac en 2014.
Je me rends compte que je n’ai jamais connu ni la colocation, ni ne peut m’identifier à aucune de nos trois amies. Et pour cause, j’étais vraiment un loup solitaire avec peu d’amis et d’une timidité maladive. Je me sens beaucoup plus heureux maintenant qu’il y a 20 ans. En même temps, cette « traversée du désert » a fait de moi ce que je suis, donc si c’était à refaire….
@Matt, oui le ton de Merwann est le ton juste. J’ai découvert cette série en médiathèque, j’aimais bien les couvertures en split screen et le physiques des héroïnes. Je l’ai offerte à ma belle soeur qui a beaucoup aimé aussi.
@Tornado : C’est ce genre d’article qu’il m’est le plus facile d’écrire, celui du coup de coeur à partager. Malheureusement, et c’est la loi du net, c’est aussi ce genre d’article qui n’attire pas beaucoup les foules….
Non seulement ta chronique rend hommage à cette BD et donne envie d’aller partager le quotidien de ces 3 jeunes femmes, mais en plus tu as le bon goût de trouver un titre référent à la fois à l’autobiographie de J.G Ballard, un auteur dont on ne peut que conseiller la lecture et d’un très beau film de Tavernier avec son compère Noiret. Allez Bruce, t’es pas tout seul, une chronique de pondue c’est 10 copains qui reviennent…
J’ai pensé au film l’auberge espagnol !…..un grand moment de nostalgie……
Oui j’ai pensé au film de Tavernier dont l’affiche m’avait marqué ! Merci Lone de suivre ;). Il m’est arrivé de lire du Ballard ( voir ici ). Son univers m’a d’avantage parlé version papier que chez Cronenberg qui est pourtant un réalisateur que j’apprécie !
@ Prudence, moins glauque que le réalsiateur canadien, L’auberge espagnole propose un univers chaleureux auquel tu as raison de te réfferer. L’avouerai je ? J’aurai adoré rencontrer Violette dans la réalité ! Une franco- vietnamiene ? Miam !!!
Bon, moi j’ai jamais eu de coloc mais j’ai eu un co-turne, ça compte ?
Sinon, la BD a l’air bien mais c’est pas trop ce que je recherche en ce moment, alors je passe…
C’est vrai que cela fait très Bastien Vivès comme trait. Dans le genre, mais avant il y a une très jolie bd en trois tomes qui raconte avant les études la vie d’une ado en quête de soi : https://www.google.fr/search?q=celle+que+je+ne+suis+pas+vanyda&es_sm=119&tbm=isch&tbo=u&source=univ&sa=X&ei=WKvKVICsOYO6UbmcgegC&ved=0CCoQsAQ&biw=1454&bih=929
C’est ressorti sous le titre Valentine en couleur. Mais bon, c’est de Vanyda, qui n’est pas un homme… Et cela fait très manga dans le dessin.
En tout cas tu donnes envie Bruce, j’aime bien ce genre de bd de temps en temps.
Bonjour,
beaux albums, belles histoires. Je les relis toujours avec plaisir. Une période de la vie qui m’intéresse particulièrement.
Merci pour cette mise à jour qui me donne envie de me replonger dans les tracas de la vie de ces trois amies.
Dans un genre similaire, Ce bel âge a son pendant masculin avec LES COLOCATAIRE de Christopher et Sylvain Rumberg.
La vache ! Une personne qui a lu ces albums ?!
Je crois avoir lu LES COLOCATAIRES
J’ai rencontré Christopher à Angoulème il y a des années. Très sympa. Le premier tome en garde la trace graphiquement 🙂 . Christopher c’est plus ligne claire par contre, un peu à l’opposé de Merwan. Cela en fait un traitement graphique différent selon que l’on choisi les filles ou les garçons.
J’ai vu que l’on avait également cité Vanyda, elle est très sympa aussi. J’apprécie particulièrement son oeuvre que je recommande, qu’elle soit scénariste ou dessinatrice ou les deux.
@Tornado : penche toi donc sur LES COLOCATAIRES (la même histoire avec un trio de mecs serait sympa aussi. Mes années de vie étudiante, importantes dans mon parcours, étaient aussi assez bohème et j’aimerais bien m’y replonger façon BD)
« Malheureusement, et c’est la loi du net, c’est aussi ce genre d’article qui n’attire pas beaucoup les foules… »
Je tourne autour de cette série depuis un bon moment et je pense que ton article va me faire sauter le pas.
On n’a pas toujours besoin d’attirer les foules pour avoir un impact. 🙂
Sinon, un peu comme Présence, le sujet m’évoque plus ce qui va advenir à mes deux filles qui grandissent et qui auront bientôt l’âge des personnages que mon propre passé d’étudiant (proche de celui du loup solitaire que tu décris à ton propos).
Si je devais décrire la parentalité en un seul mot, je choisirais le mot inquiétude. 🙂
Condamné à vie à l’inquiétude permanente. Et pourtant, il faut bien les laisser vivre et trouver leur voie.
C’est peut-être aussi pour ça que les adultes aiment tant les fictions sur le passage de l’adolescence à la vie adulte. Pas nécessairement pour retrouver ce qu’ils ont vécu mais aussi pour mieux accepter que leurs enfants le vivront aussi.
Sinon, pour chipoter :
« C’est vraiment chouette de voir que Terry Moore n’a pas l’apanage du scénariste-dessinateur masculin excellant à trouver la voix de ses caractères féminins au détriment des hommes qui ne semblent guère l’intéresser . . . »
J’aime bien la référence à Terry Moore mais Jaime Hernandez et ses Locas, ils sentent le pâté ? 🙂
Une BD qui a l’air charmante.
Laquelle ressemble le plus à la Moi de l’époque ? Sans doute un mélange d’Hélène et de Violette, Hélène avant mes 15 ans, puis Violette et cette fuite de la réalité, de la vie adulte (sans aller jusqu’à abandonner mes études) ensuite.
Je ne suis pas pressée que mes enfants vivent cette époque de doute, de questionnement sur leur avenir…
Ah, et j’ai fait de la collocation… L’une était infirmière, fumait et était très… bavarde, egocentrique, bref, tout ce que je n’aimais pas. L’autre est devenue ma meilleure amie, nous partagions les soirées télé, les cinés, les livres, les voyages… Puis la vie amoureuse est venue tout terminer. Ainsi va la vie…