Interview de Reed Man
Special Guest : Nolino
Organic Comix a fêté ses 30 ans en 2019. Nolino décide de s’entretenir avec son fondateur, Reed Man.
-Bruce
Organic Comix est un éditeur indépendant né à la fin des années 80, très marqué super-héros, avec une philosophie Do It Yourself, toujours présente.
Je me souviens avoir appris l’existence de OC au début des années 90 (je ne sais plus comment ? Un article Fanzine, chez Lug/Semic ou peut être Jean Marie Arnon lors de sa tournée de dédicace de l’odeur des filles ?), mais surtout je me souviens de 1996 avec la sortie de Reptile (v2) en Kiosque et de Lieux Communs de Ivan Brun en Librairies.(En finalisant les recherches pour l’interview, je me suis aperçu que j’avais acheté les 2 Reptile de la V1, mais perdus depuis longtemps avec les Ferraille)
Reed Man peux-tu commencer par te présenter et nous raconter la genèse d‘Organic Comix ?
Je suis né à Epinal en 1968, puis j’ai vécu vers Dijon, jusqu’à mon départ pour Lyon.J’avais été accepté à l’école BD Emile Cohl, mais mon but était d’intégrer l’atelier Semic (Lug), mon objectif depuis mes 8 ans.
J’ai formé un premier groupe (duo) avec mon ami Mutant en 1984 : The News From The Dustbins. Nous avons produits quelques K7 (punk/indus/bruitiste) et un fanzine : l’Insomnie. En 1986, avec Objection et Dead IES, nous formions la label Organic Tapes.
Quand je suis arrivé à Lyon en 1987, j’ai convié mes nouveaux amis à rejoindre NFTD, nous avons fait quelques fanzines laboratoires comme New Comics, New Kartoon, Sphinx… puis nous avons créé Organic Comix.
Qui sont les premiers membres du collectif ?
Comment se sont fait les premières sorties du Fanzine Words from the coffin ? Les moyens de distribution / diffusion ? Combien d’Exemplaires ? (j’ai lu récemment que tu signalais que le 4me numéro était tiré à 300 Ex)
Les premières performances Live ?
RM: Au départ le groupe était composé d’Elodie Ant, Laurent Ambre, Ludovic Adam, Pierre Citron, Ivan Brun et votre serviteur.
Words from the Coffin 1 est sorti l’été 1989, il y a eu 4 n°, mais également d’autres titres : Anus (ni cul, ni porno), Plastik Tales, Défense d’Afficher, les tirages ont attaqué à 50 ex pour monter à 300.
La première performance a été faite quelques mois plus tard à Villeurbanne avec le groupe hard-core Tenia (Ivan Brun au chant). C’était une fresque avec les personnages du label. La première BD live à été faite pour La Festival de la Manche (Annonay) en 1990.
Jean Marie Arnon, rejoint Organic Comix à cette période (vers 1991), comment s’est faite la rencontre, ou vous connaissiez vous déjà d’avant ?
Nous avons rencontré JMA lors du 4e épisode live d’OC. Il a tout de suite branché avec nous. Il a rejoint le groupe pour Words from the Coffin 4 (1990). Depuis nous ne nous sommes jamais perdu de vue.
En 1996 vous sortez 4 numéros du Reptile via MLP, donc accessibles dans tous les points presse de France, ce qui permettra une plus grande visibilité de Organic Comix et des auteurs. Le premier numéro aura même droit à une couverture de Moebius et le second une de Ciro Tota. Les Frais de distribution presse étaient assez élevés, Organic Comix en a t il ressorti une certaine plus-value ? A combien d’exemplaires étaient tirés les 4 numéros ?
Reptile est né en 1994, il y a eu 2 N° (2000 ex). Devant la rudesse de la distribution, nous avons tenté le kiosque en 1996. Reptile était tiré à 10 000 ex. Nous sommes arrivés à retomber sur nos pattes, mais ça a demandé un peu d’argent (travail) à OC live. L’album relié des 4 N°, Ultasaurus a fondu en une semaine (500 ex). Nous avions croisé le fer (pinceau) avec Moebius pour notre 113e BD live, ou il s’était éclaté (vraiment il dansait en bossant) à peindre avec nous. Il nous a offert la couverture de Reptile 1 – Vol 2, avec plaisir.
Après le reptile, il y aura en 1998, The Pact, en partenariat avec le Disjoncteur (Disjoncteur Comics). Comment c’est passé la co-production ?
Le partenariat avec le disjoncteur a-t-il été bon ?
Il était déjà distributeur du Lieux Communs en 1996, et des Requins Marteaux. (j’en garde de très mauvais souvenirs de partenariat pour ma part – jamais eu de retour des 50 ex de Status Oppugnationis qu’il avait)
Guy « Disjoncteur » Buée a été le second coup de foudre d’OC. Nous avons commencé de bosser ensemble en 1996, j’ai intégré Disjoncteur très vite, le must ayant été la sortie de The French Crow en 2001..(Édité par Goutte d’Or *).
Puis, petite disparition des étals et retour en 2002 avec la traduction du Atomics de Mike et Laura Allred. Et l’arrivée de la Fantask Force dans Fantask chez Semic.
Comment ce sont fait les contacts, et la négociation des droits pour la traduction de Atomics? Et, même si tu avais déjà un pied chez Lug/Semic, a-t-il été facile de leur proposer la série Fantask Force (Même avec Jean Yves Mitton en aval)?
J’ai le plus simplement du monde, envoyé nos comics à Mike Allred (avec un virement), et The Atomics (3000 puis 2000 ex) était dans nos cartons (j’ai toujours les 15 épisodes sur CD), les Bérurier Noir ont co-produit les N° 3 et 4.
En 1992 j’ai été intégré à l’atelier Semic, rue Emile Zola. Et suis devenu ami avec Rémy (Bordelet) et Ciro (Tota). J’ai vraiment rencontré Jean-Yves (déjà croisé depuis 1988) à la même période sur un salon BD en performance, il a craqué sur le concept (tout comme André Cheret qui m’a fait part de son envie de participer, qui sait ce que ça aurait donné…).
Il n’y a eu aucun problème pour propose Fantask’ Force chez Semic. La série à été prise de suite. Il faut dire que je connaissais bien la boite.
C’est à cette période 2000-2005 que Organic Comix devient un projet soutenu uniquement par toi, et non plus un esprit collectif (au niveau publication) avec plus de traduction de produits US, et moins d’implication éditoriale de Elodie, Ivan, Thierry …C’est peut être à cette période que O.C. participe plus à la Machine **?
Il y a-t-il eu beaucoup de changement dans les membres du collectif ? Qui en est membre à ce moment (2000-2005)
Le groupe édito est alors composé d’Elodie Ant, JMA et moi. Le groupe perfo d’Elodie Ant, Ivan Brun, Lolanka (et guest).
Les disparitions de O.C. des lieux de vente ne signifie pas que Reed Man soit moins actif, car on te retrouve sur des affiches de concert, pochettes de disque …
Je n’ai jamais arrêté la BD entre la sortie des différents titres, bossant pour d’autres éditeurs. La période 2000/2006 a surtout été consacrée à la couleur, Le Dernier Kamikaze (Soleil), Rahan, Aprides, Forg (Pif) et autres créations (D.A. Bérurier Noir***)…
Nouvelle disparition de Organic Comix, et retour en 2007 avec la relance du titre Strange. Comment se sont passées les négociations pour reprendre / utiliser le titre ?
Legends (Semic) nous distribuait depuis 2002, donc la reprise de Strange s’est faite facilement.
Entre 2007 et 2011 O.C. produira 15 numéros, où après un début plus américain avec de l’inédit du King Jack Kirby et de Tom Scioli, puis la publication de Silver Star comme locomotive/ histoire régulière, on va retrouver au fur et à mesure Chris Malgrain, JY Mitton, JM Arnon, Arden, et toi (avec Jean Depelley aux traductions et François Corteggiani sur l’archer Blanc et le Resistant)
A la suite de Silver Star on retrouvera une suite aux épisodes de The Fly (Archie Comics) de Simon & Kirby, avec l’Araignée bondissante (Spider Spry) en partenariat avec Joe et Jim Simon.
Comment se sont passés les contacts avec Joe, puis Jim, Simon, et cette reprise d’un costume / personnage ?
En mémoire j’ai un chiffre de tirage à 20,000 Exemplaires, combien ont été vendus ?
Pour Joe Simon, ça a été différent. nous avions acheté The Fly auprès de l’éditeur (Archie Comics), qui s’était gardé de prévenir le vénérable. Qui après nous avoir menacé de procès (courant chez les ricains), est devenu un de nos plus grands souteneurs. Joe a aimé les failles (toxico) que j’ai proposé sur Spider Spry. Le pied de faire ça avec le Maître (et tatoué sur mon petit corps), idem pour ShieldMaster. A cette période est arrivé Tanguy Mouchot, petit fils du grand Chott, avec qui nous avons restauré tout Fantax (Parus chez ‘Connaître Chott’ à partir de 2010*).
Le tirage de Strange était de 22 000 ex, nous en vendions entre 5000 et 6000 ex. L’effondrement de Legends a été un coup dur, l’équation était simple, kiosque pour la fabrication et la librairie pour les auteurs.
Suite à Strange, il y a eu des relance de vieux titres: Etranges Aventures et Futura (Anciens titres Aredit) en 2013… puis après un passage à vide, retour en 2016, avec un nouveau logo Lugdunum Comics.
Peux tu nous parler de ce nouveau logo / ligne éditoriale ?
Donc, vu que tout le monde déposait n’importe quoi, nous avons passé le cap de l’INPI et déposé Etranges Aventures et Futura avant qu’ils ne disparaissent chez un autre. Lugdunum Comics est mon auto-entreprise depuis 2013, elle fonctionne à 100 % (pour cause) avec OC.
Aujourd’hui l’aventure Organic Comix continue avec une nouvelle édition du Futura 5 et la sortie d Etranges Aventures 5 (Septembre 2021)
A combien sont tirés ces 2 revues ? Planifies tu tes tirages sur les préventes (ton réseau internet) avec un % pour les librairies à coté ?
Les tirages ont attaqués à 1000 ex (librairie) pour retomber à 200 environ (sans distributeur). Mais nous retirons les titres au fur à mesure, nous venons de refaire Futura 5.
Depuis Strange, nous avons fait 1 Etranges Aventures Pocket, 1 album relié Etranges Aventures (OC + Disjoncteur), Stan Lee’s Alexa, Demain Mars (Mitton), ShieldMaster tome 2, 1 sup’ Héros, 4 Etranges Aventures – Vol 2 (limités à 100 ex avec l’ayant droit de Météor), 10 Futura et 5 Etranges Aventures – Vol 3, seul le 1 à été tiré à 100 ex pour la librairie. Le 5 est en route pour l’imprimerie.
As tu une visibilité sur l’aventure éditoriale de O.C., et sur l’aventure (Event) de O.C. Qui sont les membres aujourd’hui du collectif ? (2021)
D’ailleurs où en sont les prestations ?
Nous poursuivons nos deux titres et espérons un nouveau pour 2022, normalement avec une parution plus régulière.
Organic Comix est toujours composé des mêmes artistes que l’on retrouve depuis une 20e d’années dans nos pages. Les tirages sont modestes (quelques 100e d’ex), mais ça ne nous empêche pas d’avancer.
Les performances sont en stand by, à cause du virus, et pour raisons de santé, mais ça reviendra.
Je tiens à remercier Reed Man pour le temps donné à répondre (alors qu’il est surbooké). Si vous souhaitez compléter votre collection ou commander les nouveautés . Je ne peux que vous conseiller d’aller sur la page Facebook de Lugdunum Comics ou d’envoyer un mail : lugdunumcomics@gmail.com
* Bien que sortis chez d’autres éditeurs : the French Crow, Fantax et autres sont produits par Organic Comix (Maquette, couleurs, lettrage, nettoyage …)
** La machine
*** Extrait du Dessin Animé sur les Béruriers Noir:
La BO de Nolino
Hé ben : quel premier article original et unique ! Bienvenu Nolino.
C’est une totale découverte pour moi, car je n’ai jamais eu une seule publication Organic Comics entre les mains. Cette riche interview me permet de découvrir tout un monde dont je ne soupçonnais même pas l’existence. C’est très inattendu de plonger ainsi dans une aventure à taille humaine, où le DIY et le collectif sont les lignes et les valeurs directrices.
C’est très impressionnant de voir que malgré les grosses machines de production industrielles des comics, ces derniers restent finalement très accessibles à l’individu, avec une couverture de Moebius, ou l’édition de comics de Jack Kirby, les contacts avec Joe Simon.
Merci pour cette interview. Ça me touche beaucoup, juste une micro boulette, dans les couleurs pour Pif Gadget, c’est les Apatrides (Lesparre/Malrain/AntMan).
Nous n’avons pas évoqué Centaur Chronicles, Le Garde Républicain et Original Watts… R________’21.
Organic ComiX, c’est un phénomène éditorial assez particulier, je les ai suivi de manière sporadique puis qu’étant une sorte de dinosaure, j’aime tomber sur les BDs et je n’ai pas l’habitude d’écumer les vente en lignes du coup j’ai pris les Fantask, les 5 premiers Strange (où il y avait GODLAND, c’était bien cool) et puis je les croyait disparus…j’ai vu l’info passer sur l’existence de FUTURA mais…je ne les ai jamais vu en rayon nulle part…
Pour ce qui est du contenu, je trouve ça sympa, mais je ne partage pas non plus cette fascination du vintage et de la quasi « immobilisation temporelle » des épisodes que j’ai lu louchant sur Jack Kirby et les sixties…
Pourtant tout ça m’est éminemment sympathique et dieu sait que j’aurais voulu faire parti de ce genre d’expérience…
quand je vois ce que Michel Fifffe produit et ce que propose Reed Man , j’ai envie de me remettre aux fan-fics… ^^
Tiens, je me demande aussi quels sont les liens qui peuvent exister entre Organic Comix et tout ce qui vient de rivière Blanche, c’est lié ou pas du tout?
Bienvenue Nolino sur le blog et bravo pour ton premier article ! Enfin ici, j’imagine que tu en as fait ailleurs…
Je ne connaissais pas du tout cette organisation, n’ait jamais vu aucune couverture ou pochette ici présentées, mais voir un inédit de Moebius fait chaud à mon petit coeur. C’est la grande classe, toutes ces traductions et ces noms prestigieux.
J’avoue avoir cependant du mal à saisir toutes les occurrences de ce groupe, multipliant les fanzines, magazines, performances, disques. En tout cas maximum respect pour autant de boulot sur tant d’années. Si je tombe dessus, j’en prendrai un pour sûr.
La BO : très jolie reprise d’une belle chanson.