Daredevil volume 3 par Mark Waid et Chris Samnee
VO: Marvel
VF: Panini
« Epiés de toute part » compile les épisodes 11 à 15 de la série DD écrite Mark Waid et dessinée par Chris Samnee. Il s’agit de l’avant dernier épisode du run entamé depuis 2011. Il est indispensable d’avoir lu les histoires dans la continuité pour en saisir la teneur et les enjeux. Jolie maquette et traduction de la part de Panini.
Oh ! comme la vie est cruelle ! D’ailleurs le remarquerez-vous ? Marvel rime avec cruelle….
Votre serviteur n’aura eu de cesse de citer les Uncanny Avengers de Remender et le DD de Waid comme de faibles exceptions culturelles à la médiocrité ambiante de Marvel. On ne va pas ressasser ces arguments répétés depuis trois ans, une éternité dans le monde des Super Héros. Tout est ici, là et là…..
Résumons simplement ces faits : avec le run de Mark Waid et de Chris Samnee, Matt Murdock ne fuit plus la dépression qu’il affronte depuis Born again, les auteurs s’amusant à prendre le contre-pied des réactions que Matt aurait en temps ordinaire : auto-appitoiement, repli sur soi, fausseté de jugement, violence injustifiée, déni.
Le voici donc à San Francisco avec Foggy (dont la mort est simulée pour le protéger de toute attaque) où son identité est connue de tous. Dans cet épisode, il rédige ses mémoires pour empocher 8 millions de dollars. Il renonce également à porter son costume rouge et son masque comme signe de renonciation aux malheurs que ceux ci représentent. Les quelques pages consacrées à la Murdock Attitude sont toujours aussi cocasses.
La nouvelle girlfriend de Matt, Kirsten Mc Duffy, probablement le meilleur personnage qu’il ait pu rencontrer depuis quoi ? 30 ans ?, continue de le charrier, de se moquer de sa prose et de sa tendance à enjoliver ses mémoires.
Pour le reste, on peut se demander quelle mouche (radioactive) a piqué Mark Waid…. A t’il été sommé par Marvel de boucler ses histoires plus vite que prévu ? Est il arrivé au terme de ce qu’il voulait raconter sans savoir comment se dépêtrer ? Ceci, tout en sachant que les limites de l’exercice seront forcément annihilées par Marvel qui au terme de ce travail rendra un costume noir à DD pour coller à la série TV, son identité secrète et un sideckick histoire de parachever le massacre ?
De ce fait, Waid tombe ici dans les pires travers déjà repérés de ci de là depuis le début de son run. Des ennemis inconsistants, des intrigues exotiques sans queue ni tête prétextes à balader notre héros de Charybde en Scylla. Mais, finalement, au vu de l’intelligence des propos de l’auteur à disserter sur la dépression, ceci restait anecdotique…
Ici, ce n’est plus pareil ! Au terme de cette histoire, il ne reste que 3 épisodes pour boucler un travail de 4 ans ! Comment Waid peut être aussi volage ? Sur les 5 histoires de ce volume, 4 ne servent à rien ! Matt affronte pendant 2 épisodes Le Cascadeur dans des histoires complètement idiotes prétexte à voir notre ami conduire moto et bagnole sur le pont de San Francisco….
Il réintroduit ensuite le Hibou et le Suaire sans que la mayonnaise ne prenne. Et alors qu’il est temps de conclure, il amène le personnage de Jubula Pride une vilaine bien fade dont il n’a pas le temps de développer la personnalité et qui fait de la figuration.
En quelques pages, le château de cartes de DD s’écroule en temps réel et laisse le lecteur dubitatif : durant son travail, Waid a toujours sous-entendu que le bonheur de Murdock était faillible et susceptible de choir…mais ici tout semble précipité, brouillon, bâclé. Alors que le lecteur avait à peine pris le temps de rire de l’embourgeoisement de son héros, voici que surgissent des super vilains bien pratiques et ultra doués à pourrir la vie de DD. Les personnages sont alors ballottés dans une avalanche de dramas faisant ressortir les grosses ficelles de Waid envers lesquelles le lecteur était plutôt indulgent (quoi ! Foggy pensait vraiment vivre en mort simulée éternellement ?).
Le dynamisme des dessins de Samnee n’y font rien : ces intrigues de piratages virtuels visant à outter notre héros sont épouvantables, artificielles, dénuées de tout intérêt et laissent augurer du pire….C’est le retour du super héroïsme de bas étage, de vilains aux costumes ridicules, aux motivations puériles et dotés d’une personnalité liquide….Quant à leurs motivations….
Involontairement, Waid crée avec cet arc un suspense insoutenable : va t’il retrouver la grâce qui fit de sa série un run acclamé et récompensé ou conclure abominablement la rédemption de Matt Murdock de manière….déprimante ?
Et bien voilà qui va me conforter dans ma décision de n’avoir jamais rien acheté de cette période et de ce run décidément trop inégal et trop versé dans le comics de base un peu enfantin. Ce n’est définitivement pas ce que je recherche dans mes lectures.
C’est fou comme ton rapport au personnage est passionnel ! Je me demande si j’ai un tel rapport avec un personnage mainstream comme ça. Je ne crois pas en fait.
Je ne suis pas comme JP ou toi. J’accepte que sa personnalité et ses fondamentaux changent. Ça ne me gêne pas. Par contre, j’aime retrouver le décorum ou l’ambiance qui m’a amené là (raison pour laquelle je n’accroche pas du tout avec un « Spiderman 2099 » par exemple).
Bon, il reste encore un volume, sait t’on jamais….
Il me semble que tu entretiens le même rapport avec Batman, non ? Comme je l’ai déjà dit ailleurs, les personnages de BD sont vivants. Ce n’est pas une connerie ! Ces valeurs qu’ils incarnent sont celles qui m’ont construit. Lundi, une femme a été écrasée devant moi par un bus. La première pensée que j’ai eu a été que ferait Matt Murdock ? C’est totalement idiot hein ? A défaut de Super Pouvoirs, j’ai piqué un Sprint pour aller chercher les pompiers à 200 mètres de là. De vrais héros eux….
Et bien non, je n’ai pas cette approche. Batman a-t-il d’ailleurs beaucoup de personnalité en dehors de son aura monolithique ? Paradoxalement, je trouve que Superman/Clark Kent a beaucoup plus d’épaisseur, alors que le héros connait nettement moins de succès aujourd’hui.
Voilà qui est inattendu : l’article commence par un compliment sur le travail de Panini. Serait-ce une première sur le site ?
J’ai beaucoup aimé l’expression « Murdock attitude ». J’apprécie beaucoup les scénaristes qui sont capables d’intégrer une forme d’autodérision.
Le compliment Panini: il convient d’être juste et de reconnaître le beau boulot. RIen n’est gravé dans le marbre, non ? C’est la loi de la crédibilité….
Tu n’as pas lu ces épisodes Présence ?
J’ai zappé ces épisodes et attaqué directement le dernier arc, en VO. Tout cela m’a laissé froid. Pas forcément mauvais, mais pas le DD que j’aime lire.
@Bruce : non ce n’est pas « totalement idiot » de s’inspirer de ces héros de papier. Ce sont des modèles aussi valables sinon plus que des chanteurs, acteurs ou footballeurs…
@Tornado : dans une de ses préfaces écrites pour DKR, Frank Miller brosse en quelques lignes un portrait très marquant de Batman (j’ai la flemme d’aller copier son speech), qui fait ressortir, à mon sens, une vraie personnalité. Mais cela reste une vision du personnage, qui est passé entre moult mains (le blog a d’ailleurs bien illustré « qu’ils lui sont tous passés dessus… »)
J’aime assez l’idée que le héros laisse son costume au vestiaire. A te lire, on sent quand même la pression qu’à Marvel pour rebooter ce personnage et le ramener à sa norme. Un brin de contradiction peut être; )
Disons, qu’il est évident que le personnage ne pouvait plus aller très loin sur la voie Mainstream….donc, dans cette logique, oui, le bouton Reset (in Peace) s’imposait…
Je suis intrigué par le run de Waid, mais comme dit JP et d’après les autres articles que j’ai pu lire ici, c’est très inégal. Je trouve ça plutôt sain de trouver les personnages de papier réels, mais évidemment, avec 50 ans de continuité, c’est bien difficile d’avoir des personnages constants.
Je ne connaissais pas la chanson de Roger Waters, elle me semble anecdotique mais bravo pour l’archéologie !
Roger Waters: il s’agit du premier disque solo co-écrit avec Ron Geesin pour un documentaire TV de l’époque : Music from the Body. Une bizarrerie charmante qui se conclue via cette chanson du Floyd non créditée.
Pour le run de Waid, j’attends de connaître la fin pour me prononcer.